Correspondances en Métabolismes Hormones Diabètes et Nutrition - Vol. XVIII - n° 4-5 - avril-mai 2014
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Échos des congrès
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Cœur et diabète : quoi de neuf ?
Dorinne Desposito*
* INSERM UMRS 1138,
centre de recherche
des Cordeliers, Paris.
Le congrès CoDia, organisé par les Prs Michel Komadja et Bernard Charbonnel,
qui s’est déroulé les 13 et 14 février derniers à Paris, a encore connu un grand
succès ! Ce forum est l’occasion de réunir cardiologues et diabétologues afi n
d’échanger sur les complications cardiovasculaires du patient diabétique, les
nouvelles avancées dans le domaine et leurs implications cliniques au quotidien.
Cette 9e édition est d’autant plus importante que l’année 2013 a été riche en
matière de recherche clinique sur le diabète et les complications cardio vasculaires
(nouvelles recommandations, grandes études de morbi-mortalité et nouveaux
antidiabétiques). De prestigieux orateurs ont ainsi pu faire le point sur les dif-
férentes analyses, décrire les principaux facteurs de risque associés et aborder
les nouvelles classes thérapeutiques.
Tabac, métabolisme
et maladies cardio vasculaires
(D’après la communication de D. Thomas)
Il est bien connu désormais que le tabac est un impor-
tant facteur de risque vasculaire et cardiovasculaire.
Chez le diabétique, il multiplie de 3,5 à 4 fois la mor-
talité et constitue un surrisque important de maladie
cardiovasculaire. De plus, la pose d’un stent chez le
fumeur diabétique implique un risque important de
resténose coronarienne.
Le tabac joue aussi un rôle important dans le métabo-
lisme et l’évolution de l’équilibre glycémique. En eff et,
il stimule le système sympathique, ce qui peut favoriser
le développement d’une obésité abdominale et un
syndrome métabolique. En fait, les fumeurs ont une
mauvaise répartition des graisses, si bien que leur tour
de taille et leur rapport taille/hanches sont plus élevés.
Le tabac joue également un rôle sur l’insulino résistance
et l’intolérance au glucose, fortement augmentées chez
le fumeur actif mais aussi chez le fumeur passif. De plus,
il existe un eff et direct de la nicotine, du monoxyde de
carbone ou d’autres composants chimiques du tabac
sur les cellules β sécrétrices d’insuline du pancréas. Il
faut noter aussi que le tabac infl uence la répartition
des lipides : diminution du taux de HDL-cholestérol et
augmentation du taux de LDL-cholestérol. Une impor-
tante méta-analyse publiée début 2014 et regroupant
51 études apporte de solides arguments en faveur d’un
rôle majeur du tabac dans le développement du diabète
de type 2 (1). Ainsi, le risque de développer un diabète
est augmenté de 30 à 40 % chez le fumeur actif par
rapport au non-fumeur. On observe enfi n une relation
dose-réponse positive entre le nombre de cigarettes
fumées et le risque de développer un diabète.
L’arrêt du tabac avant l’âge de 30 ans permet d’éliminer à
100 % le risque de maladie cardiovasculaire. Mais, chez les
diabétiques, le phénomène infl ammatoire est pérennisé
et le bénéfi ce est plus tardif : dans les 5 à 10 ans après le
sevrage. Dans le sevrage tabagique, la principale crainte
du patient diabétique est la prise de poids à la suite du
sevrage et, donc, le déséquilibre du contrôle glycémique.
Cependant, le sevrage tabagique, malgré la prise de
poids, a un bénéfi ce signifi catif sur le risque cardiovas-
culaire. L’avantage reste donc en faveur du sevrage chez
les patients fumeurs et diabétiques. Compte tenu des
diffi cultés à arrêter de fumer, le médecin se doit d’être
proactif dans le sevrage du diabétique (personnel para-
médical, intervention personnalisée, outils de sevrage
et suivi régulier). Le concept de glucose equivalent of
smoking”, qui explique que le risque de décès d’un
fumeur est équivalent au risque d’une personne ayant
une élévation de la glycémie à jeun d’environ 0,68 g/l,
peut aussi motiver l’arrêt du tabac chez le diabétique (2).
