TUMEURS UROLOGIQUES
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La Lettre du Cancérologue - volume X - n° 6 - novembre-décembre 2001
ans les actualités de l’année 2001, il faut surtout
relever : dans les cancers de prostate localisés, les
données de l’escalade de dose de la radiothérapie
conformationnelle avec modulation d’intensité, l’émergence
des taxanes et notamment du docétaxel dans les formes méta-
statiques (les résultats des études randomisées devraient être
disponibles en 2002) ; dans les cancers de vessie, les résultats
de l’essai randomisé néoadjuvant du SWOG avec le MVAC et
la controverse qu’il a déclenchée, la place centrale qu’a prise
la gemcitabine dans les formes évoluées ; enfin, dans les can-
cers du testicule, l’importance de la qualité de la chirurgie des
lésions métastatiques résiduelles non complètement stérilisées,
des métastases hépatiques, des formes réfractaires.
CANCERS DE LA PROSTATE
Dépistage par le PSA
Les idées évoluent-elles avec la généralisation du PSA et la
diminution de la mortalité par cancer de prostate amorcée aux
États-Unis ? J. Barry a refait le point dans le New England
Journal of Medicine (1). Les conclusions et les recommanda-
tions n’ont pas changé en l’absence de données issues de
larges études contrôlées et il faut attendre les résultats des
essais randomisés américains et européens, qui ne seront ter-
minés qu’entre 2004 et 2009… Seul le dépistage des hommes
à risque familial et à partir de l’âge de 45 ans se justifie.
Traitement néoadjuvant avant prostatectomie radicale
L’intérêt d’une hormonothérapie avant prostatectomie n’est
pas démontré et la durée optimale du traitement hormonal
néoadjuvant n’est pas connue. Un essai de phase III (2) réalisé
entre 1995 et 1998, chez 547 patients comparant trois mois à
huit mois d’une hormonothérapie néoadjuvante associant leu-
prolide mensuel et flutamide (250 mg x 3 par jour) pour des
tumeurs T1 et T2, a montré un taux de marges positives signi-
ficativement inférieur dans le groupe de traitement prolongé
(12 % versus 23 %, p = 0,01). Il faudra attendre les données de
suivi à long terme pour savoir si cela se traduit par une amélio-
ration du taux de rechute biologique.
Des essais de phase II de chimiothérapie néoadjuvante avec le
docétaxel sont en cours (3, 4). Ils concernent des sujets à haut
risque de récidive (stade T2b, T2c ou T3 clinique avec Glea-
son de 8 à 10, PSA > 15 ou 20 ng/ml). Le docétaxel est donné
à la dose de 36 à 40 mg/m2par semaine, six perfusions en cas
de réponse après deux cycles. Les données sont trop prélimi-
naires pour pouvoir tirer la moindre conclusion.
Comment définir la progression biologique après prostatec-
tomie radicale ?
Celle-ci est actuellement parfaitement définie après traitement
par radiothérapie par le consensus de l’ASTRO. Les départe-
ments d’urologie et de biostatistiques de San Diego et de la
Mayo Clinic (5) ont analysé plusieurs critères (cut-off de PSA
à 0,2, 0,3, 0,4 et 0,5 ng/ml ou les critères de l’ASTRO) sur un
échantillon de 2 782 patients. Ils recommandent, en vue d’une
standardisation permettant une appréciation comparative des
données de survie sans progression, qui varient beaucoup selon
le critère défini, le choix d’un cut-off fixe qui pourrait être de
0,4 ng/ml (ou plus ?).
Impact prédictif de rechute du cancer de prostate à caractère
familial ?
Les formes familiales (que ce soit dans la population cauca-
sienne ou noire américaine) ne présentent pas de différence par
rapport aux formes sporadiques en ce qui concerne le taux de
rechute biologique, d’après une large étude (6), effectuée sur
910 patients traités par prostatectomie radicale et dont les don-
nées familiales ont pu être analysées chez 676 sujets. Cent
soixante-dix-sept patients (23 %) présentaient une forme fami-
liale. Dans la population noire, les taux de rechute biologique
ont été de 32 % en cas d’antécédent, de 26 % en leur absence
(p = 0,51) versus respectivement 17 % et 18 % dans la popula-
tion blanche (p = 0,79).
