A Quelles chimiothérapies pour quels patients âgés atteints de cancer colorectal ?

La Lettre du Cancérologue Vol. XVII - n° 10 - décembre 2008 | 493
DOSSIER THÉMATIQUE
Quelles chimiothérapies
pour quels patients âgés ?
Quelles chimiothérapies
pour quels patients âgés
atteints de cancer colorectal ?
What chemotherapy for elderly patients
with colorectal cancer?
Élisabeth Carola*
* Unité d’oncologie médicale, UPCOG
Senlis, centre hospitalier général de
Senlis.
GEPOG-France.
A
vec presque 38 000 nouveaux cas par an, le
cancer colorectal se situe au troisième rang
des cancers révélés en France. Son incidence
augmente régulièrement avec l’âge, atteignant plus
de 16 000 nouveaux cas chez les personnes âgées
de 75 ans et plus. La chimiothérapie est une option
thérapeutique recommandée en situation adjuvante
pour les cancers coliques de stade III, et en situation
métastatique dans les cancers coliques et rectaux
avancés.
Récemment, les patients âgés atteints de cancer
colique de stade III recevaient trois fois moins
souvent un traitement adjuvant que les patients
plus jeunes (1).
La prise en charge de cette pathologie, tous aspects
confondus, pose donc un véritable problème de santé
publique.
Les données concernant les patients âgés atteints
de cancer restent très fragmentaires, l’âge ayant été
jusqu’à récemment un des principaux critères d’exclu-
sion des essais thérapeutiques. Alors que deux tiers
des malades atteints de cancer ont plus de 65 ans,
seuls 25 % sont inclus dans les 164 essais menés par
le Southwest Oncology Group entre 1993 et 1996.
Actuellement, l’âge n’est plus que très rarement
un critère d’exclusion des essais thérapeutiques.
La pratique quasi institutionnelle, dans certaines
équipes, de l’évaluation gériatrique standardisée
(EGS) a permis de distinguer l’âge physiologique
de l’âge civil.
L. Balducci a décrit trois catégories de patients
âgés : les patients harmonieux, qui s’apparentent
à la population plus jeune et qui peuvent subir des
traitements standard, les patients intermédiaires, qui
nécessitent une évaluation minutieuse et des trai-
tements adaptés et, enfin, les patients très fragiles
présentant de nombreuses comorbidités et relevant
le plus souvent de soins de confort (2).
Place de la chimiothérapie
en situation adjuvante
Après la chirurgie de la tumeur colique primitive,
l’efficacité de la chimiothérapie a été démontrée
en situation adjuvante pour les tumeurs coliques
de stade III. Plusieurs schémas thérapeutiques de
chimiothérapie sont validés. Ils sont consultables
dans le Thésaurus national de cancérologie digestive
(www.snfge.asso.fr).
Ce traitement doit remplir quatre conditions : il
doit être précoce, spécifique, complet et d’inten-
sité respectée.
Bénéfice acquis avec le traitement
dans les cancers coliques de stade III
chez les patients âgés
La chimiothérapie adjuvante est justifiée chez les
patients opérés d’un cancer du côlon de stade III.
Une analyse des données individuelles relatives aux
patients inclus dans 7 essais prospectifs de phase III
comparant une chimiothérapie à base de 5-FU en
bolus à une chirurgie seule a révélé que la chimio-
thérapie adjuvante était aussi bénéfique chez les
patients de plus de 70 ans que chez les patients plus
jeunes, tant en termes de survie sans récidive (SSR)
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Résumé
Depuis quinze ans, il est avéré légitime de traiter en adjuvant les stades III des cancers colorectaux. Les malades
âgés n’échappent pas à cette recommandation : améliorer la survie de cette population en respectant au mieux
sa qualité de vie est un objectif prioritaire.
En situation avancée, la question d’une monochimiothérapie versus polychimiothérapie reste posée, le traitement
ne pouvant être éludé. L’évaluation gériatrique permettra d’optimiser ce choix thérapeutique.
