Le point sur la radiothérapie d Focus on radiotherapy

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Le point sur la radiothérapie
Focus on radiotherapy
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C. Hennequin*
facteurs prédictifs de radiosensibilité
radiothérapie adJuvante
Si l’information biologique majeure du Prostate Cancer Symposium a porté sur l’importance des gènes de fusion dans le cancer
de prostate, plusieurs études ont cependant été consacrées à
déterminer l’émergence de nouveaux facteurs pronostiques ou
prédictifs de l’efficacité thérapeutique.
L’hypoxie tumorale est bien plus fréquente qu’on ne l’imaginait.
Elle est présente dans 70 à 90 % des cancers de prostate. Elle a
été mesurée par des sondes d’Eppendorf par voie transrectale
chez 236 patients (Milosevic M et al., abstract 299) : le nombre de
zones hypoxiques varie beaucoup d’un patient à l’autre, certains
n’en ayant aucune tandis que chez d’autres la quasi-totalité de la
glande est hypoxique. Les zones adénomateuses sont en particulier tout autant hypoxiques que les zones tumorales ; mais en
moyenne, 35 % de la prostate peuvent être considérés comme
hypoxiques. Il semble que le bicalutamide puisse diminuer cette
fraction hypoxique, ce qui est un argument supplémentaire en
faveur d’une hormonothérapie néo-adjuvante.
Cette hypoxie altère les mécanismes de réparation des lésions
radio-induites (Bristow RG et al., abstract 56) et peut devenir
une cible thérapeutique (Pili R et al., abstract 88).
Les associations chimio-radiothérapie concomitantes sont
encore balbutiantes dans le cancer de prostate. Une étude in
vitro a évalué l’impact d’une nouvelle molécule, la nutlin-3, à des
fins radiosensibilisantes (Supiot S et al., abstract 90). La nutlin-3
stabilise la p53 et la p21 en inhibant MDM2 dans les lignées
sauvages, mais pas dans les lignées mutées. L’effet radiosensibilisant n’est pas négligeable (sensitizing enhancement ratio : 1,3-1,9).
Il existe en conditions normoxiques mais surtout hypoxiques,
essentiellement en majorant l’apoptose radio-induite.
Quasiment une matinée du congrès a été consacrée à ce thème,
qui intéresse à la fois les chirurgiens et les radiothérapeutes.
Trois larges essais comparant une radiothérapie adjuvante à
une simple surveillance ont été publiés ou présentés.
Les critères d’inclusion et les résultats de ces trois essais sont
résumés dans le tableau. Tous trois sont positifs en termes
de contrôle biochimique de la maladie, avec un gain de plus
de 20 % de contrôle à long terme. Mais les essais de l’European Organisation for Research and Treatment of Cancer
(EORTC) [1] et du Southwest Oncology Group (SWOG) [2]
montrent également un bénéfice significatif en termes de récidive clinique, ne prenant pas en compte le PSA. Par ailleurs,
l’essai du SWOG met en évidence une diminution du taux de
métastases à long terme, bien que non significative (fréquence
des métastases : 43,1 % dans le groupe contrôle versus 35,5 %
dans le groupe irradié ; p = 0,06). En outre, la durée de vie
sans traitement hormonal est significativement allongée par
l’irradiation. Dans aucun de ces essais n’a été relevé de bénéfice
en termes de survie. Cependant, compte tenu de l’incidence
des décès intercurrents dans cette population et des traitements hormonaux de rattrapage, la mise en évidence d’un
tel bénéfice paraît peu probable dans l’essai allemand et dans
celui du SWOG au vu des effectifs inclus. L’essai de l’EORTC
ne dispose pas encore d’un recul suffisant pour réellement
apporter une réponse.
Il est important de noter que la radiothérapie adjuvante bénéficie à tous les sous-groupes de patients, en particulier à ceux
qui présentent des marges positives ou bien une atteinte des
vésicules séminales. Enfin, la réalisation de cette irradiation
dossier thématique
d ossier thématique
tableau. radiothérapie adjuvante après prostatectomie radicale : principaux essais randomisés.
Essai
Population
Recul
(années)
Nombre
de patients
Population avec PSA
postopératoire ≥ 0,2 ng/ml (%)
Survie sans récidive biochimique
Pas de radiothérapie
Radiothérapie
10,7
52,6
74
261
0
60
81
347
53
36
65,1
EORTC
pT3a ou pT3b
ou marges positives et N0
5
1 005
Wiegel
PT3 N0
3,5
SWOG
PT3 ; marges positives
10
* Service de radiothérapie, hôpital Saint-Louis, Paris.
La Lettre du Cancérologue - Vol. XVI - n° 7 - septembre 2007
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dossier thématique
d ossier thématique
en mode conformationnel semble diminuer l’incidence des
complications (Casas F et al., abstract 201).
