.JTFTBVQPJOU U J O T . FTBV QPJ Comparaison de la qualité de vie des patients traités par méthadone et buprénorphine haut dosage Quality of life among methadone or buprenorphine maintenance treatments outpatients P. Courty (1), D. Alexeï (1, 2) Mots-clés : Qualité de vie, Méthadone, Buprénorphine, Patients. Key words: Quality of life, Methadone, Buprenorphine maintenance, Outpatients. Notre étude, transversale, réalisée de février à juillet 2006 chez 51 patients suivis en ambulatoire dans l’unité SATIS du CHU de Clermont-Ferrand, a pour but de comparer la qualité de vie (QdV) des patients recevant un traitement de substitution aux opiacés (TSO). Résultats : notre étude met en évidence l’existence de deux sous-populations très distinctes au sein des patients dépendants aux opiacés traités par TSO. Une meilleure QdV, des scores bas de dépression et de sévérité de la dépendance sont associés au traitement par BHD. Context: Since 1996, France has developed programs for opioid dependent patients. Currently, about 100 000 are involved, 80 % of them receiving buprenorphine, while others are treated with methadone. Objective: comparison of quality of life between methadone and buprenorphine maintenance treatments. We made the hypothesis that buprenorphine over prescription provides a better quality of life than methadone. Material and methods: We led a cross-sectional study, in naturalistic conditions with outpatients in SATIS unit (CHU Clermont-Ferrand, France). Data was gathered between february and july 2006. Inclusion criteria were: Over 18 years old, positive ICD-10 diagnosis of opioid dependence, no somatic or psychiatric diseases having required an hospitalization for the duration of the study. 51 patients in two groups were recruited: methadone: 29 and buprenorphine: 22. The sample was 72,55 % male. Mean age was 33,12 ± 7,65.We used SF-36 (quality of life), ASI (Addiction Severity Index), HAMD-21 and BDI-21 (depression) instruments. Results: Mean doses were methadone : 72,93 mg ± 32,94 and buprenorphine: 7,27 mg ± 2,93.With regard to SF-36 instrument, buprenorphine outpatients have better scores in 8 domains than methadone outpatients (all p < 0,05 at least) although quality of life’s scores in the whole sample are lower than those observed in general population.There are no statistically significant differences between quality of life in men and women within the total sample. Scores of depression and addiction severity are statistically lower amongst the buprenorphine group in 5 dimensions out of the 7 regarding the ASI (p < 0,05 except alcohol and employment). Discussion: Our study highlights two very different subpopulations depending on the opiate substitution treatment received. Further longitudinal studies on greater groups are necessary in order to confirm and to specify the differential impact between buprenorphine and methadone on the various aspects of quality of life. Les données générales Depuis 1996, la France dispose de deux produits de substitution aux opiacés (TSO), la méthadone et la buprénorphine haut dosage (BHD). On estime à 100 000 le nombre de personnes traitées, dont 80 000 par la BHD. L’introduction des traitements de substitu1. CSST/SATIS, CMP B, CHU Gabriel-Montpied, 63000 Clermont-Ferrand. 2. Unité de psychiatrie et de psychologie clinique Vichy-Est, CH Vichy, 03207 Vichy. tion aux opiacés (TSO) en France, bien que tardive, a eu un impact très favorable sur la population concernée en termes de santé, mais aussi au niveau socio-économique. Les enquêtes épidémiologiques ont montré une diminution significative de la criminalité liée à la drogue, une diminution des complications somatiques (notamment l’infection VIH), ainsi qu’une amélioration des conditions socio-économiques des patients. Ces constatations sont cohérentes avec les données de la littérature (américaines pour la majorité, mais aussi européennes, suisses Le Courrier des addictions (9) ­– n° 4 – octobre-novembre-décembre 2007 120 en particulier) qui montrent une amélioration significative de la qualité de vie des usagers d’héroïne (1-3) recevant un traitement de substitution par méthadone. Les études de qualité de vie des patients bénéficiant de la BHD sont très peu nombreuses et elles sont réalisées souvent par la même équipe (4-6). Elles montrent qu’il n’y a pas de différence significative de la qualité de vie entre les deux groupes, méthadone et BHD, à six mois et à trois ans. Il est intéressant de souligner que, si l’on prend en compte d’autres critères d’efficacité (consommation additionnelle de produits, criminalité, symptômes liés au