Le Courrier des addictions (9) n° 4 octobre-novembre-décembre 2007 120
Comparaison de la qualité de vie
des patients trais par thadone
et buprénorphine haut dosage
Quality of life among methadone or buprenorphine
maintenance treatments outpatients
P. Courty (1), D. Alex(1, 2)
Mots-clés : Qualité de vie, Méthadone, Buprénorphine, Patients.
Key words: Quality of life, Methadone, Buprenorphine maintenance, Outpatients.
Notre étude, transversale,alisée de février à juillet 2006 chez 51 patients
suivis en ambulatoire dans l’unité SATIS du CHU de Clermont-Ferrand, a pour
but de comparer la quali de vie (QdV) des patients recevant un traitement de
substitution aux opias (TSO). Résultats : notre étude met en évidence l’exis-
tence de deux sous-populations très distinctes au sein des patients pendants
aux opias traités par TSO. Une meilleure QdV, des scores bas depres-
sion et de ri de la dépendance sont associés au traitement par BHD.
1. CSST/SATIS, CMP B, CHU Gabriel-Montpied,
63000 Clermont-Ferrand.
2. Unité de psychiatrie et de psychologie clinique
Vichy-Est, CH Vichy, 03207 Vichy.
Context: Since 1996, France has developed programs for opioid dependent patients. Currently, about
100 000 are involved, 80 % of them receiving buprenorphine, while others are treated with methadone.
Objective: comparison of quality of life between methadone and buprenorphine maintenance treat-
ments. We made the hypothesis that buprenorphine over prescription provides a better quality of life
than methadone. Material and methods: We led a cross-sectional study, in naturalistic conditions with
outpatients in SATIS unit (CHU Clermont-Ferrand, France). Data was gathered between february and july
2006. Inclusion criteria were: Over 18 years old, positive ICD-10 diagnosis of opioid dependence, no
somatic or psychiatric diseases having required an hospitalization for the duration of the study. 51 patients
in two groups were recruited: methadone: 29 and buprenorphine: 22. The sample was 72,55 % male.
Mean age was 33,12 ± 7,65. We used SF-36 (quality of life), ASI (Addiction Severity Index), HAMD-21
and BDI-21 (depression) instruments. Results: Mean doses were methadone : 72,93 mg ± 32,94 and
buprenorphine: 7,27 mg ± 2,93. With regard to SF-36 instrument, buprenorphine outpatients have better
scores in 8 domains than methadone outpatients (all p < 0,05 at least) although quality of life’s scores in
the whole sample are lower than those observed in general population. There are no statistically significant
differences between quality of life in men and women within the total sample. Scores of depression and
addiction severity are statistically lower amongst the buprenorphine group in 5 dimensions out of the 7
regarding the ASI (p < 0,05 except alcohol and employment). Discussion: Our study highlights two very
different subpopulations depending on the opiate substitution treatment received. Further longitudinal
studies on greater groups are necessary in order to confirm and to specify the differential impact between
buprenorphine and methadone on the various aspects of quality of life.
Les dones générales
Depuis 1996, la France dispose de deux pro-
duits de substitution aux opiacés (TSO), la
méthadone et la buprénorphine haut dosage
(BHD). On estime à 100 000 le nombre de
personnes traitées, dont 80 000 par la BHD.
L’introduction des traitements de substitu-
tion aux opiacés (TSO) en France, bien que
tardive, a eu un impact très favorable sur la
population concernée en termes de santé,
mais aussi au niveau socio-économique.
Les enquêtes épidémiologiques ont montré
une diminution significative de la crimi-
nalité liée à la drogue, une diminution des
complications somatiques (notamment l’in-
fection VIH), ainsi qu’une amélioration des
conditions socio-économiques des patients.
Ces constatations sont cohérentes avec les
données de la littérature (américaines pour
la majorité, mais aussi européennes, suisses
en particulier) qui montrent une améliora-
tion significative de la qualité de vie des
usagers d’héroïne (1-3) recevant un traite-
ment de substitution par méthadone.
