
Correspondances en Métabolismes Hormones Diabètes et Nutrition - Vol. XVII - n° 10 - décembre 2013
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Diabète et ramadan
d’une évaluation médicale complète au moins 1 mois
avant le début du ramadan et bénéfi cier d’une séance
d’éducation thérapeutique. Cette évaluation devrait
inclure un examen physique complet, ainsi qu’une
évaluation du contrôle métabolique (glycémie à jeun,
profi l lipidique, HbA1c, créatinine, microalbuminu-
rie). L’importance du respect des recommandations
de style de vie devrait également être soulignée pour
les patients souhaitant jeûner. Les médecins peuvent
envisager de voir les patients diabétiques de type 1 qui
observent le jeûne du ramadan une, voire 2 fois par
semaine pour l’adaptation du schéma thérapeutique.
L’adaptation des doses reste individuelle. Il est recom-
mandé d’utiliser un schéma basal-bolus avec réduction
de 20 % des doses habituelles. Il faut préférer la combi-
naison d’un analogue ultralent (à raison de 60 % de la
dose totale) et d’un analogue rapide (40 %) administré à
2 occasions, 1 au “Sahour” et 1 au “F’tour”. Une autosur-
veillance glycémique accrue, des ajustements réguliers
des doses d’insuline ultrarapide ainsi que la familiari-
sation avec le calcul des glucides seront d’une grande
aide pour obtenir un contrôle glycémique optimal
sans la contrepartie d’une hypoglycémie (23). Pour les
patients traités par pompe à insuline, plusieurs études
ont conclu que le jeûne du ramadan était réalisable, et
ce sans nécessairement d’hypoglycémie sévère, à la
condition toutefois d’une surveillance rapprochée (24,
25). La visite d’un prestataire de service peut s’avérer
d’une aide importante.
Durant la journée et à distance des repas, une glycémie
inférieure ou égale à 1,20 g/l doit amener le patient à
réduire le risque d’hypoglycémie en rapprochant les
contrôles glycémiques et en arrêtant toute activité phy-
sique intense ou même modérée. La survenue de symp-
tômes ou d’une glycémie inférieure ou égale à 0,70 g/l
pose l’indication d’un “resucrage” et la nécessité de
rompre le jeûne. Si la glycémie s’élève au contraire à
plus de 2,5 g/l, le patient doit rechercher la présence de
corps cétoniques et pourra éventuellement procéder à
une injection d’insuline de correction, selon une poso-
logie déterminée par avance avec son médecin (26).
Ramadan et grossesse
La grossesse se caractérise par un état d’insulinorésis-
tance accrue. Bien que la controverse persiste, jeûner
pendant la grossesse peut mener à un risque élevé de
morbi-mortalité maternofœtale, ainsi qu’à des désordres
métaboliques à long terme en raison de l’exposition au
stress métabolique intra-utérin lié au jeûne (le fameux
concept de programmation fœtale) [27-31]. Le Coran
indique que les femmes enceintes sont exemptées
de jeûne. Malgré tout, certaines patientes (présentant
un diabète de type 1, de type 2, ou encore un diabète
gestationnel) insistent pour jeûner pendant le rama-
dan. Ces femmes constituent un groupe à haut risque
de complications maternofœtales directement lié au
mauvais contrôle glycémique, comme l’a montré l’étude
HAPO (32). Par conséquent, ces femmes doivent être
informées de la contre-indication du jeûne. Si elles
persistent dans leur projet de jeûne, une surveillance
rapprochée et une prise en charge intensive devront
être mises en place (26).
Concernant le traitement insulinique, les analogues
rapides et, depuis peu, les analogues ultralents peuvent
être utilisés durant la grossesse avec une sécurité d’em-
ploi satisfaisante.
La sécurité d’emploi de l’insuline NPH, à raison de 1 ou
de 2 injections par jour, pendant le ramadan a été jugée
satisfaisante chez 24 femmes enceintes diabétiques qui
insistaient pour jeûner, dans une étude prospective. En
outre, près de 80 % des femmes ont été en mesure de
jeûner pendant plus de 15 jours sans aucune hypogly-
cémie ni atteinte fœtale, avec un équilibre glycémique
acceptable. Néanmoins, la petite taille de l’échantillon
ainsi que l’absence d’évaluation des eff ets périnataux et
à long terme doivent inciter à la prudence dans l’inter-
prétation de ces résultats (33).
Avant le ramadan, il est essentiel d’interroger ces
patientes sur leur intention de jeûner, d’évaluer leur
état de santé (équilibres métabolique et glycémique,
développement fœtal), et de les informer sur les risques
considérables liés à un mauvais contrôle glycémique
afi n de les dissuader de jeûner, ou tout au moins de
les accompagner pendant la grossesse. Idéalement,
les patientes devraient être orientées dans des centres
spécialisés multidisciplinaires faisant intervenir en col-
laboration obstétriciens, diabétologues, et infi rmiers
d’éducation.
Recommandations et conclusion
L’islam non seulement autorise mais recommande
aux patients diabétiques de ne pas jeûner pendant le
ramadan. Cependant, ceux qui insistent pour le faire
malgré la contre-indication médicale doivent faire
l’objet d’une prise en charge spécifi que grâce à une
coordination entre diabétologue, médecin traitant et
infi rmier d’éducation. Ainsi, les patients motivés pour
observer le jeûne devraient bénéfi cier au préalable d’un
programme d’éducation thérapeutique. Des conseils
relatifs à l’équilibre alimentaire, l’exercice physique