C Groupe de rythmologie de la Société Française de Cardiologie I

La Lettre du Cardiologue - n° 310 - avril 1999
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ette réunion, qui s’est tenue à Paris, était commune
aux groupes de rythmologie, de stimulation car-
diaque et de cardiologie pédiatrique. Elle fut animée
par le Pr Grolleau (Montpellier) et le Dr Villain (Paris). Les deux
thèmes abordés furent le bloc auriculo-ventriculaire congénital de
l’enfant et les arythmies des cardiopathies congénitales opérées.
LE BLOC AURICULO-VENTRICULAIRE CONGÉNITAL
DE L’ENFANT
(figure 1)
Évolution spontanée
Le Dr Bozio (Lyon) a tout d’abord rappelé qu’en période anté-
natale, le bloc auriculo-ventriculaire (BAV) congénital se révèle
par un rythme cardiaque lent in utero et que l’association à une
cardiopathie congénitale assombrit le pronostic, puisqu’il entraîne
le plus souvent le décès de l’enfant in utero ou en période néona-
tale (dans un tableau d’anasarque fœto-placentaire). Le mécanisme
physiopathologique est une réaction auto-immune (Ac anti-SSB,
SSA) de la mère vers l’enfant, qui induit une destruction des cel-
lules nodales. Après la naissance, le pronostic n’est pas meilleur
en présence d’une cardiopathie congénitale. Isolé, le BAV congé-
nital est alors de meilleur pronostic, touchant le plus souvent les
enfants de sexe féminin. Au vu des différentes séries de patients
présentées, il ressort que la stimulation ne met pas à l’abri des décès
précoces et que, passé la première année, la courbe de survie se
stabilise.
L’indication de la stimulation chez les patients présentant un BAV
congénital asymptomatique est abordée au travers de l’étude de
Michaëlson, parue en 1995 dans Circulation :au sein d’une popu-
lation adulte de BAV congénitaux, sur les huits patients décédés
recensés, six avaient été asymptomatiques jusque-là... et de souli-
gner la baisse constante de la fréquence d’échappement au cours
du temps.
Indication d’appareillage et surveillance
Le Dr Petitot (Paris) a présenté l’indication de la stimulation et
la surveillance des BAV congénitaux. En premier lieu, il convient
de définir, en fonction de l’âge, ce que l’on considère comme une
“bradycardie dangereuse”; avant 2 ans, la limite se situe à 50bpm,
alors qu’après 4 ans elle descend à 40 bpm. Les pauses ventri-
culaires, quant à elles, ne sont pas tolérables lorsqu’elles dépas-
sent trois fois le cycle de base. La coexistence de troubles ryth-
miques ventriculaires a également été soulignée. Enfin, devant
une dilatation ventriculaire débutante, la stimulation doit être rapi-
dement envisagée. Le diagnostic clinique est d’autant plus diffi-
cile à faire qu’il existe une cardiopathie congénitale associée,
mais des signes tels qu’une fatigabilité à l’effort (biberon++), des
syncopes ou des convulsions doivent orienter le diagnostic. Le
bilan paraclinique de première intention s’appuie sur la triade
“holter-écho-épreuve d’effort”, l’exploration endocavitaire ayant
une place restreinte ici.
Stimulation permanente par voie endocavitaire
S’appuyant sur son expérience personnelle, concernant une série
de plus de 300 patients, le Dr Bussillet (Lyon), reprenant l’ex-
périence de trois centres d’implantation français, a indiqué que
la stimulation permanente des BAV congénitaux de l’enfant
impose l’utilisation de matériel de la taille la plus réduite pos-
sible (sonde et boîtier), l’utilisation de sondes à fixation active
(car le ventricule droit de l’enfant est lisse), et enfin la nécessité
de prévoir la croissance à venir (boucle intra-auriculaire et non
fixation des sondes comme chez l’adulte, surveillance de la ten-
sion des électrodes). Les deux tiers des patients sont implantés
en monochambre et les troubles conductifs postopératoires repré-
sentent une part non négligeable des indications (transposition
des gros vaisseaux, communication interventriculaire et interau-
riculaire, canal atrio-ventriculaire...). Même si les voies d’abord
INFORMATIONS
Groupe de rythmologie de la Société Française de Cardiologie
C
Figure 1. Bloc auriculo-
ventriculaire complet avec
échappement ventriculaire
à 35 battements par minute
(bpm) à type de retard
droit.
La Lettre du Cardiologue - n° 310 - avril 1999
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sont théoriquement nombreuses, les voies sous-clavière et cépha-
lique sont toujours les plus utilisées. Les complications sont équi-
valentes à celles rencontrées chez l’adulte, mais les risques de
réintervention ne sont pas les mêmes. L’auteur conclut son exposé
sur la constatation que la stimulation endocavitaire des blocs
congénitaux est une technique sûre et efficace, mais qu’elle doit
être discutée avec d’autres modes de stimulation lorsque le poids
de l’enfant est inférieur à 10 kg.
