CAS CLINIQUE
Figure. Chondrite du pavillon de l’oreille.
La Lettre d’ORL et de chirurgie cervico-faciale 330 - juillet-août-septembre 2012 | 25
Mots-clés :
Maladie auto-immune – Surdité de perception – Surdité brusque – Chondrite.
Keywords:
Autoimmune disease – Sensorineural hearing loss – Sudden deafness – Chondritis.
Polychondrite atrophiante :
une maladie exceptionnelle
Relapsing perichondritis: an unusual disease
R. Sterpu*, I. Mosnier**
* Service de médecine interne, hôpital Louis-Mourier, Colombes.
** Service d’ORL, hôpital Louis-Mourier, Colombes et hôpital Beaujon, Clichy.
Observation
Monsieur D., 68 ans, est hospitalisé pour une altération de
l’état général dans un contexte de syndrome biologique inflam-
matoire persistant. Dans ses antécédents, on note une maladie
aortique évoluant depuis 5 ans, 2 épisodes de pneumopathie
sévère et une hypertension artérielle essentielle. Depuis
2 ans, il présente des épisodes de dysphonie intermittente, un
syndrome biologique inflammatoire fluctuant et des épisodes
d’hypodermite non infectieuse. Trois semaines auparavant, il
a présenté un épisode d’inflammation fébrile du pavillon de
l’oreille droite traité par antibiotiques et ultérieurement par
colchicine, sans aucune efficacité (figure). Cliniquement, on
retrouve une chondrite inflammatoire isolée sans autre foyer
inflammatoire ou infectieux. Le patient présente un épisode
d’épisclérite 2 semaines plus tard. Biologiquement, on met en
évidence un syndrome inflammatoire (CRP à 62 mg/l) ainsi
qu’une anémie normochrome normocytaire arégénérative
avec un profil inflammatoire. Le myélogramme est normal. La
biopsie du pavillon de l’oreille confirme une chondrite aiguë.
Le diagnostic retenu est celui d’une poly chondrite atrophiante,
et le patient est traité par de petites doses de corticoïdes
(5-10 mg/j).
Lévolution est marquée par plusieurs épisodes de dermatose
neutrophilique. Sur le plan ORL, il existe une surdité de
perception bilatérale et asymétrique, s’aggravant progressi-
vement, avec des fluctuations partiellement améliorées dès
l’augmentation des corticoïdes (1 mg/kg/j pendant une semaine
au moment de la poussée), sans acouphènes ni vertiges.
Lexamen des fosses nasales est normal. L’audiogramme met
en évidence une surdité de perception sur les fréquences aiguës,
avec un seuil à 35 dB à droite et à 60 dB à gauche. Par ailleurs,
le patient a développé une ostéoporose fracturaire et une
cataracte bilatérale, des complications liées à la corticothérapie.
Un traitement de fond par méthotrexate est actuellement envisagé.
Le patient a été adressé pour appareillage audioprothétique.
Discussion
La polychondrite chronique atrophiante (PCA) est une maladie systé-
mique rare évoluant par poussées, caractérisée par une inflammation
douloureuse et destructrice des tissus cartilagineux. L’incidence est
estimée à 3,5/million d’habitants/an (1). Elle se manifeste plus souvent
chez l’adulte jeune entre l’âge de 40 et 50 ans, avec une légère prédo-
minance chez l’homme.
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Létiopathogénie de la maladie est peu connue. L’hypothèse la
plus probable semble être celle d’une réaction auto-immune
dirigée contre certains antigènes du cartilage. Cette hypothèse
est soutenue par la fréquente association à des maladies dysim-
munitaires, la découverte de dépôts d’immunoglobulines et de
complément au sein des lésions chondritiques, et la présence
d’anticorps anticartilage contre les collagènes II, IX et XI. En effet,
de tels anticorps sont retrouvés chez 30 % des patients avec
PCA, mais ne sont ni sensibles, ni spécifiques (2). Les trauma-
tismes, voire le piercing des oreilles, semblent jouer le rôle de
déclencheur (3).
Les manifestations cliniques sont liées aux structures atteintes.
Les localisations ORL sont très fréquentes, parfois révélatrices.
Les atteintes les plus fréquentes sont résumées ci-dessous.
La chondrite auriculaire
L’atteinte du cartilage des oreilles est la plus commune, les
patients présentant une inflammation douloureuse du pavillon
qui épargne le lobe non cartilagineux. Les poussées inflammatoires
successives peuvent se compliquer d’une surdité de transmission
en cas d’obstruction du conduit auditif externe par l’œdème. La
destruction progressive du cartilage évolue vers la déformation
en chou-fleur.
Les voies aériennes
L’atteinte inflammatoire des cartilages du nez est retrouvée dans
plus de 60 % des cas et peut entraîner une déformation dite “en
pied de marmite”. Les atteintes du larynx et de la trachée se
manifestent par des douleurs laryngées, une dysphonie jusqu’à
l’obstruction complète des voies respiratoires nécessitant une
trachéotomie en urgence. Les examens complémentaires thora-
ciques retrouvent des épaississements trachéobronchiques, des
sténoses sur les voies respiratoires basses ou une trachéo-broncho-
malacie (4).
Les atteintes articulaires
Elles sont fréquentes, et le plus souvent de type oligo- ou
polyarthrites migratrices, asymétriques, non érosives, évoluant
par poussées. L’atteinte des articulations de la cage thoracique
semble contribuer au syndrome restrictif retrouvé sur les tests
fonctionnels respiratoires.
