dossier thématique Quelles chimiothérapies pour quels patients âgés ? Quelles chimiothérapies pour quels patients âgés atteints de cancer colorectal ? What chemotherapy for elderly patients with colorectal cancer? Élisabeth Carola* A vec presque 38 000 nouveaux cas par an, le cancer colorectal se situe au troisième rang des cancers révélés en France. Son incidence augmente régulièrement avec l’âge, atteignant plus de 16 000 nouveaux cas chez les personnes âgées de 75 ans et plus. La chimiothérapie est une option thérapeutique recommandée en situation adjuvante pour les cancers coliques de stade III, et en situation métastatique dans les cancers coliques et rectaux avancés. Récemment, les patients âgés atteints de cancer colique de stade III recevaient trois fois moins souvent un traitement adjuvant que les patients plus jeunes (1). La prise en charge de cette pathologie, tous aspects confondus, pose donc un véritable problème de santé publique. Les données concernant les patients âgés atteints de cancer restent très fragmentaires, l’âge ayant été jusqu’à récemment un des principaux critères d’exclusion des essais thérapeutiques. Alors que deux tiers des malades atteints de cancer ont plus de 65 ans, seuls 25 % sont inclus dans les 164 essais menés par le Southwest Oncology Group entre 1993 et 1996. Actuellement, l’âge n’est plus que très rarement un critère d’exclusion des essais thérapeutiques. La pratique quasi institutionnelle, dans certaines équipes, de l’évaluation gériatrique standardisée (EGS) a permis de distinguer l’âge physiologique de l’âge civil. L. Balducci a décrit trois catégories de patients âgés : les patients harmonieux, qui s’apparentent à la population plus jeune et qui peuvent subir des traitements standard, les patients intermédiaires, qui nécessitent une évaluation minutieuse et des traitements adaptés et, enfin, les patients très fragiles présentant de nombreuses comorbidités et relevant le plus souvent de soins de confort (2). Place de la chimiothérapie en situation adjuvante Après la chirurgie de la tumeur colique primitive, l’efficacité de la chimiothérapie a été démontrée en situation adjuvante pour les tumeurs coliques de stade III. Plusieurs schémas thérapeutiques de chimiothérapie sont validés. Ils sont consultables dans le Thésaurus national de cancérologie digestive (www.snfge.asso.fr). Ce traitement doit remplir quatre conditions : il doit être précoce, spécifique, complet et d’intensité respectée. Bénéfice acquis avec le traitement dans les cancers coliques de stade III chez les patients âgés La chimiothérapie adjuvante est justifiée chez les patients opérés d’un cancer du côlon de stade III. Une analyse des données individuelles relatives aux patients inclus dans 7 essais prospectifs de phase III comparant une chimiothérapie à base de 5-FU en bolus à une chirurgie seule a révélé que la chimiothérapie adjuvante était aussi bénéfique chez les patients de plus de 70 ans que chez les patients plus jeunes, tant en termes de survie sans récidive (SSR) *Unitéd’oncologiemédicale,UPCOG Senlis, centre hospitalier général de Senlis. GEPOG-France. La Lettre du Cancérologue • Vol. XVII - n° 10 - décembre 2008 | 493 Résumé Mots-clés Cancer colorectal Sujets âgés Chimiothérapie adjuvante Chimiothérapie palliative Évaluation gériatrique Highlights For fifteen years, adjuvant chemotherapy has been indicated for stage III colorectal cancer. Elderly patients can benefit from the treatment to improve survival while preserving quality of life. In advanced situations, the question is: the more efficient treatment is it monochemotherapy or polychemotherapy? Geriatric assessment could help the oncologist to choose the best personalized treatment. Keywords Colorectal cancer Elderly patients Adjuvant chemotherapy Palliative chemotherapy Geriatric assessment Depuis quinze