Radiothérapie des tumeurs de la prostate localisées à haut risque

publicité
OBJECTIFS D’ENSEIGNEMENT
PROFESSIONNEL CONTINU
Tumeurs urologiques - Coordonnateur : P. Beuzeboc
Radiothérapie des tumeurs
de la prostate localisées
à haut risque
P. Beuzeboc, D. Pontvert, J.M. Cosset
État des lieux
La prise en charge des tumeurs localisées à haut risque a fait l’objet
de recommandations communes de l’Association française d’urologie (AFU), de la Société française de radiothérapie oncologie
(SFRO), du Groupe d’étude des tumeurs uro-génitales (GETUG)
et de la Société française de pharmacologie (SFP) en 2007 (1). Les
nouvelles recommandations AFU/GETUG 2010 sont disponibles
depuis la fin de l’année dernière.
Les formes localisées à haut risque présentent un potentiel accru
de récidive biologique, de maladie métastatique et de décès spécifique, fondé sur des arguments pronostiques. Leur identification est
fondamentale pour définir une stratégie thérapeutique adaptée,
souvent multimodale.
Ces formes englobent à la fois les tumeurs localement avancées
(T3 et T4), mais aussi celles à risque de progression et de métastases
– ce risque est lié à l’agressivité biologique et histologique. Environ
un quart des tumeurs dites localisées sont à haut risque, avec 65 %
de progression biologique à 5 ans.
Selon les critères de D’Amico et al., ce sont des tumeurs ≥ T2c,
de PSA > 20 ng/ml ou de score de Gleason biopsique ≥ 8 (2).
Un taux de plus de 50 % de biopsies positives et une invasion
supérieure à 30 % de la longueur des biopsies, une vélocité du
PSA élevée (PSAV > 2 ng/ml) et un temps de doublement court
(PSADT < 6 mois) représentent également des facteurs de mauvais
pronostic ainsi qu’un pourcentage de grade 4 supérieur à 50 % ou
la présence de grade 5.
Plusieurs études ont montré le bénéfice d’une hormonothérapie
adjuvante associée à une radiothérapie.
L’association d’une radiothérapie conformationnelle et d’une
hormonothérapie prolongée (2 à 3 ans) représente le traitement
de référence pour les patients ayant une espérance de vie
supérieure à 10 ans. La dose d’irradiation doit être au minimum
de 70 Gy. L’irradiation des aires ganglionnaires pelviennes est
optionnelle. La prostatectomie totale “élargie” avec curage
étendu est également un traitement validé pour les tumeurs
à faible risque métastatique, avec ou sans traitement adjuvant
(radiothérapie ou hormonothérapie) en fonction de l’histologie
définitive. L’hormonothérapie est une option thérapeutique en
cas d’atteinte ganglionnaire, de patients âgés, et d’espérance de
vie inférieure à 10 ans.
270 | La Lettre du Cancérologue • Vol. XX - n° 4 - avril 2011
Association radio-hormonothérapie
prolongée
M. Bolla et al. (3) ont confirmé les bénéfices en survie à long terme
d’une suppression androgénique de 3 ans associée à la radiothérapie
locorégionale par rapport à la même radiothérapie dans les cancers
de la prostate localement avancés dans l’actualisation de l’essai de
l’Organisation européenne pour la recherche et le traitement du cancer,
EORTC 22863, qui a inclus 415 patients. Les survies sans récidive
(SSR) clinique à 5 ans sont de 40 % (IC95 : 32-48) dans le groupe
radiothérapie seule versus 74 % (IC95 : 67-81) dans le groupe combiné
(p = 0,0001), le pourcentage d’apparition de métastases de 29,2 versus
9,8 % (p < 0,0001), les survies globales (SG) à 5 ans de 62 % (IC95 :
52-72) et 78 % (IC95 : 72-84) [p = 0,0002], les survies spécifiques à
5 ans de 79 % (IC95 : 72-86) et 94 % (IC95 : 90-98) [p = 0,001].
