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mental. L’écart se réduit lentement
entre l’image dégradée d’un malade
héritée des représentations des XIX
e
et
XX
e
siècles et celle du patient du XXI
e
siècle. Une évolution nécessaire de la
discipline est le développement de la
pédagogie à destination du public, tou-
jours dans le but d’expliquer la mala-
die mentale et de déstigmatiser les
malades.
PSII : Les familles des malades se
plaignent des “tâtonnements” au
niveau des prises en charge et enre-
gistrent même certaines contradic-
tions. Y a-t-il un mouvement d’harmo-
nisation des différentes écoles ?
Pr C-S Peretti : On peut répondre
par l’affirmative : aujourd’hui, les diffé-
rentes écoles de la psychiatrie telles
que le courant des neurosciences
cognitives, les courants psychodyna-
miques ou systémiciens n’ont jamais
été aussi proches d’une même réalité
psychique. En effet, les vieilles que-
relles stériles ignorant une certaine
complémentarité dans l’éclairage du
sujet malade proposé par ces courants
différents ont lassé un auditoire
aujourd’hui mieux informé des diffé-
rentes facettes de l’économie psy-
chique. Un certain degré de pragma-
tisme s’impose de nos jours. Les
exigences de transparence, presque
de résultats, dans les prises en charge
ont conduit à l’abandon de positions
trop dogmatiques, parfois au mépris
de la souffrance, qui prévalaient hier.
Cet élan permet d’expliquer à la fois
une certaine frilosité des psychiatres
devant les nouvelles demandes des
patients et l’affirmation des droits des
malades comme dans le reste de la
médecine.
PSII :
Les familles de personnes atteintes
de
maladie mentale souffrent (et se
confient
d’ailleurs aux infirmiers) et expri-
ment parfois leur souhait d’une prise en
charge plus adaptée, surtout dans les
affections graves. Les prises en charge
en ville ne sont-elles pas à revoir ?
Pr C-S Peretti : En effet, les ferme-
tures de lit sont concomitantes du
développement des alternatives à
l’hospitalisation et des efforts réalisés
dans le domaine des nouvelles
méthodes thérapeutiques centrées sur
les réseaux de soins et une collabora-
tion renouvelée entre les différents
acteurs de la santé mentale. La psy-
chiatrie de secteur doit trouver un
second souffle dans notre pays ; elle
doit évoluer comme le reste de la dis-
cipline et comme le reste de la méde-
cine, sans craindre d’abandonner des
pratiques de prise en charge des
malades devenues trop classiques et
inefficaces, pour s’ouvrir à l’irruption
des nouvelles sciences du cerveau
appliquées à la compréhension de la
maladie mentale.
PSII :
Quelles sont les pathologies les
plus courantes en France ? Quelles sont
celles qui posent le plus de problèmes ?
Pr C-S Peretti : Les pathologies qui
posent le plus de problèmes ne sont
pas les plus fréquentes : la schizophré-
nie (prévalence proche de 1 %) reste
la pathologie la plus difficile à traiter et
à prendre en charge, la plus généra-
trice de souffrances pour les patients
et leur famille. Sans être la plus fré-
quente, elle touche environ 300 000 pa-
tients dans notre pays, et représente la
maladie psychiatrique qui est la plus
handicapante et d’évolution chronique
la plus longue.
Les états dépressifs sont la pathologie
la plus fréquente, puisque leur préva-
lence sur la vie entière avoisine, selon
les études, 10 à 15 % de la population
générale, ce qui représente un
nombre beaucoup plus important de
malades mais une gravité et une
durée d’évolution beaucoup plus
faibles en général. Cela ne signifie pas,
bien au contraire, qu’il faille négliger
cette pathologie, qui tue près de
10 000 personnes par an, en France.
En effet, le risque de cette affection est
représenté essentiellement par le sui-
cide et les complications telles que l’al-
coolisation et les conduites à risque,
sans oublier le coût économique
énorme généré par cette pathologie.
Les troubles anxieux sont également
très fréquents, tels que les phobies, le
trouble panique et l’anxiété générali-
sée. Au plan thérapeutique, l’en-
semble de ces pathologies est acces-
sible aux psychotropes de nouvelle
génération, essentiellement les nou-
veaux antidépresseurs très bien tolérés
et très efficaces comme les IRS ou
Professions Santé Infirmier Infirmière N° 53 • mars 2004
DOSSIER
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IRSNA. Des avancées récentes dans le
traitement préventif des récidives
dépressives ont abouti, ces deux der-
nières années, à l’extension des indica-
tions de certains antidépresseurs utili-
sés au long cours dans un but
prophylactique anti-récidive. Ces avan-
cées récentes sont destinées à la prise
en charge longitudinale de ces réci-
dives dépressives qui empoisonnent la
vie des patients qui en sont atteints
pendant plusieurs années.
Une technique récente dans le traite-
ment des formes plus sévères d’états
dépressifs est en train de se générali-
ser en France dans les services de psy-
chiatrie des centres hospitaliers univer-
sitaires, il s’agit de la stimulation
magnétique transcrânienne répéti-
tive. Ce traitement indolore, très bien
toléré, repose sur l’utilisation d’un
champ magnétique d’intensité élevée
(environ celui d’une IRM) appliqué par
le biais d’une sonde externe (boîtier
contenant une bobine de fil qui trans-
forme le courant en champ magné-
tique) sur la tête du patient assis dans
un fauteuil. Cette nouvelle technique
représente une alternative aux anciens
électrochocs qui étaient responsables
d’effets secondaires cognitifs gênants
et qui nécessitaient une anesthésie
générale.
PSII : Qu’est-ce qui peut motiver un
infirmier à s’orienter vers le secteur Psy ?
Pr C-S Peretti : Il existe aujourd’hui
beaucoup plus de raisons pour un
infirmier de s’orienter dans le soin en
santé mentale qu’hier. En effet, les
avancées des méthodes de diagnos-
tic, des méthodes d’investigations
complémentaires, notamment les
nouvelles techniques d’exploration en
neuro-imagerie et dans le domaine
des neurosciences, les avancées dans
le domaine thérapeutique en ce qui
concerne les troubles de l’humeur, les
états psychotiques et les troubles
anxieux sont source d’espoir pour
l’avenir de nos malades, source de
motivation de contribuer à l’améliora-
tion de leur état de santé en les
accompagnant sur le chemin de la
guérison.
Propos recueillis par Andrée-Lucie Pissondes
Focus ...
Un nouveau
relationnel
L
a loi du 4 mars
2002
sur l’accès
au dossier médical
par les
patients,
a inauguré
chez
les psychiatres
et les soignants
en psychiatrie,
un mouvement
dans le domaine
de l’information.
Ceci
dans le but
d’expliquer
les pathologies,
leurs manifestations,
les dispositions
relatives
aux traitements,
à l’hospitalisation,
de dédramatiser
des symptômes,
de proposer
des alternatives
à l’hospitalisation
et les programmes
de réhabilitation.