ans, il est avéré légitime de traiter en adjuvant les stades III des cancers colorectaux. Les malades âgés n’échappent pas à cette recommandation : améliorer la survie de cette population en respectant au mieux sa qualité de vie est un objectif prioritaire. En situation avancée, la question d’une monochimiothérapie versus polychimiothérapie reste posée, le traitement ne pouvant être éludé. L’évaluation gériatrique permettra d’optimiser ce choix thérapeutique. que de survie globale (SG). Cinq cent six malades (15 % de l’effectif total) avaient plus de 70 ans et seuls 23 patients avaient plus de 80 ans. La probabilité de décès d’une autre cause, sans récidive de cancer, était de 2 % au-dessous de 50 ans, et de 13 % au-delà de 70 ans (3). La chimiothérapie par fluoropyrimidines orales est aussi une option validée, avec une tolérance meilleure (sauf pour le syndrome mains-pieds) et une efficacité au moins aussi bonne que les modulations du 5-FU/­acide folinique i.v., selon une étude qui a inclus 397 patients âgés de 70 à 75 ans : leurs résultats ne sont pas différents de ceux des patients plus jeunes (4). Actuellement, l’association de 5-FU et d’oxaliplatine est le traitement standard en situation adjuvante dans le cancer colique de stade III du sujet jeune (5). L’oxaliplatine a été évalué chez les patients âgés à partir de 4 études randomisées ayant utilisé le FOLFOX-4 en situation adjuvante ainsi qu’en première et deuxième lignes métastatiques. Les auteurs ont colligé les données concernant 3 742 patients, dont 614 étaient âgés de plus de 70 ans. En dehors d’une augmentation modérée des neutropénies et des thrombopénies de grade 3-4, il ne semblait pas y avoir de différence entre les patients âgés de plus de 70 ans et les autres, tant en termes de toxicité que d’efficacité. Les auteurs concluent que l’index thérapeutique satisfaisant de cette association est conservé chez les patients de plus de 70 ans et que l’âge (du moins l’âge civil) seul ne doit pas être un facteur limitant son utilisation. On notera qu’il s’agissait cependant de patients inclus dans des essais thérapeutiques, donc sélectionnés et non représentatifs des patients âgés dans leur ensemble : 3 des 4 études analysées excluaient les patients de plus de 75 ans (6). L’étude anglaise de phase III QUASAR, qui incluait 3 200 patients dont 20 % âgés de plus de 70 ans, met en doute le bénéfice identique en termes de risque de récidive et de décès retrouvé par les études précédemment citées (7). Les recommandations actuelles ne tiennent pas compte de l’âge des patients. Elles sont de portée générale et considèrent que les associations de chimiothérapies sont le meilleur traitement dans cette indication. 494 | La Lettre du Cancérologue • Vol. XVII - n° 10 - décembre 2008 Aucune étude portant sur les stades II coliques chez des patients de plus de 75 ans n’est actuellement en cours. Toxicité limitante et limitée Le traitement adjuvant doit être administré selon un schéma et une posologie recommandés, dans le respect de la qualité de vie quotidienne. Si l’on considère l’association FOLFOX comme traitement adjuvant de référence du cancer du côlon de stade III, les thérapeutes doivent en prévenir les effets indési­rables, en particulier la neuropathie (12,4 % de grade 3) qui, même si elle régresse le plus fréquemment à distance de la fin du traitement (1,1 % de grade 3, 1 an après le traitement), peut être très invalidante chez une personne âgée présentant initialement une dépendance physique. La place des fluoropyrimidines orales comme la capécitabine dans cette indication soulève principalement le problème de l’observance thérapeutique à domicile, justifiant, dans une population âgée, une évaluation des fonctions cognitives et éventuellement l’organisation de soins à domicile pour le bon suivi du traitement. Par ailleurs, l’administration