Stimulation permanente épicardique
Le Dr Villain (Paris) a rappelé que la voie épicardique possède
de nombreux avantages par rapport à la voie endocavitaire : dimi-
nution du risque d’érosion cutanée, préservation du capital vei-
neux chez un patient jeune ayant une espérance de vie relative-
ment longue, utilisation plus facile d’un gros boîtier à durée de
vie plus longue, protection des chocs chez un enfant forcément
actif. À partir de son expérience sur 35 enfants, le Dr Villain nous
a clairement montré l’intérêt de cette procédure chez les enfants
d’un poids inférieur à 10 kg, n’ayant pas dépassé le premier mois
de vie lors de l’implantation. Le pacemaker est introduit par tho-
racotomie gauche, le boîtier étant placé entre le péritoine posté-
rieur et la loge lombaire. Les électrodes épicardiques sont uni-
polaires, poreuses, à stéroïde le plus souvent. Les seuils de
stimulation à l’implantation sont inférieurs à 1,5 V avec une détec-
tion auriculaire variant entre 2 et 6 mV. Les enfants implantés
sont symptomatiques, présentent un trouble rythmique ventricu-
laire, ou sont bradycardes (FC < 50 bpm). Cette technique ne pré-
sente pas de mortalité opératoire et le recul à dix ans est satisfai-
sant, puisque les seuils de stimulation le sont aussi : < 1,5 V pour
les sondes à stéroïdes, < 2,2 V pour les autres. De même, les seuils
de détection atriale restent stables, entre 2 et 6 mV. Les compli-
cations sont de même type que celles rencontrées en stimulation
endocavitaire (déplacement précoce et rupture de sonde, infec-
tion, intolérance au matériel, bloc de sortie). Au total, il semble
que ce type de procédure soit une alternative avantageuse lors-
qu’une stimulation cardiaque est envisagée en période néonatale.
Elle reste cependant plus difficile à réaliser chez un enfant ayant
un poids inférieur à 3 kg.
LES ARYTHMIES DES CARDIOPATHIES CONGÉNITALES
OPÉRÉES
Mécanismes et facteurs prédictifs d’arythmie
Le Dr Iserin (Paris) a ouvert cette session en exposant les troubles
du rythme ventriculaire dans la tétralogie de Fallot, pathologie le
plus souvent décrite après réparation chirurgicale. La mort subite
est rare (0,25%/an), mais il apparaît qu’elle est moindre lorsque
la réparation chirurgicale est réalisée avant l’âge de 5 ans (en par-
tie grâce à l’amélioration des techniques chirurgicales). Les
mécanismes électrophysiologiques sont divers, faisant intervenir
des tachycardies ventriculaires par réentrée (habituellement à type
de retard gauche, zone de conduction lente entre la ventriculoto-
mie et la valve pulmonaire), ou des arythmies supraventriculaires.
De nombreux facteurs favorisants sont décrits : une réparation
chirurgicale tardive, une polyglobulie préopératoire, une pression
systolique du ventricule droit élevée, un large évidement ventri-
culaire, la présence d’un patch transannulaire, une fuite pulmo-
naire importante sur ventricule droit non restrictif, un bloc auri-
culo-ventriculaire transitoire postopératoire et une hyperexcita-
bilité auriculaire.
Les examens paracliniques permettant de préciser le risque de
mort subite sont imparfaits, mais reposent sur l’électrocardio-
gramme de surface (largeur des QRS > 180 ms, dispersion du QT,
JT et QRS), le holter ECG (ESV, TV non soutenue, trouble du
rythme supraventriculaire), l’ECG à haute amplification (23 %
de critères positifs chez les Fallot opérés), la stimulation ventri-
culaire programmée (faux positifs et négatifs), et, bien sûr, une
étude hémodynamique (fuite tricuspide et pulmonaire, anévrisme
du patch).
Les problèmes thérapeutiques se posent en termes de suivi médi-
cal chez des patients adolescents et donc parfois peu compliants.
Lorsque le traitement médical est inefficace ou non suivi, d’autres
options thérapeutiques (ablation par radiofréquence si la TV est
monomorphe, défibrillateur automatique implantable) sont à dis-
cuter. Il faut toutefois noter que la correction d’éventuels troubles
hémodynamiques est un primum movens dans la prise en charge
rythmologique de ces patients, qui, plus que n’importe quels
autres, doivent bénéficier d’une gestion pluridisciplinaire de leur
maladie.