Les rechutes locales isolées semblent rares chez les patients
présentant un cancer de prostate Gleason 7 avec marges
chirurgicales positives
Dans une série de 112 patients présentant un cancer de prostate
Gleason 7 avec des marges chirurgicales positives sans atteinte
des vésicules séminales et sans atteinte ganglionnaire, l’équipe
du John Hopkins (7), avec un suivi médian de huit ans, n’a
retrouvé que 6 % de récidive locale à cinq ans et dix ans (ver-
sus 40 % et 52 % de rechute biologique, 7 % et 16 % de réci-
dives à distance) ; cela remet en cause l’intérêt dans cette
situation d’une radiothérapie postopératoire.
Les tumeurs urologiques
! P. Beuzeboc*
* Institut Curie, 26, rue d’Ulm, 75231 Paris Cedex 05.
D
Quel est le pronostic des envahissements histologiques des
vésicules séminales sans atteinte ganglionnaire sur pièces
de prostatectomies ?
Sur une série de 2 151 prostatectomies consécutives réalisées
entre 1982 et 1997 au John Hopkins Hospital (8), 109 (5,1 %)
présentaient un envahissement histologique des vésicules
séminales sans atteinte ganglionnaire. Les pourcentages de
patients sans récidive biologique à cinq ans et dix ans ont été
respectivement de 45 % et 29 %. Le mauvais pronostic de
l’atteinte des vésicules séminales ne semble pas lié à une
atteinte microscopique ganglionnaire.
Mortalité des cancers avec atteinte ganglionnaire traités par
curage, prostatectomie et hormonothérapie ?
Dans une série de 3 463 patients consécutifs traités à la Mayo
Clinic par prostatectomie, Cheng et al. (9) ont analysé
322 patients présentant une atteinte ganglionnaire. Deux cent
quatre-vingt-dix-sept patients ont été traités dans les 90 jours
par une hormonothérapie adjuvante. Les survies sans pro-
gression à cinq et dix ans pour les patients avec atteinte gan-
glionnaire ont été de 74 ± 2 % et de 64 ± 3 % respectivement,
comparativement à 77 ± 1 % et 59 ± 2 % pour les formes
sans atteinte ganglionnaire. Les survies cancer spécifique à
5et 10 ans étaient, en cas d’atteinte d’un seul ganglion, de
99±1% et 94 ±3%. Après ajustement à l’extension extra-
prostatique, à l’envahissement des vésicules séminales, au
grade de Gleason, aux marges chirurgicales, à la ploïdie et au
taux de PSA préopératoire, le risque relatif de mortalité était
de 6,1 (IC 95 % : 1,9-19,6) pour les tumeurs avec deux gan-
glions, de 4,3 (IC 95 % : 1,4-13) en cas d’atteinte de plus de
deux ganglions.
TGF ß1 avant prostatectomie et pronostic
Il a été montré que le TGF ß1 (transforming growth factor
beta 1) favorisait la mobilité cellulaire et les métastases dans
des modèles expérimentaux de cancer de prostate. Une aug-
mentation de l’expression locale de TGF ß1 a été associée au
grade tumoral, au stade pathologique et à l’atteinte ganglion-
naire dans les cancers de prostate chez l’homme. Des taux
plasmatiques préopératoires élevés de TGF ß1 se sont révélés
des marqueurs prédictifs forts de progression biologique après
prostatectomie radicale, sans doute en raison de leur associa-
tion avec une maladie micrométastatique occulte, dans une
étude du NCI conduite chez 120 patients (10). Ce marqueur
pourrait être intéressant lors de l’échec biologique pour “dis-
tinguer” rechute locale pouvant bénéficier d’une irradiation et
rechute plus diffuse, à traiter de façon systémique.