Mots-clés
Cancer colorectal
Sujets âgés
Chimiothérapie
adjuvante
Chimiothérapie
palliative
Évaluation gériatrique
Highlights
For fifteen years, adjuvant
chemotherapy has been indi-
cated for stage III colorectal
cancer. Elderly patients can
benefit from the treatment
to improve survival while
preserving quality of life. In
advanced situations, the ques-
tion is: the more efficient treat-
ment is it monochemotherapy
or polychemotherapy? Geriatric
assessment could help the
oncologist to choose the best
personalized treatment.
Keywords
Colorectal cancer
Elderly patients
Adjuvant chemotherapy
Palliative chemotherapy
Geriatric assessment
que de survie globale (SG). Cinq cent six malades
(15 % de l’effectif total) avaient plus de 70 ans et
seuls 23 patients avaient plus de 80 ans. La proba-
bilité de décès d’une autre cause, sans récidive de
cancer, était de 2 % au-dessous de 50 ans, et de
13 % au-delà de 70 ans (3).
La chimiothérapie par fluoropyrimidines orales
est aussi une option validée, avec une tolérance
meilleure (sauf pour le syndrome mains-pieds) et
une efficacité au moins aussi bonne que les modu-
lations du 5-FU/ acide folinique i.v., selon une étude
qui a inclus 397 patients âgés de 70 à 75 ans : leurs
résultats ne sont pas différents de ceux des patients
plus jeunes (4).
Actuellement, l’association de 5-FU et d’oxali-
platine est le traitement standard en situation
adjuvante dans le cancer colique de stade III du
sujet jeune (5). Loxaliplatine a été évalué chez les
patients âgés à partir de 4 études randomisées ayant
utilisé le FOLFOX-4 en situation adjuvante ainsi
qu’en première et deuxième lignes métastatiques.
Les auteurs ont colligé les données concernant
3 742 patients, dont 614 étaient âgés de plus de
70 ans. En dehors d’une augmentation modérée
des neutropénies et des thrombopénies de grade 3-4,
il ne semblait pas y avoir de différence entre les
patients âgés de plus de 70 ans et les autres, tant
en termes de toxicité que d’efficacité. Les auteurs
concluent que l’index thérapeutique satisfaisant de
cette association est conservé chez les patients de
plus de 70 ans et que l’âge (du moins l’âge civil) seul
ne doit pas être un facteur limitant son utilisation.
On notera qu’il s’agissait cependant de patients
inclus dans des essais thérapeutiques, donc sélec-
tionnés et non représentatifs des patients âgés dans
leur ensemble : 3 des 4 études analysées excluaient
les patients de plus de 75 ans (6).
Létude anglaise de phase III QUASAR, qui incluait
3 200 patients dont 20 % âgés de plus de 70 ans,
met en doute le bénéfice identique en termes de
risque de récidive et de décès retrouvé par les études
précédemment citées (7).
Les recommandations actuelles ne tiennent pas
compte de l’âge des patients. Elles sont de portée
générale et considèrent que les associations de
chimiothérapies sont le meilleur traitement dans
cette indication.
Aucune étude portant sur les stades II coliques chez
des patients de plus de 75 ans n’est actuellement
en cours.
Toxicité limitante et limitée
Le traitement adjuvant doit être administré selon
un schéma et une posologie recommandés, dans
le respect de la qualité de vie quotidienne. Si l’on
considère l’association FOLFOX comme traite-
ment adjuvant de référence du cancer du côlon de
stade III, les thérapeutes doivent en prévenir les
effets indési rables, en particulier la neuropathie
(12,4 % de grade 3) qui, même si elle régresse le
plus fréquemment à distance de la fin du traitement
(1,1 % de grade 3, 1 an après le traitement), peut être
très invalidante chez une personne âgée présentant
initialement une dépendance physique.
La place des fluoropyrimidines orales comme la
capécitabine dans cette indication soulève princi-
palement le problème de l’observance thérapeutique
à domicile, justifiant, dans une population âgée, une
évaluation des fonctions cognitives et éventuelle-
ment l’organisation de soins à domicile pour le bon
suivi du traitement. Par ailleurs, l’administration de
capécitabine nécessite une fonction rénale conservée
et, donc, une prudence certaine chez les patients
âgés. La toxicité de grade 3-4 hématologique et
digestive est plus rare qu’avec les modulations
5-FU i.v./acide folinique. En revanche, le syndrome
mains-pieds est plus fréquent (4).