Au fi nal, le tabagisme intervient de façon majeure dans
les complications cardiovasculaires du diabétique et a
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Cœur et diabète : quoi de neuf ?
un rôle certain, dose-dépendant, dans l’incidence du
diabète de type 2. Les bénéfi ces de l’arrêt du tabac
sont déterminants dans le devenir cardiovasculaire
du diabétique et seront d’autant plus importants que
cet arrêt aura été précoce. La prise en charge médica-
lisée active du sevrage tabagique doit être systémati-
quement incluse dans la prise en charge des patients
diabétiques.
Qu’apporte la génétique au clinicien ?
(D’après les communications de P. Froguel,
P. Amouyel et P. Charron)
La génétique – plus précisément la génomique – vise
à rechercher des associations entre les variants géné-
tiques et le risque de maladie, pour apporter de nou-
velles hypothèses de recherche, mesurer le risque et le
prévenir, mettre en place une recherche translationnelle
et pratiquer une médecine de précision personnalisée.
L’avenir de la génétique est dans l’étude des associations
entre variants fréquents ou rares et environnement,
pour identifi er le risque de développer une maladie
et appréhender la complexité de cette maladie ou la
susceptibilité de réponse au traitement. Létude de
E.A. Ashley et al., parue en 2010, en constitue un très
bon exemple (3). En eff et, elle a poussé l’interprétation
du génome humain au maximum. Stephen, un individu
atteint de nombreuses anomalies familiales dont les
bilans biologique, métabolique et cardiaque sont bons,
a séquencé l’ensemble de son génome et a identifi é
tous les risques possibles (maladies et modifi cation
de la sensibilité aux traitements). Il a ensuite établi les
interactions entre gènes et environnement, dans le but
de comprendre comment la santé de l’individu peut être
conservée le plus longtemps possible en repérant ce
qui doit être corrigé dans son mode de vie.
La cardiologie recense une cinquantaine de gènes de
susceptibilité ; la génétique va informer sur l’origine
des maladies et identifi er des cibles thérapeutiques. Un
bilan cardiaque familial et un test génétique permettent
de surveiller le patient à risque ou de prédire et traiter
la maladie de façon adaptée. La pharmacogénétique
est importante aussi en cardiologie pour expliquer les
diff érences de réponse entre les individus et anticiper
les moins bons répondeurs de manière à adapter le
traitement à l’aide de produits de remplacement. En
ce qui concerne le diabète de type 2, 2 % des cas sont
monogéniques, contre 95 % de formes polygéniques.
Le diagnostic génétique des diabètes monogéniques
est désormais facile, rapide et peu onéreux. Un ques-
tionnaire clinique simple permet de rechercher la pro-
babilité de détecter une anomalie génétique à l’origine
du diabète. La génomique va ensuite permettre de
connaître les causes du diabète et, de ce fait, d’instau-
rer un traitement adapté et effi cace. La connaissance
des diabètes monogéniques a également permis de
construire des cellules β artifi cielles pour une médecine
régénératrice et pour la thérapie génique. Le diabète de
type 2 d’origine polygénique est dû à la combinaison
gènes-environnement. La génomique va alors recher-
cher le rôle de ces gènes dans la toxicité pancréatique,
dans la réponse aux diff érents traitements, dans les
complications du diabète et dans le risque de diabète.
Les nouvelles méthodologies génétiques permettent
aussi une caractérisation génétique des diabètes fami-
liaux et l’amélioration de leur prise en charge.
Dans les maladies monogéniques, le test génétique est
devenu un outil de routine qui peut aider le clinicien
dans le diagnostic, le pronostic, la prédiction ou le traite-
ment de la maladie. Dans les maladies multifactorielles,
le test génétique reste un outil de recherche. Grâce à
l’évolution des technologies, l’analyse du génome est
aujourd’hui rapide et de moins en moins onéreuse. Le
séquençage de haut ou de moyen débit permet depuis
peu de cibler des gènes de susceptibilité de diabète
ou de cardiomyopathie.
