L Fistule latérale du cou

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Médecine
& enfance
Fistule latérale du cou
ORL - IMAGERIE
M. François, service ORL,
hôpital Robert-Debré, Paris
M. Elmaleh, service d’imagerie médicale,
hôpital Robert-Debré, Paris
rubrique dirigée par M. François
a fistule latérale du cou est une
malformation branchiale, plus
précisément un reliquat du sinus
cervical qui se forme lorsque le deuxième arc branchial vient recouvrir les
structures branchiales plus caudales
(deuxième, troisième et quatrième
sillons ectodermiques et les arcs qui les
séparent). Elle se manifeste par un orifice punctiforme, plus ou moins bas dans
le cou, le long du bord libre du muscle
sterno-cléido-mastoïdien (figure 1). Elle
est congénitale, c’est-à-dire présente à
la naissance, mais n’est parfois remarquée qu’ultérieurement, à l’occasion
d’un écoulement par exemple. L’orifice
peut être si petit qu’il est difficile à voir.
Il faut alors masser le cou de haut en
bas : l’apparition d’une goutte de sérosité plus ou moins claire permet de localiser l’orifice fistulaire (figure 1).
ner la dissection [1]. Comme pour toute
cicatrice cutanée, il y a un risque non
contrôlable et non prévisible de cicatrice hypertrophique, voire chéloïde.
Il faut donc bien peser les indications
opératoires et ne proposer l’intervention que si l’écoulement est gênant ou
s’il y a déjà eu un épisode d’infection de
la fistule. En effet, l’abstention est tout
à fait envisageable. La seule complication possible d’une telle fistule est l’infection. Cette dernière est toujours évidente, avec une rougeur périfistulaire
et un écoulement de pus, et guérit en
quelques jours sous antibiothérapie
orale.
Face à une telle fistule, deux questions se
posent : faut-il traiter et faut-il faire au
préalable des examens complémentaires,
en particulier d’imagerie ?
Le diagnostic de fistule branchiale
latérocervicale se fait cliniquement, à
l’inspection du cou. L’échographie cervicale est inutile : la fistule est très fine
et ne se voit pas ou mal en échographie.
De même la fistulographie n’a pas d’intérêt, car elle ne permet en aucune façon de prédire la longueur réelle de la
fistule, dont la partie distale (donc haute car les fistules ont toujours un trajet
vers le haut et le dedans) peut être obstruée par des sécrétions et donc être invisible lors de son opacification.
En revanche, il faut vérifier cliniquement et par certains examens complémentaires que cette fistule latérocervicale est isolée.
L
LE TRAITEMENT
Le seul traitement possible est chirurgical : c’est l’exérèse de la fistule, sur tout
son trajet (figure 2) [1, 2]. Certaines fistules
ne mesurent que 1 ou 2 cm de long,
d’autres remontent dans le cou, passent
entre les branches de division de la carotide et peuvent même s’aboucher dans le
pharynx à la base de l’amygdale homolatérale ou près d’un pilier amygdalien.
L’exérèse d’une fistule latérocervicale se
fait sous anesthésie générale. L’intervention peut se pratiquer en ambulatoire si certaines conditions sociales sont
remplies (parents francophones, disposant d’un téléphone, habitant à une distance raisonnable de la clinique ou de
l’hôpital… [3]). Le chirurgien réalise une
incision cutanée péri-orificielle qui laissera une cicatrice horizontale de 1 à
2 cm. Mais si la fistule remonte très
haut, il fera une deuxième incision horizontale 5 à 10 cm plus haut pour termifévrier 2012
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LES EXAMENS
PRÉOPÉRATOIRES
RECHERCHE DE MALFORMATIONS
ASSOCIÉES : LE SYNDROME
BRANCHIO-OTO-RÉNAL (BOR)
Les fistules latérocervicales sont le plus
souvent isolées, mais cela ne peut être
affirmé qu’après s’être assuré qu’il n’y a
pas d’autres malformations branchiales
et pas de surdité. En effet, les fistules latérocervicales peuvent faire partie des
manifestations d’un syndrome BOR (voir
encadré) [4].