Critères aidant à sélectionner des patients pouvant bénéficier
d’une radiothérapie après prostatectomie
Si un PSA détectable et en progression signe la reprise évolu-
tive de la maladie après prostatectomie radicale, cela ne per-
met pas de préciser si la récidive est purement locale ou, au
contraire, plus diffuse. Les données du toucher rectal, des
biopsies de la loge de prostatectomie, l’intervalle libre entre la
prostatectomie et la rechute biologique, le temps de double-
ment du PSA, le score de Gleason, enfin, les marges positives
ou l’atteinte des vésicules séminales peuvent servir de critères
pour identifier les candidats qui pourraient bénéficier d’une
radiothérapie locale (11). En l’absence de sélection, le taux de
réponse rapporté à un traitement local est faible, de l’ordre de
10 % (Cadeddu, J Urol 1998 ; 159 : 173-7) ; il est, en
revanche, de l’ordre de 48 à 56 % en cas de récidive locale
confirmée par biopsies (Rogers, J Urol 1998 ; 160 : 1748-53 ;
Vander Kooy, Urology 1997 ; 49 : 65-70).
Radiothérapie du cancer de prostate localisé
Signalons, dans le nouveau Lancet Oncology (12), une revue
générale très exhaustive de Duchesne sur les données
actuelles concernant, notamment, le problème de l’escalade
des doses et de la curiethérapie. Surtout, il faut insister sur la
publication de Zelefsky et al. (13) qui ont présenté les résul-
tats à long terme et la tolérance de la radiothérapie conforma-
tionnelle avec modulation d’intensité. Entre 1988 et 1998,
1100 patients ont été traités au MSKCC de New York par
des doses croissantes : 96 (9 %) par 64,8 Gy, 269 (24 %) par
70,2 Gy, 445 (40 %) par 75,6 Gy, 250 (23 %) par 81 Gy,
40 (4 %) par 86,4 Gy. Les patients ont été stratifiés en trois
groupes suivant le PSA initial (> 10 ng/ml), le score de Glea-
son (> 6) et le stade (> T2). La dose de radiothérapie s’est
montrée le facteur le plus important en ce qui concerne la
survie sans récidive dans les trois groupes pronostiques. Pour
le groupe à bon pronostic (0 facteur), la survie sans récidive
était de 77 % (± 8) avec une dose de radiothérapie comprise
entre 64,8 et 70,2 Gy versus 90 % (± 8) avec une dose de
75,6 à 86,4 Gy (p = 0,05) ; pour le groupe intermédiaire (1 à
2facteurs), elle était respectivement de 50 % (± 8) versus
70 % (± 6) (p = 0,001) ; enfin, pour le groupe à mauvais pro-
nostic (3 facteurs), de 21 % (± 8) versus 47 % (± 6)
(p = 0,002). La toxicité a été évidemment dose-dépendante,
mais le traitement par modulation de dose permet de dimi-
nuer fortement les rectites de grade 2, puisque l’incidence à
trois ans sur 189 cas traités avec 81 Gy n’était que de 2 % (au
lieu de 14 % rapportés à la même dose en radiothérapie 3D
chez 61 patients).
Quelles sont les complications à long terme de la curiethérapie ?
Les complications à long terme (médiane de suivi : 5,2 ans) de
500 patients traités au Northwest Hospital par curiethérapie
seule ou associée à une radiothérapie externe ont été analysées
(14). Les symptômes digestifs ont été peu fréquents (4-9 %, y
compris avec la radiothérapie externe). Une incontinence uri-
naire, le plus souvent limitée à des fuites de quelques gouttes,
a été rapportée dans 45 % des cas (morbidité surtout en cas de
résection transurétrale : 83 % versus 39 %, p = 0,005). Une
impuissance totale a été relevée chez 50 % des patients et une
altération des érections dans 73 % des cas.
Traitement hormonal : immédiat ou différé ?
Il n’y a pas d’argument pour un traitement précoce des
rechutes après prostatectomie ou radiothérapie, comme le
montre la très bonne revue de la littérature des essais randomi-
sés, publiée par Walsh (15) dans le Journal of Urology.
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La Lettre du Cancérologue - volume X - n° 6 - novembre-décembre 2001
Intérêt des biphosphonates
Le pamidronate prévient l’ostéoporose induite par la
déprivation hormonale, comme l’a montré clairement une
étude randomisée menée sur 48 semaines et appréciant la perte
de minéralisation osseuse par absorptiométrie au niveau du
rachis lombaire, du trochanter et de la hanche sous traitement
par leuprolide (16).
