L Une localisation métastatique inhabituelle d’un carcinome rénal

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CAS CLINIQUE
Une localisation métastatique
inhabituelle d’un carcinome rénal
à cellules claires : la patella
An unusual localization of renal cell carcinoma metastasis: the patella
A.S. Brunel*, G. Mouterde*, C. Lukas*, P. Le Blay*, C. Cyteval**, J. Morel*, B. Combe*
L
es métastases patellaires des cancers solides sont extrêmement rares. Seuls 24 cas ont été rapportés dans la littérature,
dont 3 consécutifs à un carcinome rénal. Une douleur du
genou constitue le mode de révélation le plus fréquent. Le traitement est le plus souvent local, conservateur par cryochirurgie
ou patellectomie. Nous rapportons une observation d’un cancer
rénal à cellules claires avec une métastase de la patella qui permet
de discuter cette localisation rare.
© La Lettre du Rhumatologue 2012;385:34-6.
* Service d’immuno-rhumatologie, hôpital Lapeyronie, CHRU de Montpellier.
** Service d’imagerie médicale et radiologie osseuse, hôpital Lapeyronie,
CHRU de Montpellier.
A
Observation
Monsieur V., âgé de 57 ans, a été hospitalisé en novembre 2009
pour une douleur chronique du genou gauche, d’aggravation
récente à la suite d’une chute. Ce patient présentait de nombreux facteurs de risque cardiovasculaire (tabagisme, hypertension artérielle, diabète, obésité). Il était suivi pour un carcinome
rénal droit à cellules claires de grade II pT3a NxM0 diagnostiqué
en 2000, dont la rémission complète avait été obtenue à la suite
d’une néphrectomie élargie droite avec surrénalectomie (arrêt
du suivi en 2005).
Son histoire a débuté en 1971 par une fracture ouverte du
fémur et de la patella gauche à la suite d’un accident de la voie
publique, traitée chirurgicalement par ostéosynthèse et cerclage
B
 Figure 1. Radiographie du genou gauche de profil, en 2006 (A), en 2008 (B) et en 2009 (C) : lyse progressive de la patella.
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de la patella, puis ablation du matériel 1 an plus tard. Depuis, le
patient présentait une douleur du genou gauche d’horaire mixte,
avec des signes inflammatoires locaux modérés. Une première
radiographie réalisée en 2006 (figure 1A) montrait une fracture
du tiers supérieur de la patella, associée à une dégénérescence
hétérogène multigéodique. Un traitement symptomatique par
paracétamol s’est révélé efficace. En juillet 2008, à la suite d’une
chute sur son genou gauche, le patient a présenté une aggravation
brutale de cette douleur, avec présence de signes inflammatoires
locaux. La radiographie réalisée (figure 1B) a mis en évidence
une destruction importante de la patella. Un arthroscanner du
genou (figure 2) a quant à lui révélé l’existence de rares travées
calcifiées avec un aspect lytique extrêmement important de la
 Figure 2. Arthroscanner du genou gauche : lyse corticale et des travées
osseuses de la patella.
A
B
patella. Le patient a présenté un nouveau traumatisme du genou
gauche en août 2009, avec recrudescence douloureuse et apparition progressive d’une impotence fonctionnelle, motivant son
hospitalisation en novembre 2009.
L’examen clinique initial a mis en évidence un amaigrissement
de 13 kg en 1 an et une apyrexie. Le genou gauche était chaud,
augmenté de volume, douloureux à la palpation, avec une limitation des mobilités actives et passives en flexion. Il y avait un
bombement des culs-de-sac sous-quadricipitaux, sans choc rotulien franc. Le patient présentait une boiterie d’esquisse. Le reste
de l’examen clinique était sans particularité.
Le bilan biologique a révélé essentiellement un syndrome inflammatoire modéré, avec une CRP à 35,6 mg/l et une vitesse de
sédimentation à 21 mm à la première heure.
La radiographie du genou de profil (figure 1C) a montré une
disparition quasi totale de la patella. L’imagerie par résonance
magnétique (IRM) du genou en séquences T1 a mis en exergue une
infiltration tissulaire bien limitée de la patella en hypo­signal T1
(figure 3A) ayant remplacé la graisse médullaire osseuse, se
rehaussant après l’injection de gadolinium (figure 3B), mieux
visible après saturation du signal de la graisse (figure 3C) évocatrice de tissu tumoral. L’échographie du genou a également
retrouvé l’infiltration majeure des tissus sous-cutanés et la présence d’une masse tissulaire visible du fait de la disparition corticale de la patella. Une ponction de cette masse a été réalisée à
l’aiguille de 14 G. Les examens bactériologiques et mycobactériologique étaient négatifs.
En revanche, l’examen anatomopathologique a révélé une prolifération carcinomateuse infiltrante, et l’étude immunohistochimique
était compatible avec une métastase d’un carcinome à cellules
claires (positivité de la cytokératine, du CD10 et de la vimentine).