Les études de qualité de vie des patients
bénéficiant de la BHD sont très peu nom-
breuses et elles sont réalisées souvent par la
même équipe (4-6). Elles montrent qu’il n’y
a pas de différence significative de la qualité
de vie entre les deux groupes, méthadone et
BHD, à six mois et à trois ans. Il est intéres-
sant de souligner que, si l’on prend en comp-
te d’autres critères d’efficacité (consomma-
tion additionnelle de produits, criminalité,
symptômes liés au sevrage et adhésion au
traitement ou retention rate, en anglais), la
majorides auteurs s’accorde à dire que la
méthadone à dose adéquate est supérieure à
la BHD. Au vu des données de la littérature,
nous pouvons affirmer que les deux traite-
ments de substitution sont efficaces, avec un
certain avantage pour la méthadone.
Dans le choix des critères d’évaluation,
nous constatons, dans une majorité d’étu-
des, l’absence du critère qualité de vie.
Dans ce contexte, il nous a paru surprenant
qu’en France il y ait quatre fois plus de
patients traités par BHD que par la métha-
done. Nous allons donc tenter d’expliquer
cette différence en partant du point de vue
du patient, à travers une étude de sa qua-
lité de vie. Nous utiliserons la MOS SF-36,
l’une des échelles de qualité de vie liée à
la santé les plus utilisées au monde. Enfin,
nous essayerons d’établir un lien entre l’uti-
lisation du toxique par voie d’injection et le
trait de personnalité appelé “recherche de
sensations”. Ce trait semble être un facteur
de vulnérabilité à la dépendance à des diffé-
rentes substances dont les opiacés.
Les objectifs : comparer
les deux traitements
L’objectif principal de l’étude est la com-
paraison, en termes de qualité de vie, des
deux traitements de substitution aux opia-
cés (TSO). L’étude a été réalisée sur une po-
pulation de patients ayant un diagnostic de
dépendance aux opiacés, suivis en ambu-
latoire au sein du CSST SATIS (Soins-ac-
compagnement-thérapie-information-subs-
titution) du CHU de Clermont-Ferrand.
L’hypothèse principale, encore une fois non
conforme avec les données de la littérature,
est que les patients bénéficiant d’un traite-
ment de substitution par BHD ont une qua-
lité de vie supérieure aux patients substitués
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Figure 1.
Consommation de produits au cours de la vie.
par méthadone. Nous allons donc tenter
d’expliquer que, si la BHD a une efficacité
proche de la méthadone selon certains cri-
tères d’évaluation (adhésion au traitement,
consommation additionnelle de produits et
délinquance notamment), elle obtient de
meilleurs scores de qualité de vie.
Nous étudierons également plusieurs hypo-
thèses secondaires concernant la population
pendante aux opiacés : les femmes ont une
qualité de vie inférieure aux hommes (ce qui
serait conforme aux dones de la littératu-
re) ; les “injecteurs ont une qualide vie
inférieure aux “non-injecteurs” (ce qui serait
conforme aux dones de la litrature). Afin
de pouvoir prédire le mésusage de la BHD,
nous avons essade corréler l’usage de toxi-
ques par l’injection avec le trait de personna-
li appe recherche de sensations.
Le matériel et la méthode
Il s’agit d’une étude transversale, réalisée
en conditions naturelles. Le recrutement
s’est effectué sur un seul site parmi les pa-
tients ayant un diagnostic de dépendance
aux opiacés suivis en ambulatoire par les
médecins de l’unité SATIS. L’échantillon
de la population recrutée est composé de
51 patients. Il est représentatif de la popu-
lation concernée (7, 8) avec un âge moyen
de 33,12 ans (écart-type de 7,65, extrêmes :
20-50 ans), et une majorité d’hommes
(72,55 %), dont vivant en couple (38,99 % :
conjoint ± enfants), et seuls (35,29 %). Seu-
lement 1,96 % de SDF, 34 % de propriétai-
res de leur logement (eux ou leur famille).
