CAS CLINIQUE Association d’une polyarthrite rhumatoïde et d’un sarcome de Kaposi : à propos d’un cas Rheumatoid arthritis and Kaposi’s sarcoma: a case report I. El Bouchti*, N. Akhdari**, S. Amal**, S. El Hassani* L e sarcome de Kaposi est rare chez les patients atteints d’affections rhumatologiques. Des cas ont été décrits dans la polyarthrite rhumatoïde (PR) et dans différentes connectivites. La pathogénie de cette affection souvent viroinduite n’est pas univoque. Observation les patients infectés par le VIH, et la forme iatrogène qui se développe chez les patients immunodéprimés (1). Deux groupes de patients immunodéprimés risquent de développer le sarcome de Kaposi : ➤➤ le premier groupe est traité par des corticoïdes et de l’azathioprine (ou un autre immunosuppresseur) pour une transplantation d’organe. L’incidence du sarcome de Kaposi est de 0,52 % parmi les greffés, ce qui est 150 à 500 fois supérieur à celle de la population générale ; Une patiente âgée de 65 ans atteinte d’une PR est traitée depuis 2 ans par prednisone + méthotrexate quand elle développe des lésions cutanées érythémato-angiomateuses rouge violacé non prurigineuses multiples des mains et des pieds (figure 1). Ces lésions font évoquer un sarcome de Kaposi. La biopsie cutanée permet de confirmer le diagnostic. Il n’y a pas de notion de transplantation d’organe et la recherche de cancer ainsi que la sérologie VIH sont négatives. Le diagnostic de sarcome de Kaposi est retenu. Cette affection a été favorisée par l’immunosuppression thérapeutique. En conséquence, une réduction progressive de la corticothérapie est entamée, ce qui permet une diminution des lésions (figure 2). Discussion Le sarcome de Kaposi est une tumeur vasculaire fréquemment associée à un déficit immunitaire. Il en existe 4 formes : la forme classique (d’évolution bénigne), le sarcome de Kaposi endémique ou africain, la forme épidémique survenant chez Figure 1. Plaques * Service de rhumatologie, hôpital Ibn-Tofail, CHU Mohammed-VI, Marrakech. ** Service de dermatologie, hôpital Ibn-Tofail, CHU Mohammed-VI, Marrakech. 38 | La Lettre du Rhumatologue • No 367 - décembre 2010 érythémato-angiomateuses rouge violacé des membres évoquant un sarcome de Kaposi. CAS CLINIQUE ➤➤ le deuxième groupe est traité par un immunosuppresseur dans de nombreuses affections, comme une PR, une maladie de Behçet ou une vascularite, une polymyosite ou une dermatomyosite, un Figure 2. Régression des lésions érythémato-angiomateuses du sarcome de Kaposi sur le pied. lupus érythémateux systémique, une maladie de Horton ou une pseudo-polyarthrite rhizomélique, une leucémie ou un lymphome, et, plus rarement, un asthme ou une colite ulcéreuse. L’incidence est 2 à 4 fois plus faible qu’en cas de greffe d’organe. Le délai d’apparition de la maladie est beaucoup plus long dans ces formes (60 mois versus 20 mois chez les transplantés d’organe) [1]. La pathogénie du sarcome de Kaposi chez ces patients n’est pas univoque, car elle associe une prédisposition génétique à une immunosuppression iatrogène. Le facteur inducteur est souvent une infection virale à herpèsvirus humain 8 (HHV8) [2]. Ce virus est considéré comme l’agent étiologique principal des 4 formes clinico-épidémiologiques de sarcome de Kaposi (2, 3). Il est endémique dans les zones où l’on observe des sarcomes de Kaposi classiques, en particulier dans la zone méditerranéenne (3). Des études ont montré que cette infection est endémique dans la population marocaine. Ainsi, les tests sérologiques détectent des anticorps anti-HHV8 dans la plupart des cas de sarcome de Kaposi observés au Maroc (2, 4). Une immunosuppression peut aggraver le risque viral, en particulier les corticoïdes, qui ont la capacité d’induire la réplication et l’activation du cycle lytique de HHV8 in vitro. Ces observations confirment que les corticoïdes jouent un rôle dans le développement du sarcome de Kaposi induit par le HHV8 (1, 5). Ainsi le HHV8 est un cofacteur important dans le développement de la maladie, en association avec une immunosuppression iatrogène (2). Dans la PR, plusieurs observations ont montré qu’un sarcome de Kaposi pouvait être lié à l’association d’un terrain génétique et d’une thérapeutique immunosuppressive, y compris les anti-TNFα comme l’illustre ce cas clinique (2, 6). ■ Références bibliographiques 1. Louthrenoo W, Kasitanon N, Mahanuphab P, Bhoopat L, Thongprasert S. Kaposi’s sarcoma in rheumatic diseases. Sem Arthritis Rheum 2003;32:326-33. 2. Tazi Mezalek Z, Harmouche H, El Attar N et al. Kaposi’s sarcoma in association with Behcet’s disease: case report and literature review. Semin Arthritis Rheum 2007;36:328-31. 3. Plancoulaine S, Gessain A. Aspects épidémiologiques de l’herpès virus humain 8 (HHV-8) et du sarcome de Kaposi. Médecine Mal Infect 2005;35:314-21. 4. El Kassimi B, Benchemsi N, Mikou O, El Ouazzani T, Lakhdar H. Maladie de Kaposi et anticorps anti-herpès virus-8 au Maroc. Médecine Mal Infect 2003;33:226-8. 5. Barozzi P, Potenza L, Riva G et al. Changes in T-cell responses against human Herpesvirus-8 correlate with the disease course of iatrogenic Kaposi’s sarcoma in a patient with undifferentiated arthritis. Semin Arthritis Rheum 2009;39:170-5. 6. Bret J, Hernandez J, Aquilina C, Zabraniecki L, Fournie B. Maladie de Kaposi chez un patient traité par adalimumab pour une polyarthrite rhumatoïde. Rev Rhum 2009;76:1370-1. La Lettre du Rhumatologue • No 367 - décembre 2010 | 39