Reste ouverte la question de la comparaison d’une radiothérapie adjuvante à une radiothérapie de rattrapage précoce, avec
un seuil de PSA ne dépassant pas 0,2 ng/ml. Ce sera l’objet
d’un futur essai du Groupe d’étude des tumeurs uro-génitales
(GETUG), GETUG 16, qui devrait s’ouvrir dans le courant de
l’année 2007.
qualité de vie
aprÈs chirurgie ou radiothérapie
Plusieurs abstracts ont rapporté les résultats comparatifs de
qualité de vie après traitement des cancers de prostate localisés, en particulier ceux de l’étude CAPSURE (Huang GJ et
al., abstract 111). Quel que soit le traitement réalisé (chirurgie,
radiothérapie externe ou curiethérapie), à 5 ans, les indices
globaux de qualité de vie sont identiques. L’incontinence urinaire
est plus fréquente après chirurgie, maximale dans l’année qui
suit le traitement, puis s’améliore progressivement, restant
cependant clairement plus fréquente et sévère qu’avec les
autres traitements. Les scores globaux de gêne urinaire ne sont
toutefois, à terme, pas différents ; les impériosités suivant en
particulier la curiethérapie paraissent presque aussi gênantes
que l’incontinence.
En termes de sexualité, les paramètres initiaux sont nettement
différents selon les groupes, les scores de performance sexuelle
étant manifestement plus élevés chez les patients traités par
chirurgie ou curiethérapie. Cela reflète la moyenne d’âge plus
élevée des patients adressés aux radiothérapeutes. Ce qui
implique que toutes les études comparatives de qualité de vie
ne comportant pas une étude des scores avant traitement sont
ininterprétables. En bref, la chirurgie détériore fortement la
sexualité dans l’année qui suit le geste, puis une nette amélioration dans les deux ou trois années qui suivent est notée. Au
contraire, l’altération des fonctions sexuelles après radiothérapie
est progressive. Les meilleurs résultats sont obtenus avec la
curiethérapie.
Enfin, les complications digestives sont observées avec toutes
les techniques, sauf la chirurgie, mais sont dans l’ensemble très
modérées.
radiothérapie eXterne
Une étude rétrospective du Radiation Therapy Oncology Group
(RTOG) portant sur l’essai qui évaluait une radiothérapie avec
ou sans hormonothérapie (RTOG 85-31) a examiné l’influence
du poids sur les résultats de la radiothérapie (Efstathiou JA et
al., abstract 112). On sait que les patients obèses ont un moins
bon pronostic après chirurgie, peut-être du fait de raisons techniques. Dans cette étude, les patients étaient stratifiés selon
leur indice de masse corporelle (IMC) : la mortalité spécifique
310
à 5 ans était de 6,5 % pour les patients avec un IMC < 25 kg/m2,
de 13,1 % quand l’IMC était compris entre 25 et 30, et de 12,2 %
quand il était supérieur à 30. La différence persiste en analyse
multivariée. Les raisons de cette différence ne paraissent pas
évidentes ; un environnement hormonal particulier a bien été
incriminé, mais non démontré. Par ailleurs, la mobilité de la
prostate dans le pelvis semble supérieure chez les patients obèses,
ce qui laisserait penser que des champs standard ont pu sousdoser le volume cible. Enfin, on ignore si une diminution du
poids après le traitement influence les résultats.
Plusieurs abstracts se sont intéressés à l’influence respective de
l’hormonothérapie et de l’escalade de doses. Une étude randomisée anglaise (Dearnaley DP et al., abstract 295) a comparé
deux niveaux de dose (64 Gy et 74 Gy) en association avec une
hormonothérapie courte de 6 mois ; malgré celle-ci, un bénéfice
sur le contrôle biochimique a été obtenu avec l’augmentation
de dose (72 versus 60 %). Au contraire, le RTOG a repris les
patients inclus dans leur essai d’escalade de doses et ayant reçu
plus de 73,8 Gy. L’hormonothérapie était laissée libre. Dans
cette étude rétrospective, les patients ayant bénéficié d’une
hormonothérapie, qu’elle soit courte ou prolongée, n’ont pas
un meilleur contrôle biochimique que les autres, ce qui suggère
que l’escalade de doses permettrait de se passer de l’hormonothérapie. On rappelle que c’est précisément la question posée
par l’essai GETUG 14, qui évalue une irradiation à la dose de
80 Gy associée ou non à une hormonothérapie courte.
Enfin, quelques essais évaluant l’hypofractionnement sont en
cours. Pour certains, il n’augmente pas la toxicité si une dose
de 60 Gy (par fractions de 3 Gy) est réalisée (Choueiri TK et al.,
abstract 203). Pour d’autres, en revanche, une dose de 66 Gy
(toujours par fraction de 3 Gy) entraîne une toxicité rectale
rédhibitoire (Sia M et al., abstract 384).
conclusion
Ce congrès a vraiment inscrit la radiothérapie adjuvante comme
un standard ; la sélection des patients pour cette approche reste
cependant discutée. La qualité de vie était également un point
largement évoqué et l’équivalence des traitements a été montrée,
avec cependant des différences portant sur le type de toxicité
observée. Les résultats de l’étude CAPSURE méritent d’être
connus pour mieux expliquer au patient les résultats des différentes thérapeutiques.
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RéféRences bibliogRaphiques
1. Bolla M, Van Poppel H, Collette L et al. Postoperative radiotherapy after
radical prostatectomy; a randomized controlled trial (EORTC trial 22911).
Lancet 2005;366(9485):572-8.
2. Thompson IM, Tangen CM, Paraadelo J et al. Adjuvant radiotherapy for
pathologically advanced prostate cancer: a randomized clinical trial JAMA
2006;296(19):2329-35.
La Lettre du Cancérologue - Vol. XVI - n° 7 - septembre 2007
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