66,67 % ont un niveau d’études inférieur
au bac mais 84,31 % ont des compétences
professionnelles. 43,14 % travaillent actuel-
lement et reçoivent un salaire et/ou bénéfi-
cient d’aides sociales (50,98 %).
Nous avons constitué deux groupes de pa-
tients, selon le choix du traitement de subs-
titution, méthadone ou buprénorphine haut
dosage, l’un nommé “groupe méthadone”
(ou M) et l’autre, “groupe buprénorphine”
(ou BHD). Les deux groupes sont sembla-
bles au niveau de l’âge et du sexe.
Les critères d’inclusion : patients informés
et volontaires, âgés d’au moins dix-huit ans,
remplissant l’ensemble des critères DSM-IV-
TR de dépendance aux opiacés, recevant un
traitement de substitution aux opiacés depuis
au moins douze mois, de façon continue. Et
ceux d’exclusion : patients dont la mauvaise
compréhension des consignes rend impossi-
ble le consentement oral, souffrant d’une pa-
thologie somatique ou psychiatrique grave,
ayant nécessité une hospitalisation pendant
la période d’évaluation.
La totalité des patients a été évaluée par
l’investigateur sur une période de six
mois, de février à juillet 2006, au cours
des rendez-vous en consultation externe,
après l’obtention de leur consentement oral.
Deux patients ont été éliminés de l’échan-
tillon initial (un refus et une décompensa-
tion d’ordre psychiatrique ayant nécessité
une hospitalisation).
Le diagnostic de dépendance aux opiacés
selon les critères du DSM-IV-TR étant
déjà posé, nous nous sommes limités à
faire passer deux hétéro-questionnaires :
Addiction Severity Index (ASI) évaluant la
gravité de la toxicomanie (9-12) ; Hamilton
Depression Rating Scale (13-18) ; HAMD-
21 pour la symptomatologie d’ordre dépres-
sif. Et trois auto-questionnaires : Beck
Depression Inventory (19-21) [BDI-21],
symptomatologie d’ordre dépressif ; Me-
dical Outcome Study 36-Item Short Form
Health Survey (22) [SF-36] pour la qualité
de vie liée à la santé ; Sensation Seeking
Scale (SSS) évaluant le trait de personnalité
“recherche de sensations” (23-26).
Les profils des groupes M et BHD
Le groupe méthadone (M) est constitué de
29 patients, soit 56,86 % de l’échantillon
total. L’âge moyen est de 34,83 ans et la
proportion d’hommes dans ce groupe est
de 75,86 %. L’écart-type est de 7,18 (extrê-
mes : 23-50 ans). 55,17 % des patients de ce
groupe ont 35 ans ou plus.
Le groupe buprénorphine haut dosage
(BHD) est constitué de 22 patients, soit
43,14 % de l’échantillon total. L’âge moyen
est de 30,86 ans et la proportion d’hommes
dans ce groupe est de 68,18 %. L’écart-type
est de 7,83 (extrêmes : 20-47 ans). Il y a
seulement 27,27 % des patients de ce grou-
pe qui ont 35 ans ou plus.
Si l’on compare les deux groupes, nous
observons les différences suivantes : il y a
beaucoup plus de patients vivant en couple
avec enfant dans le groupe BHD (31,82 %
versus 3,45 % dans le groupe M). Presque
la moitié (48,28 %) des patients du groupe
M vivent seuls, pour seulement 18,18 % des
patients du groupe BHD. De même, le seul
patient n’ayant pas de domicile fixe appar-
tient au groupe M. Si la différence n’est
pas significative, il est toutefois intéressant
de souligner qu’il y a plus de bacheliers
dans le groupe M que dans le groupe BHD
(37,93 % versus 27,27 %). Le niveau de
compétences professionnelles est sembla-
ble (81,82 % dans le groupe BHD contre
86,21 % dans le groupe M).
