Joël Briand, maître de conférences de mathématiques, a bien voulu nous donner son avis au vue du texte publié par Le Monde. "Le
récent rapport de l’Inspection Générale de mathématiques… note que les résultats des élèves sont assez constants sur une période
de plus d’un demi-siècle à l’entrée du collège alors que celui-ci accueille maintenant tous les élèves. Il y a donc à poursuivre un
travail de mise en ligne des programmes de 2002, en particulier de préciser ce qui y est appelé
«
situations problèmes
»
…
Il est
donc utile de ne pas se focaliser sur les recherches cognitives mais aussi d’interroger les recherches en didactique des
mathématiques… Le milieu des enseignants de l’école primaire a besoin de sérénité, a besoin d’aide pour l’application des
programmes actuels qui sont de qualité".
Le dossier spécial du Café
http://www.cafepedagogique.net/lesdossiers/Pages/maths06_index.aspx
Les billevesées de l'Académie pour G. Vergnaud
"Je trouve bien légère la reprise, dans l'avis de l'Académie, des billevesées concernant les compétences prétendument numériques
des bébés. Ce sont des billevesées parce que la perception par les bébés d'une différence entre deux quantités, voire d'une
inégalité, ne peut pas être considérée comme une conceptualisation du nombre. La reconnaissance de la propriété d'addition est
une condition nécessaire. Les travaux sont nombreux qui donnent un âge plus proche de quatre ou cinq ans (dans le meilleur des
cas et sous certaines conditions) pour les premières compétences proprement numériques des enfants". Gérard Vergnaud, ancien
directeur du Groupement de recherche "Didactique et acquisition des connaissances scientifiques", ne mâche pas ses mots.
Sur le site de J. Nimier, il publie une analyse critique de l'avis remis par la Commission de l'académie des sciences sur
l'enseignement du calcul à l'école primaire. Après bien d'autres scientifiques, sa critique est sévère. "Un peu de réflexion
épistémologique sur la conceptualisation mathématique ne serait pas de trop dans la réflexion du Ministre et de ses conseillers.
Qu'on me comprenne bien ! Je trouve positif que les Académiciens aient répondu au Ministre. En outre plusieurs des points qu'ils
retiennent sont de bon sens, et assortis d'une recommandation de prudence. Je trouve par contre étrange que le Ministre
s'intéresse si peu à la didactique des mathématiques et à la psychologie des apprentissages mathématiques… Faire appel à de
grands savants pour obtenir d'eux un avis n'est pas une démarche déraisonnable, même s'ils n'ont pas toutes les compétences
qu'on leur prête. Ils peuvent eux aussi être victimes de naïvetés, plus dangereuses qu'on ne le pense sans examen… Il est du devoir
du Ministre de se tenir informé et de renoncer au mépris dans lequel il tient les didactiques, les sciences de l'éducation, les IUFM, et
même le savoir d'expérience acquis par les enseignants au cours de leur pratique… Le sens commun est bel et bon, mais
radicalement insuffisant pour penser les phénomènes complexes. Les connaissances scientifiques se construisent aussi contre le
sens commun, et pas seulement en s'appuyant sur lui".
http://perso.orange.fr/jacques.nimier/calcul_vergnaud.htm
Les mathématiciens jugent sévèrement la réforme Robien sur le calcul
La récente prise de position de Robien en faveur de la réforme du calcul à l'école primaire a déjà été analysée sur le site du Café
pédagogique par plusieurs didacticiens des mathématiques qui en ont souligné le caractère rétrograde et dangereux pour les
apprentissages.
L'équipe Educmaths de l'Institut national de recherche pédagogique a eu l'idée de consulter trois mathématiciens de renom sur le
texte émis parla commission de l'Académie des sciences.
Ainsi Guy Brousseau, professeur honoraire des Universités, Médaille Félix Klein 2003 de l'ICMI (International Commission on
Mathematic Instruction), président d'honneur de l'ARDM (Association pour la Recherche en Didactique des Mathématiques) analyse
point par point le texte de la commission. Il s'attarde plus longuement sur le 4ème point, celui qui prévoit le retour des 4 opérations
dès la maternelle.
"Il est le plus discutable. Il peut recevoir des interprétations très diverses. Certaines sont très acceptables et décrivent ce que font la
majorité des enseignants aujourd'hui, d'autres complètement extrêmes sont tout à fait dangereuses. Le public prendra ce texte au
pied de la lettre et s'attendra à voir les enfants poser et
«
calculer
»
mentalement des divisions, dès l'école maternelle. Ce qui ne
peut qu'accroître les malentendus avec les professeurs qui connaissent leur métier. Et conduire les autres à effectuer des dressages
dont nous connaissons bien les méfaits… La lecture de ce texte ne me convainc pas que les mesures qu'il préconise soient une
réponse adéquate aux difficultés rencontrées aujourd'hui dans l'enseignement des mathématiques, ni même que leur action aura
les effets qui sont espérés".
"La déclaration fondatrice sur laquelle s'ouvre l'avis donne un exemple des raisonnements et des évidences sur lesquels il s'appuie
parfois. Elle est formée d'une prémisse explicite composée de deux déclarations :
«
à l'issue du collège et du Lycée, chez filles et
garçons, de nombreuses observations convergentes indiquent une insuffisante maîtrise du calcul
»
et
«
les fondements du calcul se
mettent indiscutablement en place à l'école primaire
»
. La conclusion qui en est tirée est implicite, ce qui la fait tenir d'autant plus
pour évidente : c'est la mise en place du calcul à l'école primaire qu'il faut réformer. Peut-être serait-ce utile, mais sûrement pas à
cause de cette inférence curieuse. En fait les connaissances à la sortie des études dépendent moins de leur toute première initiation
que de l'usage qui en est fait tout au long des études, et de celui qui en sera fait après. Les influences s'exercent aussi bien en
amont qu'en aval. Il faut regarder l'usage réel qui est fait du calcul humain, mental ou
«
à la plume
»
, dans notre société, de ce
qu'en voient les enfants, de l'opinion qu'en ont les professeurs des différents niveaux, de l'attention qu'ils peuvent y porter etc…
L'idée que l'on pourrait enfermer définitivement un apprentissage de bases dans un socle sur lequel on pourrait ensuite développer
des activités intelligentes sans jamais revenir sur ces prérequis est un fantasme récurrent de la didactique spontanée… Associé à
l'usage incontrôlé d'une évaluation, il est un des obstacles majeurs, toujours renaissant aux progrès que proposent la didactique et
l'épistémologie".
Guy Brousseau conclue :"Il y a plus de vingt cinq siècles les mathématiques comme nous les entendons sont nées de la rupture avec
la très ancienne tradition de l'ésotérisme qui permettait à des experts de conseiller les tyrans sans avoir d'autres comptes à rendre
que leurs résultats. La démocratie, naissante elle aussi, avait heureusement d'autres exigences. Nous pourrions nous en inspirer
aujourd'hui en matière de connaissances sur l'enseignement des mathématiques".
Jean-Pierre Kahane, académicien des sciences, ancien président de la Commission de Réflexion sur l'Enseignement des
Mathématiques et membre de la commission qui a émis cet avis contesté à G. de Robien n'est pas fier du résultat. "La galère étant
lancée, il y avait à ramer, en évitant les pires écueils, et en préservant les chances d'une vraie discussion au sein de l'Académie et