de capécitabine nécessite une fonction rénale conservée et, donc, une prudence certaine chez les patients âgés. La toxicité de grade 3-4 hématologique et digestive est plus rare qu’avec les modulations 5-FU i.v./acide folinique. En revanche, le syndrome mains-pieds est plus fréquent (4). Choix de la chimiothérapie adjuvante En situation adjuvante, la préoccupation essentielle du praticien est d’améliorer les chances de guérison des patients en respectant au mieux leur qualité de vie. Si l’intervention gériatrique améliore la survie, l’intervention cancérologique est-elle additive chez les patients âgés ? Pouvons-nous nous contenter de résultats positifs mais concernant une population peu représentative de la population générale âgée ? La réponse à ces questions se trouve certainement dans une étude adjuvante spécifique aux sujets dossier thématique âgés dont la mise en place complexe nécessiterait un partenariat fort entre les groupes de recherche clinique tournés vers cette thématique. Quoi qu’il en soit, ces interrogations ne doivent pas faire perdre aux patients au vieillissement harmonieux (groupe I de L. Balducci) le bénéfice d’un traitement adjuvant. L’évaluation gériatrique simplifiée ou complète ne peut que nous aider à mieux cibler les patients pouvant bénéficier des traitements adjuvants. Le choix du traitement dépendra des toxicités prévisibles des molécules. La modulation acide folinique/ 5-FU i.v., la capécitabine orale ou une association de type FOLFOX sont les traitements actuellement référencés. La place des thérapies ciblées n’est pas encore validée dans cette indication. Quelles chimiothérapies en situation métastatique ? Dans les cancers colorectaux avancés, la chimiothérapie a largement prouvé son intérêt en améliorant la qualité de vie des patients, en allongeant la SG et en retardant l’apparition des symptômes liés aux métastases. Pourtant, les données épidémiologiques montrent une fois de plus que les patients âgés reçoivent moins souvent une chimiothérapie que les patients plus jeunes (8). Bénéfices espérés Chez les patients plus jeunes, l’arrivée des nouveaux agents cytotoxiques (irinotécan-oxaliplatine) associés au 5-FU a permis de presque doubler le taux de survie, de l’ordre de 2 ans avec ces associations thérapeutiques. Les associations du 5-FU avec l’irinotecan ou l’oxaliplatine n’ont pas été étudiées dans le cadre d’essais directs de phase III chez les patients âgés, mais uniquement dans des méta-analyses rétrospectives ou lors d’études de phase II. Une méta-analyse récente a comparé les données de quatre essais randomisés d’irinotecan + 5-FU versus 5-FU seul. Les résultats en termes de taux de réponse, de survie sans progression (SSP) et de SG sont comparables, chez les patients jeunes (moins de 70 ans ; n = 2 092) et les patients âgés (70 ans ou plus ; n = 599). ­L’ajout d’irinotécan au 5-FU améliore significativement la survie chez les sujets jeunes (hazard-ratio [HR] : 0,83 ; IC95 : 0,75-0,92 ; p = 0,0003) ; la tendance va dans le même sens chez les sujets âgés, mais n’est pas statistiquement significative (9). L’essai de phase II d’un groupe espagnol a étudié la tolérance et l’efficacité de la chimiothérapie par FOLFIRI en première ligne métastatique chez des patients âgés (âge moyen de 72 ans). Le bénéfice obtenu était comparable aux résultats des essais réalisés chez des patients plus jeunes (10) ; le dernier essai français de phase II conforte ces résultats (11). Indépendamment des études colligées dans la méta-analyse évoquée en situation adjuvante, l’étude OPTIMOX 1 qui, en situation métastatique, a inclus une cohorte de patients de plus de 75 ans en bon état général, n’a pas retrouvé de différence liée à l’âge en termes de SG (20,7 versus 20,2 mois ; p = 0,15) [12]. Plus récemment, des études évaluant la capécitabine ont été publiées. L’essai