Ablation des tachycardies ventriculaires du Fallot
Cette présentation fut suivie par celle du Dr Frank (Ivry-sur-
Seine), portant sur l’ablation des tachycardies ventriculaires par
réentrée du Fallot. Elles surviennent le plus souvent dans la paroi
libre du ventricule droit (infundibulum) et le septum (patch de
CIV). Sur une série de 11 cas traités dans le service de rythmo-
logie du Dr Frank, les résultats sont satisfaisants, puisque sur un
suivi de dix ans, un seul décès tardif est à déplorer. Si, histori-
quement, les premiers patients ont bénéficié des méthodes abla-
tives par fulguration seule, puis par l’association fulguration-
radiofréquence, la tendance actuelle (depuis 1997) est d’utiliser
le plus souvent la radiofréquence seule, qui permet d’obtenir l’arrêt
des phénomènes entrant dans la quasi-totalité des cas, et ce d’au-
tant plus que les nouveaux générateurs de 60 et 70 watts dispo-
nibles actuellement sur le marché permettent d’obtenir des tem-
pératures plus hautes et plus stables au point de contact. Bien que
ces techniques soient efficaces, la prévention des troubles du
rythme ventriculaire chez le Fallot opéré doit être effectuée prin-
cipalement par une modification des techniques chirurgicales.
Anatomie postopératoire (intervention de chirurgie atriale
complexe)
La seconde partie de cette session portait sur les troubles du
rythme auriculaires survenant dans les cardiopathies congénitales
opérées. La première communication a concerné les arythmies
supraventriculaires et la chirurgie atriale complexe. Les trois
grandes interventions que sont l’intervention de Senning, de Mus-
tard (traitement des transpositions laissant le ventricule droit en
position systémique) et de Fontan (traitement des cardiopathies
univentriculaires par dérivation du sang des veines caves aux
artères pulmonaires sans pompe ventriculaire) sont génératrices
d’une grande variété de troubles du rythme supraventriculaires,
ainsi que de trouble conductif intra-atrial et nodal. Ces troubles
sont la conséquence directe des procédures chirurgicales utili-
INFORMATIONS
sées, dont la canulation, l’atriotomie, les sutures intra-atriales et
les lésions artérielles sont les principaux vecteurs. Les consé-
quences de survenue sont multiples, allant de la simple intolé-
rance fonctionnelle à la mort subite.
Diagnostic - Prise en charge en urgence - Prévention des réci-
dives
Le Dr Lucet (Paris) présenta la prise en charge en urgence et la
prévention des récidives de ces troubles rythmiques supraventri-
culaires. Cette prise en charge doit être rapide et systématique,
du fait des risques de mauvaise tolérance fonctionnelle, voire de
mort subite, encourus par le patient. Elle passe par la stimulation
transœsophagienne, voire au besoin endocavitaire, la cardiover-
sion étant réservée aux échecs des deux précédentes techniques.
Un traitement associant bêtabloquant et digoxine (± pacemaker
au besoin) doit secondairement être instauré. Devant la récidive,
on peut proposer l’association amiodarone-digitalique, et même
une ablation par radiofréquence en cas d’inefficacité ou d’into-
lérance médicamenteuse. Les digitaliques seuls et les antiaryth-
miques de classe 1C sont à éviter, car ils augmenteraient le taux
de mort subite. De même, lorsqu’elle est utilisée, l’amiodarone
doit être prescrite à fortes doses. Enfin le sport intensif est contre-
indiqué.
Problèmes spécifiques posés par la stimulation
Le Dr Villain reprit la parole afin de nous exposer les problèmes
spécifiques posés par la stimulation cardiaque chez ces patients.
Après intervention de Senning, il est impératif de vérifier la per-
méabilité des chenaux caves, afin d’éviter la thrombose sur sonde.
En cas de sténose, la mise en place d’une prothèse endocoronaire
doit être réalisée au moins quatre semaines avant la mise en place
des sondes. La sonde atriale est alors vissée dans le chenal cave
supérieur et la sonde ventriculaire dans le ventricule gauche.
Après réalisation d’une réparation bicavo-bipulmonaire, le
manque de voie d’abord ne permet pas la mise en place des sondes
de stimulation endocavitaires. Après intervention de Fontan, si la
voie endocavitaire reste préférable pour la stimulation atriale, la
stimulation ventriculaire est épicardique. Chez ces patients pré-
sentant de nombreux troubles du rythme supraventriculaires, la
stimulation antitachycardique est utilisée par certaines équipes
anglo-saxonnes, qui la préfèrent au traitement antiarythmique,
comme par exemple l’amiodarone. En cas de stimulation double
chambre, il est important d’implanter un matériel possédant une
commutation de mode, afin d’éviter la conduction au ventricule
d’un trouble rythmique atrial en 1/1 comme le flutter en 1/1.
Ablation des arythmies atriales postopératoires
Le Dr Cauchemez a terminé cette réunion sur le thème de l’abla-
tion des arythmies atriales postopératoires et, en particulier, du
flutter cicatriciel. Cette technique se situe à la limite des tech-
niques de la cartographie actuelle et nécessite des séances
répétées, étant donné la multiplicité des circuits de réentrée.
Elle suppose une grande expérience de l’opérateur, qui doit
avoir bien assimilé l’anatomie de l’oreillette. Elle devrait pou-
voir se développer dans les centres spécialisés grâce aux nou-
veaux systèmes de cartographie bientôt disponibles.
Dr T. Zerah, hôpital Necker, Paris
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