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3.2 Quels sont les processus qui conduisent à la déviance ?
Déviance
primaire/déviance
secondaire, anomie
On définira la déviance comme une transgression des normes et on
montrera qu'elle peut revêtir des formes variées selon les sociétés et, en
leur sein, selon les groupes sociaux. On analysera la déviance comme le
produit d'une suite d'interactions sociales qui aboutissent à « étiqueter »
certains comportements comme déviants et, en tant que tels, à les
sanctionner. On montrera que les comportements déviants peuvent aussi
s'expliquer par des situations d'anomie.
Objectifs : Les élèves doivent savoir à la fin de la séquence :
Que la déviance est une transgression des normes [A1]
Que la déviance peut revêtir des formes variées selon les sociétés et, en leur sein, selon
les groupes sociaux [A2].
Que la déviance peut s’expliquer de plusieurs manières et notamment [B]:
o Que la déviance peut être le produit d'une suite d'interactions sociales qui
aboutissent à « étiqueter » certains comportements comme déviants et, en tant
que tels, à les sanctionner. [B2]
o Que les comportements déviants peuvent aussi s'expliquer par des situations
d'anomie. [B1]
A/ La déviance est une transgression des normes qui peut revêtir des formes variés selon
les sociétés et les groupes sociaux
1/ Comment définir la déviance ?
Document 1: « Tuer son voisin, renverser volontairement du chocolat fondu sur
une moquette blanche au cours d'un repas, chahuter en classe, [ ...] commettre un hold-up
dans un bureau de poste, oublier de fêter l'anniversaire d'un proche, tricher dans une
partie de dominos entre amis, s'adonner au commerce de stupéfiants ou se prostituer,
se moucher au milieu d'un concerto de violon. Le quotidien nous expose à
d'innombrables écarts de conduite qui, d'une manière ou d'une autre, rompent ce que
l'on tient pour le cours ordinaire des choses. Ces ruptures ne nous paraissent pourtant
pas toutes d'égale gravité. Les manquements aux règles de la bienséance, de la
politesse et de l'honneur se distinguent des agissements qui portent atteinte à la propriété
privée, à l'intégrité physique ou à l'ordre public. [...] Mais, quelle que soit la forme
sous laquelle elle s'exprime, la réaction est identique: lorsqu'une conduite déroge à ce
qu'il faudrait qu'elle fût, elle donne lieu à une sanction. Or, pour qu'une sanction soit
prononcée, une première condition semble être requise: qu'une idée préalable de ce
que le comportement idéal devrait être habite de ceux qui l'infligent comme celui de ceux
qui s'y soumettent. En d'autres termes, il faut que préexiste une norme à l'aune de
laquelle puisse se mesurer un écart; et que cette norme soit suffisamment publique pour que la
sanction soit comprise comme telle. »
Source : Albert Ogien, Sociologie de la déviance, colt. « U », Armand Colin, 1995.
Questions :
a) Quelles sont les quatre formes de déviances distinguées par l'auteur
dans le deuxième paragraphe?
b) Classez les exemples du premier paragraphe dans ces quatre
catégories. Est-ce toujours facile?
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c) Quels doivent être les éléments réunis pour qu'un acte soit c onsidéré
comme déviant?
Document 2 : L'ouvrier que l'on attend à 8:00 arrive plus tard. L'enfant dont on
attend que tout le monde soit servi avant de commencer à manger se jette sur son
assiette à peine celle-ci remplie. L'automobiliste dont on attend qu'il laisse passer le
piéton engagé sur un passage clouté ne s'arrête pas et s'arrange même pour passer
dans la flaque d'eau qui éclaboussera les personnes sur le trottoir... De tels écarts [...]
menacent l'homogénéité sociale et les plus graves d'entre eux appellent des sanctions.
La déviance n'est pas un problème d'ordre juridique mais sociologique. La sanction de
la déviance est en premier lieu le regard désapprobateur porté sur le déviant. Toute
déviance n'implique pas une sanction pénale ou physique. Si la norme du groupe social
est le port de la cravate et des cheveux courts, le "look punk" constitue une déviance qui
suscite l'étonnement ou la réprobation des individus conformistes mais pas de sanction
pénale ou physique. [...]
Seules les plus graves des déviances, celles qui consistent dans la violation des
règles que les sociétés ont pris le soin d'inscrire dans la loi, constituent des actes de
délinquance. La délinquance n'est pas qu'un problème sociologique, c'est un problème
juridique qui appelle une politique de prévention et de répression de la part des pouvoirs
publics. Elle se mesure statistiquement, c'est un phénomène objectif. La déviance ne se
mesure pas dans la mesure où toutes les formes de déviance ne peuvent être recensées et
dépendent largement de la subjectivité de celui qui se fait "juge". »
Source : Albert Ogien, Sociologie de la déviance, coll. « U », Armand Colin, 1995.
