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DOSSIER THÉMATIQUE
La lettre du l’hépato-gastroentérologue - n° 5 - vol. IV - octobre 2001
la stratégie du suivi du transplanté hépatique à long terme afin de
poursuivre l’amélioration des résultats de la TH. Dans ce chapitre,
seront développés, à cet effet, les objectifs et les modalités du suivi
médical à long terme du transplanté hépatique.
CAUSES DES DÉCÈS TARDIFS APRÈS TH
Actuellement, la majorité des décès post-TH surviennent dans les
premiers mois qui suivent la TH ; ils sont principalement dus aux
infections, conséquences de la surimmunosuppression ou, plus
rarement, à des problèmes techniques au sein desquels doit être
prise en compte la morbidité préopératoire du patient (3). Dans
la série analysant la survie à long terme de 4 000 transplantés
hépatiques de Pittsburgh, la moitié des décès, essentiellement
d’origine infectieuse, est survenue la première année. Au-delà de
deux ans, le taux de mortalité était de 1 à 4 % par an (4). Ainsi,
une fois la première année post-TH atteinte, l’espérance de vie
des transplantés hépatiques est de 80 à 90 % à 5 et 10 ans (5, 6).
Les décès survenant au-delà d’un an sont définis comme décès
tardifs. La compréhension de leur cause est fondamentale car
elle doit permettre l’identification de facteurs de risque de mor-
talité tardive.
Au-delà de la première année post-TH, les décès sont essentiel-
lement en rapport avec les complications du traitement immuno-
suppresseur, la récidive de la maladie initiale et la survenue d’af-
fections cardiovasculaires (7). Dans l’étude de Bismuth et al.
portant sur 1 052 TH, sepsis et cancers rendent à eux seuls compte
de 70 % des décès (8). La série de Asfar et al. rejoint ces résul-
tats puisque le traitement immunosuppresseur représente 40 %
des causes des décès tardifs par rejet chronique, infections ou
syndromes lymphoprolifératifs (5). La récidive de la maladie ini-
tiale sur le greffon (carcinome hépatocellulaire ou récidive de cir-
rhose virale B) représente 34 % des causes de décès, suivie par
les affections cardiovasculaires (23 % des causes de décès), dont
le délai moyen de survenue après la TH est de 4 ans.
Plus récemment, Abbasoglu et al. soulignent dans une série de
1 174 TH, la gravité potentielle de la récidive de la maladie ini-
tiale sur le greffon (carcinome hépatocellulaire ou hépatopathies
chroniques virales B ou C), première cause de décès tardif dans
leur étude (6). Les affections cardiovasculaires sont la deuxième
cause de décès, survenant dans un délai moyen de 5 ans après la
TH ; un diabète ou une cardiopathie préexistante à la TH consti-
tuent des facteurs de risque significatifs de décès tardif par affec-
tion cardiovasculaire ou accident vasculaire cérébral. Les com-
plications propres au traitement immunosuppresseur [infections,
rejet chronique, et tumeurs de novo (TDN)] arrivent en troisième
position. Comparativement aux séries plus anciennes, ce travail
met en exergue une augmentation significative de perte tardive du
greffon par récidive de la maladie initiale, et la gravité potentielle
des tumeurs et des affections cardiovasculaires observées à long
terme. Contrairement aux autres organes transplantés, la récidive
de la maladie initiale, plus que le rejet chronique, est une cause
de perte tardive du greffon, source de re-TH. Ces résultats rejoi-
gnent ceux de la récente étude de Jain concernant 1 000 TH sous
tacrolimus (3). Ses propriétés plus puissamment immunosup-
pressives par rapport à la ciclosporine A expliquent la rareté
actuelle de perte tardive du greffon par rejet. Lorsque le rejet sur-
vient tardivement, il est le plus souvent de faible intensité et faci-
lement contrôlé par le réhaussement du traitement immunosup-
presseur (9). Jain et al. confirment, dans la série des 4 000 TH de
Pittsburgh, la nette diminution d’incidence du rejet sur les 18 der-
nières années avec 13,2 % de re-TH pour rejet entre 1981 et 1985,
contre 1 % entre 1991 et 1998 (4). Cette série, qui est la plus impor-
tante en termes de recul post-TH, souligne en outre le rôle des
TDN et des affections cardiovasculaires comme causes de décès
tardif.
De façon paradoxale, pour Wiesner et al., la survenue d’un rejet
aigu de grade modéré est même significativement associée à une
amélioration de la survie du patient (10).
Ces différentes séries témoignent du rôle des affections cardiovas-
culaires comme cause possible de mortalité tardive après TH. Ainsi,
même si les affections cardiovasculaires ne sont pas une cause
majeure de décès en TH, contrairement à la transplantation rénale
où elles constituent la première cause de décès tardif, ces résultats
sont inquiétants et doivent attirer l’attention des équipes de TH.
Compte tenu de l’allongement de l’espérance de vie des transplan-
tés hépatiques, l’incidence des maladies cardiovasculaires ne pourra
que croître dans les années à venir, d’autant plus que sont acceptés
par de nombreux centres des candidats à la TH de plus en plus âgés
(11). Ces patients, de par leur âge, sont susceptibles d’être déjà por-
teurs de facteurs de risque cardiovasculaire avant même la TH. Le
suivi à long terme du transplanté hépatique sera marqué dans l’ave-
nir par la survenue de maladies liées au vieillissement physiolo-
gique auxquelles s’associeront les effets secondaires des différents
traitements immunosuppresseurs. Une série s’est intéressée à la sur-
vie à long terme des transplantés hépatiques âgés de plus de 60 ans
(12). Si la survie à court terme de ces patients était comparable à
celle des patient âgés de moins de 60 ans, la survie à long terme est
apparue en revanche moins bonne (52 % à 5 ans versus 75 %, 35 %
à 10 ans versus 60 %). La survenue de syndromes lymphoprolifé-
ratifs et de tumeurs solides représentait la première cause de décès,
sans majoration du risque de décès par affection cardiovasculaire
dans cette étude. Toutefois, les auteurs soulignent le degré particu-
lièrement élevé de sélection pré-TH des patients inclus, qui explique
la faible prévalence de décès par affection cardiovasculaire à long
terme. À Pittsburgh, le nombre de patients âgés de plus de 60 ans,
au moment de la TH, a été multiplié par 18 entre la période de 1981
à 1985 et celle de 1991 à 1998 (4). Chez ces patients, les causes de
décès sont principalement liées à l’âge, en rapport avec des affec-
tions cardiovasculaires ou respiratoires.