Lischémie myocardique du diabétique
(D’après les communications de P. Henry
et C. Spaulding)
Les recommandations du dépistage de l’ischémie myo-
cardique silencieuse chez le diabétique ont connu de
nombreux changements. Malgré des recommandations
européennes peu favorables au dépistage, la recherche
d’ischémie myocardique est souvent pratiquée en
France. Cependant, le dépistage ne modifi e pas le pro-
nostic du patient : il identifi e les lésions coronaires stables
et ne sait pas prédire les lésions instables, à plus haut
risque. L’utilisation d’une échelle spécifi que au dépis-
tage est utile mais peu défi nie. Depuis peu, la Société
francophone du diabète (SFD) recommande de réaliser
un doppler carotidien et des membres inférieurs afi n
de rechercher la présence de plaques athéromateuses
pouvant être prédictives d’une maladie coronarienne
associée. Le score de calcifi cation, peu onéreux, constitue
également un moyen rapide de détecter les diabétiques
à haut risque. Chez le diabétique, un diagnostic complé-
mentaire d’insuffi sance rénale, qui aggrave le pronostic,
sera intéressant pour optimiser la prise en charge.
Lischémie myocardique silencieuse sera donc recher-
chée chez les diabétiques à risque, c’est-à-dire ceux pré-
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sentant une dysfonction rénale, un score de calci cation
élevé, une autre atteinte athéromateuse et/ou un dia-
bète ancien. Une fois la maladie coronarienne dépis-
tée, la priorité sera d’optimiser le traitement médical,
sachant que ces patients présentent un risque majoré
d’événement ultérieur. La revascularisation nest pas
forcément l’objectif systématique. En eff et, selon létude
FREEDOM, la revascularisation chirurgicale par pontage
coronarien chez le diabétique est plus favorable que
la revascularisation par angio plastie coronaire, et ce
malgré l’augmentation du risque d’accident vasculaire
cérébral à 5 ans. Cela s’explique par l’augmentation
importante du risque de resténose intrastent et du
risque de thrombose chez le patient diabétique.
Le dépistage systématique de lischémie myocardique
du diabétique ne fait donc pas l’unanimité et reste
encore discuté. Cependant, lorsqu’elle est dépistée, la
prise en charge de la coronaropathie doit être discutée
et l’avis du patient, pris en compte.
Hypertension artérielle résistante :
les stratégies interventionnelles
(D’après la communication de X. Girerd)
L’hypertension artérielle (HTA) résistante, dont la défi -
nition dépend des données épidémiologiques, est
diffi cile à évaluer. Le plus souvent, le traitement est
inadapté. Il faut savoir que 10 % des hypertendus ont
une HTA résistante et que seuls 5 % d’entre eux ont
un traitement adapté à leur HTA. En France, afi n de
lutter contre l’HTA résistante, des recommandations
pragmatiques ont été mises en place par la SFHTA
(Société française d’HTA).
La dénervation rénale par radiofréquence ou par
ultrasons est une technique simple et sans risque
pour traiter l’HTA résistante. Elle consiste à inter-
rompre l’activité électrique des nerfs du système
nerveux sympathique à destinée rénale, par appli-
cation locale d’un courant électrique de faible inten-
sité contre la paroi des artères rénales. Elle pourrait
concerner près de 30 % des patients hypertendus.
Cette technique permet une diminution importante
de la pression artérielle, qui reste pérenne dans le
temps. Cependant, cette diminution varie d’un
patient à un autre. Des études évaluant la dénerva-
tion rénale, son efficacité et ses causes d’échec sont
actuellement menées en France ; il est important
de faire progresser cette technique prometteuse en
trouvant des marqueurs de réussite du chauffage
endovasculaire, et/ou en étendant les zones de chauf-
fage afin d’augmenter les chances de réussite de la
procédure. Aucune étude n’a encore été réalisée chez
le diabétique hypertendu.
1.
National Center for Chronic Disease Prevention and Health
Promotion (US) O ce on Smoking and Health. The Health
Consequences of Smoking—50 Years of Progress: A Report of
the Surgeon General. Atlanta (GA): Centers for Disease Control
and Prevention (US); 2014.
2. Wen CP, Cheng TY, Tsai SP et al.Exploring the relationships
between diabetes and smoking: with the development of glu-
cose equivalent concept for diabetes management. Diabetes
Res Clin Pract 2006;73(1):70-6.
3. Ashley EA, Butte AJ, Wheeler MT et al. Clinical assessment
incorporating a personal genome. Lancet 2010;375(9725):1525-
35.
Références
L’auteur déclare ne pas
avoir de liens d’intérêts.
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Laffaire Vincent La
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