Une étude de phase III du MRC (17), présentée à l’ASCO en
session orale, a montré l’intérêt potentiel d’un traitement par
clodronate pour retarder la progression symptomatique des
métastases osseuses. Trois cent onze patients présentant un
cancer de prostate avec des métastases osseuses ont été inclus
sur une durée de plus de quatre ans : 155 ont été traités par
clodronate (4 comprimés par jour) et 156 par un placebo.
Avec un suivi médian de 43,5 mois et une durée médiane de
traitement de 23,6 mois dans le bras clodronate versus
19,3 mois dans le bras placebo, la réduction estimée de pro-
gression symptomatique, qui représentait le critère de juge-
ment principal, a été de 8,5 % (IC 95 % : 0-16 %). Le but de
l’étude était de détecter une différence de 11 % (50-61) à
deux ans. La réduction estimée de mortalité à deux ans a été
de 6 % (IC 95 % : 3-14). Les effets secondaires ont été plus
marqués avec le clodronate, essentiellement représentés par
des troubles digestifs. Il faudra attendre les résultats de séries
plus importantes pour conclure.
Le clodronate dans le traitement palliatif des métastases
osseuses de cancers en échappement permet de diminuer
l’importance des douleurs osseuses comme l’a montré un
essai prospectif ouvert réalisé chez 85 patients (18). Dans cette
étude, le clodronate était utilisé les huit premiers jours par voie
i.v. à la dose de 300 mg, puis en maintenance per os à la dose
de 1 600 mg/jour. Une réduction significative du score de la
douleur de 7,9 à 2,5 (p < 0,001) a été obtenue chez 64 patients
(75%). La durée d’action moyenne a été de neuf semaines.
Des essais sont en cours avec des biphosphonates de troisième
génération, comme l’ibandronate ou le zoledronate.
Le traitement des formes en échappement hormonal
La dexaméthasone seule à faibles doses (0,5-2 mg/jour) est
non seulement capable d’améliorer les douleurs et la qualité de
vie, mais elle peut permettre de diminuer le taux de PSA,
comme l’a montré une étude japonaise (19) qui a inclus
37 patients et rapporté une baisse du PSA supérieure à 50 %
confirmée à un mois, dans 62 % des cas. Le temps moyen
jusqu’à progression a été de neuf mois et la médiane de survie
de 22 mois, dans cette étude.
Un essai de phase III de l’EORTC (20) a randomisé des
patients symptomatiques en échappement hormonal pour
recevoir soit de la prednisone (5 mg x 4/j), 101patients, soit
du flutamide (250 mg x 3/j), 100 patients. Le traitement par
agoniste de la LH-RH était poursuivi. Il n’a été retrouvé aucune
différence en temps moyen jusqu’à progression (3,4 mois avec
la prednisone, 2,3 mois avec le flutamide) ou en survie globale
(respectivement 10,6 mois et 11,2 mois). Avec la prednisone,
56 % des patients, versus 45 % avec le flutamide, ont constaté
une amélioration subjective, appréciée par le performance sta-
tus, la consommation d’antalgiques et le recours nécessaire à
d’autres traitements palliatifs. Une baisse du PSA supérieure à
50 % a été observée dans 21 % des cas traités par prednisone
versus 23 % dans le groupe flutamide. Les données de qualité
de vie à partir du questionnaire QLQ-30 de l’EORTC sont en
faveur de la prednisone, avec des différences significatives en
ce qui concerne la douleur, la fatigue, la “fonctionnalité”, la
perte d’appétit, les troubles digestifs et la qualité de vie globale.
Une revue complète de Seminars in Oncology (21) vient
d’être consacrée au docétaxel dans les cancers de prostate
à différents stades de la maladie.
Un essai multicentrique de phase II (22) utilisant une monothé-
rapie par docétaxel hebdomadaire (36 mg/m2J1, J8, J15, J22,
J29, J36, deux cycles repris à 15 jours d’intervalle) au stade
métastatique, hormonoréfractaire et symptomatique a rapporté
un taux de réponse biologique (réduction de 50 % du PSA per-
sistant plus de deux mois) de 41 % (24/60 patients) avec un
temps médian jusqu’à progression de 5,1 mois pour tous les
patients et une médiane de survie globale de 9,4 mois. Il faut
noter que 25 % des patients avaient déjà reçu une chimiothéra-
pie préalable. La toxicité hématologique a été minime (respec-
tivement 3 % de neutropénies, 2 % de thrombopénies et 7 %
d’anémies de grades 3 et 4).