randomisé de phase III comparant capécitabine + oxaliplatine à 5-FU + acide folinique + oxaliplatine en première ligne métastatique n’a pas montré de différence (13). J. Feliu et al. ont démontré que l’administration de capécitabine à des patients de plus de 70 ans, à la dose de l’AMM (1 250 mg/m2 x 2/j) – dose diminuée à 1 000 mg/­m2 x 2/j pour les patients dont la clairance de la créatinine était comprise entre 30 et 50 ml/­mn – était faisable et efficace, avec un contrôle de la maladie pour 67 % des patients et un bénéfice clinique pour 40 % d’entre eux. Les données d’une seconde étude du même auteur sont en faveur de l’association oxaliplatine-capécitabine : 50 patients âgés de plus de 70 ans y recevaient 130 mg/­m2 d’oxaliplatine (J1) et 1 000 mg/­m2 x 2/j de capécitabine 14 jours consécutifs, traitement repris toutes les 3 semaines. Les résultats sont aussi favorables, avec un taux de réponse de 36 % et une survie médiane de 13 mois (14, 15). L’asso­ciation capécitabine-irinotécan est plus controversée, en particulier en termes de tolérance : dans l’étude BICC-C (16), la SSP est de 5,8 mois, versus 7,6 mois pour le FOLFIRI (p = 0,015). Dans cette étude, 2 sous-groupes ont été identifiés, les plus et les moins de 70 ans : les données par sous-groupe sont en attente. L’association de bévacizumab à la chimiothérapie améliore encore le taux de réponse. L’étude princeps de H. Hurwitz ne fait pas état de limite d’âge pour l’inclusion des patients, mais notons que l’âge moyen de la population sélectionnée était de 60 ans (17). Le cétuximab associé à l’irinotécan en cas de progression de la maladie malgré la chimiothérapie antérieure a été étudié dans l’essai BOND (18) : une La Lettre du Cancérologue • Vol. XVII - n° 10 - décembre 2008 | 495 dossier thématique amélioration de la SSP est notée, mais l’effet sur la SG n’est pas, à ce jour, significativement démontré dans une population de 59 ans d’âge moyen. Une récente étude de phase II a été publiée, qui porte spécifiquement sur les sujets âgés de 70 ans et plus (moyenne d’âge de 76 ans) prétraités ; elle retrouve un taux de réponse objective à l’association cétuximab-irinotécan de 21 % et une médiane de survie de 15 mois (19). Le cétuximab comme le récent panitunumab sont recommandés aux patients ne présentant pas de mutation du gène K-ras. Respect de la qualité de vie La toxicité (9) en fonction de l’âge de l’association irinotécan + 5-FU + acide folinique a également été comparée à celle du 5-FU + acide folinique. Cinq cent quatre-vingt-dix-neuf patients avaient 70 ans ou plus et 2 092 moins de 70 ans. À l’exception de la diarrhée, significativement plus fréquente, les toxicités ne sont pas différentes selon l’âge. Cependant, dans le sous-groupe des patients de 75 ans et plus, la neutropénie est plus fréquente dans les bras 5-FU + acide folinique (le bolus de 5-FU est-il en cause ?). De plus, le risque de déshydratation doit être pris en compte rapidement en cas de toxicité digestive chez les sujets âgés. L’arrêt du traitement pour toxicité a été plus fréquent chez les patients traités par CAPIRI que chez ceux traités par FOLFIRI dans l’étude BICC-C (25,5 % versus 14,5 %) [16], et ce quel que soit l’âge des patients. Les données concernant le sous-groupe de patients de plus de 70 ans sont en attente. La toxicité de l’oxaliplatine a été rapportée par catégorie d’âge dès 2002 à partir des données concernant 1 408 patients traités par FOLFOX (20) : la toxicité neurologique n’augmentait pas avec l’âge ; la toxicité médullaire, les mucites et la diarrhée étaient un peu plus fréquentes chez les patients de plus de 70 ans. L’analyse poolée de 1 496 patients traités par FOLFOX-4 pour un cancer de stade avancé confirme ces résultats, avec un taux de neutropénie de grade 3 ou 4 de 49 % pour les patients âgés versus 43 % pour les plus jeunes, et