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A
B
Figure 1
Fistule latérocervicale droite. A droite, issue d’un liquide plus ou moins clair lorsque
l’on masse la fistule de haut en bas.
Figure 2
Vue peropératoire de l’exérèse d’une
fistule latérale du cou
Figure 3
Enchondrome cervical
LE SYNDROME BRANCHIO-OTORÉNAL (BOR)
Le syndrome BOR a une prévalence de
1/40000. Il se transmet selon un mode autosomique dominant. Des mutations ponctuelles et des délétions ont été identifiées au
niveau du gène EYA1 situé sur le chromosome 8 chez environ 40 % des patients atteints [7]. Des mutations ont également été
identifiées dans les gènes SIX1 et SIX5. L’expression de la maladie varie d’une famille à
l’autre et au sein d’une même famille.
Les malformations les plus fréquentes sont la
surdité (95 % des cas, surdité qui peut être
de transmission, de perception ou mixte et
qui est souvent évolutive), les malformations
du pavillon de l’oreille (87 %), les fistules
préhélicéennes (87 %), les kystes ou fistules
latérocervicaux (86 %). Les malformations
rénales sont présentes dans la moitié des cas.
C’est l’atteinte rénale qui fait toute la gravité
du syndrome, car elle peut conduire à une
insuffisance rénale chronique avec nécessité
de dialyse ou de greffe rénale.
Critères diagnostiques du syndrome
branchio-oto-rénal (BOR)
Figure 4
Fistule préhélicéenne
Figure 5
Enchondrome préauriculaire
Critères majeurs :
첸 fistule ou kyste branchial
첸 surdité
첸 fistule préhélicéenne
첸 malformation rénale (malformation de
l’arbre urinaire, hypoplasie ou agénésie rénale,
dysplasie rénale, kystes rénaux)
Critères mineurs :
첸 Malformation du pavillon de l’oreille
첸 Malformation de l’oreille moyenne
첸 Malformation de l’oreille interne
첸 Enchondrome préauriculaire
첸 Asymétrie faciale
첸 Malformation du palais dur
L’examen attentif du cou et de la face
doit rechercher une fistule ou un enchondrome cervical controlatéral (figure
3), une fistule préhélicéenne (figure 4) ou
un enchondrome préauriculaire (figure 5)
[5], une anomalie du pavillon de l’oreille,
une asymétrie faciale.
Il faut aussi vérifier l’audition. De plus
en plus d’enfants bénéficient d’un dépistage de la surdité à la maternité.
Mais cela ne suffit pas, car, en cas de
syndrome BOR, la surdité peut apparaître ou s’aggraver secondairement [6].
Il est donc nécessaire de réaliser régulièrement des examens de dépistage
d’une hypoacousie chez un enfant qui a
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Pour porter le diagnostic de syndrome BOR, il
faut :
첸 3 critères majeurs
첸 ou 2 critères majeurs et au moins 2 critères
mineurs
첸 ou 1 critère majeur et un parent proche
(ascendant, descendant, frère ou sœur) avec
un syndrome BOR authentifié
une fistule latérocervicale, au moins
jusqu’à ce que l’enfant soit capable de
se plaindre lui-même d’une mauvaise
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Figure 6
Syndrome BOR : malformations de l’oreille, TDM et IRM. Fillette de deux ans. Surdité
profonde bilatérale. Bilan avant pose d’implant cochléaire.
A, B. Oreille droite, anomalies de l’oreille interne : TDM coupes axiales. 1 : hypoplasie de la
cochlée. 2 : dilatation de l’aqueduc du vestibule. 3 : dilatation du canal semi-circulaire (CSC) latéral
et agénésie du CSC postérieur. 4 : situation antérieure du canal facial par rapport à la cochlée.
A
B
4
1
3
2
C. Oreille droite, anomalies de l’oreille moyenne, TDM coupe frontale oblique : tegmen bas situé,
malformation ossiculaire avec élargissement marqué du « V » ossiculaire (articulation incudostapédienne).