Dans l’étude EPC (Early Prostate Cancer), le groupe de patients avec
une tumeur localement avancée traités par radiothérapie bénéficie de
l’association d’un traitement par bicalutamide 150 mg pendant 5 ans,
avec une amélioration de la survie sans progression (SSP) clinique
de 44 % et de la SG de 12 % par rapport à la radiothérapie seule (4).
Faits nouveaux
Confirmation de la durée
de 3 ans d’hormonothérapie
adjuvante après radiothérapie
Données à 10 ans de l’étude EORTC 22863 (5)
Avec un suivi médian de 9,1 ans, 192 de 415 patients étant décédés
(112 dans le bras radiothérapie, 80 dans le bras radiothérapie +
hormonothérapie [3 ans]), il existe, en faveur de l’association, une
amélioration de :
- la SG (58,1 versus 39,8 % [HR = 0,60 ; IC : 0,45-0,80 ; p = 0,0004]);
- la SSP (47,7 versus 22,7 % [HR = 0,42 ; IC : 0,33-0,55 ; p < 0,0001]) ;
- la survie sans métastases à distance (51 versus 30,2 % [HR = 0,5 ;
IC : 0,30-0,60 ; p < 0,0001]) ;
- la SSP biochimique (37,9 versus 17,6 % [HR = 0,43 ; IC : 0,30-0,60]).
Il n’y a pas de différence de mortalité cardio-vasculaire (8,2 et
11,1 % ; HR = 1,1 ; IC : 0,59-2,09 ; p = 0,75).
Résultats de l’étude EORTC comparant 6 mois
à 3 ans de déprivation hormonale
Les données de l’essai EORTC 22863, comparant une hormonothérapie de 6 mois à une hormonothérapie de 3 ans en association
OBJECTIFS D’ENSEIGNEMENT
PROFESSIONNEL CONTINU
avec une radiothérapie (70 Gy) chez 970 patients présentant une
tumeur de la prostate localement avancée n’ont pas permis de
conclure à une non-infériorité du traitement de 6 mois (6). Avec
un suivi médian de 5,2 ans dans le bras 3 ans, la médiane de SG
est en effet de 85,3 % (IC98,2 : 80,5-89,0) versus 80,6 % (IC98,2 :
75,4-84,8).
Radiothérapie postopératoire
immédiate
Trois études de phase III ont montré l’intérêt de la radiothérapie postprostatectomie, notamment en cas de marges
positives (7).
L’étude de phase III EORTC 22911 (8) posait le problème de
l’intérêt d’une radiothérapie postopératoire immédiate après
prostatectomie radicale dans les stades à fort risque de rechute
locale (invasion capsulaire, marges chirurgicales envahies, envahissement des vésicules séminales). Mille cinq patients ont été randomisés entre une radiothérapie conventionnelle de 60 Gy et une
surveillance. Le PSA médian postopératoire était de 0,2 ng/ml. Avec
un suivi médian de 5 ans, la SSP biologique était significativement
en faveur du bras radiothérapie : 72,2 % (IC95 : 67,7-76,8) versus
51,8 % (IC95 : 46,8-56,8 ; HR = 0,52 ; p < 0,0001), la SSR clinique
à 5 ans était de 83,3 versus 74,8 % (HR = 0,68 ; IC95 : 0,52-0,89 ;
p = 0,004).
Une étude multicentrique allemande (ARO 96-02/AUO
AP 09/95) [9] comparait, chez 385 patients présentant une
tumeur pT3 randomisés une semaine après la prostatectomie,
radiothérapie adjuvante (60 Gy) et simple surveillance. La SSR
biochimique à 5 ans pour les patients ayant un taux de PSA
indétectable après prostatectomie radicale était améliorée dans
le groupe radiothérapie (72 %, IC95 : 65-81, versus 54 %, IC95 :
45-63 ; HR = 0,53 ; IC95 : 0,37-0,79 ; p = 0,0015). Il faut encore
attendre pour disposer des données de survies sans métastase
et globale.
La troisième étude, américaine, publiée par I.M. Thompson
et al. (10), a montré que la radiothérapie adjuvante réduisait significativement le risque de métastases (HR = 0,71 ; IC95 : 0,54-0,94 ;
p = 0,016) et améliorait la survie (HR = 0,72 ; IC95 : 0,55-0,96 ;
p = 0,023).