sevrage et adhésion au traitement ou retention rate, en anglais), la majorité des auteurs s’accorde à dire que la méthadone à dose adéquate est supérieure à la BHD. Au vu des données de la littérature, nous pouvons affirmer que les deux traitements de substitution sont efficaces, avec un certain avantage pour la méthadone. Dans le choix des critères d’évaluation, nous constatons, dans une majorité d’études, l’absence du critère qualité de vie. Dans ce contexte, il nous a paru surprenant qu’en France il y ait quatre fois plus de patients traités par BHD que par la méthadone. Nous allons donc tenter d’expliquer cette différence en partant du point de vue du patient, à travers une étude de sa qualité de vie. Nous utiliserons la MOS SF-36, l’une des échelles de qualité de vie liée à la santé les plus utilisées au monde. Enfin, nous essayerons d’établir un lien entre l’utilisation du toxique par voie d’injection et le trait de personnalité appelé “recherche de sensations”. Ce trait semble être un facteur de vulnérabilité à la dépendance à des différentes substances dont les opiacés. L es objectifs : comparer les deux traitements L’objectif principal de l’étude est la comparaison, en termes de qualité de vie, des deux traitements de substitution aux opiacés (TSO). L’étude a été réalisée sur une population de patients ayant un diagnostic de dépendance aux opiacés, suivis en ambulatoire au sein du CSST SATIS (Soins-accompagnement-thérapie-information-substitution) du CHU de Clermont-Ferrand. L’hypothèse principale, encore une fois non conforme avec les données de la littérature, est que les patients bénéficiant d’un traitement de substitution par BHD ont une qualité de vie supérieure aux patients substitués .JTFTBVQPJOU .JTFT BVQPJOU faire passer deux hétéro-questionnaires : Addiction Severity Index (ASI) évaluant la gravité de la toxicomanie (9-12) ; Hamilton Depression Rating Scale (13-18) ; HAMD21 pour la symptomatologie d’ordre dépressif. Et trois auto-questionnaires : Beck Depression Inventory (19-21) [BDI-21], symptomatologie d’ordre dépressif ; Medical Outcome Study 36-Item Short Form Health Survey (22) [SF-36] pour la qualité de vie liée à la santé ; Sensation Seeking Scale (SSS) évaluant le trait de personnalité “recherche de sensations” (23-26). Les profils des groupes M et BHD Figure 1. Consommation de produits au cours de la vie. par méthadone. Nous allons donc tenter d’expliquer que, si la BHD a une efficacité proche de la méthadone selon certains critères d’évaluation (adhésion au traitement, consommation additionnelle de produits et délinquance notamment), elle obtient de meilleurs scores de qualité de vie. Nous étudierons également plusieurs hypothèses secondaires concernant la population dépendante aux opiacés : les femmes ont une qualité de vie inférieure aux hommes (ce qui serait conforme aux données de la littérature) ; les “injecteurs” ont une qualité de vie inférieure aux “non-injecteurs” (ce qui serait conforme aux données de la littérature). Afin de pouvoir prédire le mésusage de la BHD, nous avons essayé de corréler l’usage de toxiques par l’injection avec le trait de personnalité appelé “recherche de sensations”. Le matériel et la méthode Il s’agit d’une étude transversale, réalisée en conditions naturelles. Le recrutement s’est effectué sur un seul site parmi les patients ayant un diagnostic de dépendance aux opiacés suivis en ambulatoire par les médecins de l’unité SATIS. L’échantillon de la population recrutée est composé de 51 patients. Il est représentatif de la population concernée (7, 8) avec un âge moyen de 33,12 ans (écart-type de 7,65, extrêmes : 20-50 ans), et une majorité d’hommes (72,55 %), dont vivant en couple (38,99 % : conjoint ± enfants), et seuls (35,29 %). Seulement 1,96 % de SDF, 34 % de propriétai- res de leur logement (eux ou leur famille). 66,67 % ont un niveau d’études inférieur au bac mais 84,31 % ont des compétences professionnelles. 