Choix de la chimiothérapie adjuvante
En situation adjuvante, la préoccupation essentielle
du praticien est d’améliorer les chances de guérison
des patients en respectant au mieux leur qualité de
vie. Si l’intervention gériatrique améliore la survie,
l’intervention cancérologique est-elle additive chez
les patients âgés ?
Pouvons-nous nous contenter de résultats positifs
mais concernant une population peu représentative
de la population générale âgée ?
La réponse à ces questions se trouve certainement
dans une étude adjuvante spécifique aux sujets
La Lettre du Cancérologue Vol. XVII - n° 10 - décembre 2008 | 495
DOSSIER THÉMATIQUE
âgés dont la mise en place complexe nécessiterait
un partenariat fort entre les groupes de recherche
clinique tournés vers cette thématique.
Quoi qu’il en soit, ces interrogations ne doivent pas
faire perdre aux patients au vieillissement harmo-
nieux (groupe I de L. Balducci) le bénéfice d’un trai-
tement adjuvant. L’évaluation gériatrique simplifiée
ou complète ne peut que nous aider à mieux cibler
les patients pouvant bénéficier des traitements
adjuvants.
Le choix du traitement dépendra des toxicités prévi-
sibles des molécules. La modulation acide folinique/
5-FU i.v., la capécitabine orale ou une association
de type FOLFOX sont les traitements actuellement
référencés.
La place des thérapies ciblées nest pas encore validée
dans cette indication.
Quelles chimiothérapies
en situation métastatique ?
Dans les cancers colorectaux avancés, la chimiothé-
rapie a largement prouvé son intérêt en améliorant
la qualité de vie des patients, en allongeant la SG
et en retardant l’apparition des symptômes liés aux
métastases.
Pourtant, les données épidémiologiques montrent
une fois de plus que les patients âgés reçoivent moins
souvent une chimiothérapie que les patients plus
jeunes (8).
Bénéfices espérés
Chez les patients plus jeunes, l’arrivée des nouveaux
agents cytotoxiques (irinotécan-oxaliplatine) asso-
ciés au 5-FU a permis de presque doubler le taux
de survie, de l’ordre de 2 ans avec ces associations
thérapeutiques.
Les associations du 5-FU avec l’irinotecan ou l’oxa-
liplatine n’ont pas été étudiées dans le cadre d’es-
sais directs de phase III chez les patients âgés, mais
uniquement dans des méta-analyses rétrospectives
ou lors d’études de phase II. Une méta-analyse
récente a comparé les données de quatre essais
randomisés d’irinotecan + 5-FU versus 5-FU seul.
Les résultats en termes de taux de réponse, de survie
sans progression (SSP) et de SG sont comparables,
chez les patients jeunes (moins de 70 ans ; n = 2 092)
et les patients âgés (70 ans ou plus ; n = 599). L’ajout
d’irinotécan au 5-FU améliore significativement la
survie chez les sujets jeunes (hazard-ratio [HR] :
0,83 ; IC
95
: 0,75-0,92 ; p = 0,0003) ; la tendance
va dans le même sens chez les sujets âgés, mais
n’est pas statistiquement significative (9). Lessai de
phase II d’un groupe espagnol a étudié la tolérance
et l’efficacité de la chimiothérapie par FOLFIRI en
première ligne métastatique chez des patients âgés
(âge moyen de 72 ans). Le bénéfice obtenu était
comparable aux résultats des essais réalisés chez des
patients plus jeunes (10) ; le dernier essai français
de phase II conforte ces résultats (11).
Indépendamment des études colligées dans la
méta-analyse évoquée en situation adjuvante,
l’étude OPTIMOX 1 qui, en situation métastatique,
a inclus une cohorte de patients de plus de 75 ans
en bon état général, n’a pas retrouvé de différence
liée à l’âge en termes de SG (20,7 versus 20,2 mois ;
p = 0,15) [12].
