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REVUE DE PRESSE coordonné par
le Pr B. Combe
8 | La Lettre du Rhumatologue • No 391 - avril 2013
osseuse, tels les propriétés de la matrice (qualité du collagène, viabilité des ostéo-
cytes, phase minérale, microcracks,etc.), le remodelage osseux, ou encore l’architecture
osseuse. Cette dernière désigne la forme et la géométrie de la pièce osseuse, mais aussi
la microarchitecture au niveau tissulaire. Dans les pathologies chroniques, il semblerait
que la corticale, et tout spécialement la porosité corticale, soit un déterminant majeur
de la résistance osseuse.
J.M. Patsch et son équipe(1) ont utilisé le scanner périphérique à haute résolution (HR-pQCT)
pour évaluer la microarchitecture. Cette technique permet de réaliser, avec une faible
irradiation, une centaine de coupes continues de 82microns d’épaisseur. Après recons-
truction, l’image est celle d’une biopsie osseuse virtuelle du tissu calcifi é où il est possible
de séparer l’os trabéculaire de l’os cortical. En plus, à chaque voxel est attribuée une
propriété physique qui est utilisée pour soumettre virtuellement l’os à des contraintes
mécaniques (modélisation selon la méthode d’analyse en éléments fi nis) et évaluer la
résistance biomécanique de l’os. L’objectif de l’étude était de déterminer s’il existe des
modifi cations de la porosité corticale et de la résistance osseuse chez les patientes dia-
bétiques fracturées.
Méthode
Les auteurs ont recruté dans la région de l’université de San Francisco en Californie
80femmes ménopausées réparties en 4groupes : les témoins saines, les témoins fracturées,
les diabétiques de type II et les diabétiques de type II fracturées. L’antécédent de fracture
devait être prouvé par radiographie. Chacune des participantes a eu une densitométrie
lombaire et fémorale et un HR-pQCT au poignet et au radius. En plus des paramètres
classiques de microarchitecture osseuse obtenus en HR-pQCT, la force de résistance a été
calculée par analyse en éléments fi nis.
Résultats
L’âge moyen des patientes recrutées était de 62ans. Dans les groupes des patientes dia-
bétiques, il n’y avait pas de différence des caractéristiques de base en dehors d’une durée
d’évolution du diabète plus courte chez les femmes non fracturées. Par rapport aux patientes
témoins, les femmes diabétiques avaient, comme attendu, une HbA1c et un indice de masse
corporelle plus élevés. En densitométrie osseuse, aucune des patientes n’avait un T-score
inférieur à − 2,5DS. En revanche, les patientes fracturées avaient une masse osseuse signi-
fi cativement plus basse que les femmes non fracturées (− 9 % à la hanche totale pour les
témoins fracturées par rapport aux témoins saines et − 7 % pour les diabétiques fracturées
par rapport aux diabétiques non fracturées).
En HR-pQCT au tibia ultradistal et distal, les femmes diabétiques fracturées ont des pores
intracorticaux de volume augmenté (respectivement + 52,6 %, p=0,009, et + 95,4 %,
p=0,020), une hausse de leur porosité relative (+ 58,1 %, p=0,005, et + 87,9 %, p=0,011)
et une augmentation de surface osseuse endocorticale (+ 10,9 %, p=0,031, et + 11,5 %,
p =0,019) par rapport aux femmes diabétiques. L’analyse des résultats au radius montre
également des altérations architecturales chez les femmes diabétiques fracturées par rapport
aux femmes diabétiques non fracturées, avec une porosité corticale 4,7fois plus importante
au radius distal (p=0,001) et une hausse du volume des pores intracorticaux en ultradistal
(+ 67,8 %, p=0,018). De plus, la densitométrie volumique corticale au tibia était diminuée
chez les patientes diabétiques fracturées (− 6,8 %, p=0,01). L’analyse en éléments fi nis
montre que la dégradation de la porosité corticale chez les patientes diabétiques fractu-
rées, au radius distal ainsi qu’au tibia distal et ultradistal, se traduit par un retentissement
important sur la résistance et la charge à la rupture de l’os.
C.B. Confavreux (Lyon)
Commentaire
Les résultats de cette étude suggèrent qu’il existe
une altération sévère de la qualité de la corticale
chez les patientes ménopausées diabétiques frac-
turées, ce qui les expose tout particulièrement au
risque de fracture.
Cette étude de J.M. Patsch et al. souligne parfaite-
ment les progrès réalisés dans la compréhension de
l’ostéoporose. On est ainsi passé d’une défi nition
purement densitométrique à une approche quanti-
tative et qualitative du tissu osseux pour expliquer
la résistance biomécanique osseuse. Il est mainte-
nant clair qu’une densité osseuse surfacique modé-
rément abaissée peut cacher en réalité une forte
altération de la résistance osseuse par atteinte de
l’architecture osseuse. C’est le cas dans cette étude
où l’analyse en HR-pQCT a révélé des troubles pro-
fonds de la corticale, à la fois plus poreuse et moins
dense. Pour l’instant, l’utilisation du HR-pQCT reste
du domaine de la recherche et n’est pas accessible
en pratique courante. En revanche, l’utilisation des
caractéristiques morphologiques qu’il procure et
le calcul de la résistance obtenue par analyse des
éléments fi nis sont devenus systématiques dans
l’évaluation des nouveaux médicaments à visée
anti-ostéoporotique. Comprendre l’apport de cette
technique est essentiel à l’heure actuelle.
Référence bibliographique
1. Patsch JM, Burghardt AJ, Yap SP et al. Increased cortical
porosity in type 2 diabetic postmenopausal women with
fragility fractures. J Bone Miner Res 2013;28:313-24.