Quand le cancer entre à la maison: retentissement dans le couple et la famille Les séquelles liées aux traitements et les thérapeutiques disponibles Dr Pierre BONDIL Urologue-oncologue-sexologue Centre de soins de support ERMIOS CHG Chambéry 73011 4/7/2013 Cancer et sexualité Trois dimensions essentielles Biologique Identitaire Relationnelle Pathologies sexuelles = dysfonctionnements de la fonction sexuelle mais aussi de la relation et / ou de l’identité Paramètre patient / partenaire / couple La vie sexuelle: quelle importance ? Large variabilité inter et intra-individuelle multifactorielle (état de santé / partenaire / temporalité ...) 1/3 considère leur sexualité comme essentielle ou très importante 32% 1/3 assez important 39% 1/3 peu ou pas important 29% Les points cardinaux de la sexualité enquête Lilly-IPSOS 2004 échantillon 1000 H> 34 ans (âge moyen 52) 8O % ayant un(e) partenaire sexuel Cancer = de plus en plus une maladie chronique données épidémiologiques 1. Pas un mais des cancers 2. Prévalence élevée Kc génitaux = 40% 3. Chirurgie, radiothérapie, chimiothérapie, hormonothérapie, thérapies ciblées = traitements majeurs ayant tous un risque d’iatrogénie sexuelle 4. Survie relative à 5 ans = 75 % 5. Qualité de vie et bien-être = paramètres importants pour concilier parcours de soins et parcours de vie urvie relative à 5 ans des 25 localisations principales de cancer en fonction de leur incidence annuelle en 2005 INCA, La situation du cancer en France en Les conséquences du cancer sur la vie privée Aide des proches, vie de couple, sexualité, projets parentaux… Chantal Cases, IRDES Quand et comment ? PPSOS = parcours personnalisé de soins en oncosexologie Annonce Traitement Sortie “Après cancer” Enquête « Deux ans après» information prévention prise en charge information bilan prise en charge information actions préventives/curatives Conséquences des cancers H-F sur la vie intime / privée = une réalité ! • Sexualité encore souvent perturbée = 65% • Kc cavité pelvienne = 89% H et 75% F • Fertilité (projets parentaux) souvent (au moins provisoirement) compromise = 37% F en âge de procréer et 30% H • Relations de couple après deux ans: – – – ruptures rares 8% souvent préservées 55% voire renforcées = 37% +++ Enquête « Deux ans après » C. Cases 2008 Maintien intimité / vie sexuelle / soutien partenaire = impact positif en terme d’ajustement : 1) conséquences du cancer, 2) résilience, 3) santé mentale positive Variables d’ajustement mental à la maladie cancéreuse Esprit combatif Détresse • Information • Information • Soutien affectif et moral des amis et de la famille • Désir soutien psy • Non satisfaits de leur suivi • Activité sexuelle • Soutien affectif et moral • Qualité de vie physique • Détérioration du couple Qualité de vie mentale • Activité sexuelle Séquelles (présence gêne et • Adaptation positive prise en compte) Psychotropes Adaptation négative Anne-Gaëlle Le Corroller Soriano 2008 Intimité = paramètre réellement négligeable ? Close Relationships and Emotional Processing Predict Decreased Mortality in Women with breast Cancer: Preliminary Evidence Objective: To examine close relationships and emotional processing as predictors of breast cancer mortality. Methods: Ninety women were enrolled at 14 5 months after diagnosis of Stage II/III breast cancer. The Nottingham Prognostic Index (NPI) quantified disease severity. Cox proportional hazards analyses were used to predict mortality using standardized variables. Conclusions: Two aspects of close relationships—marital confiding and dependable, non household supports—were protective against breast cancer progression. Acceptance of emotion, after controlling for emotional distress, also predicted decreased mortality. Analysis of close Relationships together with emotion processing variables suggested unique protective effects against mortality, but a larger study is necessary to determine whether this is the case. KL. WEIHS, TM. ENRIGHT, SJ. SIMMENS Psychosomatic Medicine 70:117–124 (2008) Etat des lieux sensibilisation et demande fortes…mais prise en charge très insuffisante • Problème majeur = réponse déficiente car non organisée – Trop centre / soignant / cancer dépendant - rupture parcours de soins ++ - inégalité accès / qualité = information et soins ++ • Responsables = mythes, tabous, fausses idées - « confort, prix à payer, dommage collatéral …» - « pas sérieux » ou « fait peur » - cancer (mort) et sexualité (vie) = oxymore ! • Problématiques commune patients et…soignants - communication - savoirs - lisibilité offre (« monde du silence ») +++ Cancers, sexualité, intimité Qui est potentiellement concerné ? • Tous les patient(e)s = oui (directement ou non ) • Peu de cancers « asexués » et trop de cancers « orphelins » (ORL, digestifs, hémopathies…) • A tout âge = souvent (y compris seniors +++) • Mais aussi très souvent, tous les proches partenaire +++ parents enfants • Réalité épidémiologique = près de 5 millions d’adultes en France ! Eton et al Cancer 2005; Beck et al Urol Oncol 2009; Street et al Eur J Cancer Care 2O1O; Bondil, Habold La Lettre du cancérologue 2012; Colson MH et al. Prog Urol 2012 Impacts « sexuels » potentiels des cancers ou de leur prise en charge Sexualité reproductive ou non directes F: vulve, vagin, utérus, trompes, ovaires H: testicule, verge, prostate-VS indirectes H/F = sein, vessie, colorectal, ORL… Fonctions sexuelles : désir, plaisir, excitation, éjaculation (direct /indirect) sensorielles: vue, toucher, odeur, goût, audition (direct/indirect) Cancer et troubles sexuels Complexité physiopathologique Mécanismes très souvent multiples et intriqués • propre au cancer lui-même (surtout si génital) • propre aux effets secondaires sexuels (ou non) des divers traitements • propre à tout cancer - impacts psychologique, environnemental et relationnel - difficultés communication X 2 (cancer + troubles sexuels) +++ Bondil P in Les cancers urologiques Ed John Libbey 2004 p 211-8;D .Penson et al J of Urol 2003; 169 : 1653-1661, Chauveau et al Andrologie, 2003;13: 232-41; Hu et al J Urol 2004; 171 :703-8; Kenderci et al Curr Opin Urol 2006; 16: 186-95 Cancer et couple : spécificités ? • Remise en question brutale ++ du couple = perte autonomie et désir • Difficultés = intégrer et s'adapter au nouveau statut de conjoint "malade" ou "proche soignant" et... partenaire sexuel • Quartette Eros, Tanathos, Sophia et Chronos = complexe mais fondamental • • • force symbolique cancer / sexualité / amour / soutien +++ hiérarchisation évolutive des priorités (presque toujours prioritaire aux phases initiales ) +++ attention risque "désinsertion intimité / érotique / sexuelle" = prévention / rééducation (« ASA activité sexuelle adaptée ») • Problème de la fertilité (immédiate ou future) +++ • Aidant thérapeutique potentiel (avec associations patients) Eton et al Cancer 2005; Beck et al Urol Oncol 2009; Street et al Eur J Cancer Care 2O1O; Bondil, Habold La Lettre du cancérologue 2012; Colson MH et al. Prog Urol 2012 Cancers = morbidité sexuelle importante avec iatrogénie majeure Particularités 1) prévalence élevée = > 50% (H/F) 2) souvent brutale 3) difficultés / séquelles sexuelles ou intimes durent longtemps (très souvent chroniques ++) 3) DS les plus fréquentes = baisse désir et plaisir (H/F), dysfonction érectile (H), dyspareunie (F) Informer / prévenir / réhabiliter / éduquer = RBP +++ Cancers, santé sexuelle et intimité Devenir acteur en santé sexuelle et en QdV Challenge déontologique et éthique 3 axes d’action pour répondre aux problématiques locales et / de territoire Organisationnel Information / formation Thérapeutique Oncosexologie = positionnement naturel dans l’offre de SOS Référentiel bonnes pratiques pour les professionnel de santé = étape indispensable Nouvelle offre de soins de support dans cadre prise en charge globale et transversale Référentiel disponible sur afsos.org Quand et comment situer la place et le rôle de chaque soignant dans le PPS oncosexologique ? Annonce ? Traitement ? Sortie ? Après cancer ? 1. Important légitimer mais aussi délimiter champ action de chaque catégorie professionnelle +++ 2. Important rassurer = pas de transformer les professionnels de santé en sexologue mais en acteur proactif en santé sexuelle / QdV Bondil et al Bull Cancer 2012 Référentiel disponible sur afsos.org Chaque étape : priorités propres au cancer et à son traitement , au patient et...aux soignants Pour optimiser, systématiser un espace temps et des supports facilitateurs Oncosexologie, PPS et professionnels de santé : spécificités des places et des rôles Annonce cancer » Traitement Sortie « Après IDE concerné(e)s annonce information prévention évaluation hospitalisation conventionnelle (jour / nuit) hôpital de jour, stomathérapeute consultation, domicile, soins supports, soins palliatifs… information, évaluation