Le diagnostic retenu a donc été celui d’une métastase du carcinome rénal. Une tomodensitométrie (TDM) thoracique et abdominopelvienne a confirmé la présence de multiples localisations
C
 Figure 3. IRM du genou gauche, avec séquences pondérées en T1, sans (A) et avec (B) injection de gadolinium en coupes sagittales, et une séquence T1
FAT-SAT après injection de gadolinium (C) en coupe axiale : masse tissulaire tumorale en hyposignal T1, remplaçant l’ensemble de la graisse médullaire
osseuse patellaire, se rehaussant après injection de gadolinium.
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métastatiques, au niveau de la loge de néphrectomie droite, surrénalienne gauche, pancréatique, pulmonaire et costale.
Le patient a été traité par sunitinib (50 mg/jour, par voie orale),
un inhibiteur de tyrosine kinase à large spectre, dans ce contexte
de maladie généralisée, avec une amélioration clinique et scanographique des lésions secondaires à 3 mois de traitement.
Discussion
Le cancer du rein représente 3 % de l’ensemble des tumeurs
malignes de l’adulte ; sa principale forme histologique est le
carcinome rénal à cellules claires (70-80 %) [1]. Les principaux
facteurs de risque identifiés sont le tabagisme, l’obésité, l’hypertension artérielle ainsi que certaines expositions professionnelles.
L’évolution clinique est souvent imprévisible : la maladie peut
être d’emblée métastatique au diagnostic, dans un tiers des cas,
ou peut au contraire rester quiescente pendant plusieurs années
avant une reprise évolutive (1). La dissémination se fait principalement par voie hématogène mais peut être lymphatique, avec
des métastases pulmonaires (50 à 60 %), osseuses (30 à 40 %),
ganglionnaires (15 à 30 %), hépatiques (28 %), surrénales (10 à
15 %) et cérébrales (10 à 13 %) [1]. Cependant, le carcinome rénal à
cellules claires peut métastaser à l’ensemble des organes du corps
humain. Le pronostic, au stade métastatique, est très mauvais,
avec un taux de survie à 5 ans de moins de 10 % (1).
Les métastases osseuses de la patella sont extrêmement rares.
En effet, une recherche exhaustive de la littérature a permis d’identifier 24 cas de métastases patellaires, dont 3 seulement étaient
dus à un carcinome rénal (2). Onze de ces 24 patients avaient
une douleur du genou, sans diagnostic initial de malignité (2).
La symptomatologie clinique est fréquemment peu spécifique.
La radiographie standard et/ou la TDM révèlent souvent une lyse
corticale, parfois difficile à différencier d’une lésion d’algodystrophie de la patella. L’IRM peut confirmer la présence d’une infiltration tissulaire tumorale. Ces aspects ne sont pas spécifiques
d’une métastase et font discuter d’autres diagnostics, tels qu’une
tumeur osseuse maligne primitive ou une hémopathie maligne.
En effet, dans une étude de J. Singh et al., qui reprend les données
de 4 registres européens de tumeurs osseuses, 59 patients présentent des lésions patellaires. Parmi celles-ci, 46 % sont non
néoplasiques, 39 % sont des tumeurs bénignes (dont celles à
cellules géantes sont les plus fréquentes) et seulement 15 % des
tumeurs malignes, dont 5 % uniquement sont métastasées (3).
Le diagnostic de certitude est donc histologique.
Le traitement des métastases est principalement local, avec, dans
la majorité des cas, une patellectomie. Dans quelques cas, un
traitement conservateur est possible grâce à une cryo­chirurgie.
Préservant la patella et sa fonctionnalité, ce traitement est proposé
surtout chez les patients dont le pronostic à court terme est
mauvais (2). Cependant, il est parfois nécessaire d’avoir recours
à un traitement général, en cas de maladie métastatique.
La physiopathologie des métastases patellaires est encore mal
connue. La patella est un os sésamoïde peu vascularisé (branches
provenant des vaisseaux collatéraux du genou). Les emboles
tumoraux sont le plus souvent bloqués dans la circulation pulmonaire, avec un faible passage dans la circulation artérielle.
Ainsi, la patella semblerait être un site peu propice au développement de métastases à partir d’emboles tumoraux. Ces
considérations ont fait évoquer l’hypothèse d’un autre mécanisme de carcinogenèse au niveau de la patella, appelé “tropisme
tissulaire” (2).
Conclusion
Une métastase patellaire d’un carcinome rénal à cellules claires
est une entité très rare. La symptomatologie clinique et l’aspect
radiographique sont peu spécifiques, et souvent responsables
d’un retard diagnostique. Les étiologies de lésions osseuses de
la patella sont multiples et le diagnostic de certitude repose sur
l’histologie.
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Références bibliographiques
1. Vidart A, Fehri K, Pfister C. Unuasual metastasis of renal carcinoma. Ann Urol
2006;40:211-9.
2. Lim CT, Wong AS, Chuah BY, Putti TC, Stanley AJ, Nathan SS. The patella as an unusual
Merci d’être venue
site of renal cell carcinoma metastasis. Singapore Med J 2007;48:e314-9.
3. Singh J, James SL, Kroon HM, Woertler K, Anderson SE, Davies AM. Tumour and tumourlike lesions of the patella - A multicentre experience. Eur Radiol 2009;19:701-12.
Agenda
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