Pas d’indication reconnue
pour la chimiothérapie
en dehors d’essais thérapeutiques
en attendant les résultats
de l’étude GETUG 12
Cette étude close (413 patients inclus) évalue l’intérêt d’une
combinaison néo-adjuvante de docétaxel et d’estramustine avant
un traitement local par radiothérapie ou prostatectomie, et en
association avec une hormonothérapie prolongée de 3 ans. Les
résultats seront présentés à l’ASCO 2011.
Intérêt de l’association
hormonothérapie-radiothérapie
adjuvante et escalade de dose
avec une hormonothérapie longue
GETUG 17 est une étude randomisée multicentrique qui compare une
radiothérapie adjuvante immédiate associée à une hormonothérapie
courte par analogue de la luteinising hormone-releasing hormone
(LHRH) à une radiothérapie différée à la rechute biochimique associée
à une hormonothérapie courte par analogue de la LHRH chez les
patients opérés pT3 R1 pN0 ou pNx, de risque intermédiaire.
GETUG 18 est une étude de phase III comparant une irradiation à la
dose de 80 Gy à une irradiation de 70 Gy associée à une hormonothérapie longue dans les cancers de la prostate du groupe défavorable.
Références bibliographiques
1. Recommandations 2007 en onco-urologie. Cancer de prostate à haut risque. Prog
Urol 2007;17(6):1181-7.
2. D’Amico AV, Whittington R, Malkowicz SB et al. Biochemical outcome after radical
prostatectomy, external beam radiation or interstitial radiation therapy for clinically
localized prostate cancer. JAMA 1998;280:969-74.
3. Bolla M, Collette L, Blank L et al. Long-term results with immediate androgen suppression
and external irradiation in patients with locally advanced prostate cancer (an EORTC
study): a phase III randomised trial. Lancet 2002;360(9327):103-6.
4. Mc Leod DG, See WA, Klimberg I et al. The bicalutamide 150 mg early prostate
cancer program: findings of the North American trial at 7.7 year median folowup. J Urol
2006;176:75-80.
5. Bolla M, Van Tienhoven G, Warde P et al. External irradiation with or without long-term
androgen suppression for prostate cancer with high metastatic risk: 10-year results of an
EORTC randomised study. Lancet Oncol 2010;11(11):1066-73.
6. Bolla M, de Reijke TM, Van Tienhoven G et al. EORTC Radiation Oncology Group and
Genito-Urinary Tract Cancer Group. Duration of androgen suppression in the treatment
of prostate cancer. N Engl J Med 2009;360(24):2516-27.
7. Van der Kwast TH, Bolla M, Van Poppel H et al. EORTC 22911. Identification of patients
with prostate cancer who benefit from immediate postoperative radiotherapy: EORTC
22911. J Clin Oncol 2007;25(27):4178-86.
8. Bolla M, Van Poppel, Collette L et al. European Organization for Research and Treatment of Cancer. Postoperative radiotherapy after radical prostatectomy: a randomised
controlled trial (EORTC trial 22911). Lancet 2005;366:572-5.
9. Wiegel T, Bottke D, Steiner U et al. Phase III postoperative adjuvant radiotherapy after
radical prostatectomy compared with radical prostatectomy alone in pT3 prostate cancer
with postoperative undetectable prostate-specific antigen: ARO 96-02/AUO AP 09/95.
J Clin Oncol 2009;27(18):2924-30.
10. Thompson IM, Tangen CM, Paradelo J et al. Adjuvant radiotherapy for pathological
T3N0M0 prostate cancer significantly reduces risk of metastases and improves survival:
long-term followup of a randomized clinical trial. J Urol 2009;181(3):956-62.
Chirurgie des tumeurs
de la prostate localisées
à haut risque
P. Beuzeboc, M. Peneau, F. Rozet
État des lieux
La prise en charge chirurgicale des tumeurs localisées à haut risque
a fait l’objet en 2007 d’une mise à jour des recommandations
de l’AFU (1). Les recommandations de 2007 (1) concernant le
La Lettre du Cancérologue • Vol. XX - n° 4 - avril 2011 |
271
Téléchargement