prise en charge spécifique coordinatrice bilan domicile consultation information prise en charge spécifique Action(s) Evaluer, informer, prévenir, orienter = être à l’écoute des patients et de leurs interrogations vis-à-vis de la sexualité; savoir repérer et conseiller pour anticiper et prévenir difficultés = tout(e) IDE en contact = besoins de sensibilisation et d’information en restant dans dimension biologique et médicale +++ (formation niveau 1a et b) Prise en charge spécifique = IDE référent(e) = motivé(e), apte et formé(e) dans dimensions « biomédicale » et psycho-relationnelle +++ (formation niveau 2) Oncosexologie, PPS et professionnels de santé: spécificités des places et des rôles Annonce Traitement Sortie « Après cancer » Pharmacien officine, préparateur Manipulateur radiothérapie Esthéticienne * évaluer, informer, orienter Action(s) Etre à l’écoute des patients et de leurs interrogations vis-à-vis de la sexualité; être proactif pour savoir repérer et conseiller pour anticiper et prévenir difficultés = tout(e) pharmacien, manipulateur et esthéticienne en contact = besoins de sensibilisation et d’information en restant dans dimension biomédicale (formation niveau 1a et b) * Professionnels partenaires des soins de support Audiovisuel 1 Séance de sensibilisation (référentiel AFSOS) Audiovisuel 3 : Physiologie – troubles et solution Disposer d’une sémantique adaptée et conserver une posture soignante FORMAT 2 heures Audiovisuel 2 et Vidéo Audiovisuel 4 : En pratique Comment accompagner à chaque étape du PPS ? Phase opérationnelle Autoriser et légitimer = rôle éthique soignants • Rompre le silence +++ - parler simplement de santé sexuelle et de ses troubles et…pas de sexe = facile et naturel +++ - corriger les fausses idées ++ (contagieux, prix à payer, pas important…) - attention au “Dr Internet” (sites référents / web.2 contrôlé HON) • Ne pas aller au-delà de la demande +++ - information = 100 % (patients / partenaire / professionnels de santé) - pas de demande de traitement = 1/3 patients - demande de soins de santé sexuelle = 2/3 patients • simple = 1/3 • complexe = 1/3 seulement Rôle primordial du traitement préventif • Information adaptée au couple et à chronologie du PPS • Indispensable phases pré, per et post-traitement • Repérer facteurs de vulnérabilité sexuelle +++ • Place croissante de l’éducation thérapeutique +++ • Soignants IDE + médecin traitant = relais très efficaces • Fertilité = AMP • Rôle très utile brochures, associations de patients, ERI, groupe de parole... Couple, cancer, sexualité. P Bondil, D Habold. 2e Assises françaises de sexologie et de santé sexuelle. Lille mars 09 Prise en charge personnalisée = multiforme et adaptée DS + attentes / demandes / besoins du patient et couple = information / éducation thérapeutique / traitement Références guidelines EAU, ISSM , JSM, AFSOS Règles de bonnes pratiques cliniques Diagnostic situationnel et éducatif Indications des traitements non spécifiques d’aide à l’érection Lesquels ? Quand ? Comment ? Par qui ? • 1ère ligne = oral = iPDE5 = tous soignants (MG / MS) grade A – Traitement à la demande (TD) (AMM 1998 S et 2003 V + T) – Traitement quotidien (TQ) = 1 prise /j (AMM 2008 T 2.5 et 5 mg) • 2e ligne = local = soignants sachants grade A – IIC >>> intraurétrale PGE1 AMM à la demande – >>> vacuum • 3e ligne = prothèse pénienne = soignants experts grade A • Rappel important car RBP et efficace ! – toujours si possible traitement à visée étiologique +++ – ne jamais négliger +++ correction facteurs risque / comorbidités / hygiène de vie Derby CA, Mohr BA, Goldstein I et al. Modifiable risk factors and erectile dysfunction: Can lifestyle changes modify risk? Urology 2000; 56:302–306.; Donatucci CF, Wong DG, Giuliano F, et al. Efficacy and safety of tadalafil once daily: considerations for the practical application of a daily dosing option. Curr Med Res Opin 2008; 24:3383-92; Ljunggren C, Hedelin H, Salomonsson K, et al. Giving patients with erectile dysfunction the opportunity to try available phosphosdiesterase type 5 inhibitors contributes to better long-term treatment compliance. J Sex Med, 2008; 5:469-75. 