AACR 2012 : une belle moisson… Chicago, 31 mars-4 avril 2012

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Échos
des
congrès
AACR 2012 : une belle moisson…
Chicago, 31 mars-4 avril 2012
K. Leroy*, A. Vincent-Salomon**
© christopherarndt
Comme chaque année, l’AACR a réuni des milliers de chercheurs, scientifiques et
médecins, autour des nouveautés dans les domaines de la génomique du cancer, de l’hétérogénéité cellulaire intratumorale, de la réponse immunitaire, des
thérapies ciblées, du métabolisme tumoral, etc. Les avancées spectaculaires de
ces dernières années ouvrent la voie à des concepts novateurs, l’impact thérapeutique est déjà là !
Immunothérapie : c’est déjà demain
* Département de
pathologie, Inserm U955,
hôpital Henri-Mondor (APHP), Créteil ; université
Paris Est-Créteil.
** Département de
pathologie, Inserm U830,
Institut Curie, Paris.
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Des progrès essentiels dans la compréhension des
mécanismes régulant la réponse immunitaire et du
rôle de celle-ci dans la croissance tumorale, ainsi
que des essais thérapeutiques concluants, ont remis
l’immunothérapie sur le devant de la scène ; aussi une
session plénière lui était-elle consacrée cette année.
Lisa M. Coussens (Portland, États-Unis) a présenté le
rôle des différentes populations lymphocytaires dans
le contrôle de la croissance tumorale et a insisté sur la
notion de spécificité tissulaire d’origine dans l’infiltrat
inflammatoire des cancers. Elle a montré, à l’aide de
modèles murins, le rôle protumoral des lymphocytes B
dans la croissance des carcinomes épidermoïdes et celui
des lymphocytes T CD4+ et des macrophages dans la
croissance des tumeurs mammaires. James P. Allison
(New York, États-Unis) et Suzanne L. Topalian (Baltimore,
États-Unis) ont rappelé les différents mécanismes contribuant à établir une tolérance du système immunitaire
et le rôle critique des récepteurs inhibiteurs CTLA4 et
PD1 à la surface des cellules T. L’ipilimumab, anticorps
monoclonal anti-CTLA4, a déjà obtenu une autorisation de mise sur le marché dans le cas des mélanomes
métastatiques. Un anticorps anti-PD1 est actuellement
testé dans des essais de phase I dans différents cancers.
L’expression de PDL1 (ligand de ce récepteur) par les cellules tumorales, induite par les signaux oncogéniques et
l’interféron γ, pourrait constituer un marqueur prédictif
de l’efficacité thérapeutique. Par ailleurs, les réponses à
l’anticorps anti-PD1 pourraient être potentialisées par
l’addition d’un agent déméthylant activant la signalisation pro-inflammatoire. L’intérêt de combiner des
anticorps bloquant PD1 et CTLA4 ou d’associer des
stimuli activateurs (récepteurs ICOS, OX40, CD137) pour
lever l’immunosuppression est en cours d’évaluation.
Dans le contexte des mélanomes, Patrick Hwu (Houston,
États-Unis) a présenté l’intérêt de combiner l’immunothérapie anti-CTLA4 à une thérapie ciblant l’oncogène
BRAF V600E, avec pour objectif l’obtention de réponses
majeures plus durables que celles observées avec le
vémurafénib seul et plus fréquentes que celles relevées
avec l’ipilimumab seul. L’oncogène BRAF V600E active la
signalisation IL-1 et, par ce biais, l’expression de PDL1,
mais il contrôle également l’expression du VEGF, qui
semble interférer avec la migration des lymphocytes
T dans la tumeur.
Les vaccins développés par le National Cancer Institute
(NCI) sont des vecteurs viraux dérivés de la vaccine, comportant une ou plusieurs cibles antigéniques (PSA dans
le cas du vaccin Prostvac®, CEA et MUC-1 pour le vaccin
PANVAC) associées à 3 molécules de costimulation lymphocytaire (ICAM-1, LFA-3 et B7.1, ou TRICOM). Les essais
réalisés avec ces vaccins et présentés par James L. Gulley
(Bethesda, États-Unis) montrent des effets antitumoraux
parfois retardés mais persistants, une toxicité minimale
et un gain de survie globale dans le cancer de la prostate
ou le cancer colorectal métastatique. Leur utilisation
en combinaison avec des stratégies thérapeutiques
classiques est en cours d’évaluation. Enfin, l’approche
présentée par Carl H. June (Philadelphie, États-Unis) est
très différente, puisqu’elle est fondée sur la possibilité
d’armer “activement” les lymphocytes T effecteurs. Il est
en effet désormais possible de produire en 10 jours, et
à un coût raisonnable (15 000 dollars américains), des
lymphocytes T exprimant un récepteur pour l’antigène
Correspondances en Onco-Théranostic - Vol. I - n° 2 - avril-mai-juin 2012
AACR 2012 : une belle moisson…
chimérique, prêts à être injectés au patient. Le récepteur pour l’antigène chimérique, codé par un vecteur
lentiviral, comporte une partie extracellulaire, simple
chaîne de reconnaissance d’un antigène spécifique, et
une partie intracellulaire de signalisation avec des motifs
ITAM. Le traitement de 3 patients atteints de leucémie
lymphocytaire chronique réfractaire, par infusion de
lymphocytes armés anti-CD19, a permis d’obtenir des
rémissions moléculaires complètes persistantes chez
2 patients, démontrant ainsi la faisabilité et l’efficacité
de cette approche.
