ORL-IMAGERIE
Médecine
& enfance
La fistule latérale du cou est une
malformation branchiale, plus
précisément un reliquat du sinus
cervical qui se forme lorsque le deuxiè-
me arc branchial vient recouvrir les
structures branchiales plus caudales
(deuxième, troisième et quatrième
sillons ectodermiques et les arcs qui les
séparent). Elle se manifeste par un orifi-
ce punctiforme, plus ou moins bas dans
le cou, le long du bord libre du muscle
sterno-cléido-mastoïdien (figure 1). Elle
est congénitale, c’est-à-dire présente à
la naissance, mais n’est parfois remar-
quée qu’ultérieurement, à l’occasion
d’un écoulement par exemple. L’orifice
peut être si petit qu’il est difficile à voir.
Il faut alors masser le cou de haut en
bas : l’apparition d’une goutte de sérosi-
té plus ou moins claire permet de locali-
ser l’orifice fistulaire (figure 1).
Face à une telle fistule, deux questions se
posent : faut-il traiter et faut-il faire au
préalable des examens complémentaires,
en particulier d’imagerie ?
LE TRAITEMENT
Le seul traitement possible est chirurgi-
cal : c’est l’exérèse de la fistule, sur tout
son trajet (figure 2) [1, 2]. Certaines fistules
ne mesurent que 1 ou 2 cm de long,
d’autres remontent dans le cou, passent
entre les branches de division de la caro-
tide et peuvent même s’aboucher dans le
pharynx à la base de l’amygdale homo-
latérale ou près d’un pilier amygdalien.
L’exérèse d’une fistule latérocervicale se
fait sous anesthésie générale. L’inter-
vention peut se pratiquer en ambulatoi-
re si certaines conditions sociales sont
remplies (parents francophones, dispo-
sant d’un téléphone, habitant à une dis-
tance raisonnable de la clinique ou de
l’hôpital… [3]). Le chirurgien réalise une
incision cutanée péri-orificielle qui lais-
sera une cicatrice horizontale de 1 à
2 cm. Mais si la fistule remonte très
haut, il fera une deuxième incision hori-
zontale 5 à 10 cm plus haut pour termi-
rubrique dirigée par M. François
Fistule latérale du cou
M. François, service ORL,
hôpital Robert-Debré, Paris
M. Elmaleh, service d’imagerie médicale,
hôpital Robert-Debré, Paris
ner la dissection [1]. Comme pour toute
cicatrice cutanée, il y a un risque non
contrôlable et non prévisible de cicatri-
ce hypertrophique, voire chéloïde.
Il faut donc bien peser les indications
opératoires et ne proposer l’interven-
tion que si l’écoulement est gênant ou
s’il y a déjà eu un épisode d’infection de
la fistule. En effet, l’abstention est tout
à fait envisageable. La seule complica-
tion possible d’une telle fistule est l’in-
fection. Cette dernière est toujours évi-
dente, avec une rougeur périfistulaire
et un écoulement de pus, et guérit en
quelques jours sous antibiothérapie
orale.
LES EXAMENS
PRÉOPÉRATOIRES
Le diagnostic de fistule branchiale
latéro cervicale se fait cliniquement, à
l’inspection du cou. L’échographie cer-
vicale est inutile : la fistule est très fine
et ne se voit pas ou mal en échographie.
De même la fistulographie n’a pas d’in-
térêt, car elle ne permet en aucune fa-
çon de prédire la longueur réelle de la
fistule, dont la partie distale (donc hau-
te car les fistules ont toujours un trajet
vers le haut et le dedans) peut être obs-
truée par des sécrétions et donc être in-
visible lors de son opacification.
En revanche, il faut vérifier clinique-
ment et par certains examens complé-
mentaires que cette fistule latérocervi-
cale est isolée.
RECHERCHE DE MALFORMATIONS
ASSOCIÉES : LE SYNDROME
BRANCHIO-OTO-RÉNAL (BOR)
Les fistules latérocervicales sont le plus
souvent isolées, mais cela ne peut être
affirmé qu’après s’être assuré qu’il n’y a
pas d’autres malformations branchiales
et pas de surdité. En effet, les fistules la-
térocervicales peuvent faire partie des
manifestations d’un syndrome BOR (voir
encadré) [4].
