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Cas clinique
L’exception
Syndrome de Birt-Hogg-Dubé
Birt-Hogg-Dubé syndrome
D. Bessis
Syndrome de Birt-HoggDubé.
(Service de dermatologie, hôpital Saint-Éloi, CHU de Montpellier)
Birt-Hogg-Dubé syndrome.
U
n homme, âgé de 52 ans, était vu en consultation pour des “lésions kystiques” asymptomatiques et profuses du visage, progressivement développées depuis l’âge de 30 ans. Ses antécédents personnels étaient marqués par
deux épisodes de pneumothorax spontanés survenus au cours de l’enfance.
Parmi les antécédents familiaux, on notait une atteinte cutanée identique et
tardive chez son père.
Examen
L’examen clinique mettait en évidence des papules d’allure monomorphe, de petite
taille (1 à 4 mm), en dôme et à surface lisse, de couleur blanc ivoire. Elles se localisaient sur le visage (joues, front et scalp), les faces latérales du cou et le haut du tronc
(figures 1 et 2). Les muqueuses orales, conjonctivales et génitales étaient indemnes.
L’examen histopathologique après biopsie d’une papule attestait un fibrofolliculome.
Diagnostic : syndrome de Birt-Hogg-Dubé.
Discussion
Le syndrome de Birt-Hogg-Dubé (BHD) est une génodermatose rare transmise sur
le mode autosomique dominant, associant des hamartomes cutanés (fibrofolliculomes), des tumeurs rénales, des atteintes pulmonaires kystiques et des pneumothorax spontanés. Il est lié à des mutations germinales du gène BHD, localisé en
17p11.2 et considéré comme un gène suppresseur de tumeur. Ce gène code pour
la folliculine, protéine hautement conservée au cours de l’évolution et largement
exprimée dans l’organisme, notamment le poumon (pneumocytes de type 1), le rein
(néphron distal), la peau et ses annexes. Les mutations du gène BHD sont majoritairement du type insertion ou délétion, situées dans plus d’un cas sur deux au niveau
de l’exon 11 (“point chaud” mutationnel), et à l’origine de la production d’une protéine
tronquée (1). L’anomalie est transmise sous une forme germinale et hémizygotique,
avec inactivation de l’allèle sauvage normal par un mécanisme de mutation somatique ou de perte d’hétérozygotie (théorie du “double-coup” de Knudson), comme cela
a été démontré au niveau des tumeurs rénales. L’expression phénotypique n’est pas
corrélée au génotype.
Le syndrome BHD est caractérisé sur le plan dermatologique par la présence de
multiples fibrofolliculomes, trichodiscomes et lésions acrochordon-like. Ces deux
dernières tumeurs sont actuellement considérées comme des variantes cliniques
et histologiques des fibrofolliculomes. Les fibrofolliculomes sont de petites papules
fermes, en dôme, de couleur ivoire ou de couleur chair, à surface lisse, de quelques
millimètres de diamètre (figure 3), parfois d’aspect pseudo-comédonien (figure 4).
Leur nombre varie chez un individu, de quelques papules à plus de 100 éléments.
Ils siègent avec prédilection sur l’extrémité céphalique, particulièrement le front, le
nez, les joues, les pavillons auriculaires et les régions rétroauriculaires, ainsi que
sur les faces latérales du cou et le haut du tronc. Ils peuvent se grouper en plaques
selon une topographie plus ou moins segmentaire (figure 5). Leur développement
est le plus souvent noté au cours des 3e ou 4e décennies de la vie mais les premières
lésions, souvent discrètes, peuvent être présentes dès l’âge de 20 ans (2). Les fibrofolliculomes sont cliniquement indistinguables des trichodiscomes. Les lésions
acrochordon-like se localisent avec prédilection au niveau des creux axillaires. Le
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Images en Dermatologie • Vol. I • n° 3 • juillet-août-septembre 2008
Légendes
Figures 1 et 2. Papules d’allure monomorphe, de petite taille (1 à 4 mm), en dôme
et à surface lisse, de couleur blanc ivoire de la
joue et d’une face latérale du cou.
Figure 3. Gros plan sur des fibrofolliculomes
rétroauriculaires.
Figure 4. Aspect pseudo-comédonien de
fibrofolliculomes du dos.
Figure 5. Groupement en plaques de fibrofolliculomes de l’abdomen. Les cicatrices
visibles sont postchirurgicales liées à des
exérèses répétées de kystes épidermiques
associés.
