Images en Dermatologie • Vol. VI • n
o
6 • novembre-décembre 2013
124
Cas clinique
De curieuses ulcérations génitales
Atypical genital ulcerations
V. Descamps, F. Bouscarat
(Service de dermatologie, hôpital Bichat-Claude-Bernard, Paris)
Un jeune patient de 27 ans était venu en consultation pour des lésions géni-
tales évoluant depuis une semaine. Il n’avait aucun antécédent. Il signa-
lait son mariage récent, mais sa jeune épouse ne présentait, selon lui, aucune
lésion génitale.
Observation
L’examen clinique mettait en évidence des lésions nodulaires érosives de 1,5 et 0,8cm
du fourreau de la verge
(fi gure1)
. Le reste de l’examen clinique était sans particu-
larité : le patient était apyrétique, en bon état général. Il n’y avait pas d’adénopathie
satellite, et l’examen des muqueuses était normal.
Devant ces lésions très tumorales, fermes à la palpation et non douloureuses, le diag-
nostic clinique était hésitant. Parmi les nombreuses hypothèses, la première était
infectieuse. La localisation des lésions évoquait une infection sexuellement trans-
missible. Aucun contage (autre que sajeune épouse) n’était rapporté. Les chancres
syphilitiques semblaient peu probables, car très atypiques par le caractère tumoral
des lésions sans adénopathie satellite ; deschancres mous étaient aussi peu vraisem-
blables, les lésions étant plutôt infi ltrées. Unherpès chronique dans une forme tumo-
rale était possible, mais faisant alors redouter une immunodépression sous-jacente.
L’hypothèse de 2botriomycomes ou d’une infection à germe banal à type d’impétigo
ou
ecthyma
semblait peu probable également, le patient ne relatant aucune plaie
préexistante. Une origine tumorale (lymphome ou autre tumeur) était possible, mais
alors très évolutive car les lésions étaient récentes. Une toxidermie à type d’érythème
pigmenté fi xe ne correspondait pas à la présentation clinique ; cette hypothèse était
écartée, d’autant que le patient ne prenait aucun médicament.
Une aphtose tumorale était possible. Il n’y avait aucun antécédent d’aphte buccal
ou génital ni aucune manifestation évoquant une maladie de Behçet. Le patient ne
signalait aucun antécédent de symptomatologie digestive évocatrice d’une maladie
de Crohn. Un
Pyoderma gangrenosum
ne pouvait être écarté, mais aucune pathologie
associée ne pouvait corroborer ce possible diagnostic.
Divers prélèvements locaux (cytodiagnostic, culture sur différents milieux à visée
bactérienne, recherche de
chlamydia
par PCR virologique et mycotique) et sanguins
(numération sanguine, sérologie VIH, TPHA-VDRL) ont été réalisés. Une biopsie
cutanée était réalisée en bordure d’une lésion.
Quelques jours plus tard, le patient, inquiet, est revenu consulter avec sa jeune
épouse pour recouper ses résultats. L’ensemble des résultats était soit normal, soit
négatif. Le résultat histologique de la biopsie cutanée était non spécifi que, à type de
bourgeon charnu. Le diagnostic restait incertain.
Sa jeune épouse montrait alors son index
(fi gure2)
, qui présentait une lésion iden-
tique à celles observées chez son jeune mari. En fait, cette lésion digitale avait été
la première à apparaître, sous la forme d’une pustule évoluant rapidement vers un
nodule ulcéré. Elle avait appliqué du nitrate d’argent, qui donnait un aspect noirâtre.
On apprenait alors qu’ils étaient musulmans et que ces lésions étaient apparues
quelques jours après la fête de l’Aïd.
Orf • Ecthyma gangrenosum
Orf • Ecthyma gangrenosum
Légendes
Figure 1. Deux nodules ulcérés du fourreau
de la verge.
Figure 2. Nodule ulcéré siégeant sur l’index
de la compagne du patient (coloration noire
liée à l’application de nitrate d’argent).