Plus récemment, des études évaluant la capécita-
bine ont été publiées. Lessai randomisé de phase III
comparant capécitabine + oxaliplatine à 5-FU +
acide folinique + oxaliplatine en première ligne
métastatique n’a pas montré de différence (13).
J. Feliu et al. ont démontré que l’administration de
capécitabine à des patients de plus de 70 ans, à la
dose de l’AMM (1 250 mg/m
2
x 2/j) – dose dimi-
nuée à 1 000 mg/ m
2
x 2/j pour les patients dont
la clairance de la créatinine était comprise entre
30 et 50 ml/ mn – était faisable et efficace, avec
un contrôle de la maladie pour 67 % des patients
et un bénéfice clinique pour 40 % d’entre eux. Les
données d’une seconde étude du même auteur sont
en faveur de l’association oxaliplatine-capécitabine :
50 patients âgés de plus de 70 ans y recevaient
130 mg/ m2 d’oxaliplatine (J1) et 1 000 mg/ m2 x 2/j de
capécitabine 14 jours consécutifs, traitement repris
toutes les 3 semaines. Les résultats sont aussi favo-
rables, avec un taux de réponse de 36 % et une survie
médiane de 13 mois (14, 15). L’asso ciation capécita-
bine-irinotécan est plus controversée, en particulier
en termes de tolérance : dans l’étude BICC-C (16), la
SSP est de 5,8 mois, versus 7,6 mois pour le FOLFIRI
(p = 0,015). Dans cette étude, 2 sous-groupes ont
été identifiés, les plus et les moins de 70 ans : les
données par sous-groupe sont en attente.
L’association de bévacizumab à la chimiothérapie
améliore encore le taux de réponse. L’étude prin-
ceps de H. Hurwitz ne fait pas état de limite d’âge
pour l’inclusion des patients, mais notons que
l’âge moyen de la population sélectionnée était
de 60 ans (17).
Le cétuximab associé à l’irinotécan en cas de progres-
sion de la maladie malgré la chimiothérapie anté-
rieure a été étudié dans l’essai BOND (18) : une
La Lettre du Cancérologue Vol. XVII - n° 10 - décembre 2008 | 497
DOSSIER THÉMATIQUE
amélioration de la SSP est notée, mais l’effet sur la
SG nest pas, à ce jour, significativement démontré
dans une population de 59 ans d’âge moyen. Une
récente étude de phase II a été publiée, qui porte
spécifiquement sur les sujets âgés de 70 ans et
plus (moyenne d’âge de 76 ans) prétraités ; elle
retrouve un taux de réponse objective à l’associa-
tion cétuximab-irinotécan de 21 % et une médiane
de survie de 15 mois (19). Le cétuximab comme le
récent panitunumab sont recommandés aux patients
ne présentant pas de mutation du gène K-ras.
Respect de la qualité de vie
La toxicité (9) en fonction de l’âge de l’association
irinotécan + 5-FU + acide folinique a également été
comparée à celle du 5-FU + acide folinique. Cinq
cent quatre-vingt-dix-neuf patients avaient 70 ans
ou plus et 2 092 moins de 70 ans. À l’exception de la
diarrhée, significativement plus fréquente, les toxi-
cités ne sont pas différentes selon l’âge. Cependant,
dans le sous-groupe des patients de 75 ans et plus, la
neutropénie est plus fréquente dans les bras 5-FU +
acide folinique (le bolus de 5-FU est-il en cause ?).
De plus, le risque de déshydratation doit être pris
en compte rapidement en cas de toxicité digestive
chez les sujets âgés. L’arrêt du traitement pour toxi-
cité a été plus fréquent chez les patients traités par
CAPIRI que chez ceux traités par FOLFIRI dans l’étude
BICC-C (25,5 % versus 14,5 %) [16], et ce quel que
soit l’âge des patients. Les données concernant le
sous-groupe de patients de plus de 70 ans sont en
attente.