La combinaison de docétaxel hebdomadaire (35 mg/m2J1 et
J8) et d’estramustine (3 jours la première et la deuxième
semaines de cycles de 21 jours) a été étudiée dans une série de
30 patients métastatiques en échappement hormonal, pouvant
aussi avoir été prétraités par chimiothérapie (23). Le nombre
médian de cycles a été de 5 (1-22). Vingt-trois patients (76 %)
ont présenté une baisse de plus de 50 % de leur PSA. Les prin-
cipaux effets secondaires ont été non hématologiques (nausées,
diarrhées, œdèmes, asthénie) avec, en particulier, 6 % de com-
plications thrombo-emboliques.
Des études de phases I-II associant le docétaxel au calcitriol (la
forme active de la vitamine D) (24), au G3139 (oligonucléotide
antisens dirigé contre l’expression de bcl-2) (25), à l’exisulind
(métabolite sulfone d’un anti-inflammatoire, le sulindac) (26),
au thalidomide (27) sont actuellement en cours.
La combinaison du docétaxel, de l’estramustine et du trastuzu-
mab fait l’objet d’une étude de faisabilité à San Francisco (28).
Le rôle de la protéine Her-2 dans la pathogénie des cancers de
prostate reste incertain. Sa surexpression est liée à la progression
vers l’hormono-dépendance, comme le montre l’étude de Signo-
retti publiée dans le Journal of the national cancer Institute (29),
étude qui retrouve une augmentation de la fréquence de la surex-
pression entre les tumeurs primaires traitées par chirurgie seule
(17/67), les tumeurs traitées par castration avant chirurgie
(20/34) et des tumeurs androgéno-résistantes (14/18). En
revanche, il faut noter qu’aucune amplification par FISH n’a été
retrouvée quel que soit le stade de la maladie. La fréquence de la
surexpression et de l’amplification dans les cancers androgéno-
indépendants n’est en effet pas bien établie. Dans une étude réa-
lisée à l’université de San Francisco sur 32 échantillons, 2 (6 %)
avait une surexpression cotée 2+ en immunohistochimie et
2(6%) une surexpresssion 3+ et seulement 2 une amplification
génique détectée en FISH. Dans une autre étude, sur 62 échan-
tillons métastatiques, aucune amplification génique n’avait été
retrouvée (Bubendorf, Cancer Res 1999 ; 59 : 803-6).
TUMEURS UROLOGIQUES
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La Lettre du Cancérologue - volume X - n° 6 - novembre-décembre 2001
Des associations avec l’Iressa®viennent également de débuter.
Kelly et al. (30) ont réalisé une étude d’escalade de dose du
paclitaxel hebdomadaire (60 à 100 mg/m2) associé à l’estra-
mustine (10 mg/kg/j) et au carboplatine (AUC = 6 toutes les
quatre semaines) dans les cancers en échappement hormo-
nal. Cinquante-six patients ont été traités avec une médiane de
quatre cycles. La dose de paclitaxel a pu être augmentée
jusqu’à 100 mg/m2sans que soit atteinte la dose toxique limi-
tante. Une baisse de PSA supérieure à 50 %, à 80 %, et à 90 %
a été rapportée dans, respectivement, 67 %, 48 % et 39 % des
cas. Le temps médian jusqu’à progression a été de 21 semaines
et la médiane de survie de 19,9 mois pour l’ensemble des
patients. Il faut noter le taux majeur d’accidents thrombo-
emboliques (25 % des patients) liés à l’absence de prévention,
prévue dans les essais actuels combinant taxanes et estramus-
tine (par Coumadine®à faibles doses, par exemple).
La combinaison d’estramustine (10 mg/kg de J1 à J5), de
docétaxel (70 mg/m2J2) et de faibles doses d’hydrocorti-
sone (40 mg/j), reprise toutes les trois semaines, a fait l’objet
d’un essai de phase II du CALGB (Cancer and Leukemia
Group B) (31) ayant inclus 47 patients en échappement hormo-
nal. Trente patients (68 %) ont eu une baisse de plus de 50 %
de leur PSA et 25 (57 %), une diminution de plus de 75 %.
