REVUE DE PRESSE coordonné par le Dr F. Beygui Regarder – trop – la télévision peut tuer ! Taux de mortalité toutes causes (%) La relation entre le temps passé à regarder la télévision et les marqueurs biologiques du risque cardiovasculaire a déjà été rapportée. Cette étude de cohorte australienne s’est intéressée à la relation entre ce temps et la mortalité. Il s’agit d’une cohorte de 8 800 sujets de plus de 25 ans, 25 sans antécédents cardiovas20 culaires, inclus en 1999 et 2000, avec un suivi médian de 6,6 ans. 15 La durée moyenne du temps 10 passé devant la télévision au 5 moment de l’inclusion était évaluée par un auto-question0 naire. 0 1 2 3 4 5 6 Temps passé devant la télévision (heures/jour) Après ajustement sur les facteurs de risque majeurs tels que l’âge, le sexe, le périmètre abdominal, le type de régime alimentaire et l’activité physique, chaque heure de télévision regardée par jour était associée à une augmentation du risque de mortalité de 1,11 (IC95 : 1,03-1,20) et du risque de mortalité cardiovasculaire de 1,18 (IC95 : 1,03-1,35). Cette relation entre le temps passé devant la télévision et la mortalité était quasi linéaire (figure). En revanche, la relation entre ce temps et la mortalité par cancer et la mortalité non liée au cancer ni à une maladie cardiovasculaire n’était pas significative. F. Beygui, institut de cardiologie, hôpital de la Pitié-Salpêtrière, Paris. Commentaire Cette étude est la première à montrer une relation entre la mortalité et le temps passé devant la télévision. Cette relation étant indépendante du niveau d’activité physique, la question du mécanisme d’un tel effet se pose. La diminution de la consommation énergétique, les habitudes alimentaires pathologiques – grignotage –, l’augmentation de la glycémie et les altérations des profils lipidiques associées à cette activité particulièrement sédentaire sont des hypothèses avancées par les auteurs. La faible consommation de la télévision devrait donc être recommandée au même titre que l’incitation à un régime alimentaire équilibré et l’activité physique régulière. Référence bibliographique Dunstan DW, Barr EL, Healy GN et al. Television viewing time and mortality: the Australian Diabetes, Obesity and Lifestyle Study (AusDiab). Circulation 2010;121:384-91. La troponine T hypersensible : un marqueur de risque dans la maladie coronaire stable Partant de données de la littérature démontrant la valeur pronostique des taux de la troponine, même faiblement élevés, dans les syndromes coronariens aigus, cette étude s’intéresse à la relation entre des taux très faiblement élevés, mesurés par un nouveau test 10 fois plus sensible, et la survenue des événements cardiovasculaires majeurs chez le coronarien stable. Il s’agit d’une analyse secondaire de l’étude PEACE évaluant le bénéfice du trandolapril dans la maladie coronaire stable. Le taux de troponine T hypersensible a été mesuré sur les échantillons prélevés à l’inclusion de 3 679 patients coronariens connus, avec une fonction ventriculaire gauche préservée. Les événements cardiovasculaires majeurs ont été analysés après un suivi médian de 5,2 ans. Les taux de troponine étaient supérieurs à la limite de détection du test (0,001 μg/l) chez 3 593 patients (97,7 %) et supérieurs au 99e percentile des sujets apparemment sains (0,0133 μg/l) chez 407 patients (11,1 %). Après ajustement sur le traitement reçu (trandolapril ou placebo), l’âge, le sexe, le tabagisme actif, la CRP et la NT-ProBNP, les taux élevés de troponine hypersensible étaient corrélés de façon incrémentielle à la survenue de décès (HR du logarithme de la troponine : 2,09 ; IC95 : 1,60-2,74 ; p < 0,001) et d’insuffisance cardiaque (HR du logarithme de la troponine : 2,20 ; IC95 : 1,66-2,90 ; p < 0,001). En revanche, aucune relation n’a été retrouvée entre les taux de troponine et la survenue d’infarctus du myocarde. F.B. 6 | La Lettre du Cardiologue • n° 432 - février 2010 Commentaire Avec ce nouveau test, les auteurs démontrent que des taux de troponine élevés sont détectés chez les coronariens stables et que ces taux sont prédictifs de décès et d’insuffisance cardiaque. Alors que, dans les syndromes coronariens aigus, l’élévation de la troponine reflète la lésion myocardique, dans le cas de la maladie coronaire stable, elle ne prédit pas la survenue d’infarctus du myocarde. Ce marqueur hypersensible pourrait être utilisé dans la stratification du risque dans ce sous-groupe de coronariens considérés à risque relativement faible. Référence bibliographique Omland T, de Lemos JA, Sabatine MS et al. A sensitive cardiac troponin T assay in stable coronary artery disease. N Engl J Med 2009;361:2538-47. REVUE DE PRESSE coordonné par le Dr F. Beygui Pronostic à long terme du syndrome de repolarisation précoce Les fibrillations ventriculaires (FV) ont été associées à des syndromes de repolarisation précoce (SRP), mais la signification pronostique de ce syndrome dans la population générale est inconnue. Les électrocardiogrammes à 12 dérivations de 10 864 Finlandais âgés de 44 ± 8 ans ont été analysés avec un suivi clinique de 30 ± 11 ans. Un SRP – surélévation du point J ≥ 0,1 mV ou > 0,2 mV inférieure (D2D3Vf) ou latérale (V4-V6) – ainsi que le QTc long (≥ 440 ms chez l’homme, 460 ms chez la femme) et l’hypertrophie ventriculaire gauche (HVG) [Sokolow] ont été analysés. Le critère primaire était la mortalité cardiovasculaire (CV), et les critères secondaires la mortalité toute cause et par arythmie. Parmi les patients, 5,8 % avaient une repolarisation supérieure à 0,1 mV (3,5 % inférieure, 2,4 % latérale, 0,1 % les deux) ; 0,6 % avaient une repolarisation supérieure à 0,2 mV (0,3 % inférieure et 0,3 % latérale). Ces sujets étaient plus souvent masculins, jeunes, tabagiques, avec une FC de base plus lente, un IMC plus bas, un QTc plus court, un QRS plus long, et présentaient plus de signes électriques de cardiopathie ischémique que les autres patients. La majorité a bénéficié d’un ECG 5 ans plus tard, qui montrait une stabilité du SRP dans 3 cas sur 4. La repolarisation précoce inférieure (et non latérale) était associée à une surmortalité CV (RR = 1,28, IC95 : 1,04-1,59 ; p = 0,03), d’autant que le point J était élevé (si J > 0,2 mV, RR = 2,98, IC95 : 1,85-4,92, p < 0,001), ainsi qu’à une augmentation de la mortalité totale (RR = 1,54, IC95 : 1,06-2,24, p = 0,03) et par arythmies (RR = 2,92, IC95 : 1,45-5,89). La surmortalité était décalée de 15 ans dans le temps, puis restait évolutive. Le QT long et l’HVG étaient associés à une surmortalité CV (p = 0,03 et p = 0,004). A. Bellemain-Appaix, institut de cardiologie, hôpital de la Pitié-Salpêtrière, Paris. Commentaire Le syndrome de repolarisation précoce inférieure pourrait être associé à une hétérogénéité de la repolarisation transmurale augmentant le risque de fibrillation ventriculaire dans les épisodes ischémiques, ce qui expliquerait le décalage de la mortalité dans le temps. Le mécanisme exact reste à démontrer, tout comme la conduite à tenir en cas de découverte d’un tel syndrome qui pour le moment se borne à l’absence d’examens complémentaires. Référence bibliographique Tikkanen JT. Long-Term outcome associated with early repolarization on electrocardiography. N Engl J Med 2009; 361:2529-37. Identification de deux variants du gène LPA entraînant une augmentation du taux de lipoprotéine Lp(a) et un surrisque de maladie coronaire : étude PROCARDIS (Precocious Coronary Artery Disease) Le taux de lipoprotéine a [Lp(a)] est héritable et associé à un surrisque coronaire ; ses déterminants génétiques sont mal connus. Une nouvelle puce à ADN contenant 48 742 SNPs (single-nucleotide polymorphisms) a été testée sur 2 100 gènes candidats chez 3 145 patients présentant une maladie coronaire et 3 352 contrôles dans l’étude PROCARDIS (étude cas-témoins multicentrique). Les loci de gènes associés à la maladie coronaire étant ensuite testés chez 4 846 patients coronariens et 4 594 contrôles de 3 études indépendantes [association variant LPA-taux de Lp(a) et maladie coronaire]. Sur 3 régions chromosomiques, le locus LPA de la région 6q26-27 codant pour le Lp(a) montrait la plus forte association avec le risque coronaire. Ce risque était prépondérant pour deux de ses variants (rs10455872 et rs3798220) [respectivement OR = 1,70, IC95 : 1,49-1,95 et OR = 1,92, IC95 : 1,48-2,49], qui codaient un taux élevé de Lp(a) de petite taille (faible répétition des kringles IV de type 2). Ces loci expliquaient à eux seuls 36 % de variation du taux de Lp(a). Ces résultats ont été confirmés dans la méta-analyse des études indépendantes : un génotype incluant l’un des variants augmentait le risque coronaire (OR = 1,51, IC95 : 1,38-1,66) pour un variant, OR = 2,57, , IC95 : 1,8-3,67) pour deux variants ou plus). Cette association entre le score génotypique et le risque coronaire disparaissait après ajustement sur le taux de Lp(a), confirmant le lien entre ce taux et le risque coronaire, indépendamment des autres facteurs de risque. A.B.A. 8 | La Lettre du Cardiologue • n° 432 - février 2010 Commentaire Un sujet sur 6 est porteur d’un variant du locus LPA codant pour un taux plus élevé de lipoprotéine Lp(a), et présente ainsi un surrisque coronaire de 1,5, avec une relation dose allèle-réponse sur le taux de Lp(a) et le risque coronaire. La cartographie du génome devient accessible à la prédiction du risque coronaire. Son application en pratique quotidienne reste à s’établir. Référence bibliographique Clarke R, Peden JF, Hopewell JC et al. Genetic variants associated with Lp(a) lipoprotein level and coronary disease. N Engl J Med 2009;361:2518-28.