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La Lettre d’Oto-rhino-laryngologie et de chirurgie cervico-faciale - no266 - octobre 2001
EXPLORATION ET DIAGNOSTIC DE LA PRESBYACOUSIE
En commençant son exposé, René Dauman a rappelé que les
objectifs de l’exploration du patient presbyacousique ne se limi-
tent pas à la réalisation d’une courbe audiométrique confirmant
le diagnostic et conduisant à la prescription d’aides auditives.
Elle participe en effet à la mise en œuvre d’une rééducation audio-
logique. Son but est de réduire les effets de la surdité. En effet,
ce qui motive la consultation du patient, c’est l’apparition d’une
incapacité et le désavantage qui en résulte au quotidien. Il est
alors important pour chaque individu d’évaluer ses forces, ses
faiblesses, ses besoins et ses impressions. Cette démarche com-
porte quatre parties.
Appréciation des incapacités et désavantages ressentis
C’est le motif même de la consultation. Quelles sont les situa-
tions gênantes au quotidien ? Difficultés à comprendre dans une
situation bruyante ? Difficultés à suivre un programme télévisé ?
Les corollaires, en termes de désavantages, sont le retrait social,
l’isolement, la perte de confiance en soi, etc. Cela peut être éva-
lué cliniquement par l’observation du patient, en utilisant des
échelles de gêne auditive, des questionnaires ouverts ou fermés
et l’interrogatoire des proches.
État de la communication
Elle est avant tout auditive, appréciée par les tests auditifs : audio-
métrie tonale, vocale, et évaluation du champ dynamique avec
mesure des seuils d’inconfort. Mais elle est aussi visuelle, avec
le développement d’une lecture labiale, en particulier pour les
phonèmes à composantes aiguës. La correction d’un déficit visuel
doit donc être vérifiée.
Variables associées
Il s’agit d’un ensemble de facteurs plus complexes intervenant
sur la communication. Les uns sont extrinsèques : comportement
de l’entourage et considération de la société pour les troubles de
l’audition. Les autres sont intrinsèques : attitude de l’individu qui
dépend en particulier de son éducation et de ses expériences lors
de la vie professionnelle, de son attente et de ses motivations et
encore de son état d’esprit et de l’attitude de son entourage.
État général
Sont à prendre en compte :
–la présence d’autres troubles auditifs : acouphènes et surtout
hyperacousie, qui sera à traiter en premier
;
–la mobilité de l’individu : elle peut nécessiter une aide indivi-
duelle et des aides environnementales, pour améliorer l’écoute
;
–la mobilité des membres supérieurs (tremblement, séquelles
d’AVC, etc.).
Au terme de ce bilan, il est possible, avant de démarrer l’ap-
pareillage et la rééducation, de classer les patients en quatre
catégories :
–le patient fortement motivé et sans facteur de complication :
situation idéale... ;
–le patient fortement motivé mais présentant des difficultés
personnelles : importance de l’atteinte auditive, aspect de la
courbe auditive avec chute brutale, acouphènes dérangeants, etc. ;
–le patient désireux de se faire aider, mais hostile à l’un des
aspects de la rééducation : prothèses auditives, guidance, etc. ;
–le patient déniant le handicap et consultant sous la pression de
l’entourage.
En pratique, les deux premières catégories regroupent 90 % des
patients. Le presbyacousique doit être convaincu de la justesse
de la démarche et soutenu par son entourage.
TABLE RONDE :
“LA PRESCRIPTION ET L’ACCOMPAGNEMENT”
Point de vue de l’utilisateur d’aide auditive
Le témoignage d’une patiente a permis d’illustrer les difficul-
tés successivement rencontrées. La première est la prise de
conscience du handicap que représente la presbyacousie. Après
une première phase de déni, au cours de laquelle différentes stra-
tégies d’adaptation sont mises en place, y compris l’utilisation
spontanée de la lecture labiale, la réalité de la gêne est concréti-
sée par les remarques de l’entourage, familial plus que profes-
sionnel. Au cours de cette période, la rencontre avec une per-
sonne appareillée avec succès est un élément positif. Dans le cas
de la patiente venue témoigner, cela l’a conduite à prendre contact
avec l’audioprothésiste et l’ORL. Le bilan une fois effectué, le
choix de l’appareillage a, comme souvent, été guidé par un com-
promis entre efficacité et esthétique. L’existence d’un bénéfice
important d’emblée a entraîné une utilisation quotidienne et per-
manente. Il existe cependant une fatigue durant les premiers jours
et, dans les situations très bruyantes (rue, magasins, etc.), l’appa-
reil est interrompu. La patiente insiste sur la nécessité d’un dia-
logue “sans tabou” avec les professionnels consultés : quel sera
le coût de l’appareillage ? Comment l’évaluer et l’adapter lors
du suivi ? Quand et comment le renouveler ? À ce propos, les
informations fournies par certaines publicités paraissent “exces-
sives”. L’adaptation à l’aide auditive est longue, pouvant deman-
der une année. Les modèles numériques représentent un progrès
jugé important par la patiente témoignant de son expérience per-
sonnelle. Celle-ci souligne enfin qu’elle a noté une sous-infor-
mation du corps médical vis-à-vis de la presbyacousie : les dif-
férents médecins qu’elle a eu l’occasion de rencontrer n’ont pas
prêté attention à son atteinte auditive.
Point de vue du médecin généraliste
F. Ganancia a rappelé le rôle important que joue le médecin
généraliste dans la détection de la presbyacousie. C’est souvent
l’écoute de la famille, plus que le patient lui même, qui oriente
le diagnostic. L’adaptation à la surdité et le développement de
la lecture labiale sont effectivement très fréquents. Le bilan cli-
nique puis audiométrique étant effectué en liaison avec l’ORL,
le retour vers le généraliste est utile. Il permet en effet de
répondre à des questions et préjugés vis-à-vis de l’appareillage
souvent mis en avant par les patients : “Cela va aggraver ma
surdité, me fatiguer...”. Par ailleurs, il préviendra les risques
liés à des médications ototoxiques ou à l’exposition au bruit.
Durant le suivi, il encourage le port régulier de l’aide auditive,
stimule le soutien par l’entourage, et recherche une anxiété,