un taux de thrombopénie de 5 % versus 2 %. En revanche, la survenue de toxicités digestives ou de neuropathies n’augmente pas avec l’âge (6). Le nombre d’événements de grade 3 ou 4 est peu différent sous CAPOX et sous FOLFOX-4 (13). Par contre, les toxicités varient selon que la fluoropyrimidine est utilisée par voie orale ou en perfusion. La neutropénie est plus fréquente avec le FOLFOX-4 (44 % versus 7 %) alors que le syndrome mains-pieds et la diarrhée sont plus fréquents avec le CAPOX (6 % versus 1 % ; 19 % versus 11 %, respectivement), la neuropathie étant similaire avec les 2 schémas thérapeutiques. Dans cette grande étude, il n’est pas signalé d’analyse par sous-groupes en fonction de l’âge. Concernant les thérapies ciblées, dans l’étude observationnelle BRITE, où des cohortes de patients sont traitées par différentes chimiothérapies associées au bévacizumab, il n’apparaît pas de différence en termes de toxicités et d’efficacité, que ces traitements soient administrés avant ou après 65 ans, en dehors du risque thromboembolique, multiplié par 2,5 chez les plus de 75 ans (1,6 % chez les moins de 65 ans versus 3,9 % chez les 75 ans et plus) [21]. La prescription de bévacizumab doit rester prudente, en particulier chez les patients âgés ayant des antécédents d’accident vasculaire cérébral (AVC) en l’absence de recommandations définitives. Des études spécifiques, comme, prochainement, le protocole GERICO 8, paraissent une fois de plus nécessaires. Une étude de phase II récemment publiée associe cétuximab et irinotécan chez des patients prétraités âgés de 76 ans en moyenne, le rash cutané et la diarrhée sont retrouvés comme principales toxicités : 11 % de rash de grade 3 et 20 % de diarrhée grade 3 (19). Stratégie thérapeutique en situation avancée À l’heure des thérapies ciblées proposées en première ligne, il est important de rappeler que de nombreuses questions sont encore sans réponse dans la population concernée en l’absence de données validées (le premier essai de phase III portant sur des patients âgés est en cours [22]) : ➤➤ Quel traitement privilégier en première ligne, une monothérapie ou une polychimiothérapie ? ➤➤ Une pause thérapeutique est-elle possible ? ➤➤ L’administration du traitement doit-elle être orale ou i.v. : quel est le choix du patient ? ➤➤ Les thérapies ciblées peuvent-elles être envisagées chez le sujet âgé en situation métastatique ? ◆◆ Association d’emblée ou non ? À l’opposé des polychimiothérapies plus ou moins combinées à des thérapies ciblées, la monothérapie a probablement toujours sa place dans la stratégie thérapeutique du cancer métastatique colorectal. La Lettre du Cancérologue • Vol. XVII - n° 10 - décembre 2008 | 497 dossier thématique Quelles chimiothérapies pour quels patients âgés ? Cancer colorectal Trois études récentes ont comparé une monochimiothérapie suivie d’une polychimiothérapie à une polychimiothérapie d’emblée. L’étude FOCUS compare différentes stratégies : la stratégie A débute en première ligne par LV5FU2 jusqu’à progression puis irinotécan ; la stratégie B débute avec le même traitement puis, à progression, se poursuit par une polychimiothérapie (5-FU + irinotécan ou 5-FU + oxaliplatine), la stratégie C débute d’emblée par la polychimiothérapie. Si, en termes de réponse globale, les associations thérapeutiques montrent leur supériorité, ce n’est pas le cas en termes de SG. L’étude complémentaire FOCUS II, portant sur une population de 460 patients dont plus de la moitié (259 patients) avaient plus de 70 ans confirme les données précédentes : débuter par l’asso­ciation 5-FU ou capécitabine avec l’oxaliplatine augmente la réponse globale, accentue la toxicité, mais n’améliore pas la SG (23, 24). Dans le cas de l’étude CAIRO, il s’agissait de capécitabine suivie d’irinotécan, puis, lors de la progression, de XELOX ou d’une