Intérêt des biphosphonates
Le pamidronate prévient l’ostéoporose induite par la
déprivation hormonale, comme l’a montré clairement une
étude randomisée menée sur 48 semaines et appréciant la perte
de minéralisation osseuse par absorptiométrie au niveau du
rachis lombaire, du trochanter et de la hanche sous traitement
par leuprolide (16).
Une étude de phase III du MRC (17), présentée à l’ASCO en
session orale, a montré l’intérêt potentiel d’un traitement par
clodronate pour retarder la progression symptomatique des
métastases osseuses. Trois cent onze patients présentant un
cancer de prostate avec des métastases osseuses ont été inclus
sur une durée de plus de quatre ans : 155 ont été traités par
clodronate (4 comprimés par jour) et 156 par un placebo.
Avec un suivi médian de 43,5 mois et une durée médiane de
traitement de 23,6 mois dans le bras clodronate versus
19,3 mois dans le bras placebo, la réduction estimée de pro-
gression symptomatique, qui représentait le critère de juge-
ment principal, a été de 8,5 % (IC 95 % : 0-16 %). Le but de
l’étude était de détecter une différence de 11 % (50-61) à
deux ans. La réduction estimée de mortalité à deux ans a été
de 6 % (IC 95 % : 3-14). Les effets secondaires ont été plus
marqués avec le clodronate, essentiellement représentés par
des troubles digestifs. Il faudra attendre les résultats de séries
plus importantes pour conclure.
Le clodronate dans le traitement palliatif des métastases
osseuses de cancers en échappement permet de diminuer
l’importance des douleurs osseuses comme l’a montré un
essai prospectif ouvert réalisé chez 85 patients (18). Dans cette
étude, le clodronate était utilisé les huit premiers jours par voie
i.v. à la dose de 300 mg, puis en maintenance per os à la dose
de 1 600 mg/jour. Une réduction significative du score de la
douleur de 7,9 à 2,5 (p < 0,001) a été obtenue chez 64 patients
(75%). La durée d’action moyenne a été de neuf semaines.
Des essais sont en cours avec des biphosphonates de troisième
génération, comme l’ibandronate ou le zoledronate.
Le traitement des formes en échappement hormonal
La dexaméthasone seule à faibles doses (0,5-2 mg/jour) est
non seulement capable d’améliorer les douleurs et la qualité de
vie, mais elle peut permettre de diminuer le taux de PSA,
comme l’a montré une étude japonaise (19) qui a inclus
37 patients et rapporté une baisse du PSA supérieure à 50 %
confirmée à un mois, dans 62 % des cas. Le temps moyen
jusqu’à progression a été de neuf mois et la médiane de survie
de 22 mois, dans cette étude.
Un essai de phase III de l’EORTC (20) a randomisé des
patients symptomatiques en échappement hormonal pour
recevoir soit de la prednisone (5 mg x 4/j), 101patients, soit
du flutamide (250 mg x 3/j), 100 patients. Le traitement par
agoniste de la LH-RH était poursuivi. Il n’a été retrouvé aucune
différence en temps moyen jusqu’à progression (3,4 mois avec
la prednisone, 2,3 mois avec le flutamide) ou en survie globale
(respectivement 10,6 mois et 11,2 mois). Avec la prednisone,
56 % des patients, versus 45 % avec le flutamide, ont constaté
une amélioration subjective, appréciée par le performance sta-
tus, la consommation d’antalgiques et le recours nécessaire à
d’autres traitements palliatifs. Une baisse du PSA supérieure à
50 % a été observée dans 21 % des cas traités par prednisone
versus 23 % dans le groupe flutamide. Les données de qualité
de vie à partir du questionnaire QLQ-30 de l’EORTC sont en
faveur de la prednisone, avec des différences significatives en
ce qui concerne la douleur, la fatigue, la “fonctionnalité”, la
perte d’appétit, les troubles digestifs et la qualité de vie globale.
Une revue complète de Seminars in Oncology (21) vient
d’être consacrée au docétaxel dans les cancers de prostate
à différents stades de la maladie.
Un essai multicentrique de phase II (22) utilisant une monothé-
rapie par docétaxel hebdomadaire (36 mg/m2J1, J8, J15, J22,
J29, J36, deux cycles repris à 15 jours d’intervalle) au stade
métastatique, hormonoréfractaire et symptomatique a rapporté
un taux de réponse biologique (réduction de 50 % du PSA per-
sistant plus de deux mois) de 41 % (24/60 patients) avec un
temps médian jusqu’à progression de 5,1 mois pour tous les
patients et une médiane de survie globale de 9,4 mois. Il faut
noter que 25 % des patients avaient déjà reçu une chimiothéra-
pie préalable. La toxicité hématologique a été minime (respec-
tivement 3 % de neutropénies, 2 % de thrombopénies et 7 %
d’anémies de grades 3 et 4).
La combinaison de docétaxel hebdomadaire (35 mg/m2J1 et
J8) et d’estramustine (3 jours la première et la deuxième
semaines de cycles de 21 jours) a été étudiée dans une série de
30 patients métastatiques en échappement hormonal, pouvant
aussi avoir été prétraités par chimiothérapie (23). Le nombre
médian de cycles a été de 5 (1-22). Vingt-trois patients (76 %)
ont présenté une baisse de plus de 50 % de leur PSA. Les prin-
cipaux effets secondaires ont été non hématologiques (nausées,
diarrhées, œdèmes, asthénie) avec, en particulier, 6 % de com-
plications thrombo-emboliques.
Des études de phases I-II associant le docétaxel au calcitriol (la
forme active de la vitamine D) (24), au G3139 (oligonucléotide
antisens dirigé contre l’expression de bcl-2) (25), à l’exisulind
(métabolite sulfone d’un anti-inflammatoire, le sulindac) (26),
au thalidomide (27) sont actuellement en cours.
La combinaison du docétaxel, de l’estramustine et du trastuzu-
mab fait l’objet d’une étude de faisabilité à San Francisco (28).
Le rôle de la protéine Her-2 dans la pathogénie des cancers de
prostate reste incertain. Sa surexpression est liée à la progression
vers l’hormono-dépendance, comme le montre l’étude de Signo-
retti publiée dans le Journal of the national cancer Institute (29),
étude qui retrouve une augmentation de la fréquence de la surex-
pression entre les tumeurs primaires traitées par chirurgie seule
(17/67), les tumeurs traitées par castration avant chirurgie
(20/34) et des tumeurs androgéno-résistantes (14/18). En
revanche, il faut noter qu’aucune amplification par FISH n’a été
retrouvée quel que soit le stade de la maladie. La fréquence de la
surexpression et de l’amplification dans les cancers androgéno-
indépendants n’est en effet pas bien établie. Dans une étude réa-
lisée à l’université de San Francisco sur 32 échantillons, 2 (6 %)
avait une surexpression cotée 2+ en immunohistochimie et
2(6%) une surexpresssion 3+ et seulement 2 une amplification
génique détectée en FISH. Dans une autre étude, sur 62 échan-
tillons métastatiques, aucune amplification génique n’avait été
retrouvée (Bubendorf, Cancer Res 1999 ; 59 : 803-6).
TUMEURS UROLOGIQUES
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La Lettre du Cancérologue - volume X - n° 6 - novembre-décembre 2001