L’incidence de maladie, thrombo-embolique, a été de 9 %. Le
temps médian jusqu’à progression a été de huit mois et la
médiane de survie, de 17 mois. Un essai de phase III est en
cours, comparant cette association à la combinaison de
mitoxantrone et de prednisone selon le schéma de Tannock.
Une tumeur rare : le sarcome de prostate
Les sarcomes de prostate comptent pour moins de 0,1 % des
tumeurs malignes de prostate. La plupart sont responsables
d’une obstruction urinaire. Le diagnostic est le plus souvent
fait par résection transurétrale. Le PSA est, dans la grande
majorité des cas, normal. L’IRM est sans doute l’examen le
plus utile avant la chirurgie pour apprécier l’extension locale.
Les léiomyosarcomes représentent le type histologique le plus
fréquent chez l’adulte et tels sont les rhabdomyosarcomes chez
les enfants. L’expérience du MD Anderson (32) de 21 patients
présentant un sarcome prostatique diagnostiqué entre 1972 et
2000 (12 léiomyosarcomes, 4 rhabdomyosarcomes, 1 histio-
cytofibrome et 4 sarcomes non classés) a été rapportée dans le
Journal of Urology (Sexton). Huit patients étaient en vie sans
récidive avec un suivi médian de 81,5 mois (10-180 mois). Le
taux de survie actuariel à un, trois et cinq ans était, respective-
ment, de 81 %, 43 % et 38 %. La qualité des marges représente
le facteur essentiel du pronostic pour les formes localisées. Le
mauvais pronostic de ces sarcomes traités par chirurgie seule
fait discuter l’intérêt de traitements complémentaires…
CANCERS DU TESTICULE
Place de la chimiothérapie dans les séminomes de stade I
La radiothérapie des aires ganglionnaires lombo-aortiques et
iliaques homolatérales représente depuis 30 ans le traitement
standard des séminomes testiculaires de stade I. Afin d’éviter
une morbidité potentielle à distance, la question se pose de
l’intérêt éventuel d’une chimiothérapie. Une équipe autri-
chienne (33) a rapporté des résultats à 12 ans, dans une série
rétrospective de 107 patients, d’une chimiothérapie adjuvante
utilisant deux cycles d’une monothérapie par carboplatine
(400 mg/m2toutes les trois à quatre semaines). Il n’a pas été
observé de rechute tumorale, ce qui suggère une équivalence
de résultats avec la radiothérapie.
La chimiothérapie des formes non séminomateuses à bon
pronostic
Dans les tumeurs non séminomateuses à bon pronostic, le
vaste essai randomisé de l’EORTC et du MRC rapporté par de
Wit et al. (34), conduit chez 812 patients entre mars 1995 et
avril 1998, a montré l’équivalence de résultats entre, d’une
part, trois et quatre cycles de BEP et, d’autre part, l’utilisation
d’un schéma sur trois ou cinq jours (de Wit). Le standard de
trois BEP dans ces formes n’est plus discutable.
En revanche, les doses doivent être respectées. Un schéma de
BEP sur trois jours avec une réduction des doses (bléomycine
30 mg seulement à J1, étoposide 120 mg/m2J1, J2, J3, cisplatine
100 mg/m2J1) s’est montré inférieur au BEP classique selon le
schéma d’Indianapolis sur cinq jours (avec la bléomycine à J8 et
J15), dans un essai randomisé australien et néo-zélandais (35).
Valeur prédictive de la rapidité de décroissance des
marqueurs
Mazumbar et al. (36) ont étudié la valeur de la vitesse de
décroissance des marqueurs durant les deux premiers cycles
comme éléments prédictifs du devenir et ils ont pu conclure
qu’elle avait une valeur pronostique indépendante du risque.
