II. Le rôle de l’État
1°) le raisons du dirigisme initial
Depuis la Libération, tout semble inciter l’État à intervenir activement dans
l’économie :
- des raisons pratiques : le dirigisme est rendu nécessaire par l’ampleur des problèmes à
résoudre. Seul l’État semble en mesure, parce qu’il incarne l’intérêt général, de fixer les
grandes orientations d’effectuer les choix indispensables (par exemple, reconstruire les
grands équipements de voies de communication avant le parc de logements, les industries
lourdes avant les industries légères, etc.)
- des raisons politiques : le dirigisme est un choix qui s’appuie sur la répudiation du
libéralisme, jugé responsable de la crise des années 1930, et qui correspond à la volonté de
mettre à la disposition de la nation les ressources de base, les sources d’énergie, les moyens
de transport, les crédits nécessaires au fonctionnement de l’économie (cf. le programme du
Conseil national de la Résistance, adopté dans la clandestinité en mars 1944).
- des raisons idéologiques : pour beaucoup de hauts fonctionnaires et certains hommes
politiques comme Pierre Mendès France, l’État doit, par une politique conjoncturelle
appropriée, tirer l’économie du sous-emploi et maintenir la croissance. Sensibles aux idées de
Keynes, ils cherchent à les mettre en pratique, non d’ailleurs sans les déformer, puisque
celui-ci préconise seulement une intervention ponctuelle pour soutenir la croissance, et non
un dirigisme permanent qui, selon lui, étoufferait la liberté d’entreprendre. De même,
beaucoup souhaitent, comme l’a proposé Beveridge en Grande-Bretagne, un service national
de Sécurité sociale, l’État devenant un État-providence, responsable du bien-être collectif
(Plan Laroque de Sécurité sociale, mis en œuvre dès 1945).
2°) les manifestations du dirigisme
- le financement de l’économie incombe en grande partie à l’État : les dépenses
publiques, qu’elles proviennent de l’État central, des collectivités locales ou des caisses de
Sécurité sociale, représentent 37 % du PIB en 1947, 39 % encore en 1959, un poids,
sensiblement plus élevé que dans la plupart des pays industrialisés. Une partie de ces
dépenses, certes, est improductive (dépenses militaires, avec les guerres d’Indochine, puis
d’Algérie), mais les dépenses d’intervention économique sont néanmoins très lourdes,
correspondant pour l’essentiel aux grands équipements financés par l’État.
- le secteur public s joue un rôle essentiel : quasi inexistant avant-guerre, il est issu des
nationalisations de 1945-1946 (Charbonnages de France, EDF, GDF, les 4 plus grandes
banques de dépôts, les principales compagnies d’assurances, certaines entreprises
industrielles aussi comme Renault et la Société nationale de construction de moteurs
d’avion). Y prennent place aussi des entreprises publiques créées en 1945 comme le
Commissariat à l’énergie atomique.