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Sous le populisme, la pluralité.
Anti-élitisme et rapports au leader chez les militants
de l’Union Démocratique du Centre en Suisse.
Philippe Gottraux et Cécile Péchu
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Institut d’Etudes Politiques et Internationales, Université de Lausanne
Résumé
La littérature tend à caractériser le populisme par deux dimensions : l’appel au
peuple contre les élites et un type particulier de rapport au leader. A partir
d’entretiens approfondis avec des militants de l’Union Démocratique du Centre
(UDC) menés dans le cadre d’une étude sur la pluralité des logiques d’engagement
dans ce parti, ce texte traite du rôle de ces deux dimensions dans l’attachement au
parti. Nous constatons d’une part que ces dimensions ne sont pas
systématiquement présentes chez les militants rencontrés ; l’attachement au parti
peut même s’opèrer en dépit du discours « populiste » du parti. Nous montrons
d’autre part que les formes que prennent ces dimensions diffèrent en fonction des
propriétés sociales et des parcours de vie des activistes. En définitive, la notion de
populisme, lorsqu’elle entend rendre compte de la « demande » d’attachement à ce
type de parti venant des militants et/ou des électeurs, provoque plus de confusion
que de clarté. Elle ne désigne implicitement qu’un nombre limité de registres dans
l’attachement à un parti tel l’UDC : un rapport émotionnel au leader, et un
sentiment anti-élites découlant d’un manque de sophistication politique.
Mots-clefs : Populisme, militantisme, Suisse, anti-élitisme, leadership
Abstract
Scholarship in political science usually depicts populism by the two following
characteristics : an appeal to the people against the ruling elites, and a particular
type of leader-follower relationship. Based on in-depth interviews with activists of
the Swiss People’s Party carried out to account for their various logics of
commitment, our paper seeks to evaluate the role played by both characteristics in
their attachment to the party. On the one hand we observe that neither appears to
be systematically at play amongst activists; attachment may even be altogether
detached from the "populist" jeremiads of the party. On the other hand we note
that these characteristics take different forms according to specific social properties
and to the life courses of the activists. Our results lead us to argue that the concept
of populism, when used to account for demand side factors influencing party
attachment at work amongst activists and/or voters, causes more confusion than
clarity. It implies that there are only a limited number of types of attachment to
parties like the Swiss People’s Party, namely: an emotional relationship to the
leader, and various anti-establishment opinions that mostly stem from a lack of
political sophistication.
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Maîtres d’enseignement et de recherche à l’Institut d’Etudes Politiques, Historiques et
Internationales (CRAPUL), Quatier Unil-Mouline, Batiment Géopolis, CH-1015 Lausanne,
courriels : Philippe.Gottraux@unil.ch et Cecile.Pechu@unil.ch