La différence est significative sur les don-
nées concernant le travail : seulement
37,93 % des patients du groupe M ont tra-
vaillé au cours des trois dernières années
(plein temps, temps partiel régulier ou ir-
régulier) contre 95,46 % des patients du
groupe BHD. De même, au moment de l’in-
vestigation, seulement 20,69 % des patients
du groupe M avait des revenus réguliers
(salaires) contre 72,73 % des patients du
groupe BHD. Il n’y a pas de différence si-
gnificative entre les aides sociales de toute
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Tableau I.
Désinhibition Danger/
aventure
Recherche
d’expériences
Susceptibilité
à l’ennui
r r r r
BDI-21 - 0,49
(p = 0,2962)
-0,255
(p = 0,0707)
0,096
(p = 0,5017)
0,22
(p = 0,1204)
HAMD-
21
- 0,193
(p = 0,1836)
0,281
(p = 0,0502)
0,01
(p = 0,4958)
0,162
(p = 0,2647)
Tableau II.
Injec-
teurs
Non-in-
jecteurs
p-value
Désinhibition 5,62 5,84 0,2895
Danger/aventure 7,77 6,88 0,0719
Recherche d’expériences 6,5 6,12 0,1838
Susceptibilité à l’ennui 3,46 4,08 0,157
Figure 3.
Symptômes rapportés dans les antécédents.
Figure 4.
Symptômes rapportés les trente derniers jours.
Figure 2.
Consommation de produits des trente derniers jours.
sorte (allocations, RMI)
entre les deux groupes.
La totalité des patients
recevant des pensions
(invalidité psychique ou
physique, AAH) font
partie du groupe M. Il
y a quasiment deux fois
plus de revenus illégaux
dans le groupe M par
rapport au groupe BHD
(respectivement 27,59 %
et 13,64 %).
En ce qui concerne la
consommation de pro-
duits : elle est plus im-
portante dans le groupe
méthadone, surtout celle
rapportée dans les antécé-
dents (figure 1). Dans les
30 derniers jours (figure
2), c’est la consommation
additionnelle de cocaïne
en faveur du groupe mé-
thadone qui la différencie
du groupe BHD.
Leur état psychologique
et médical
Les symptômes évoquant un syndrome
anxiodépressif, mais aussi le comporte-
ment violent, sont plus souvent rencon-
trés chez les patients du groupe méthadone
(figures 3 et 4). Les scores de dépression
et de gravité de la dépendance sont statis-
tiquement plus élevés chez les patients du
groupe méthadone dans cinq dimensions
sur les sept de l’ASI (figure 5).
Quant aux problèmes médicaux, il n’y avait
pas de patients VIH dans les deux groupes.
En effet, les critères de sélection initiaux les
avaient éliminés. Les hépatites virales (B
et C notamment) représentent presque le
quart des patients (soit 23,53 %) et pour la
majorité chez les patients du groupe M.
Il y a une prédominance nette des hommes,
soit 17,64 % de l’échantillon global contre
3,92 % des femmes dans le même échan-
tillon, et la même tendance est constatée au
sein du groupe M (31,03 % des patients in-
fectés sont des hommes, contre 3,44 % des
femmes).
Une majorité des patients (soit 50,98 %)
n’a pas de problème médical chronique.
Cette proportion est encore plus importante
dans le groupe BHD (68,18 %). Parmi ces
problèmes (autre que les hépatites virales),
ce sont les maladies rhumatologiques (pa-
thologies ostéoarticulaires et ligamentaires
notamment) qui sont les plus représentées,
soit 19,61 % de l’échantillon global et
une nette prédominance dans le groupe M
(27,59 % des patients contre 9,09 % des pa-
tients du groupe BHD). 11,76 % reçoivent
une pension (AAH, pension d’invalidité)
pour une incapacité physique, tous apparte-
nant au groupe M. 19,61 % des patients de
l’échantillon total prennent un traitement
prescrit pour un problème médical, dont la
majorité appartienne au groupe M (24,13 %
des patients du groupe M contre 13,63 %
des patients du groupe BHD).
