faut-il une consultation apres une alr

publicité
Anesthésie locorégionale 141
FAUT-IL UNE CONSULTATION APRES UNE A.L.R?
X. Maschino, Y. Auroy, L. Nam-Hong, B. Lenoir, DAR, HIA Percy, 92 141 Clamart .
L’intérêt de la consultation anesthésique réalisée à distance de l’acte et de la visite
pré-anesthésique est actuellement bien admis. Le besoin d’une consultation «postanesthésique» a, à notre connaissance pour l’instant, peu fait l’objet d’une réflexion
dans la littérature anesthésique. Ceci est à mettre en perspective avec le fait que les
patients sont tous revus en consultation par le chirurgien à distance de leur intervention,
alors que les anesthésistes sont souvent «absents» de cette période comme si la période
post-anesthésique, comparée à la période pré-anesthésique était perçue comme une
période de moindre intérêt.
La question «faut-il une consultation systématique après une ALR» n’est pas spécifique à l’ALR, mais pourrait être posée, quelle que soit la technique d’anesthésie
cependant pour respecter le cadre de la question qu’il nous est demandée de traiter,
nous nous limiterons aux techniques d’anesthésie locorégionale.
Avant d’envisager l’intérêt et les limites de cette question, il convient de rappeler
que l’anesthésie n’est qu’un élément d’un processus complexe de soins au cours duquel
sont administrés des soins anesthésiques et chirurgicaux par de multiples opérateurs
(figure 1).
Indication
d’intervention
Consultation
d’anesthésie
HOPITAL
Bloc opératoire
Salle
d’opération
Intervention
SSPI
Guérison ou
stabilisation
Anesthésie
Figure 1 : Schéma du processus des soins liés à une intervention réalisée sous anesthésie.
142 MAPAR 2001
Souvent, dans la pratique actuelle, la prise en charge d’un patient devant bénéficier
d’une anesthésie, générale ou locorégionale, débute au moment de la consultation d’anesthésie, se poursuit par la visite pré-anesthésique et l’anesthésie proprement dite, le patient
ne pouvant quitter la salle de réveil que si certaines conditions sont remplies.
La prise en charge postopératoire du patient est souvent moins bien définie et est
mal évaluée.
Les arguments en faveur d’une consultation après une ALR peuvent être déclinés
autour de trois axes : Information - Evaluation - Prévention.
Le compte-rendu du déroulement de l’anesthésie se fait le plus souvent très précocement après l’anesthésie et de manière orale et succincte. La consultation post-anesthésique
pourrait être l’occasion de la remise d’un compte-rendu écrit d’anesthésie prenant en
compte les éléments post-interventionnels. Si l’édition de ce dernier est actuellement
réalisée par certaines équipes, cette pratique reste néanmoins peu développée et la
teneur du compte-rendu est souvent mal définie.
La consultation post-anesthésique peut permettre une détection, une analyse et une
meilleure gestion des complications. Si l’étude de la littérature sur les complications
anesthésiques suggère que la majorité de ces dernières surviennent au cours de la
période «opératoire» (salle d’opération et salle de réveil), il convient de dissocier la
notion de survenue de la complication avec la détection de cette dernière. Ainsi, la
fréquence de survenue (perçue comme élevée) des complications peropératoires est en
partie liée au biais que l’«on ne mesure que ce que l’on recherche». Cette problématique se pose de manière différente selon la nature de l’anesthésie et le type de
complications envisagés. Ainsi, elle se pose de manière plus importante pour la détection des complications neurologiques, en particulier lorsqu’elles sont associées à l’ALR
en raison de l’analgésie postopératoire prolongée (la complication n’apparaissant que
dans le service d’hospitalisation).
Dans l’analyse des cas cliniques rapportés par SOS ALR, un certain nombre de
complications sont détectées par le chirurgien qui a opéré le patient ou par un anesthésiste qui revoit le patient pour une autre intervention. Ainsi, il existe une
sous-évaluation des incidents associés à un probable défaut de gestion de ces complications. La situation en obstétrique est intéressante car l’ALR y est fortement représentée
et les complications neurologiques après accouchement sont fréquentes (indépendamment de l’ALR). La question de la responsabilité de l’analgésie péridurale dans la
survenue d’une lombalgie ou d’une radiculalgie est donc souvent posée. On peut se
demander si l’absence relative de «l’anesthésie» dans la période après l’accouchement
ne représente pas un facteur négatif dans l’évaluation et la gestion de ces complications
neurologiques. Par ailleurs, cette absence représente un facteur négatif pour la spécialité (l’absent ayant toujours tort) cependant, il faut se garder de se focaliser sur la question
de l’imputation d’une complication à l’anesthésie ou à l’intervention car cette approche
poussée à l’extrême est probablement réductrice et ne contribue pas à une bonne maîtrise du risque dans son ensemble.
A côté de ces accidents ou complications, la consultation post-anesthésique peut
être l’occasion d’identifier des évènements mineurs sans conséquence pouvant, par
exemple, remettre en cause le choix de la technique pratiquée ou d’identifier des dysfonctionnements systémiques, c’est-à-dire impliquant l’organisation générale des soins.
Enfin, l’information sur le déroulement de l’anesthésie et l’identification des incidents ont un impact en terme de prévention pour les éventuelles futures anesthésies
réalisées dans un autre établissement, à condition que cette information soit complète
et écrite et que l’étiologie d’une éventuelle complication soit recherchée.
Anesthésie locorégionale 143
La question de l’intérêt d’une consultation post-anesthésique ne doit pas être uniquement centrée sur la détection et la gestion des complications. En effet, l’évaluation
d’autres paramètres (en particulier des «succès») est une nécessité pour la gestion du
risque lié au processus interventionnel. L’analyse des causes d’amont de certaines complications associées à l’ALR montre qu’il existe une prise en compte insuffisante de
certains paramètres comme le caractère plus ou moins algique d’une intervention
(ex. : déficit crural lié à la mise en place d’un cathéter crural pour une analgésie postopératoire après une arthroscopie du genou réalisée sous anesthésie générale chez un
sportif de haut niveau), la réalisation ou non d’une kinésithérapie très précoce, les pertes sanguines réelles et la stratégie transfusionnelle prévue. Cette prise en compte
insuffisante peut avoir pour origine une absence totale de prise en compte du paramètre, mais le plus souvent il s’agit d’une évaluation locale insuffisante du paramètre en
cause. Ainsi, l’évaluation locale de ces paramètres réalisée de manière systématique
(indépendamment de l’existence d’une complication) fournit un retour d’information
indispensable pour la gestion locale du risque lié au processus interventionnel.
Ainsi, au travers de ces arguments, une consultation systématique réalisée à distance
d’une anesthésie semble intéressante, voire probablement nécessaire.
Néanmoins, cette réalisation se heurte à des difficultés organisationnelles prévisibles qu’il ne faut pas sous estimer, en particulier en raison de l’évolution démographique
de notre spécialité de l’absence d’une régulation des interventions mais aussi à des
incidences financières. Par ailleurs, il est difficile de prévoir la réaction (initiale) des
patients face à cette nouvelle consultation.
Au total, de nombreux arguments sont en faveur d’une consultation postanesthésique, avec des effets pour le patient, l’anesthésiste et la structure qui a pris ce
patient en charge, même si la réalisation d’une telle consultation peut sembler actuellement difficile, voire impossible.
Téléchargement