Figure 6. Lésions fibromateuses linguales.
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Cas clinique
L’exception
diagnostic de syndrome BHD est retenu cliniquement si une personne est porteuse
d’au moins 10 fibrofolliculomes, dont l’un est confirmé par un examen anatomopathologique. Celui-ci atteste d’une tumeur folliculaire bénigne non épithéliale, constituée
par un follicule pileux central, souvent déformé par un infundibulum élargi rempli de
kératine lamellaire, cerné d’une fibrose concentrique. De 2 à 4 bandes d’épithélium
folliculaire anastomosées entre elles s’étendent dans ce stroma fibromucineux. Le
traitement des fibrofolliculomes repose sur la dermabrasion, le laser de resurfaçage
ou l’isotrétinoïne systémique.
Probablement sous-estimée, l’atteinte orale est constituée de petites papules fibromateuses, plus ou moins pédiculées, localisées préférentiellement sur les faces
antérieures des gencives et le versant muqueux des lèvres et la langue (figure 6).
Parmi les autres tumeurs cutanées rapportées, les angiofibromes et les fibromes
périfolliculaires peuvent constituer l’unique expression cutanée au sein de familles
porteuses de la mutation du gène BHD. D’autres tumeurs sont ponctuellement
décrites sans qu’un lien formel puisse actuellement être établi : lipomes multiples,
collagénomes, mélanomes, carcinomes basocellulaires et épidermoïdes, hyperplasie
sébacée, dermatofibrosarcome et léiomyosarcome.
Le syndrome BHD comporte un risque accru de carcinomes rénaux (2-4). Dans une
importante série portant sur 98 patients atteints de syndrome BHD, le risque de
développement d’une tumeur rénale était multiplié par 7 par rapport à la population
générale (15 % des patients de cette série) [4]. Ce risque carcinologique est cependant difficile à chiffrer avec précision, car il varie suivant les modalités de sélection
des séries publiées. Il est estimé entre 6 et 34 % des patients atteints du syndrome
BHD ou porteur de la mutation du gène BHD. Il est significativement plus élevé en
cas d’antécédent familial de cancer rénal. Le plus souvent il s’agit de tumeurs rénales
bilatérales et multifocales où dominent deux formes histologiques, parfois associées
chez un même patient au sein d’une même tumeur : tumeurs hybrides chromophobes-oncocytomes (67 %), carcinomes chromophobes (23 %), oncocytome (3 %)
[2]. Les carcinomes rénaux à cellules claires, du type papillaire ou tubulo-papillaire,
sont presque jamais identifiés et rendent compte des rares formes métastatiques
observées (2). Aucun consensus n’est actuellement établi pour la prise en charge de
ces patients en termes de prévention, et la fréquence de la surveillance clinique et
morphologique reste mal codifiée.
Les autres atteintes viscérales associées au cours du syndrome BHD sont essentiellement pulmonaires, avec un risque de pneumothorax 50 fois plus important que
dans la population générale, soit plus d’un tiers des patients atteints (4). La présence
de lésions kystiques pulmonaires est également fréquente, estimée entre 80 et 90 %
des patients, caractérisée histologiquement par des dilatations kystiques des espaces
alvéolaires. Ces lésions kystiques peuvent évoluer vers des pneumothorax multiples
et considérés à tort comme “spontanés” (2). Quelques cas d’oncocytomes parotidiens, de carcinomes et de polypes coliques ainsi que de carcinomes thyroïdiens sont
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rapportés, sans qu’un lien formel avec cette affection soit établi (2).
Références bibliographiques
1. Baba M, Hong SB, Sharma N et al. Folliculin encoded by the BHD gene interacts with a binding
protein, FNIP1, and AMPK, and is involved in AMPK and mTOR signaling. Proc Natl Acad Sci USA
2006;103:15552-7.
2. Toro JR, Wei MH, Glenn GM et al. BHD mutations, clinical and molecular genetic investigations
of Birt-Hogg-Dubé syndrome: a new series of 50 families and a review of published reports. J Med
Genet 2008;45:321-31.
3. Leter EM, Koopmans AK, Gille J et al. Birt-Hogg-Dubé syndrome: clinical and genetic studies of
20 families. J Invest Dermatol 2008;128:45-9.
4. Zbar B, Alvord WG, Glenn G, MJ et al. Risk of renal and colonic neoplasms and spontaneous pneumothorax in the Birt-Hogg-Dubé syndrome. Cancer Epidemiol Biomarkers Prev 2002;11:393-400.
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