CAS CLINIQUE
36 | La Lettre du Rhumatologue • No 385 - octobre 2012
En revanche, l’examen anatomopathologique a révélé une prolifé-
ration carcinomateuse infi ltrante, et l’étude immunohistochimique
était compatible avec une métastase d’un carcinome à cellules
claires (positivité de la cytokératine, du CD10 et de la vimentine).
Le diagnostic retenu a donc été celui d’une métastase du carci-
nome rénal. Une tomodensitométrie (TDM) thoracique et abdo-
minopelvienne a confi rmé la présence de multiples localisations
métastatiques, au niveau de la loge de néphrectomie droite, sur-
rénalienne gauche, pancréatique, pulmonaire et costale.
Le patient a été traité par sunitinib (50 mg/jour, par voie orale),
un inhibiteur de tyrosine kinase à large spectre, dans ce contexte
de maladie généralisée, avec une amélioration clinique et scano-
graphique des lésions secondaires à 3 mois de traitement.
Discussion
Le cancer du rein représente 3 % de l’ensemble des tumeurs
malignes de l’adulte ; sa principale forme histologique est le
carcinome rénal à cellules claires (70-80 %) [1]. Les principaux
facteurs de risque identifi és sont le tabagisme, l’obésité, l’hyper-
tension artérielle ainsi que certaines expositions professionnelles.
L’évolution clinique est souvent imprévisible : la maladie peut
être d’emblée métastatique au diagnostic, dans un tiers des cas,
ou peut au contraire rester quiescente pendant plusieurs années
avant une reprise évolutive (1). La dissémination se fait principa-
lement par voie hématogène mais peut être lymphatique, avec
des métastases pulmonaires (50 à 60 %), osseuses (30 à 40 %),
ganglionnaires (15 à 30 %), hépatiques (28 %), surrénales (10 à
15 %) et cérébrales (10 à 13 %) [1]. Cependant, le carcinome rénal à
cellules claires peut métastaser à l’ensemble des organes du corps
humain. Le pronostic, au stade métastatique, est très mauvais,
avec un taux de survie à 5 ans de moins de 10 % (1).
Les métastases osseuses de la patella sont extrêmement rares.
En effet, une recherche exhaustive de la littérature a permis d’iden-
tifi er 24 cas de métastases patellaires, dont 3 seulement étaient
dus à un carcinome rénal (2). Onze de ces 24 patients avaient
une douleur du genou, sans diagnostic initial de malignité (2).
La symptomatologie clinique est fréquemment peu spécifi que.
La radiographie standard et/ou la TDM révèlent souvent une lyse
corticale, parfois diffi cile à différencier d’une lésion d’algodystro-
phie de la patella. L’IRM peut confi rmer la présence d’une infi l-
tration tissulaire tumorale. Ces aspects ne sont pas spécifi ques
d’une métastase et font discuter d’autres diagnostics, tels qu’une
tumeur osseuse maligne primitive ou une hémopathie maligne.
En effet, dans une étude de J. Singh et al., qui reprend les données
de 4 registres européens de tumeurs osseuses, 59 patients pré-
sentent des lésions patellaires. Parmi celles-ci, 46 % sont non
néoplasiques, 39 % sont des tumeurs bénignes (dont celles à
cellules géantes sont les plus fréquentes) et seulement 15 % des
tumeurs malignes, dont 5 % uniquement sont métastasées (3).
Le diagnostic de certitude est donc histologique.
Le traitement des métastases est principalement local, avec,
dans la majorité des cas, une patellectomie. Dans quelques cas,
un traitement conservateur est possible grâce à une cryochi-
rurgie. Préservant la patella et sa fonctionnalité, ce traitement
est proposé surtout chez les patients dont le pronostic à court
terme est mauvais (2). Cependant, il est parfois nécessaire d’avoir
recours à un traitement général, en cas de maladie métastatique.
La physiopathologie des métastases patellaires est encore mal
connue. La patella est un os sésamoïde peu vascularisé (branches
provenant des vaisseaux collatéraux du genou). Les emboles tumo-
raux sont le plus souvent bloqués dans la circulation pulmonaire,
avec un faible passage dans la circulation artérielle. Ainsi, la patella
semblerait être un site peu propice au développement de méta-
stases à partir d’emboles tumoraux. Ces considérations ont fait
évoquer l’hypothèse d’un autre mécanisme de carcinogenèse au
niveau de la patella, appelé “tropisme tissulaire” (2).
Conclusion
Une métastase patellaire d’un carcinome rénal à cellules claires
est une entité très rare. La symptomatologie clinique et l’aspect
radiographique sont peu spécifi ques, et souvent responsables
d’un retard diagnostique. Les étiologies de lésions osseuses de
la patella sont multiples et le diagnostic de certitude repose sur
l’histologie. ■
1. Vidart A, Fehri K, Pfi ster C. Unuasual metastasis of renal
carcinoma. Ann Urol 2006;40:211-9.
2. Lim CT, Wong AS, Chuah BY, Putti TC, Stanley AJ,
Nathan SS. The patella as an unusual site of renal cell
carcinoma metastasis. Singapore Med J 2007;48:e314-9.
3. Singh J, James SL, Kroon HM, Woertler K, Anderson SE,
Davies AM. Tumour and tumour-like lesions of the patella
- A multicentre experience. Eur Radiol 2009;19:701-12.
Références bibliographiques