Questions :
a) Expliquez la phrase soulignée.
b) Quelle est la différence entre déviance et délinquance?
c) Quel est le lien entre déviance et délinquance?
d) Donnez des exemples d'actes déviants qui ne sont pas délinquants (trouvés dans le
texte et hors du texte).
Exercice : Classez les propositions suivantes dans le tableau ci-dessous : s’habiller de
manière excentrique, avoir du retard à un repas entre amis, avoir une heure de retard
au travail, être absent en cours sans excuse valable, ne pas se présenter à une
convocation au tribunal, boire de l’alcool occasionnellement, être alcoolique, boire et
conduire, affirmer que la terre est ronde.
Comportement
Conforme
Déviant
Délinquant
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Complétez les définitions avec les mots : déviance, conformité, délinquance, marginalité
………………………….…… : comportement de celui qui respecte les valeurs et
normes en vigueur dans la société où il vit.
……………………..…………………………………….……. : situation d’une
personne qui ne respecte pas certaines normes communément admises, sans pour
autant être un délinquant.
……….………………………………………….….……….. : comportement qui ne
respecte pas les normes en vigueur ou qui est perçu par les autres comme
transgressant les normes.
………..……………….. : comportement déviant, criminel ou délictueux, réprimé par
l’application de sanctions juridiques négatives.
Synthèse :
La déviance peut se définir comme une transgression des normes propres à un groupe
et/ ou une société. En ce sens, elle peut revêtir de multiples formes (du meurtre à
l'impolitesse) qui appellent des sanctions fortement différenciées (de l'emprisonnement
à la simple réprobation). Cette notion sociologique se distingue de celle de
délinquance, plus restreinte: le délinquant est celui qui contrevient à une norme
juridique (code de la route, code civil, etc.) et encourt donc une sanction d'ordre
juridique (contravention, emprisonnement, etc.).
2/ La déviance est relative selon les époques et les groupes sociaux
Document 3 : Le crime est normal, parce qu'une société qui en serait exempte est tout à fait
impossible ; telle est la première évidence paradoxale que fait surgir la réflexion sociologique.
[…]
Le crime ne s'observe pas seulement dans la plupart des sociétés de telle ou telle espèce, mais
dans toutes les sociétés de tous les types. Il n'en est pas il n'existe une criminalité. Elle
change de forme, les actes qui sont ainsi qualifiés ne sont pas partout les mêmes ; mais,
partout et toujours, il y a eu des hommes qui se conduisaient de manière à attirer sur eux la
répression pénale. […] Classer le crime parmi les phénomènes de sociologie normale, ce n'est
pas seulement dire qu'il est un phénomène inévitable quoique regrettable, à l'incorrigible
méchanceté des hommes ; c'est affirmer qu'il est un facteur de la santé publique, une partie
intégrante de toute société saine. […]
En premier lieu, le crime est normal parce qu'une société qui en serait exempte est tout à fait
impossible. Le crime, nous l'avons montailleurs, consiste dans un acte qui offense certains
sentiments collectifs, doués d'une énergie et d'une netteté particulières. Pour que, dans une
société donnée, les actes réputés criminels pussent cesser d'être commis, il faudrait donc que
les sentiments qu'ils blessent se retrouvassent dans toutes les consciences individuelles sans
exception et avec le degré de force nécessaire pour contenir les sentiments contraires. Or, à
supposer que cette condition pût être effectivement réalisée, le crime ne disparaîtrait pas pour
cela, il changerait seulement de forme […]. Autrefois, les violences contre les personnes
étaient plus fréquentes qu'aujourd'hui parce que le respect pour la dignité individuelle était
plus faible. Comme il s'est accru, ces crimes sont devenus plus rares ; mais aussi, bien des
actes qui lésaient ce sentiment sont entrés dans le droit pénal dont ils ne relevaient
primitivement pas. […]
Le crime […] est utile. […] Rien n'est bon indéfiniment et sans mesure. Il faut que l'autorité
dont jouit la conscience morale ne soit pas excessive ; autrement, nul n'oserait y porter la
main et elle se figerait trop facilement sous une forme immuable. Pour qu'elle puisse évoluer,
il faut que l'originalité puisse se faire jour ; or pour que celle de l'idéaliste qui rêve de dépasser
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son siècle puisse se manifester, il faut que celle du criminel, qui est au-dessous de son temps,
soit possible. […] La liberté de penser dont nous jouissons actuellement n'aurait jamais pu
être proclamée si les règles qui la prohibaient n'avaient été violées avant d'être solennellement
abrogées. Cependant, à ce moment, cette violation était un crime, dans la généralité des
consciences. Et néanmoins ce crime était utile puisqu'il préludait à des transformations qui, de
jour en jour, devenaient plus nécessaires.