Cent quatre-vingt-neuf patients présentant une élévation initiale
de l’alpha-fœto-protéine (AFP) et des hCG et traités par une
chimiothérapie à base de cisplatine entre 1986 et 1998 ont été
inclus dans cette analyse. Les patients ont été classés à bon pro-
nostic, à pronostic intermédiaire et à mauvais pronostic, selon
les critères de l’IGCCCG. La décroissance des marqueurs a été
corrélée avec la réponse, la survie sans récidive et la survie glo-
bale. Les proportions de réponses complètes, les taux de survie
sans rechute à deux ans et de survie globale entre une décrois-
sance satisfaisante (demi-vie calculée des AFP < 7 jours et
demi-vie des hCG < 3 jours) et non satisfaisante des marqueurs
(au-delà de ces limites) étaient respectivement de 92 % versus
62 %, de 91 % versus 69 % et 95 % versus 72 %. La vitesse de
décroissance des marqueurs restait une variable significative
indépendante pour les trois quand elle était ajustée au risque
(p < 0,01). Cela pourrait avoir une implication pour éviter peut-
être une escalade de dose chez des patients à risque présentant
une décroissance satisfaisante des marqueurs.
Signification pronostique et rôle de la chimiothérapie post-
chirurgicale en cas de persistance de cellules malignes après
chimiothérapie première
Pour essayer de répondre à cette question, Fizazi (37) a réalisé,
en contactant de nombreuses équipes internationales, une
enquête regroupant 238 patients dont les marqueurs après
chimiothérapie étaient normalisés avant la chirurgie d’exérèse
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La Lettre du Cancérologue - volume X - n° 6 - novembre-décembre 2001
des masses résiduelles. Une analyse multivariée sur la survie a
pu être conduite sur 148 patients. La survie sans progression
chez ces patients à cinq ans était de 64 %, la survie globale de
73 %. Trois facteurs indépendants sont apparus associés aux
survies sans récidive et globale : la résection complète
(p < 0,001), la persistance de moins de 10 % de cellules
viables (p = 0,001) et l’appartenance au groupe de bon pronos-
tic de l’IGCCC (International Germ Cell Consensus Classifi-
cation) (p = 0,01). Les patients ont été séparés en trois
groupes : favorable sans facteur de risque, intermédiaire avec
un facteur de risque, grave avec deux ou trois facteurs de
risque. La survie globale à 5 ans pour les trois groupes a été
respectivement de 100 %, de 83 % et de 51 % (p < 0,001). La
survie sans progression à cinq ans a été de 69 % et 52 % res-
pectivement chez les patients traités par chimiothérapie post-
opératoire et chez ceux n’en ayant pas reçu (p < 0,001), sans
qu’il y ait de différence significative en survie globale à
cinq ans. Les conclusions étaient les mêmes après ajustement
aux trois facteurs pronostiques. Le principal message de cette
étude peut se résumer à la nécessité d’une résection chirurgi-
cale complète. L’utilité d’une chimiothérapie postchirurgicale
n’est pas démontrée et doit se discuter en fonction du pourcen-
tage de cellules viables, de la qualité de la résection chirurgi-
cale et du groupe pronostique de l’IGCCC. Aucune recom-
mandation ne peut être tirée concernant le protocole à utiliser,
notamment sur l’intérêt d’une chimiothérapie intensive ou
d’une chimiothérapie de rattrapage différente…
Le traitement des formes de mauvais pronostic
L’équipe néerlandaise de Groningen (38) a comparé le pronos-
tic à long terme de 299 cancers du testicule traités sur deux
périodes successives (1977-1986 et 1987-1996) en analysant
les modifications selon les critères pronostiques définis par
l’IGCCC. La curabilité est passée de 77 % à 88 %. Ce sont les
patients présentant les formes classées comme étant de mau-
vais pronostic qui ont le plus bénéficié de l’amélioration de la
survie à 10 ans (66 % au lieu de 37 % versus respectivement
94-95 % pour les formes de bon pronostic et 87-64 % pour les
formes de pronostic intermédiaire).
Une étude multicentrique allemande (39) a étudié l’intérêt
d’une combinaison TIP de paclitaxel (175 mg/m2), d’ifosfa-
mide (5 x 1,2 g/m2) et de cisplatine (5 x 20 mg/m2) pendant
trois cycles, suivie d’une chimiothérapie intensive CET utili-
sant du carboplatine (500 mg/m2x 3), de l’étoposide
(600 mg/m2x 4) et du thiotépa 150 à 250 mg/m2x 3) avec
autogreffe par cellules souches hématopoïétiques. Cette étude
de phase II a inclus 80 patients : 69 % ont répondu au TIP,
78 % seulement ont reçu une intensification. La survie globale
à 3 ans était de 30 % et la survie sans récidive de 25 %.