43,14 % travaillent actuellement et reçoivent un salaire et/ou bénéficient d’aides sociales (50,98 %). Nous avons constitué deux groupes de patients, selon le choix du traitement de substitution, méthadone ou buprénorphine haut dosage, l’un nommé “groupe méthadone” (ou M) et l’autre, “groupe buprénorphine” (ou BHD). Les deux groupes sont semblables au niveau de l’âge et du sexe. Les critères d’inclusion : patients informés et volontaires, âgés d’au moins dix-huit ans, remplissant l’ensemble des critères DSM-IVTR de dépendance aux opiacés, recevant un traitement de substitution aux opiacés depuis au moins douze mois, de façon continue. Et ceux d’exclusion : patients dont la mauvaise compréhension des consignes rend impossible le consentement oral, souffrant d’une pathologie somatique ou psychiatrique grave, ayant nécessité une hospitalisation pendant la période d’évaluation. La totalité des patients a été évaluée par l’investigateur sur une période de six mois, de février à juillet 2006, au cours des rendez-vous en consultation externe, après l’obtention de leur consentement oral. Deux patients ont été éliminés de l’échantillon initial (un refus et une décompensation d’ordre psychiatrique ayant nécessité une hospitalisation). Le diagnostic de dépendance aux opiacés selon les critères du DSM-IV-TR étant déjà posé, nous nous sommes limités à 121 Le groupe méthadone (M) est constitué de 29 patients, soit 56,86 % de l’échantillon total. L’âge moyen est de 34,83 ans et la proportion d’hommes dans ce groupe est de 75,86 %. L’écart-type est de 7,18 (extrêmes : 23-50 ans). 55,17 % des patients de ce groupe ont 35 ans ou plus. Le groupe buprénorphine haut dosage (BHD) est constitué de 22 patients, soit 43,14 % de l’échantillon total. L’âge moyen est de 30,86 ans et la proportion d’hommes dans ce groupe est de 68,18 %. L’écart-type est de 7,83 (extrêmes : 20-47 ans). Il y a seulement 27,27 % des patients de ce groupe qui ont 35 ans ou plus. Si l’on compare les deux groupes, nous observons les différences suivantes : il y a beaucoup plus de patients vivant en couple avec enfant dans le groupe BHD (31,82 % versus 3,45 % dans le groupe M). Presque la moitié (48,28 %) des patients du groupe M vivent seuls, pour seulement 18,18 % des patients du groupe BHD. De même, le seul patient n’ayant pas de domicile fixe appartient au groupe M. Si la différence n’est pas significative, il est toutefois intéressant de souligner qu’il y a plus de bacheliers dans le groupe M que dans le groupe BHD (37,93 % versus 27,27 %). Le niveau de compétences professionnelles est semblable (81,82 % dans le groupe BHD contre 86,21 % dans le groupe M). La différence est significative sur les données concernant le travail : seulement 37,93 % des patients du groupe M ont travaillé au cours des trois dernières années (plein temps, temps partiel régulier ou irrégulier) contre 95,46 % des patients du groupe BHD. De même, au moment de l’investigation, seulement 20,69 % des patients du groupe M avait des revenus réguliers (salaires) contre 72,73 % des patients du groupe BHD. Il n’y a pas de différence significative entre les aides sociales de toute Le Courrier des addictions (9) ­– n° 4 – octobre-novembre-décembre 2007 .JTFTBVQPJOU U J O T . FTBV QPJ Figure 2. Consommation de produits des trente derniers jours. Tableau I. Désinhibition Danger/ aventure Recherche d’expériences Susceptibilité à l’ennui r r r r BDI-21 - 0,49 (p = 0,2962) -0,255 (p = 0,0707) 0,096 (p = 0,5017) 0,22 (p = 0,1204) HAMD21 - 0,193 (p = 0,1836) 0,281 (p = 0,0502) 0,01 (p = 0,4958) 0,162 (p = 0,2647) sorte (allocations, RMI) entre les deux groupes. La totalité des patients recevant des pensions (invalidité psychique ou physique, AAH) font partie du groupe M. Il y a quasiment deux fois plus de revenus illégaux dans le groupe M par rapport au groupe BHD (respectivement 27,59 % et 13,64 %). En ce qui concerne la consommation de produits : elle est plus importante dans le groupe méthadone, surtout celle rapportée dans les antécédents (figure 1). Dans les 30 derniers jours (figure 2), c’est la consommation additionnelle de cocaïne en faveur du groupe méthadone qui la différencie du groupe BHD. Figure 3. Symptômes rapportés dans les antécédents. Figure 4. Symptômes rapportés les trente derniers jours. Le Courrier des addictions (9) ­– n° 4 – octobre-novembre-décembre 2007 122 Tableau II. Injecteurs Non-injecteurs p-value Désinhibition 5,62 5,84 0,2895 Danger/aventure 7,77 6,88 0,0719 Recherche d’expériences 6,5 6,12 0,1838 Susceptibilité à l’ennui 3,46 4,08 0,157 L eur état psychologique et médical Les symptômes évoquant un syndrome anxiodépressif, mais aussi le comportement violent, sont plus souvent rencontrés chez les patients du groupe méthadone (figures 3 et 4). Les scores de dépression et de gravité de la dépendance sont statistiquement plus élevés chez les patients du groupe méthadone dans cinq dimensions sur les sept de l’ASI (figure 5). Quant aux problèmes médicaux, il n’y avait pas de patients VIH dans les deux groupes. En effet, les critères de sélection initiaux les avaient éliminés. Les hépatites virales (B et C notamment) représentent presque le quart des patients (soit 23,53 %) et pour la majorité chez les patients du groupe M. Il y a une