Tout type de procédures
Tout patient à risque
Tout type de geste
Prophylaxie optionnelle
pour patients non à haut risque
Tout type de geste
Seulement patients
à haut risque
Seulement gestes dentaires
Seulement patients
à haut risque
Aucun geste
Aucun patient
Nice 2008
États-
Unis
2007
Royaume-
Uni
2006
France
2002
États-
Unis
1997
1954
Figure. Évolution des indications d’antibioprophylaxie de l’endocardite
au fil du temps.
4 | La Lettre du Cardiologue • n° 429 - novembre 2009
ÉDITORIAL
Prophylaxie de l’endocardite infectieuse
Infective endocarditis prophylaxis
C. Selton-Suty*
* Service de cardiologie, CHU de Nancy-Brabois, Vandœuvre-lès-Nancy.
C
omme le rappelait récemment un de nos éminents
maîtres, dans un passé encore proche, tout étudiant
qui prescrivait des bêtabloquants à un insuffisant
cardiaque ou qui omettait de mentionner l’antibioprophylaxie
de l’endocardite chez un valvulaire se voyait irrémédiablement
recalé à ses cliniques de fin d’étude ! La médecine évolue et,
notamment en cardiologie, il n’est pas rare d’assister à un
revirement complet des pratiques.
C’est ainsi que, pendant environ 40 ans, l’antibioprophylaxie
de l’endocardite infectieuse a régné en dogme incontestable
sur le monde médical cardiologique et odontologique. Les
différentes sociétés savantes ont très régulièrement mis à
jour leurs recommandations, incluant chaque fois plus de
patients à risque pour plus de procédures à risque, avec une
antibioprophylaxie de plus en plus lourde.
Mais, vers la fin des années 1990, le doute s’est insinué
dans les esprits. Et, à la suite des recommandations fran-
çaises de 2002 (1, 2) qui ont été les premières à revenir sur
ce fameux dogme, les recommandations anglaises (3), puis
américaines (4) prônent actuellement elles aussi un usage
beaucoup plus limité de l’antibioprophylaxie, réservée aux
cardiopathies à très haut risque (prothèses valvulaires, cardio-
pathies congénitales cyanogènes non opérées, antécédent
d’endocardite) lors de gestes dentaires. Parallèlement à cette
marche arrière, l’accent est mis sur l’importance d’une hygiène
bucco-dentaire et cutanée particulièrement rigoureuse chez
tous les patients à risque.
L’ultime pas a été dernièrement franchi par le NICE (National
Institute of Health and Clinical Excellence) [5, 6], équivalent
anglais de la Haute Autorité de Santé, qui a édicté en 2008 ses
recommandations de prévention de l’endocardite. Celles-ci
ne préconisent plus du tout d’antibioprophylaxie, mais, là
encore, insistent sur l’hygiène, sur le traitement adapté de
tout foyer infectieux chez les patients à risque, et sur l’édu-
cation du patient afin qu’il sache reconnaître les premiers
signes de l’endocardite (figure).
Cette marche arrière suscite beaucoup de discussions dans
le monde médical. Ses détracteurs insistent sur l’absence
d’études randomisées, à la base de ces nouvelles recomman-
dations, et mettent en exergue l’innocuité de la prescription
de 3 g d’amoxicilline avant des soins dentaires chez un patient
porteur de cardiopathie à risque.
En effet, le problème de cette volte-face de la prophylaxie
de l’endocardite nous perturbe, car il n’est pas étayé par de
grandes études randomisées ayant abouti à des preuves
intangibles. Ces nouvelles recommandations s’appuient sur
des avis d’experts, qui en réfèrent eux-mêmes à des études
expérimentales et à des études cas-témoins. Ainsi, la propor-
tion d’endocardites théoriquement évitables par l’antibiopro-
phylaxie est très faible, la responsabilité du geste dentaire
est très controversée, et c’est actuellement le concept de
bactériémie cumulée qui prévaut ; enfin, l’efficacité de l’anti-
bioprophylaxie n’a jamais été prouvée chez l’homme. Ces
différents arguments ont été longuement détaillés dans les
différentes recommandations. La mise en œuvre de grandes
études randomisées visant à soutenir ces hypothèses d’experts
serait (sera ?) particulièrement difficile dans un domaine non
pharmacologique…
Dans ce contexte, la place du cardiologue doit évoluer. Du rôle
de grand sorcier qui agite le spectre de l’endocardite et délivre
le “grigri” antibiotique pour l’éviter, il va lui falloir passer au
rôle d’éducateur, à la fois du patient et de son généraliste.