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L’examen attentif du cou et de la face
doit rechercher une fistule ou un en-
chondrome cervical controlatéral (figure
3), une fistule préhélicéenne (figure 4) ou
un enchondrome préauriculaire (figure 5)
[5], une anomalie du pavillon de l’oreille,
une asymétrie faciale.
Il faut aussi vérifier l’audition. De plus
en plus d’enfants bénéficient d’un dé-
pistage de la surdité à la maternité.
Mais cela ne suffit pas, car, en cas de
syndrome BOR, la surdité peut appa-
raître ou s’aggraver secondairement [6].
Il est donc nécessaire de réaliser régu-
lièrement des examens de dépistage
d’une hypoacousie chez un enfant qui a
une fistule latérocervicale, au moins
jusqu’à ce que l’enfant soit capable de
se plaindre lui-même d’une mauvaise
Médecine
& enfance
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Figure 1
Fistule latérocervicale droite. A droite, issue d’un liquide plus ou moins clair lorsque
l’on masse la fistule de haut en bas.
Figure 2
Vue peropératoire de l’exérèse d’une
fistule latérale du cou
Figure 4
Fistule préhélicéenne
Figure 3
Enchondrome cervical
Figure 5
Enchondrome préauriculaire
AB
LE SYNDROME BRANCHIO-OTO-
RÉNAL (BOR)
Le syndrome BOR a une prévalence de
1/40000. Il se transmet selon un mode au-
tosomique dominant. Des mutations ponc-
tuelles et des délétions ont été identifiées au
niveau du gène EYA1 situé sur le chromoso-
me 8 chez environ 40 % des patients at-
teints [7]. Des mutations ont également été
identifiées dans les gènes SIX1 et SIX5. L’ex-
pression de la maladie varie d’une famille à
l’autre et au sein d’une même famille.
Les malformations les plus fréquentes sont la
surdité (95 % des cas, surdité qui peut être
de transmission, de perception ou mixte et
qui est souvent évolutive), les malformations
du pavillon de l’oreille (87 %), les fistules
préhélicéennes (87 %), les kystes ou fistules
latérocervicaux (86 %). Les malformations
rénales sont présentes dans la moitié des cas.
C’est l’atteinte rénale qui fait toute la gravité
du syndrome, car elle peut conduire à une
insuffisance rénale chronique avec nécessité
de dialyse ou de greffe rénale.
Critères diagnostiques du syndrome
branchio-oto-rénal (BOR)
Critères majeurs :
fistule ou kyste branchial
surdité
fistule préhélicéenne
malformation rénale (malformation de
l’arbre urinaire, hypoplasie ou agénésie rénale,
dysplasie rénale, kystes rénaux)
Critères mineurs :
Malformation du pavillon de l’oreille
Malformation de l’oreille moyenne
Malformation de l’oreille interne
Enchondrome préauriculaire
Asymétrie faciale
Malformation du palais dur
Pour porter le diagnostic de syndrome BOR, il
faut :
3 critères majeurs
ou 2 critères majeurs et au moins 2 critères
mineurs
ou 1 critère majeur et un parent proche
(ascendant, descendant, frère ou sœur) avec
un syndrome BOR authentifié
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audition, et, au moindre doute, faire
faire un examen audiométrique.
IMAGERIE
L’imagerie des rochers ne sera deman-
dée que s’il existe une surdité (figure 6).
Celle-ci peut être de transmission, de
perception ou mixte, liée à des anoma-
lies de l’oreille externe, moyenne et in-
terne [7].
Le scanner peut montrer des anomalies
de l’oreille externe et moyenne : une
sténose du méat auditif externe, une
malformation ossiculaire, une béance
de la trompe d’Eustache.
Les malformations de l’oreille interne
sont toujours bilatérales, mais peuvent
être asymétriques. Les méats auditifs in-
ternes sont larges et globuleux. La co-
chlée est hypoplasique, le vestibule est
large, les canaux semi-circulaires sont
malformés, le canal semi-circulaire laté-
ral peut ne pas être différencié du vesti-
bule. Il peut s’y associer une dilatation
de l’aqueduc du vestibule. La portion la-
byrinthique du canal facial passe en
avant de la cochlée. Toutes ces anoma-
lies sont visibles au scanner.
