106 | La Lettre du Pharmacologue • Vol. 23 - n° 3 - juillet-août-septembre 2009
mécanismes d’hyper-éveil avec installation du cercle
vicieux de l’insomnie, ou d’un dysfonctionnement
des systèmes de régulation du sommeil homéosta-
tique et/ou circadien ?
Le traitement de l’insomnie doit être adapté à son
étiologie (12). La prise en charge d’une insomnie
psychophysiologique est avant tout comporte-
mentale, comprenant notamment une restriction
du temps passé au lit et des conseils d’hygiène de
sommeil. Lorsque cela n’est pas suffisant, le trai-
tement peut consister en une thérapie cognitivo-
comportementale afin de diminuer les pensées
dysfonctionnelles liées au sommeil. En outre, chez
la personne de plus de 55 ans, un dysfonctionne-
ment du système circadien peut être évoqué, et il est
alors parfois nécessaire d’adjoindre un traitement à
base de mélatonine. L’utilisation d’hypnotiques dans
l’insomnie chronique ne doit être que transitoire.
Mélatonine : sécrétion,
mécanismes d’action et rôle
dans la régulation du sommeil (13)
Sécrétion de mélatonine
La sécrétion de mélatonine a lieu préférentielle-
ment pendant la nuit, s’étalant sur environ 10 heures,
avec un pic vers 3-4 heures. Le “message méla-
tonine” présente une grande hétérogénéité d’un
sujet à l’autre, alors qu’il est très reproductible chez
un même sujet d’un jour à l’autre. Chez certains
individus (5 % environ), la sécrétion peut être très
discrète, voire, exceptionnellement, absente, sans
conséquence évidente sur la qualité du sommeil ou
sur les capacités d’adaptation à une perturbation des
rythmes. La sécrétion s’amoindrit progressivement
avec l’âge, comportant une tendance à l’avance de
phase, voire une disparition totale chez la personne
très âgée. La mélatonine franchit la barrière hémato-
encéphalique, en particulier depuis le sang jusqu’au
tissu nerveux. Une petite fraction de la mélatonine
est transformée en dérivés de la kynurénine – dont
le rôle physiologique est encore imprécis, mais qui
est vraisemblablement en relation avec l’excitabilité
neuronale.
Une horloge interne située dans les NSC contrôle le
rythme de la sécrétion de mélatonine, comme l’en-
semble des rythmes circadiens. La voie principale de
régulation emprunte initialement le système nerveux
central puis le système sympathique. Le contrôle
terminal épiphysaire est essentiellement assuré par
des fibres noradrénergiques issues des ganglions
cervicaux supérieurs. L’alternance lumière/obscurité
(ou jour/nuit) constitue le synchroniseur majeur du
système. La sécrétion de mélatonine s’effectue en
fonction de cette alternance tout en montrant une
relative inertie en cas de modifications de celle-ci. La
lumière peut aussi exercer un effet inhibiteur, selon
l’heure d’administration de la plage lumineuse, à
condition que l’éclairement soit suffisant, prolongé,
et qu’il intervienne à un horaire optimal (2 500 lx
entre 2 heures et 4 heures du matin).
Récepteurs à la mélatonine (13, 14)
Deux sous-types de récepteurs (MT1 et MT2) couplés
aux protéines G ont été clonés et caractérisés chez
les mammifères. Un troisième site de liaison MT3
participe à la protection contre le stress oxydatif.
De plus, la mélatonine interagit avec des protéines
intracellulaires telles que la tubuline, la calréti culine
et la calmoduline (dont la liaison au Ca²+ est anta-
gonisée par la mélatonine).
Les récepteurs sont exprimés dans différents tissus,
en particulier dans le système nerveux central. Ils
sont présents dans les NSC (MT1) et les noyaux
paraventriculaires de l’hypothalamus où ils sont
colocalisés avec les neurones à CRF, dans l’hippo-
campe, le cervelet (MT1 et MT2), où ils modulent
l’activité des interneurones gabaergiques et les
synapses glutamatergiques, les structures dopa-
minergiques centrales et dans différents types
cellulaires rétiniens. Dans la maladie d’Alzheimer,
l’expression des récepteurs MT1 est diminuée alors
que l’augmentation de l’expression des récepteurs
MT2 pourrait correspondre à un phénomène
compensatoire.
La régulation de ces récepteurs est complexe. Leur
expression maximale, qui coïncide avec le pic de
mélatonine endogène, suggère une absence de
désensibilisation lors d’un traitement prolongé. La
conservation de l’effet d’entraînement par adminis-
tration chronique de mélatonine chez l’aveugle est
un argument supplémentaire.
Pharmacocinétique (15)
L’administration per os de mélatonine à libération
immédiate conduit à des profils plasmatiques très
hétérogènes, avec un pic précoce et une concentra-
tion résiduelle pendant plusieurs heures. L’adminis-
1.◆Léger D, Guilleminault C, Dreyfus
JP, Delahaye C, Paillard M. Preva-
lence of insomnia in a survey of
12,778 adults in France. J Sleep
Res 2000;9:35-42.
2.◆Czeisler CA, Weitzman E, Moore-
Ede MC, Zimmerman IC, Knaver RS.
Human sleep: its duration and orga-
nization depend on its circadian
phase. Science 1980;210:1264-7.
3.◆Dijk DJ, Czeisler CA. Contribu-
tion of the circadian pacemaker
and the sleep homeostat to sleep
propensity, sleep structure, elec-
troencephalographic slow waves,
and sleep spindle activity in humans.
J Neurosci 1995;15:3526-38.
4.◆Dinorah Garcia A. The effect
of chronic disorders on sleep in
the elderly. Clin Geriatr Med
2008;24:27-38.
5.◆Feinberg I, Koresko RL, Heller N.
EEG sleep patterns as a function of
normal and pathological aging in
man. J Psychiatr Res 1967;5:107-
44.
6.◆Feinberg I. Changes in
sleep cycle patterns with age.
J Psychiatr Res 1974;10:283-306.
7.◆Dijk DJ, Duffy JF. Circadian
regulation of human sleep and
age-related changes in its timing,
consolidation and EEG characte-
ristics. Ann Med 1999;31:130-40.
8.◆Brezinova V. The number and
duration of the episodes of the
various EEG stages of sleep in
young and older people. Elec-
troencephalogr Clin Neurophysiol
1975;39:273-8.
9.◆Dijk DJ, Duffy JF, Riel E, Shanahan
TL, Czeisler CA. Ageing and the
circadian and homeostatic regu-
lation of human sleep during forced
desynchrony of rest, melatonin and
temperature rhythms. J Physiol
1999;516:611-27.
10.◆Munch M, Knoblauch V, Blatter
K, Wirz-Justice A, Cajochen C.
Is homeostatic sleep regulation
under low sleep pressure modified
by age? Sleep 2007;30:781-92.
11.◆American Academy of Sleep
Medicine. The international
Classification of Sleep Disorders:
diagnostic and coding manual
(2nd ed.). Westchester: American
Academy of Sleep Medicine, 2005.
Références
bibliographiques
THÉRAPEUTIQUE