association capécitabine + irinotécan suivie de XELOX. Le HR de l’association comparée à la monothérapie était de 0,92, donc non significatif (25). Enfin, récemment, la Fédération francophone de cancérologie digestive (FFCD) a présenté, à l’ASCO 2007, un essai comparant chez 410 patients LV5FU2 puis FOLFOX-6 à la progression (bras A) à FOLFOX-6 suivi de FOLFIRI (bras B). Aucun décès toxique n’a été rapporté dans le bras A versus 5 dans le bras B. La SG médiane est de 17 versus 16 mois pour les bras A et B, respectivement (26). H.J. Schmoll et D. Sargent ont analysé les résultats de ces différentes études. Ils concluent, au vu des résultats positifs, à l’importance de la polychimiothérapie en règle générale dès la première ligne métastatique, tout particulièrement pour les patients dont les métastases sont opérables. En revanche, pour les patients présentant des comorbidités, une maladie peu agressive, un état général fragile, ils recommandent de commencer par une monothérapie (27). Les personnes âgées sont à rapprocher de ce groupe de malades. ◆◆ Pause thérapeutique La question de la pause thérapeutique a été posée dans l’étude OPTIMOX 2, qui a comparé un traitement par 6 cures de FOLFOX puis LV5FU2 simplifié jusqu’à progression à 6 cures de FOLFOX puis pause thérapeutique et reprise du traitement à progression. Les résultats sont comparables en termes de réponse, mais une tendance à une meilleure survie 498 | La Lettre du Cancérologue • Vol. XVII - n° 10 - décembre 2008 pour les patients en traitement continu (médiane de survie de 36 semaines versus 29 semaines) est relevée (28). L’étude de R. Labianca a proposé un traitement (5-FU + irinotécan) séquentiel intermittent, avec des pauses thérapeutiques programmées de durée limitée, qui s’est révélé aussi bénéfique que le traitement continu (29). Le concept de pause thérapeutique reste à étudier chez les patients âgés bien entendu répondeurs, en particulier dans les cas de maladie lentement évolutive. ◆◆ Préférence du patient La majorité des patients préfère le traitement par voie orale, mais que la séquence administrée soit orale puis intraveineuse ou inversement, les chiffres sont comparables au terme du traitement : deux tiers des patients (tous âges confondus) souhaiteraient recevoir la totalité du traitement par voie orale, et un tiers par voie i.v. (30). ◆◆ Faisabilité des thérapies ciblées La faisabilité d’un traitement par bévacizumab a été évaluée sur 91 patients âgés de 70 ans et plus. Trente-quatre pour cent pouvaient en tirer bénéfice. Le traitement par thérapie ciblée était contre-indiqué chez 36 % des patients à cause de comorbidités préexistantes. Enfin, la population restante nécessitant au minimum de la prudence, pouvait, au mieux, être incluse dans un essai thérapeutique de faisabilité (31). Quels patients traiter ? Place de l’évaluation gériatrique Le patient mourrait-il de son cancer ou du fait de son grand âge ? Toute la difficulté décisionnelle dans la prise en charge d’un patient âgé atteint de cancer métastatique réside dans cette question et la pertinence de sa réponse. Dans la maladie cancéreuse, l’EGS permet une meilleure appréciation de l’état de santé général du patient âgé que le performance status (PS) [32]. Cependant, nous ne disposons d’aucune étude randomisée prospective évaluant les relations directes entre l’EGS initiale et la tolérance au traitement, la qualité de vie et la survie des patients âgés atteints de cancer. La réalisation de cette évaluation est consommatrice de temps. dossier thématique Une équipe allemande a opposé la subjectivité du clinicien et l’objectivité de l’EGS. Les résultats de cette enquête retrouvent une meilleure sensibilité de l’EGS pour déterminer si les patients âgés sont en très bon état général. En outre, cette méthode est, contrairement à l’appréciation du