Dans les formes résistantes, après chimiothérapie intensive,
il faut aussi insister sur l’importance de la chirurgie de
sauvetage, comme l’a rapporté l’expérience de l’équipe de
Léon-Bérard (40). Six des 32 patients dans cette situation sont
vivants, en rémission à long terme grâce à cette chirurgie.
Rivoire et al. (41) ont rapporté l’expérience du centre
Léon-Bérard et de l’Institut Gustave-Roussy concernant la
chirurgie des métastases hépatiques de tumeurs germinales
sur une série de 37 patients, permettant de mieux cerner les
indications. Pour des masses résiduelles inférieures ou égales à
1 cm, la très forte probabilité de stérilisation doit faire plutôt
considérer une surveillance très étroite. À l’inverse, les
patients avec des masses supérieures à 3 cm représentent un
groupe à haut risque ne semblant pas bénéficier de la chirurgie
hépatique, qui apparaît en revanche utile pour des métastases
de taille intermédiaire.
Quel est l’impact à long terme de la chimiothérapie sur la
fonction des cellules de Leydig ?
Une étude allemande (42) réalisée sur 244 patients divisés en
trois groupes (groupe 1 : 58 patients n’ayant pas reçu de
chimiothérapie, groupe 2 : 117 patients ayant reçu des doses
cumulatives de cisplatine inférieures à 400 mg/m2, groupe 3 :
69 patients ayant reçu des doses supérieures à 400 mg/m2),
avec un temps médian depuis la chimiothérapie pour les
groupes 2 et 3 de 74 et 75 mois, a montré que les taux de testo-
stérone et du rapport testostérone sur la protéine porteuse
(SHBG) n’étaient pas différents entre les groupes 1 et 2 mais
différaient significativement d’avec ceux du groupe 3
(p = 0,03). Une corrélation significative a été retrouvée avec
les taux de LH et FSH (p < 0,0001). Une chimiothérapie à
fortes doses est donc responsable d’une altération significative
et durable de la fonction gonadique. La relevance clinique de
ces perturbations biologiques reste à préciser avant de discuter
l’intérêt éventuel de traitements hormonaux.
Une tumeur rare : le sarcome des cordons spermatiques
Ballo et al. (43) ont rapporté l’expérience du MD Anderson sur
une série de 32 patients pris en charge entre 1956 et 1998. Il
existe une hétérogénéité anatomopathologique importante :
12 fibrohistiocytomes malins, 6 léiomyosarcomes, 8 liposar-
comes et, dans 6 cas, d’autres sous-types. Tous les patients,
sauf deux, ont été traités par une orchidectomie, avec parfois
nécessité d’une reprise chirurgicale pour obtenir des marges
saines (3). Avec une médiane de suivi de neuf ans, le contrôle
local actuariel, les taux de survie sans métastases à distance et
de survie globale à dix ans étaient respectivement de 72 %,
61 % et 85 %. Le principal mode de récidive était local
(8/12 patients en rechute, seul site de rechute dans 7 cas). Trois
patients traités par chirurgie et radiothérapie en raison d’un
risque élevé de rechute locale n’ont jamais récidivé. Les
auteurs conseillent donc de discuter une irradiation quand le
risque de récidive locale apparaît important.
LES CANCERS DE VESSIE INVASIFS
Rôle curatif de la RTU radicale
La résection transurétrale (RTU) radicale peut être thérapeutique
aussi bien que diagnostique. Plusieurs équipes ont rapporté des
taux de survie à cinq ans élevés chez des patients très sélection-
nés. La résection transurétrale seule pour des tumeurs de vessie
invasives totalement reséquées, T0 ou T1 après restaging et
réévaluées tous les trois à six mois, peut permettre un contrôle à
distance. Herr (44) a rapporté les résultats à dix ans d’une série
de 99 patients ayant fait l’objet de cette stratégie de résection
TUMEURS UROLOGIQUES
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La Lettre du Cancérologue - volume X - n° 6 - novembre-décembre 2001
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