CAS CLINIQUE
26 | La Lettre d’ORL et de chirurgie cervico-faciale • n° 330 - juillet-août-septembre 2012
L’étiopathogénie de la maladie est peu connue. L’hypothèse la
plus probable semble être celle d’une réaction auto-immune
dirigée contre certains antigènes du cartilage. Cette hypothèse
est soutenue par la fréquente association à des maladies dysim-
munitaires, la découverte de dépôts d’immunoglobulines et de
complément au sein des lésions chondritiques, et la présence
d’anticorps anticartilage contre les collagènes II, IX et XI. En effet,
de tels anticorps sont retrouvés chez 30 % des patients avec
PCA, mais ne sont ni sensibles, ni spécifiques (2). Les trauma-
tismes, voire le piercing des oreilles, semblent jouer le rôle de
déclencheur (3).
Les manifestations cliniques sont liées aux structures atteintes.
Les localisations ORL sont très fréquentes, parfois révélatrices.
Les atteintes les plus fréquentes sont résumées ci-dessous.
La chondrite auriculaire
L’atteinte du cartilage des oreilles est la plus commune, les
patients présentant une inflammation douloureuse du pavillon
qui épargne le lobe non cartilagineux. Les poussées inflammatoires
successives peuvent se compliquer d’une surdité de transmission
en cas d’obstruction du conduit auditif externe par l’œdème. La
destruction progressive du cartilage évolue vers la déformation
en chou-fleur.
Les voies aériennes
L’atteinte inflammatoire des cartilages du nez est retrouvée dans
plus de 60 % des cas et peut entraîner une déformation dite “en
pied de marmite”. Les atteintes du larynx et de la trachée se
manifestent par des douleurs laryngées, une dysphonie jusqu’à
l’obstruction complète des voies respiratoires nécessitant une
trachéotomie en urgence. Les examens complémentaires thora-
ciques retrouvent des épaississements trachéobronchiques, des
sténoses sur les voies respiratoires basses ou une trachéo-broncho-
malacie (4).
Les atteintes articulaires
Elles sont fréquentes, et le plus souvent de type oligo- ou
polyarthrites migratrices, asymétriques, non érosives, évoluant
par poussées. L’atteinte des articulations de la cage thoracique
semble contribuer au syndrome restrictif retrouvé sur les tests
fonctionnels respiratoires.
Les atteintes cardiovasculaires
Elles sont rares mais signent le pronostic par leur gravité. L’atteinte
inflammatoire des gros vaisseaux est retrouvée dans 20 % des cas.
Les autres manifestations incluent des valvulopathies aortiques,
des troubles de la conduction et des myocardites inflamma-
toires (5).
Les atteintes oculaires
Elles accompagnent souvent les poussées de chondrite nasale et
auriculaire, avec des sclérites et des épisclérites, des uvéites et,
rarement, des atteintes rétiniennes.
Les atteintes cutanées
Elles sont présentes dans 40 % des cas mais restent hétérogènes
et peu spécifiques : dermatose neutrophilique, aphtes, vascularite,
livedo reticularis (6).
Autres atteintes
Elles signent le caractère polymorphe et systémique de la maladie.
On signale l’atteinte rénale, qui reste rare et polymorphe histo-
logiquement (7, 8).
Une surdité de perception bilatérale
Une surdité de perception bilatérale, évoluant de façon rapidement
progressive, ou avec des épisodes de surdité brusque bilatérale, est
décrite dans 40 à 50 % des cas dans l’évolution de la maladie. Elle
peut être révélatrice de la maladie et s’accompagner d’acouphènes
et de vertiges. L’étiopathogénie en est mal connue : anticorps
antilabyrinthe ? Vascularite de l’artère labyrinthique ? Des cas
de surdité profonde bilatérale sont rapportés dans la littérature,
aboutissant à l’implantation cochléaire si le bilan ne retrouve pas
d’ossification ou de fibrose cochléaire, qui peuvent parfois survenir
dans ces pathologies (9). Des cas de surdité de transmission sont
également décrits, par atteinte cartilagineuse du conduit auditif
externe ou otite séreuse associée.
Un tiers des cas de polychondrite atrophiante s’associent à d’autres
maladies systémiques comme les vascularites systémiques, les
connectivites ou les hémopathies malignes (10). L’association de la
polychondrite avec la maladie de Behçet fait partie du syndrome
MAGIC (Mouth and Genital Ulcers with Inflamed Cartilage).
Le diagnostic positif repose sur les critères de Mc Adam et al.
(tableau) [11, 12]. Le diagnostic de PCA peut être retenu si plus de 3
des 6 critères sont retrouvés, ou s’il existe au moins 1 critère avec
Tableau. Critères diagnostiques de Mc Adam et al. (11) modifiés par Damiani
et al. (12).
1. Chondrite récurrente bilatérale des oreilles
2. Rhumatisme inflammatoire polyarticulaire non destructeur séronégatif
3. Chondrite nasale
4. Inflammation oculaire (conjonctivite, kératite, épisclérite, uvéite)
5. Chondrite du larynx et/ou de la trachée
6. Atteinte cochléovestibulaire avec surdité de perception, acouphènes
et/ou vertiges