ESSAIS THÉRAPEUTIQUES : TRAITEMENTS COURTS
Dans les recommandations, la durée de traitement de l’angine
aiguë est théoriquement résolue et en tout cas universellement
admise : 10 jours. Le seul traitement qui ait historiquement fait
la preuve de sa capacité à enrayer une épidémie de RAA est
l’injection intramusculaire de pénicilline G (13). Par extension,
la pénicilline V orale, pendant 10 jours, est devenue le traite-
ment de référence de l’angine streptococcique, un macrolide
classique servant d’alternative, en particulier en cas d’allergie.
Le spectre étroit et la bonne tolérance de la pénicilline V sont
des avantages indéniables de cet antibiotique, fortement atté-
nués par l’augmentation des taux d’échec en cas de traitement
raccourci. Or, l’observation de la réalité quotidienne amène à
constater la mauvaise observance de ce traitement de référence.
Face à ces réalités, beaucoup d’auteurs ont cherché des alter-
natives thérapeutiques améliorant l’observance tout en conser-
vant la même efficacité en termes d’éradication bactérienne.
C’est ainsi que des Scandinaves ont d’abord recommandé la
réduction du nombre de prises quotidiennes de pénicilline V de
trois à deux par jour (14). Cependant, c’est surtout sur la durée
totale de traitement que les travaux ont porté, en définissant des
durées de traitement raccourcies par classe thérapeutique.
Dans les essais thérapeutiques réalisés dans les pays industria-
lisés, la durée de traitement antibiotique nécessaire dans le trai-
tement des angines est établie sur un critère principal de juge-
ment qui est l’éradication du SGA en fin de traitement ;
l’éradication du RAA n’est, en effet, pas un critère de jugement
accessible, compte tenu de la faible fréquence de la maladie.
Depuis le début des années 90 et l’arrivée des céphalosporines
orales de deuxième et troisième génération, de nombreuses
études ont été publiées ou présentées (tableau II). Elles ont des
méthodologies voisines avec dépistage par test de diagnostic
rapide du SGA, confirmation par culture, utilisation de la péni-
cilline V en 10 jours comme comparateur, et évaluation sur
l’éradication du SGA en fin de traitement comme critère prin-
cipal de jugement. Toutes ces études concluent à l’équivalence
des résultats, au moins en termes d’efficacité.
Les macrolides ont aussi fait l’objet d’études en traitement
court. L’azithromycine a été évaluée dans de nombreuses
études, ce qui lui a permis d’obtenir l’AMM dans l’indication
“angine aiguë” en 5 jours. Il s’agit, en partie, d’un pseudo-trai-
tement court du fait de la très longue demi-vie du produit. La
josamycine en 5 jours a été évaluée dans une étude comportant
265 adultes et grands enfants présentant une angine aiguë ; le
taux d’éradication du SGA n’était pas statistiquement différent
de celui de 10 jours de pénicilline V (16). En ce qui concerne
les macrolides, il importe cependant de suivre attentivement et
régulièrement l’évolution de la sensibilité du SGA (3, 17).
Enfin, plus récemment, deux travaux dans l’angine aiguë à SGA
ont démontré l’équivalence d’efficacité de l’amoxicilline en
6 jours et de la pénicilline V, chez l’adulte et chez l’enfant (18,
19).
En conclusion, il est indéniable que trois classes antibiotiques
(amoxicilline, céphalosporines orales de deuxième et troisième
génération et certains macrolides) sont, dans l’angine aiguë, en
traitement court, aussi efficaces que le traitement dit “de réfé-
rence” par la pénicilline V pendant 10 jours.
PROPOSITIONS STRATÉGIQUES
Conférence de Consensus sur les infections ORL (1996)
Comme cela a été rappelé (20), il n’y a pas de justification médi-
cale au traitement systématique de toutes les angines, tel qu’il
est appliqué actuellement en France. Seuls les sujets atteints d’an-
gine à SGA tirent bénéfice du traitement antibiotique. Aucun
argument clinique ne permettant d’affirmer ou d’infirmer l’ori-
gine streptococcique d’une angine, la conférence de Consensus
consacrée aux infections ORL (20) a recommandé l’utilisation
de tests de diagnostic rapide dans toutes les angines de l’adulte
et de l’enfant et chez ce dernier, au moins dans un premier temps,
par sécurité, la culture quand le TDR est négatif.
Les tests de diagnostic rapide à réponse immédiate devraient
être pratiqués devant tout diagnostic clinique d’angine
La culture du prélèvement pharyngé pour la recherche du SGA
est le seul moyen diagnostique actuellement disponible en
France. Elle est difficilement utilisable en pratique en raison
des délais de réponse du laboratoire. C’est dire l’intérêt des
TDR, dont la mise à disposition permettrait au praticien de
reconnaître en quelques minutes l’étiologie streptococcique de
l’angine et de mettre en route un traitement antibiotique alors
parfaitement justifié. Il est désormais indispensable que ces
tests soient mis à la disposition des praticiens et qu’ils soient
pris en charge, d’une manière ou d’une autre, par l’assurance
La Lettre de l’Infectiologue - Tome XIII - n° 8 - octobre 1998
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Tableau II. Traitement court de l'angine streptococcique par
céphalosporines (Ceph.) orales de deuxième et troisième généra-
tion versus pénicilline V. (D'après H. Portier et R. Cohen [15]).
Auteurs Populations Molécules Taux
incluses testées d’éradication
Ceph./péni
10 j (%)
Cerstelotte 218 enfants (E) Céfétamet pivoxil
(1990) et adultes (A) E : 20 mg/kg x 2-7 j 94,6/91
A : 1 000 mg x 2-7 j 100/97,5
Portier 220 adultes Cefpodoxime proxétil 96,3/94,1
(1994) et grands enfants 100 mg x 2-5 j
Gehanno 170 adultes Céfuroxime axétil 96,3/95,9
(1991) 250 mg x 2-4 j
Carbon 250 adultes Céfotiam hexétil 83,9/85,2
(1995) 200 mg x 2-5 j
Peyramond 176 adultes Céfixime 94/96,2
(1993) et grands enfants 200 mg x 2-4 j
Pichichero 256 enfants Cefpodoxime proxétil 90/78
(1994) 5 mg/kg x 2-5 j
Portier 334 enfants Cefpodoxime proxétil 96,2/93,7
(1992) 4 mg/kg x 2-5 j
Aujard 308 enfants Céfuroxime axétil 87,6/87,4
(1995) 100 mg/kg x 2-4 j