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Figure 7.
Prol de sévérité de l’ ASI.
Figure 5.
Prol de sévérité de l’ ASI.
Résultats : hypothèse confirmée
Les scores de QdV des deux sous-popula-
tions sont inférieurs aux scores habituelle-
ment constatés dans la population générale,
mais les patients du groupe BHD ont des
scores de QdV significativement plus éle-
vés que ceux du groupe méthadone dans les
huit dimensions de la SF-36 (figure 6).
Il n’y a pas de différence statistiquement
significative entre la QdV des hommes et
des femmes au sein de l’échantillon total
(figure 7).
Par ailleurs, nous n’avons pas retrouvé de
corrélations significatives entre les recher-
ches de sensation et les scores des échelles
de dépression d’une part (tableau I) et la
voie d’administration du produit d’autre
part (tableau II).
Limites et biais de l’étude
Reste que la faible taille de notre échan-
tillon (51 patients, répartis en deux grou-
pes) est une première limite de notre étude.
Si le nombre de participants n’est pas très
différent par rapport aux autres études men-
tionnées (4-6), il reste toutefois restreint et
limite la généralisation des résultats.
Par ailleurs, biais de recrutement, l’échan-
tillon est composé de patients suivis à l’hô-
pital (unité SATIS) pour un diagnostic de
dépendance aux opiacés selon les critères
du CIM-10. Les patients qui sont suivis
en médecine de ville n’ont pas été pris en
compte. Or, la prise en charge à l’hôpital
implique une sévérité accrue de la toxico-
manie. Cela est vrai surtout pour les patients
du groupe méthadone (pour certains, leur
état nécessite plusieurs passages par semai-
ne, ce qui est possible seulement à l’hôpi-
tal). Il semble aussi évident que les patients
actuellement sous méthadone présentaient
une toxicomanie plus grave à l’entrée dans
les programmes de soins (selon la quasi-to-
talité des critères discutés). La BHD a été
choisie pour les patients ayant un meilleur
score de qualité de vie au départ. Cela in-
duit un biais dans notre étude, les popula-
tions n’étant pas vraiment similaires sur le
Figure 6.
plan de la gravité de la toxicomanie (santé
physique et psychique, emploi/ressources,
relations socio-familiales et criminalité).
Ce biais de recrutement apparaît aussi dans
les rares études comparant la qualité de vie
des patients sous TSO (4-6).
Autre biais : celui de la mesure. LAddic-
tion Severity Index (ASI) assimile le profil
de sévérité et des besoins en traitement.
Ainsi, si le patient se trouve en difficulté
dans l’un des sept domaines, mais béné-
ficie d’un traitement adapté, son score de
sévérité sera voisin de 0, quel que soit le
pronostic vital. Concernant l’échelle ASI
elle-même, elle nous a paru extrêmement
lourde en pratique, du fait du temps néces-
saire à la passation (jusqu’à trois heures
dans certains cas !). La faire passer pour un
très grand nombre de patients nous semble
difficile dans la pratique clinique.
En ce qui concerne les autoquestionnai-
res : l’inventaire de dépression de Beck
peut avoir tendance à surévaluer la gravité
des symptômes dépressifs du fait d’une
comorbidité psychiatrique (autre que la
dépression). Autres problèmes liés aux
instruments de mesure : pour améliorer la
sensibilité du MOS SF-36, il peut être né-
cessaire d’adjoindre une extension spécifi-
que (en fonction de la pathologie). Aussi,
la nécessité de la saisie informatique peut
être également une limite. Les études sur
la traduction française de l’échelle Zucker-
man de recherche de sensations sont peu
nombreuses. En outre, la cotation peut se
révéler fastidieuse.
Enfin, une évaluation par autoquestionnaire,
qui reflète le point de vue du patient (qua-
lité de vie interne), n’est possible que sous
certaines conditions : capacité de lecture du
questionnaire par la personne concernée,
statut cognitif autorisant des réponses fia-
bles, compréhension de la langue écrite et
capacité à entourer seules les réponses pro-
posées pour les différents items.
