Commentaire, Aline Bachofner, La Vie protestante. Le minaret qui cache la forêt Dans la jungle des initiatives xénophobes lancées par la droite dure suisse, il en est qui exhalent plus que d'autres des relents de populisme au goût de mauvaise foi. Telle l'initiative sur l'interdiction des minarets, qui permet à Oskar Freysinger, conseiller national UDC valaisan de prophétiser que «l’érection de minarets est la voie ouverte à l’imposition de la charia». Retour sur la genèse de cette initiative, lancée en mai 2007. Suite à la confirmation du permis de construire de deux minarets dans les cantons de Soleure et de Berne, l’extrême droite lance son offensive. Le conseiller national UDC zurichois Ulrich Schlüer – non réélu en automne, espérons que cela soit un signe – et 15 autres membres de l’UDC et de l’UDF proposent la modification constitutionnelle suivante: «Art. 72, al. 3 (nouveau) La construction de minarets est interdite.» Sobre, mais indigeste. Comment faire passer un texte qui, au dire de nombreux experts juridiques, s’oppose à la Convention européenne des droits de l’homme en violant le droit à la liberté religieuse? En déniant aux minarets toute fonction religieuse, justement: «Le minaret n’a pas de lien avec la teneur de la foi, il est le symbole d’une volonté de pouvoir qui, par principe, ignore la liberté religieuse», affirment les initiants dans leur argumentaire. Et les préjugés de pleuvoir: l’islam radical, qui se cache nécessairement derrière chaque minaret, veut voiler les femmes, battre les enfants en toute impunité et égorger les moutons – blancs surtout. De quoi s'adjoindre la sympathie des défenseurs des droits de la femme, de l'enfance maltraitée et de tous les amis des animaux. La manipulation est habile, mais le geste trop grossier pour ne pas laisser voir la forêt qui se cache derrière le minaret. En demandant l’inscription d’une mesure qui ressort des législations communales sur l’aménagement du territoire dans la Constitution, l'UDC a voulu faire de l’islam l'enjeu des élections d’automne. Au vu des résultats desdites élections, inutile de se leurrer: l’initiative aboutira. Reste à espérer que l’Assemblée fédérale aura le courage de l’invalider en regard du droit international. Et qu'elle sonnera définitivement le glas de ce pas de trop vers la haine raciale et religieuse. © Sauf accord de l’auteur et de la direction du CRFJ, ces travaux, réalisés dans le cadre de la formation, ne sont pas destinés à la publication ni à la diffusion.