Les atteintes cardiovasculaires
Elles sont rares mais signent le pronostic par leur gravité. L’atteinte
inflammatoire des gros vaisseaux est retrouvée dans 20 % des cas.
Les autres manifestations incluent des valvulopathies aortiques,
des troubles de la conduction et des myocardites inflamma-
toires (5).
Les atteintes oculaires
Elles accompagnent souvent les poussées de chondrite nasale et
auriculaire, avec des sclérites et des épisclérites, des uvéites et,
rarement, des atteintes rétiniennes.
Les atteintes cutanées
Elles sont présentes dans 40 % des cas mais restent hétérogènes
et peu spécifiques : dermatose neutrophilique, aphtes, vascularite,
livedo reticularis (6).
Autres atteintes
Elles signent le caractère polymorphe et systémique de la maladie.
On signale l’atteinte rénale, qui reste rare et polymorphe histo-
logiquement (7, 8).
Une surdité de perception bilatérale
Une surdité de perception bilatérale, évoluant de façon rapidement
progressive, ou avec des épisodes de surdité brusque bilatérale, est
décrite dans 40 à 50 % des cas dans l’évolution de la maladie. Elle
peut être révélatrice de la maladie et s’accompagner d’acouphènes
et de vertiges. L’étiopathogénie en est mal connue : anticorps
antilabyrinthe ? Vascularite de l’artère labyrinthique ? Des cas
de surdité profonde bilatérale sont rapportés dans la littérature,
aboutissant à l’implantation cochléaire si le bilan ne retrouve pas
d’ossification ou de fibrose cochléaire, qui peuvent parfois survenir
dans ces pathologies (9). Des cas de surdité de transmission sont
également décrits, par atteinte cartilagineuse du conduit auditif
externe ou otite séreuse associée.
Un tiers des cas de polychondrite atrophiante s’associent à d’autres
maladies systémiques comme les vascularites systémiques, les
connectivites ou les hémopathies malignes (10). L’association de la
polychondrite avec la maladie de Behçet fait partie du syndrome
MAGIC (Mouth and Genital Ulcers with Inflamed Cartilage).
Le diagnostic positif repose sur les critères de Mc Adam et al.
(tableau) [11, 12]. Le diagnostic de PCA peut être retenu si plus de 3
des 6 critères sont retrouvés, ou s’il existe au moins 1 critère avec
Tableau. Critères diagnostiques de Mc Adam et al. (11) modifiés par Damiani
et al. (12).
1. Chondrite récurrente bilatérale des oreilles
2. Rhumatisme inflammatoire polyarticulaire non destructeur séronégatif
3. Chondrite nasale
4. Inflammation oculaire (conjonctivite, kératite, épisclérite, uvéite)
5. Chondrite du larynx et/ou de la trachée
6. Atteinte cochléovestibulaire avec surdité de perception, acouphènes
et/ou vertiges
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la preuve histologique d’une biopsie de cartilage ou des chondrites
de plus de 2 sièges anatomiques différents et une réponse favorable
aux corticoïdes et/ou à la dapsone.
Le traitement de la polychondrite est mal codifié en raison de la
rareté de la maladie. Il repose sur la corticothérapie utilisée par
voie systémique, à des posologies qui varient en fonction du type
d’atteinte. Les immunosuppresseurs (azathioprine, cyclophos-
phamide) sont justifiés dans les atteintes vasculaires sévères.
Le méthotrexate peut être utilisé pour éviter la cortisone (9).
D’autres traitements comme les échanges plasmatiques et les
très modernes thérapies biologiques (les inhibiteurs du TNFα,
l’inhibiteur du récepteur de l’IL-6, l’antagoniste du récepteur de
l’IL-1) ont été testés avec de bons résultats, mais le nombre de
patients est à ce jour trop faible pour évaluer leur intérêt.
Conclusion
La polychondrite atrophiante est une maladie rare. Les
manifestations ORL liées aux atteintes cartilagineuses
peuvent être révélatrices de la maladie. Une fois le diagnostic
évoqué, une prise en charge rapide et multidisciplinaire
permet d’améliorer le pronostic, aussi bien en ce qui concerne
le handicap auditif que les atteintes systémiques.
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46.
Références bibliographiques
Agenda
Dissection de l’os temporal et de la base du crâne
Sous la direction du Pr Olivier Sterkers
Collaborateurs : Dr Didier Bouccara
Dr Daniele Bernardeschi
Dr Isabelle Mosnier
Dr Yann Nguyen
Service de neurochirurgie : Pr Michel Kalamarides
et le département d’anatomie de la faculté Xavier Bichat
Pr Christian Vacher
Avec la collaboration des instructeurs :
Pr Dimitrios Assimakopoulos (Ioannina)
Pr Abdelhamid Benghalem (Casablanca)
Pr Hassan Chelly (Casablanca)
Pr Hani El Garem (Égypte)
Avec la participation de :
Cochlear, Collin, Medtronic, Xomed Microfrance, Vibrant Medel,
Zeiss
Lieu :
Institut d’anatomie, faculté des Saint-Pères
(15 postes de dissection)
Renseignements :
Tél. : 01 40 87 45 93 / Fax : 01 40 87 44 52
E-mail : secretariat.maladiesrar[email protected]
Frais d’inscription : 800 €
Cours de chirurgie otologique et otoneurologique
les 8, 9 et 10 janvier 2013
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