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Un autre biais, indépendant de nous, vient
de la législation. Nous avons vu qu’elle est
beaucoup plus contraignante avec les pres-
criptions de méthadone qu’avec celles de
BHD. Du fait de cette différence d’accessi-
bilité entre les deux types de traitement, il
n’est pas impossible que certains prescrip-
teurs aient choisi la BHD sur le seul critère
de facilité d’emploi.
Conclusion et perspectives
Notre étude a permis de confirmer l’exis-
tence d’un lien statistiquement significatif
entre une meilleure qualité de vie et le trai-
tement par la BHD. La qualité de vie est
étroitement liée au facteur “dépression” :
les patients qui ont des mauvais scores de
qualité de vie (appartenant au sous-groupe
méthadone) ont des scores de dépression
élevées.
Enfin, pour correctement apprécier l’effi-
cacité des TSO, nous avons besoin d’une
évaluation initiale l’entrée dans les pro-
grammes de soins) de la sévérité de la toxi-
comanie, mais aussi de la qualité de vie.
Il serait donc intéressant de confirmer nos
résultats à plus grande échelle, incluant
les patients suivis en médecine de ville.
Des études longitudinales mettant en avant
l’évolution des diverses dimensions de la
qualité de vie en fonction du type et posolo-
gie de TSO seraient souhaitables. Les rap-
ports entre les TSO (surtout à dose élevée)
et consommation additionnelle d’alcool
restent, à notre avis, peu clairs et mérite-
raient des études approfondies.
Le rapport entre la recherche de sensations
et les mésusages possibles de la BHD de-
vrait être précisé davantage et éventuel-
lement codifié pour la pratique clinique.
Enfin, si l’ASI se prête à une étude scien-
tifique, son application clinique reste extrê-
mement lourde.
L’élément “clé” de la prise en charge des
patients dépendants aux opiacés est d’abord
le lien thérapeutique entre l’usager et le
soignant. Une forte alliance thérapeutique
est nécessaire afin d’instaurer un climat de
confiance. Ce lien qu’on devrait tisser avec
le patient dépend non seulement de l’atti-
tude (empathique et collaborative) vis-à-vis
du patient, mais aussi de la crédibilité de
l’offre de soins. C’est-à-dire que l’on doit
proposer des traitements qui “marchent”.
Et nous savons que le patient apprécie l’ef-
ficacité d’un traitement à travers sa qualité
de vie.
Malgré l’efficacité des TSO, nous avons
très peu de recul sur leur impact sur la qua-
lité de vie des patients traités. Il faut égale-
ment prendre en compte la législation qui
favorise la BHD en France.
Dans cette vue d’ensemble, la prise en char-
ge du toxicomane aux opiacés devrait met-
tre en avant la BHD comme traitement de
premier choix, la méthadone restant réser-
vée au cas les plus graves (avec notamment
des comorbidités psychiatriques et poly-
toxicomanie). Un niveau élevé de recherche
de sensations devrait être aussi étudié, en
considérant son lien possible avec le mé-
susage éventuel de la BHD. Un suivi sera
adapté au cas par cas et le médecin devrait
faire preuve d’une grande flexibilité.
Enfin, la déclassification de la méthadone
en tant que stupéfiant mettant ainsi les deux
produits au même niveau pourrait, à notre
avis, être utile. Cela faciliterait probable-
ment la réalisation d’études cliniques plus
fiables en limitant les biais liés à la légis-
lation.
Il ne faut pas non plus négliger l’apparition
prochaine d’un nouveau produit (une com-
binaison de BHD et de naloxone) dont les
caractéristiques tant au niveau de la présen-
tation (goût adapté) que des schémas théra-
peutiques (posologie plus élevée possible,
administration un jour sur deux ou trois fois
par semaine) risque de modifier le paysage
de la substitution aux opiacés en France.
n
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