L’IRM peut montrer en outre une hypo-
plasie du nerf cochléaire.
Une échographie rénale ne sera deman-
dée que s’il y a suspicion de syndrome
BOR. Elle peut montrer une hypoplasie
ou une agénésie rénale, des kystes ré-
naux, une dysplasie rénale (dont le dia-
gnostic peut parfois être fait en anté -
natal).
CONCLUSION
Devant une fistule latérocervicale, il
faut vérifier l’audition et qu’il n’y a pas
d’autres malformations branchiales. Les
indications de l’échographie rénale sont
limitées.
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& enfance
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C. Oreille droite, anomalies de l’oreille moyenne, TDM coupe frontale oblique : tegmen bas situé,
malformation ossiculaire avec élargissement marqué du « V » ossiculaire (articulation incudo-
stapédienne).
D. Oreille droite, TDM coupe axiale : béance des trompes d’Eustache, étroitesse des méats auditifs
externes.
E, F. Même enfant, IRM. 1:hypoplasie des cochlées. 2:dilatation des sacs endolymphatiques.
3:dilatation des vestibules et des CSC latéraux. 4:présence d’un nerf cochléaire à droite, absent à
gauche. Implant cochléaire posé à droite avec succès.
AB
CD
E
4
13
2
F
Figure 6
Syndrome BOR : malformations de l’oreille, TDM et IRM. Fillette de deux ans. Surdité
profonde bilatérale. Bilan avant pose d’implant cochléaire.
A, B. Oreille droite, anomalies de l’oreille interne : TDM coupes axiales. 1:hypoplasie de la
cochlée. 2:dilatation de l’aqueduc du vestibule. 3:dilatation du canal semi-circulaire (CSC) latéral
et agénésie du CSC postérieur. 4:situation antérieure du canal facial par rapport à la cochlée.
2
4
1
3
Références
Société Française d’ORL. Informations médicales avant la réali-
sation d’une exérèse de kyste ou de fistule de la partie latérale
du cou chez l’enfant,
www.orlfrance.org/interventions/kyste_par
tie_laterale_cou_enfant.pdf.
[1] NICOLLAS R., GUELFUCCI B., ROMAN S., TRIGLIA J.M. :
« Congenital cysts and fistulas of the neck »,
Int. J. Pediatr. Oto-
rhinolaryngol.,
2000 ;
55 :
117-24.
[2] SENEL E., KOCAK H., AKBIYIK F., SAYLAM G. et al. : « From a
branchial fistula to a branchiootorenal syndrome : a case report
and review of the literature »,
J. Pediatr. Surg.,
2009 ;
44 :
623-5.
[3] CHANG E.H., MENEZES M., MEYER N.C. : « Branchio-oto-re-
nal syndrome : the mutation spectrum in EYAI and its phenoty-
pic consequences »,
Hum. Mutat.,
2004 ;
23 :
582-9.
[4] STINKENS C., SANDAERT L., CASSELMAN J.W. : « The pre-
sence of a widened vestibular aqueduct and progressive senso-
rineural hearing loss in the branchio-oto-renal syndrome. A fami-
ly study »,
Int. J Pediatr. Otorhinolaryngol.,
2001 ;
59 :
163-72.
[5] FRANÇOIS M., GEIB I. : « Chirurgie ORL ambulatoire chez
l’enfant »,
Ann. Otolaryngol. Chir. Cervicofac.,
2006 ;
123 :
163-6.
[6] FRANÇOIS M. : « Enchondromes, comment les reconnaître,
que faire ? »,
Réalités Pédiatriques,
2008 ; 1
30 :
19-20.
[7] CERUTI S., STINCKENS C., CREMERS C.W., CASSELMAN
J.W. : « Temporal bone anomalies in the branchio-oto-renal syn-
drome : detailed computed tomographic and magnetic reso-
nance imaging findings »,
Otol. Neurotol.,
2002 ;
23 :
200-07.
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