1ère prise en charge thérapeutique = univoque • Toujours DE + santé sexuelle – informer / rassurer / éduquer / prévenir – aide pharmacologique (quasi toujours si demandeur) • recommandations = iPDE5 en 1ère ligne +++ (grade A) • IIC = 2e ligne mais possible 1ère ligne si DE sévère ++ / préférences patients ++ (remboursement possible +++ mais action locale uniquement) • Toujours prise en charge globale = traitement(s) préventif / curatif (si besoin et/ou possible) – – – – santé non sexuelle (CV, FRCV, hygiène de vie…) écologie globale (patient / couple) toujours fonction étape clinique +++ TTT non pharmacologique peut suffire à guérir une DE éducation thérapeutique (DE + globale) Autres TTT DE iPDE5 dangereux pour coeur ? Cardiovascular Adverse Events in 26 Double-Blind Clinical Studies Event Placebo (N=1437) Tadalafil (N=3666) Sildenafil (N=877) Cardiac Arrest 0% 0.03% 0% Myocardial Infarction/Ischemia/ Possible Ischemic Symptoms 1.04 0.63 0.34 Congestive Heart Failure 0.07 0 0 Ventricular Arrhythmias 0.7 0 0.11 Cerebrovascular Events 0 0.05 0 Syncope/Hypotension/Possible Hypotensive Symptoms 0.42 0.14 0.23 Supraventricular Arrhythmias 0.07 0 0.11 Other Arrhythmias 0 0 0 Other Cardiovascular Events 0 0 0.81 Conduction Defects 0.07 0.08 0 Subjective Rhythm/Rate 0.42 0.74 0.46 Dossier d’AMM Réel problème = coût (prix moyen pour 1cp ou 1 IIC) Viagra * 25 mg 10,64 € 50 mg 12,30 € 100 mg 14,89 € Lévitra * 5 mg 10 mg 12,23 € 20 mg 14,78 € Cialis * 2.5/5 mg 10 mg 12,26 € 20 mg 12,21 € Edex** 10 µg 13,74 € 20 µg 13,74 € Caverject** 10 µg 14,16 € 20 µg 14,16 € * ** 10,53 € Prix libre = variable selon pharmacies +++++ = trucs/astuces Remboursement (médicament exceptions) = certaines étiologies Éviter internet PPS oncosexologique = simplifier le complexe identifier et optimaliser ressources et compétences = organiser Patient / partenaire Associations patients ROR Soins de support IDE, Médecins spécialistes MG rôle pivot kinésithérapeute, psychologue, pharmacien... Réponses Public / privé Ville / hôpital Boite à outils = multiforme Réponses gynécologiques Réponses urologiques Bondil et al Bull Cancer 2012 Réponses psychologique s Autres réponses spécifiques organiques ou non Réponses médicosociales Algologie, stomathérapie infertilité... Réponses sexologiques esthétiques... Oncoplastie, oncodermatologie... Pourquoi faut-il dépister une dysfonction sexuelle (DS) en cas de cancer ? • Objectifs = bénéfices multifactoriels +++ – – – – – – – – – • rassurer en informant car peurs souvent masquées prévenir / prendre en charge morbidité sexuelle / intimité améliorer état de santé globale patient améliorer QdV / bien-être (patient / partenaire) améliorer ajustement au cancer/conséquences promouvoir santé et hygiène de vie promouvoir approche médicale globale et personnalisée promouvoir capacités de dialogue / communication promouvoir sciences humaines et exactes OUI OUI OUI OUI OUI OUI OUI OUI OUI Impacts bénéfiques potentiels additionnels – – – – améliorer observance améliorer santé partenaire réduire coûts améliorer pronostic (ex. activité physique) PROBABLE PROBABLE PROBABLE POSSIBLE Conclusions (1) oncosexologie = médecine technicienne et humaniste • Santé sexuelle et qualité de vie font partie du soin en oncologie • Oncosexologie = nouvelle compétence et offre en soins de support • Concilier objectifs carcinologiques et de qualité de vie - choix de la stratégie thérapeutique car risque sexuel iatrogène = traitementdépendant - 4 paramètres : cancer, terrain, environnement, souhaits du patient (qualité de vie et projets de vie) - • information à double sens indispensable Prise en charge globale et personnalisée initiale et lors du suivi - information / prévention (bon traitement + bon moment + bonne personne) prise en charge technique spécifique fonction demande simple ou complexe Conclusions (2) Les solutions existent Agir et passer du niveau individuel au niveau collectif (exemple de la douleur+++) 1. modifier les comportements - lever le silence, légitimer la demande et autoriser à en parler (tous les acteurs +++) - changer / modifier / moderniser logiciels car fait partie du soin en oncologie - augmenter nombre professionnels (offre) = améliorer information / formation (niveau individuel et collectif sur communication et aspects techniques spécifiques) - disposer référentiels, outils diagnostiques / dépistage (éviter toute érotisation et rester « professionnels de santé ») 2. structurer et organiser = rendre visible offre de soins - ROR (registre opérationnel des ressources = annuaire) - rôle essentiel des SOS au niveau chaque territoires de santé « Cancer: le malade est une personne » 2010 A. Spire et M Siri Ed Odile Jacob novembre 2010