La toxicité de l’oxaliplatine a été rapportée par caté-
gorie d’âge dès 2002 à partir des données concernant
1 408 patients traités par FOLFOX (20) : la toxicité
neurologique n’augmentait pas avec l’âge ; la toxi-
cité médullaire, les mucites et la diarrhée étaient
un peu plus fréquentes chez les patients de plus de
70 ans. L’analyse poolée de 1 496 patients traités
par FOLFOX-4 pour un cancer de stade avancé
confirme ces résultats, avec un taux de neutropénie
de grade 3 ou 4 de 49 % pour les patients âgés versus
43 % pour les plus jeunes, et un taux de thrombo-
pénie de 5 % versus 2 %. En revanche, la survenue de
toxicités digestives ou de neuropathies n’augmente
pas avec l’âge (6).
Le nombre d’événements de grade 3 ou 4 est peu
différent sous CAPOX et sous FOLFOX-4 (13). Par
contre, les toxicités varient selon que la fluoropyri-
midine est utilisée par voie orale ou en perfusion. La
neutropénie est plus fréquente avec le FOLFOX-4
(44 % versus 7 %) alors que le syndrome mains-pieds
et la diarrhée sont plus fréquents avec le CAPOX
(6 % versus 1 % ; 19 % versus 11 %, respectivement),
la neuropathie étant similaire avec les 2 schémas
thérapeutiques. Dans cette grande étude, il n’est
pas signalé d’analyse par sous-groupes en fonction
de l’âge.
Concernant les thérapies ciblées, dans l’étude obser-
vationnelle BRITE, des cohortes de patients sont
traitées par différentes chimiothérapies associées
au bévacizumab, il n’apparaît pas de différence en
termes de toxicités et d’efficacité, que ces traite-
ments soient administrés avant ou après 65 ans,
en dehors du risque thromboembolique, multi-
plié par 2,5 chez les plus de 75 ans (1,6 % chez
les moins de 65 ans versus 3,9 % chez les 75 ans
et plus) [21]. La prescription de bévacizumab doit
rester prudente, en particulier chez les patients âgés
ayant des antécédents d’accident vasculaire cérébral
(AVC) en l’absence de recommandations définitives.
Des études spécifiques, comme, prochainement,
le protocole GERICO 8, paraissent une fois de plus
nécessaires.
Une étude de phase II récemment publiée associe
cétuximab et irinotécan chez des patients prétraités
âgés de 76 ans en moyenne, le rash cutané et la
diarrhée sont retrouvés comme principales toxi-
cités : 11 % de rash de grade 3 et 20 % de diarrhée
grade 3 (19).
Stratégie thérapeutique
en situation avancée
À l’heure des thérapies ciblées proposées en première
ligne, il est important de rappeler que de nombreuses
questions sont encore sans réponse dans la popula-
tion concernée en l’absence de données validées (le
premier essai de phase III portant sur des patients
âgés est en cours [22]) :
Quel traitement privilégier en première ligne, une
monothérapie ou une polychimiothérapie ?
Une pause thérapeutique est-elle possible ?
L’administration du traitement doit-elle être
orale ou i.v. : quel est le choix du patient ?
Les thérapies ciblées peuvent-elles être envisa-
gées chez le sujet âgé en situation métastatique ?
Association d’emblée ou non ?
À l’opposé des polychimiothérapies plus ou moins
combinées à des thérapies ciblées, la monothérapie
a probablement toujours sa place dans la stratégie
thérapeutique du cancer métastatique colorectal.
498 | La Lettre du Cancérologue Vol. XVII - n° 10 - décembre 2008
Cancer colorectal
DOSSIER THÉMATIQUE
Quelles chimiothérapies
pour quels patients âgés ?
Trois études récentes ont comparé une monochi-
miothérapie suivie d’une polychimiothérapie à une
polychimiothérapie d’emblée.
Létude FOCUS compare différentes stratégies : la
stratégie A débute en première ligne par LV5FU2
jusqu’à progression puis irinotécan ; la stratégie B
débute avec le même traitement puis, à progression,
se poursuit par une polychimiothérapie (5-FU + irino-
técan ou 5-FU + oxaliplatine), la stratégie C débute
d’emblée par la polychimiothérapie. Si, en termes
de réponse globale, les associations thérapeutiques
montrent leur supériorité, ce nest pas le cas en
termes de SG. L’étude complémentaire FOCUS II,
portant sur une population de 460 patients dont
plus de la moitié (259 patients) avaient plus de
70 ans confirme les données précédentes : débuter
par l’asso ciation 5-FU ou capécitabine avec l’oxa-
liplatine augmente la réponse globale, accentue la
toxicité, mais n’améliore pas la SG (23, 24).
