Le Courrier des addictions (9) – n° 4 – octobre-novembre-décembre 2007 124
Un autre biais, indépendant de nous, vient
de la législation. Nous avons vu qu’elle est
beaucoup plus contraignante avec les pres-
criptions de méthadone qu’avec celles de
BHD. Du fait de cette différence d’accessi-
bilité entre les deux types de traitement, il
n’est pas impossible que certains prescrip-
teurs aient choisi la BHD sur le seul critère
de facilité d’emploi.
Conclusion et perspectives
Notre étude a permis de confirmer l’exis-
tence d’un lien statistiquement significatif
entre une meilleure qualité de vie et le trai-
tement par la BHD. La qualité de vie est
étroitement liée au facteur “dépression” :
les patients qui ont des mauvais scores de
qualité de vie (appartenant au sous-groupe
méthadone) ont des scores de dépression
élevées.
Enfin, pour correctement apprécier l’effi-
cacité des TSO, nous avons besoin d’une
évaluation initiale (à l’entrée dans les pro-
grammes de soins) de la sévérité de la toxi-
comanie, mais aussi de la qualité de vie.
Il serait donc intéressant de confirmer nos
résultats à plus grande échelle, incluant
les patients suivis en médecine de ville.
Des études longitudinales mettant en avant
l’évolution des diverses dimensions de la
qualité de vie en fonction du type et posolo-
gie de TSO seraient souhaitables. Les rap-
ports entre les TSO (surtout à dose élevée)
et consommation additionnelle d’alcool
restent, à notre avis, peu clairs et mérite-
raient des études approfondies.
Le rapport entre la recherche de sensations
et les mésusages possibles de la BHD de-
vrait être précisé davantage et éventuel-
lement codifié pour la pratique clinique.
Enfin, si l’ASI se prête à une étude scien-
tifique, son application clinique reste extrê-
mement lourde.
L’élément “clé” de la prise en charge des
patients dépendants aux opiacés est d’abord
le lien thérapeutique entre l’usager et le
soignant. Une forte alliance thérapeutique
est nécessaire afin d’instaurer un climat de
confiance. Ce lien qu’on devrait tisser avec
le patient dépend non seulement de l’atti-
tude (empathique et collaborative) vis-à-vis
du patient, mais aussi de la crédibilité de
l’offre de soins. C’est-à-dire que l’on doit
proposer des traitements qui “marchent”.
Et nous savons que le patient apprécie l’ef-
ficacité d’un traitement à travers sa qualité
de vie.
Malgré l’efficacité des TSO, nous avons
très peu de recul sur leur impact sur la qua-
lité de vie des patients traités. Il faut égale-
ment prendre en compte la législation qui
favorise la BHD en France.
Dans cette vue d’ensemble, la prise en char-
ge du toxicomane aux opiacés devrait met-
tre en avant la BHD comme traitement de
premier choix, la méthadone restant réser-
vée au cas les plus graves (avec notamment
des comorbidités psychiatriques et poly-
toxicomanie). Un niveau élevé de recherche
de sensations devrait être aussi étudié, en
considérant son lien possible avec le mé-
susage éventuel de la BHD. Un suivi sera
adapté au cas par cas et le médecin devrait
faire preuve d’une grande flexibilité.
Enfin, la déclassification de la méthadone
en tant que stupéfiant mettant ainsi les deux
produits au même niveau pourrait, à notre
avis, être utile. Cela faciliterait probable-
ment la réalisation d’études cliniques plus
fiables en limitant les biais liés à la légis-
lation.
Il ne faut pas non plus négliger l’apparition
prochaine d’un nouveau produit (une com-
binaison de BHD et de naloxone) dont les
caractéristiques tant au niveau de la présen-
tation (goût adapté) que des schémas théra-
peutiques (posologie plus élevée possible,
administration un jour sur deux ou trois fois
par semaine) risque de modifier le paysage
de la substitution aux opiacés en France.
n
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