Correspondances en Risque CardioVasculaire - Vol. II - n° 4 - octobre-novembre-décembre 2004
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ou la récidive d’un accident thrombotique arté-
riel chez un patient traité par aspirine peut pro-
bablement être due au fait que l’accident isché-
mique n’est pas d’origine thrombotique, et donc
qu’il n’est pas prévenu par une thérapeutique
antiplaquettaire. Même si l’accident ischémique
est d’origine thrombotique, sa survenue ou sa
récidive est de participation mixte (plaquettes et
coagulation) et, dans ces conditions, une théra-
peutique antiplaquettaire stricte n’est pas suffi-
sante pour prévenir l’accident thrombotique. Et
même si sa survenue ou sa récidive est d’origine
principalement plaquettaire, la voie des prosta-
glandines plaquettaires inhibées par l’aspirine
n’est qu’une des nombreuses voies de recrute-
ment et d’activation plaquettaire et, dans ces
conditions, une efficacité, même totale, de l’as-
pirine n’est pas suffisante pour inhiber globale-
ment la fonctionnalité plaquettaire et mettre à
l’abri de tout développement thrombotique pla-
quettaire. Si l’on s’accorde à prendre comme
définition de la résistance à l’aspirine le fait que
celle-ci n’exerce pas l’effet pharmacodynamique
attendu sur les plaquettes, ce sont nos collègues
neurologues qui les premiers ont utilisé le terme
de résistance (et d’échappement) à l’aspirine, et
ce il y a plus de 10 ans. Cette résistance est indis-
sociable du problème de “la bonne dose d’aspi-
rine”, une autre question qui a agité pendant la
ou les deux décennies précédentes le microcos-
me des utilisateurs de l’aspirine. Les stratégies
d’utilisation, en prévention cardiovasculaire, de
doses de plus en plus faibles d’aspirine (sans
diminution significative de l’efficacité dans les
grands essais randomisés) amènent à une évi-
dence qui relève du bon sens médico-scienti-
fique mais qui entre en contradiction avec ce que
semblent vouloir dire les grandes méta-ana-
lyses : plus on diminue la dose, plus on a de
risques de voir apparaître au niveau individuel
des patients pour lesquels la dose sera insuffi-
sante. Il s’agit donc d’un problème quotidien.
R
ÉSISTANCE À L
’
ASPIRINE
:
LES ENTITÉS CLINICO
-
BIOLOGIQUES
Ce terme est parfois employé en cas de récidives
d’accidents ischémiques, intervenant malgré un
traitement apparemment bien conduit, et lors-
qu’une inefficacité clinique est observée. Les
grands essais thérapeutiques nous ont appris
que l’aspirine ne prévenait que 25 à 30 % des
accidents ischémiques cardiovasculaires ; ce qui
veut dire que l’on sait que 70 à 75 % des réci-
dives échappent à cette prévention. Cette récidive
clinique a plusieurs types d’explications :
➊Récidive clinique d’un accident non isché-
mique.
➋Récidive clinique d’un accident ischémique mais
de physiopathologie autre que thrombotique.
➌Récidive clinique d’un accident ischémique
thrombotique mais de physiopathologie autre
que thromboplaquettaire.
➍Récidive clinique d’un accident ischémique
thrombotique de physiopathologie thrombopla-
quettaire, physiopathologie pour laquelle l’inhi-
bition de la voie des prostaglandines plaquet-
taires est insuffisante au regard de l’efficacité
attendue. Cette dernière peut avoir deux types
d’explications :
• Des prostaglandines, d’une origine autre que
plaquettaire, viennent induire l’activation des
plaquettes (même si leur propre voie endogène
des prostaglandines est correctement inhibée
par l’aspirine). Pour comprendre ce type de
résistance, il faut se rappeler que les plaquettes
ne sont pas les seules cellules à synthétiser les
thromboxanes. De nombreuses autres cellules
peuvent les synthétiser, et en particulier
d’autres cellules vasculaires intervenant dans la
pathologie thrombotique, principalement les
monocytes et les cellules musculaires lisses. La
voie de synthèse des thromboxanes dans ces
cellules ne passe pas par la COX-1 constitution-
nelle mais par la voie de la COX-2 inductible. Or,
la COX-2 est beaucoup moins sensible à l’acéty-
lation par l’aspirine que la COX-1.
La majorité des accidents thrombotiques de
l’athérosclérose sont la conséquence de la rup-
ture (ou de l’érosion) d’une plaque d’athéro-
sclérose (accidents ischémiques d’origine athé-
rothrombotique). Les mécanismes de rupture
font intervenir, en particulier, les médiateurs de
l’inflammation et les monocytes. L’activation
locale des monocytes (réaction inflammatoire)
joue un rôle pivot dans les phénomènes d’insta-
bilité, comme en témoigne la forte valeur pré-
mise au point
Quand on suit la littérature
au sujet de la résistance à
l’aspirine, on ne peut que
constater que se trouvent
réunies sous le terme de
“résistance à l’aspirine” plu-
sieurs entités complètement
différentes ; tout le monde ne
parle donc pas du tout de la
même chose.