D. Oreille droite, TDM coupe axiale : béance des trompes d’Eustache, étroitesse des méats auditifs
externes.
C
D
E, F. Même enfant, IRM. 1 : hypoplasie des cochlées. 2 : dilatation des sacs endolymphatiques.
3 : dilatation des vestibules et des CSC latéraux. 4 : présence d’un nerf cochléaire à droite, absent à
gauche. Implant cochléaire posé à droite avec succès.
E
1
F
L’imagerie des rochers ne sera demandée que s’il existe une surdité (figure 6).
Celle-ci peut être de transmission, de
perception ou mixte, liée à des anomalies de l’oreille externe, moyenne et interne [7].
Le scanner peut montrer des anomalies
de l’oreille externe et moyenne : une
sténose du méat auditif externe, une
malformation ossiculaire, une béance
de la trompe d’Eustache.
Les malformations de l’oreille interne
sont toujours bilatérales, mais peuvent
être asymétriques. Les méats auditifs internes sont larges et globuleux. La cochlée est hypoplasique, le vestibule est
large, les canaux semi-circulaires sont
malformés, le canal semi-circulaire latéral peut ne pas être différencié du vestibule. Il peut s’y associer une dilatation
de l’aqueduc du vestibule. La portion labyrinthique du canal facial passe en
avant de la cochlée. Toutes ces anomalies sont visibles au scanner.
L’IRM peut montrer en outre une hypoplasie du nerf cochléaire.
Une échographie rénale ne sera demandée que s’il y a suspicion de syndrome
BOR. Elle peut montrer une hypoplasie
ou une agénésie rénale, des kystes rénaux, une dysplasie rénale (dont le diagnostic peut parfois être fait en anténatal).
CONCLUSION
2
Société Française d’ORL. Informations médicales avant la réalisation d’une exérèse de kyste ou de fistule de la partie latérale
du cou chez l’enfant, www.orlfrance.org/interventions/kyste_par
tie_laterale_cou_enfant.pdf.
[1] NICOLLAS R., GUELFUCCI B., ROMAN S., TRIGLIA J.M. :
« Congenital cysts and fistulas of the neck », Int. J. Pediatr. Otorhinolaryngol., 2000 ; 55 : 117-24.
IMAGERIE
3
4
Références
audition, et, au moindre doute, faire
faire un examen audiométrique.
[2] SENEL E., KOCAK H., AKBIYIK F., SAYLAM G. et al. : « From a
branchial fistula to a branchiootorenal syndrome : a case report
and review of the literature », J. Pediatr. Surg., 2009 ; 44 : 623-5.
[3] CHANG E.H., MENEZES M., MEYER N.C. : « Branchio-oto-renal syndrome : the mutation spectrum in EYAI and its phenotypic consequences », Hum. Mutat., 2004 ; 23 : 582-9.
[4] STINKENS C., SANDAERT L., CASSELMAN J.W. : « The presence of a widened vestibular aqueduct and progressive sensorineural hearing loss in the branchio-oto-renal syndrome. A fami-
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Devant une fistule latérocervicale, il
faut vérifier l’audition et qu’il n’y a pas
d’autres malformations branchiales. Les
indications de l’échographie rénale sont
limitées.
첸
ly study », Int. J Pediatr. Otorhinolaryngol., 2001 ; 59 : 163-72.
[5] FRANÇOIS M., GEIB I. : « Chirurgie ORL ambulatoire chez
l’enfant », Ann. Otolaryngol. Chir. Cervicofac., 2006 ; 123 : 163-6.
[6] FRANÇOIS M. : « Enchondromes, comment les reconnaître,
que faire ? », Réalités Pédiatriques, 2008 ; 130 : 19-20.
[7] CERUTI S., STINCKENS C., CREMERS C.W., CASSELMAN
J.W. : « Temporal bone anomalies in the branchio-oto-renal syndrome : detailed computed tomographic and magnetic resonance imaging findings », Otol. Neurotol., 2002 ; 23 : 200-07.
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