clinicien, reproductible, objective (33). À l’heure où est clairement posée en France la question des paramètres gériatriques prédictifs de la toxicité de la chimiothérapie chez des patients âgés traités1 et des paramètres gériatriques utiles dans la prise en charge oncologique des patients âgés atteints de cancer2, cette étude confirme l’intérêt de disposer d’outils pratiques et performants pour cibler au mieux les patients pouvant bénéficier des différents traitements possibles, supérieurs à l’appréciation du clinicien et, surtout, reproductibles quels que soient le centre et l’expertise d’une équipe dans le domaine oncogériatrique. En tout état de cause, le regard d’un clinicien, qui n’est certainement pas le même sur un patient en rémission complète que sur un patient évolutif symptomatique pour qui l’effet bénéfique de la chimiothérapie est reconnu, ne pourra que garder une valeur surajoutée, associé à l’EGS. Recommandations thérapeutiques Il n’existe pas, dans la littérature, de recommandations spécifiques aux sujets âgés. Toutefois, les recommandations proposées par le Thésaurus national doivent être la base des choix thérapeu­tiques à proposer aux patients âgés “harmonieux”. Pour les patients âgés du groupe intermédiaire, les comorbidités pèseront dans le choix thérapeutique (adaptation des posologies, monothérapie ou association, pause thérapeutique), qui devra privilégier les protocoles de recherche clinique. Étude OLD 07, Gercor-GEPOG, [email protected] 1 Le lancement de l’étude ONCODAGE était prévu en juin 2008. 2 Conclusion L’âge n’altère pas l’efficacité du traitement ; néanmoins les patients âgés ne sont pas tous en mesure de recevoir les mêmes traitements que les patients plus jeunes. Les études spécifiques aux sujets âgés et, en premier lieu, en situation adjuvante, devraient permettre de répondre aux questions : qui ? Quand ? Où ? Comment ? ➤➤ Qui ? Les patients harmonieux, et vraisemblablement les patients intermédiaires sélectionnés par l’EGS. ➤➤ Quand ? Si possible dans les mêmes délais que chez les patients plus jeunes. ➤➤ Où ? Il faudra savoir préserver la qualité de vie, respecter la préférence des patients et tenir compte des problèmes de tolérance lors du choix entre hospitalisation complète, hospitalisation de jour et traitement à domicile, tout en respectant la dose-intensité thérapeutique. ➤➤ Comment ? L’un des aspects majeurs des études prospectives est la juste appréciation de la stratégie thérapeutique à adopter. La volonté de l’INCa, à travers le déploiement d’unités pilotes de coordination en oncogériatrie (UPCOG), est de favoriser la collaboration entre oncologues et gériatres afin d’optimiser la prise en charge des patients âgés atteints de cancer. ■ Références bibliographiques 1. Faivre-Finn C, Bouvier AM, Mitry E et al. 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Retrouvez l’intégralité des références bibliographiques sur www.edimark.fr La Lettre du Cancérologue • Vol. XVII - n° 10 - décembre 2008 | 499 dossier thématique Quelles chimiothérapies pour quels patients âgés ? Cancer colorectal Références bibliographiques (suite de la p. 494) 15. J Feliu, Salud A, Escudero P et al. XELOX (capecitabine plus oxaliplatin) as first-line treatment for ederly patients over 70 years of age with advanced colorectal cancer. Br J Cancer 2006;94:969-75. 16. Fuchs CS, Marshall J, Mitchell E et al. Randomized, controlled trial of irinotecan plus infusional, bolus, or oral fluoropyrimidines in first-line treatment of metastatic colorectal cancer: results from the BICC-C Study. J Clin Oncol 2007;25(30):4779-86. 17. Hurwitz H, Fehrenbacher L, Novotny W et al. Bevacizumab plus irinotecan, fluorouracil and leucovorin for metastatic colorectal cancer. N Engl J Med 2004;350:2335-42 18. Cunningham D, Humblet Y, Siena S et al. 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