Source : Émile Durkheim, “Le crime, phénomène normal” (1894),
http://classiques.uqac.ca/classiques/Durkheim_emile/crime_phenomene_normal/crime_pheno
mene_normal.pdf
Questions :
a) Expliquez : « Le crime est normal ».
b) Expliquez la phrase soulignée.
c) Expliquez pourquoi le crime est utile.
Document 4 : Les mentalités évoluent, chacun le sait bien. Les modifications de normes dues
aux progrès techniques ou à l’évolution des croyances religieuses et politiques proclamées
sont flagrantes. Mais derrière ces processus très généraux, on peut apercevoir des évolutions
qui touchent à des comportements que nos ancêtres pouvaient croire " naturels " et qui
pourtant se révèlent être des normes qui ne s’imposaient à eux qu’en vertu d’une
représentation construite par la société. Ainsi, dans nos sociétés occidentales, il y a encore
seulement un siècle ou deux, la remise en cause de la suprématie sociale, morale, juridique
(propriété, mariage, succession, etc.) et intellectuelle des hommes sur les femmes était une
déviance intolérable tandis que c'est aujourd'hui son affirmation qui l'est. L’avortement était
un crime ju particulièrement immoral et sévèrement puni tandis que l'on réprime
aujourd'hui les catholiques intégristes qui contestent la liberté d'avorter. L’homosexualité était
considérée comme une perversion haïssable et ritant de sévères châtiments tandis que c'est
aujourd'hui une revendication identitaire largement perçue comme légitime et sans doute
bientôt reconnue par le droit. La mendicité était un délit qui pouvait conduire un clochard aux
travaux forcés à vie dans un bagne tandis qu'elle fait aujourd'hui l'objet d'une compassion et
d'une prise en charge croissantes. L’obéissance des enfants était une obligation indiscutable et
les punitions corporelles la sanctionnaient légitimement en famille comme à l’école tandis que
le non-respect du " droit de l'enfant " est aujourd'hui regardé comme un abus d'autorité
odieux.
Inversement, l’évolution des sociétés modernes conduit à pénaliser des comportements jadis
tolérés voire considérés comme normaux : certaines formes de corruption, certaines formes
d’atteinte à l’environnement (chasse, pollution automobile, pollution agricole), certaines
formes de violences " morales " (le harcèlement sexuel simplement oral, le propos raciste,
[…]
Enfin, l’évolution des normes sanitaires conduit aussi à pénaliser certaines pratiques très
ordinairement répandues comme l’acte de fumer. Aujourd’hui, l’individu qui allume une
cigarette dans un hall de gare est un délinquant puisqu'il enfreint la loi. Il y a à peine quelques
années, dans la même situation, il était un individu parfaitement normal. Certes, la mise en
pratique de cette interdiction est aujourd'hui très négociée et l'infracteur est simplement prié
d'éteindre sa cigarette, mais il est probable que, dans vingt ou trente ans, la sanction
automatique aura remplacé la recommandation bienveillante de la même façon que notre
société réprime aujourd'hui fortement la conduite en état d'ébriété qu'elle tolérait jadis.
Source : Mucchielli, La déviance, entre normes, transgression et stigmatisation, Sciences
Humaines, http://www.scienceshumaines.com/la-deviance-entre-normes-transgression-et-
stigmatisation_fr_11197.html
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Document 4, B img_1 : Application de l’interdiction de fumer dans les lieux publics dans le
monde en avril 2008
Source : Global SmokeFree Partnership
1
Questions :
a) Complétez le tableau ci-dessous à l’aide des exemples pris dans les documents et
vos connaissances :
Exemples issus
du texte
Oui ou non ?
Autrefois en
France ?
Aujourd’hui en
France ?
Y a-t-il des
différences
selon les
milieux
sociaux ?
Y a-t-il des
différences
selon les pays ?
b) Pourquoi ce qui est considéré comme un crime à certaines époques ou dans
certains pays peut ne pas l’être à une autre époque ou pour d’autres sociétés ?
Synthèse :
La déviance peut être considérée comme un fait social « normal » et « utile » (Emile
1
Pour une vision dynamique : http://www.globalsmokefreepartnership.org/index.php?section=artigo&id=32
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