Dans le cas de l’étude CAIRO, il s’agissait de capé-
citabine suivie d’irinotécan, puis, lors de la progres-
sion, de XELOX ou d’une association capécitabine +
irinotécan suivie de XELOX.
Le HR de l’association comparée à la monothé-
rapie était de 0,92, donc non significatif (25). Enfin,
récemment, la Fédération francophone de cancéro-
logie digestive (FFCD) a présenté, à l’ASCO 2007,
un essai comparant chez 410 patients LV5FU2 puis
FOLFOX-6 à la progression (bras A) à FOLFOX-6
suivi de FOLFIRI (bras B). Aucun décès toxique n’a
été rapporté dans le bras A versus 5 dans le bras B.
La SG médiane est de 17 versus 16 mois pour les
bras A et B, respectivement (26).
H.J. Schmoll et D. Sargent ont analysé les résultats
de ces différentes études. Ils concluent, au vu des
résultats positifs, à l’importance de la polychimio-
thérapie en règle générale dès la première ligne
métastatique, tout particulièrement pour les patients
dont les métastases sont opérables. En revanche,
pour les patients présentant des comorbidités, une
maladie peu agressive, un état général fragile, ils
recommandent de commencer par une monothé-
rapie (27). Les personnes âgées sont à rapprocher
de ce groupe de malades.
Pause thérapeutique
La question de la pause thérapeutique a été posée
dans l’étude OPTIMOX 2, qui a comparé un traite-
ment par 6 cures de FOLFOX puis LV5FU2 simplifié
jusqu’à progression à 6 cures de FOLFOX puis pause
thérapeutique et reprise du traitement à progres-
sion. Les résultats sont comparables en termes de
réponse, mais une tendance à une meilleure survie
pour les patients en traitement continu (médiane
de survie de 36 semaines versus 29 semaines) est
relevée (28).
Létude de R. Labianca a proposé un traitement
(5-FU + irinotécan) séquentiel intermittent, avec
des pauses thérapeutiques programmées de durée
limitée, qui s’est révélé aussi bénéfique que le trai-
tement continu (29).
Le concept de pause thérapeutique reste à étudier
chez les patients âgés bien entendu répondeurs,
en particulier dans les cas de maladie lentement
évolutive.
Préférence du patient
La majorité des patients préfère le traitement par
voie orale, mais que la séquence administrée soit
orale puis intraveineuse ou inversement, les chiffres
sont comparables au terme du traitement : deux tiers
des patients (tous âges confondus) souhaiteraient
recevoir la totalité du traitement par voie orale, et
un tiers par voie i.v. (30).
Faisabilité des thérapies ciblées
La faisabilité d’un traitement par bévacizumab a
été évaluée sur 91 patients âgés de 70 ans et plus.
Trente-quatre pour cent pouvaient en tirer bénéfice.
Le traitement par thérapie ciblée était contre-indiqué
chez 36 % des patients à cause de comorbidités
préexistantes. Enfin, la population restante néces-
sitant au minimum de la prudence, pouvait, au
mieux, être incluse dans un essai thérapeutique de
faisabilité (31).
Quels patients traiter ?
Place de l’évaluation gériatrique
Le patient mourrait-il de son cancer ou du fait de son
grand âge ? Toute la difficulté décisionnelle dans la
prise en charge d’un patient âgé atteint de cancer
métastatique réside dans cette question et la perti-
nence de sa réponse.
Dans la maladie cancéreuse, l’EGS permet une
meilleure appréciation de l’état de santé général
du patient âgé que le performance status (PS) [32].
Cependant, nous ne disposons d’aucune étude rando-
misée prospective évaluant les relations directes
entre l’EGS initiale et la tolérance au traitement, la
qualité de vie et la survie des patients âgés atteints
de cancer.
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