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Le Courrier de l’algologie (6), n° 1-2, janvier-juin 2007 9
Dossier thématique
Dossier thématique
d’échec à la première tentative était signi-
ficativement plus élevé (12,7 % versus
9,5 %, soit un odds-ratio pour le risque
d’échec à 1,62) chez les sujets obèses
(IMC > 30 kg/m-2) que chez les sujets
ayant un IMC inférieur à 25 kg/m-2 (6).
Cette différence était observée globa-
lement, c’est-à-dire toutes techniques
d’ALR confondues (22 techniques d’
ALR différentes). L’analyse de ces résul-
tats en fonction du type d’ALR réalisée
retrouvait une différence significative
uniquement pour les ALR périphériques ;
les taux d’échec des ALR périmédullai-
res et des blocs paravertébraux étaient
identiques que les patients soient obèses
ou non. Deux techniques d’ALR périphé-
rique avaient un taux d’échec significa-
tivement plus élevé chez les obèses : le
bloc interscalénique continu et le bloc
du plexus lombaire en injection unique.
Cette étude révèle que, même si l’obésité
minore le taux de réussite d’une ALR
à la première tentative, celui-ci reste
élevé (87,3 %) pour des anesthésistes
expérimentés. Il faut également noter
dans cette étude que 5 techniques d’ALR
(sur 22 évaluées) représentaient 68 % des
ALR réalisées et que la péridurale n’en
représentait que 0,6 %.
L’impact de l’obésité sur le taux de succès
du bloc sus-claviculaire a été étudié par
Franco et al. dans un travail prospectif
mené sur 2 020 patients (7). Les patients
étaient répartis en deux groupes (sujets
obèses et non obèses) selon leur IMC. Les
résultats montraient que le taux de succès
(quel que soit le nombre de tentatives)
était significativement diminué chez les
patients obèses (94,3 % versus 97,3 %).
De la même manière, les résidents ont
réussi 72,9 % versus 80,4 % des blocs sus-
claviculaires qu’ils avaient entrepris avant
de passer la main à des anesthésistes plus
expérimentés, chez les sujets obèses versus
ceux non obèses (p < 0,01), ce qui reflète
indirectement la difficulté de repérage des
structures nerveuses.
Leprince et al. ont mené une étude
observationnelle appréciant l’influence de
l’obésité sur la réalisation du bloc axillaire.
Quatre cent quatre-vingt-trois blocs, dont
70 sur des sujets obèses, ont été effectués
par des anesthésistes expérimentés (8).
Le temps de réalisation (12 ± 6 mn dans
les deux groupes) et le taux d’échec
des blocs (8 % dans le groupe “obèses”
versus 4 %) n’étaient pas statistiquement
différents. La difficulté de réalisation du
bloc (évaluée par les anesthésistes sur
une échelle visuelle de 0 à 100 mm) était
cependant plus élevée dans le groupe des
patients obèses.
Ces trois études montrent que les taux de
succès des ALR périphériques réalisées
par neurostimulation restent satisfaisants
chez le sujet obèse. L’obésité ne doit
donc pas priver les patients d’une ALR
périphérique. Le temps de réalisation des
blocs aurait été un élément intéressant
à prendre en compte dans les études de
Nielsen et al. et Franco et al.
Concernant la réalisation des anesthésies
péridurales chez les parturientes obèses,
Hood et Dewan ont retrouvé un taux
d’échec à la mise en place dès la première
tentative des cathéters qui peut être
particulièrement élevé (42 %) [9]. De
même, Perlow et Morgan ont noté que,
parmi les parturientes obèses morbides, la
localisation de l’espace péridural nécessite
plus d’une tentative pour 74,4 % d’entre
elles, et plus de 3 tentatives pour 14 %
d’entre elles (10).
La difficulté de réalisation des
rachianesthésies chez les sujets obèses
n’a pas fait l’objet d’études spécifiques
récentes, excepté celle menée par
Horikawa et al. (11). Dans cette étude
rétrospective portant sur 90 patientes (dont
41 obèses) ayant eu une césarienne, le
temps de réalisation des rachianesthésies
n’était pas plus élevé dans le groupe des
parturientes obèses. Certains anesthésistes
préfèrent cependant chez l’obèse,
même pour une rachianesthésie seule,
repérer au préalable l’espace péridural
avec une aiguille de Tuhoy afin qu’elle
serve d’“introducteur” à leur aiguille de
rachianesthésie plus souple.
L’échographie permettrait d’améliorer le
taux de succès et de raccourcir la durée
de réalisation des ALR, en facilitant le
repérage des structures anatomiques (5,
12). Son utilité chez le patient obèse a
été, pour l’instant, peu étudiée.
Concernant le repérage échographique
comme aide à la réalisation des ALR
périphériques chez les patients obèses,
aucune étude comparative n’a été publiée à
ce jour. Schwemmer et al. ont comparé les
taux de succès de blocs interscaléniques
réalisés sous échographie seule, chez
35 patients de poids normal (IMC < 25 kg/
m
-2
) et chez 35 patients en surpoids (IMC
> 25 kg/m-2) [13]. Le taux de succès des
blocs n’apparaissait pas statistiquement
différent entre les deux groupes de
patients.
Grau et al. ont étudié l’apport du repérage
échographique avant une ponction dans
la réalisation d’anesthésies péridurales
lombaires présumées difficiles (du fait
d’un antécédent de péridurale difficile,
d’une déformation rachidienne ou d’une
obésité), chez 72 parturientes (14). Après
randomisation, les patientes étaient
réparties en deux groupes, un groupe
échographie et un groupe contrôle. Le
nombre de tentatives et celui de ponctions
nécessaires avant localisation de l’espace
péridural étaient significativement
diminués dans le groupe échographie.
Par ailleurs, la visualisation de l’espace
péridural, de la dure-mère et du ligament
jaune était jugée bonne ou suffisante pour
la quasi-totalité des patientes du groupe
échographie. Wallace et al. avaient déjà
utilisé, avec succès, la technique du
repérage échographique avant ponction
pour la réalisation d’anesthésies
péridurales lombaires chez 36 parturientes
obèses programmées pour césarienne
(15). Le repérage échographique semble
faciliter la réalisation d’une anesthésie
péridurale lombaire chez la parturiente
obèse.
Comment adapter
les doses
chez le patient
obèse ? (encadré I)
Concernant la réalisation des ALR
périphériques, l’utilisation des doses
habituelles d’AL selon le type de bloc
réalisé est de règle afin de prévenir une
résorption systémique trop importante.
Il n’y a donc pas lieu d’augmenter la
quantité d’AL chez le sujet obèse. En
témoignent indirectement les taux de
succès élevés des blocs réalisés dans les
études de Franco et al., Leprince et al.