prédominance nette des hommes, soit 17,64 % de l’échantillon global contre 3,92 % des femmes dans le même échantillon, et la même tendance est constatée au sein du groupe M (31,03 % des patients infectés sont des hommes, contre 3,44 % des femmes). Une majorité des patients (soit 50,98 %) n’a pas de problème médical chronique. Cette proportion est encore plus importante dans le groupe BHD (68,18 %). Parmi ces problèmes (autre que les hépatites virales), ce sont les maladies rhumatologiques (pathologies ostéoarticulaires et ligamentaires notamment) qui sont les plus représentées, soit 19,61 % de l’échantillon global et une nette prédominance dans le groupe M (27,59 % des patients contre 9,09 % des patients du groupe BHD). 11,76 % reçoivent une pension (AAH, pension d’invalidité) pour une incapacité physique, tous appartenant au groupe M. 19,61 % des patients de l’échantillon total prennent un traitement prescrit pour un problème médical, dont la majorité appartienne au groupe M (24,13 % des patients du groupe M contre 13,63 % des patients du groupe BHD). .JTFTBVQPJOU .JTFT BVQPJOU Figure 5. Profil de sévérité de l’ ASI. Figure 6. Figure 7. Profil de sévérité de l’ ASI. Résultats : hypothèse confirmée Les scores de QdV des deux sous-populations sont inférieurs aux scores habituellement constatés dans la population générale, mais les patients du groupe BHD ont des scores de QdV significativement plus élevés que ceux du groupe méthadone dans les huit dimensions de la SF-36 (figure 6). Il n’y a pas de différence statistiquement significative entre la QdV des hommes et des femmes au sein de l’échantillon total (figure 7). Par ailleurs, nous n’avons pas retrouvé de corrélations significatives entre les recherches de sensation et les scores des échelles de dépression d’une part (tableau I) et la voie d’administration du produit d’autre part (tableau II). Limites et biais de l’étude Reste que la faible taille de notre échantillon (51 patients, répartis en deux groupes) est une première limite de notre étude. Si le nombre de participants n’est pas très différent par rapport aux autres études mentionnées (4-6), il reste toutefois restreint et limite la généralisation des résultats. Par ailleurs, biais de recrutement, l’échantillon est composé de patients suivis à l’hôpital (unité SATIS) pour un diagnostic de dépendance aux opiacés selon les critères du CIM-10. Les patients qui sont suivis en médecine de ville n’ont pas été pris en compte. Or, la prise en charge à l’hôpital implique une sévérité accrue de la toxicomanie. Cela est vrai surtout pour les patients du groupe méthadone (pour certains, leur état nécessite plusieurs passages par semaine, ce qui est possible seulement à l’hôpital). Il semble aussi évident que les patients actuellement sous méthadone présentaient une toxicomanie plus grave à l’entrée dans les programmes de soins (selon la quasi-totalité des critères discutés). La BHD a été choisie pour les patients ayant un meilleur score de qualité de vie au départ. Cela induit un biais dans notre étude, les populations n’étant pas vraiment similaires sur le 123 plan de la gravité de la toxicomanie (santé physique et psychique, emploi/ressources, relations socio-familiales et criminalité). Ce biais de recrutement apparaît aussi dans les rares études comparant la qualité de vie des patients sous TSO (4-6). Autre biais : celui de la mesure. L’Addiction Severity Index (ASI) assimile le profil de sévérité et des besoins en traitement. Ainsi, si le patient se trouve en difficulté dans l’un des sept domaines, mais bénéficie d’un traitement adapté, son score de sévérité sera voisin de 0, quel que soit le pronostic vital. Concernant l’échelle ASI elle-même, elle nous a paru extrêmement lourde en pratique, du fait du temps nécessaire à la passation (jusqu’à trois heures dans certains cas !). La faire passer pour un très grand nombre de patients nous semble difficile dans la pratique clinique. En ce qui concerne les autoquestionnaires : l’inventaire de dépression de Beck peut avoir tendance à surévaluer la gravité des symptômes dépressifs du fait d’une comorbidité psychiatrique (autre que la dépression). Autres problèmes liés aux instruments de mesure : pour améliorer la sensibilité du MOS SF-36, il peut être nécessaire d’adjoindre une extension spécifique (en fonction de la pathologie). Aussi, la nécessité de la saisie informatique peut être également une limite. Les études sur la traduction française de l’échelle Zuckerman de recherche de sensations sont peu nombreuses. En outre, la cotation peut se révéler fastidieuse. Enfin, une évaluation par autoquestionnaire, qui reflète le point de vue du patient (qualité de vie interne), n’est possible que sous certaines conditions : capacité de lecture du questionnaire par la personne concernée, statut cognitif autorisant des réponses fiables, compréhension de la langue écrite et capacité à entourer seules les réponses proposées pour les différents items. Le Courrier des addictions (9) ­– n° 4 – octobre-novembre-décembre 2007 .JTFTBVQPJOU U J O T . FTBV QPJ Un autre biais, indépendant de nous, vient de la législation. Nous avons vu qu’elle est beaucoup plus contraignante avec les prescriptions de méthadone qu’avec celles de BHD. Du fait de cette différence d’accessibilité entre les deux types de traitement, il n’est pas impossible que certains prescripteurs aient choisi la BHD sur le seul critère de facilité d’emploi. Conclusion et perspectives Notre étude a permis de confirmer l’existence d’un lien statistiquement significatif entre une meilleure qualité de vie et le traitement par la BHD. La qualité de vie est étroitement liée au facteur “dépression” : les patients qui ont des mauvais scores de qualité de vie (appartenant au sous-groupe méthadone) ont des scores de dépression élevées. Enfin, pour correctement apprécier l’efficacité des TSO, nous avons besoin d’une évaluation initiale (à l’entrée dans les programmes de soins) de la sévérité de la toxicomanie, mais aussi de la qualité de vie. Il serait donc intéressant de confirmer nos résultats à plus grande échelle, incluant les patients suivis en médecine de ville. Des études longitudinales mettant en avant l’évolution des diverses dimensions de la qualité de vie en fonction du type et posologie de TSO seraient souhaitables. Les rapports entre les TSO (surtout à dose élevée) et consommation additionnelle d’alcool restent, à notre avis, peu clairs et mériteraient des études approfondies. Le rapport entre la recherche de sensations et les mésusages possibles de la BHD devrait être précisé davantage et éventuellement codifié pour la pratique clinique. Enfin, si l’ASI se prête à une étude scientifique, son application clinique reste extrêmement lourde. L’élément “clé” de la prise en charge des patients dépendants aux opiacés est d’abord le lien thérapeutique entre l’usager et le soignant. Une forte alliance thérapeutique est nécessaire afin d’instaurer un climat de confiance. Ce lien qu’on devrait tisser avec le patient dépend non seulement de l’attitude (empathique et collaborative) vis-à-vis du patient, mais aussi de la crédibilité de l’offre de soins. C’est-à-dire que l’on doit proposer des traitements qui “marchent”. Et nous savons que le patient apprécie l’efficacité d’un traitement à travers sa qualité de vie. Malgré l’efficacité des TSO, nous avons très peu de recul sur leur impact sur la qualité de vie des patients traités. Il faut également prendre en compte la législation qui favorise la BHD en France. Dans cette vue d’ensemble, la prise en charge du toxicomane aux opiacés devrait mettre en avant la BHD comme traitement de premier choix, la méthadone restant réservée au cas les plus graves (avec notamment des comorbidités psychiatriques et polytoxicomanie). Un niveau élevé de recherche de sensations devrait être aussi étudié, en considérant son lien possible avec le mésusage éventuel de la BHD. Un suivi sera adapté au cas par cas et le médecin devrait faire preuve d’une grande flexibilité. Enfin, la déclassification de la méthadone en tant que stupéfiant mettant ainsi les deux produits au même niveau pourrait, à notre avis, être utile. Cela faciliterait probablement la réalisation d’études cliniques plus fiables en limitant les biais liés à la législation. Il ne faut pas non plus négliger l’apparition prochaine d’un nouveau produit (une combinaison de BHD et de naloxone) dont les caractéristiques tant au niveau de la présentation (goût adapté) que des schémas thérapeutiques (posologie plus élevée possible, administration un jour sur deux ou trois fois par semaine) risque de modifier le paysage de la substitution aux opiacés en France.n Références bibliographiques 1. Torrens M et al. Use of the Nottingham Health Profile for measuring health status of patients in methadone maintenance treatment, ed. Addiction. 1997;92:707-16. 2. Deering D et al. Health status of clients receiving methadone maintenance treatment using the SF36 health survey questionnaire, Drug Alcohol Rev 2004;23:273-80. 3. Puigdollers E et al. Characteristics of heroin addicts entering methadone maintenance treatment: quality of life and gender. 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