Décidément, l’immunothérapie est de retour, et son
association avec les thérapeutiques classiques ou
ciblées promet de belles avancées !
K. Leroy
La génomique à l’ère du séquençage
massif : des avancées spectaculaires !
Le génome des tumeurs comprend des centaines de
mutations et d’anomalies de nombre et de structure
des chromosomes, successivement acquises au cours
de la carcinogenèse. Le séquençage massif permet d’en
décrypter la complexité et la chronologie.
Eliane Mardis (Washington University in St Louis) a présenté le “paysage génomique émergent du génome
tumoral”. Les résultats obtenus par séquençage massif montrent le niveau d’hétérogénéité intratumorale
des tumeurs malignes (leucémies aiguës myéloïdes,
carcinomes mammaires) et surtout la chronologie de
survenue des altérations moléculaires. Les analyses
réalisées sur des échantillons avant et après chimiothérapie pour des leucémies myéloïdes aiguës ont identifié
l’acquisition de mutations supplémentaires induites
par les traitements et, en particulier, de nombreuses
transversions (remplacement d’une base purique par
une base pyrimidique).
Une signature de réponse aux antiaromatases en néo­
adjuvant sur une série de 46 carcinomes du sein luminaux (essai clinique du NCI : ACOSOG Z1031) a été définie
à partir des données du séquençage massif. Un haut
niveau de complexité génomique initial (nombreuses
mutations avec oligoclonalité intratumorale) est corrélé
à la non-réponse aux antiaromatases. L’identification de
mutations parmi les tumeurs non répondeuses devrait
permettre de comprendre les mécanismes de résistance
aux antiaromatases et de proposer éventuellement des
thérapies ciblées associées, puisque certaines mutations
sont observées sur des gènes cibles (MET, JAK1, JAK2,
BRAF, PDGFRA, etc.), mais qui n’ont bien évidemment
pas encore l’approbation de pareilles prescriptions par
la Food and Drug Administration !
Bill Sellers (Novartis) a présenté les fruits de la collaboration entre le Broad Institute (MIT, Cambridge, ÉtatsUnis) et Novartis : l’analyse à haut débit par séquençage
massif de plus de 900 lignées cellulaires (1) ainsi que
l’analyse de la réponse à 24 drogues sur plus de 400
lignées cellulaires et les marqueurs génomiques associés à la réponse à ces thérapies ciblées.
Les raisons et les objectifs de cette collaboration étaient :
✓✓ la compréhension incomplète des caractéristiques
des altérations génomiques des cancers ;
✓✓ la difficulté de développer des drogues qui bloquent
l’activité des oncogènes non kinases comme MYC ou
RAS ou de restaurer l’activité de gènes suppresseurs
de tumeurs comme TP53 ou RB1 ;
✓✓ le développement de résistances aux thérapies
ciblées ;
✓✓ le besoin de déterminer les combinaisons les plus
efficaces parmi les thérapies ciblées ;
✓✓ l’absence d’infrastructures précliniques robustes
pour prédire les essais cliniques les plus pertinents.
Ces travaux ont montré la sensibilité des lignées dérivées de myélomes à des inhibiteurs de l’IGF1R, l’expression forte du gène AHR (Aryl Hydrocarbon Receptor)
comme marqueur de réponse aux inhibiteurs de MEK
dans les lignées NRAS mutées et, enfin, l’expression de
SLFN11 (SchLaFeN family member 11) comme marqueur
de la réponse aux inhibiteurs de la topo-isomérase 1.
Les résultats présentés seront à prendre en considération pour le schéma des futurs essais cliniques avec
thérapies ciblées seules ou en combinaison et devraient
faire gagner en spécificité et en sensibilité.
Dans le même esprit, Michael Stratton et son équipe
du Sanger Institute (Cambridge, Royaume-Uni) ont présenté les résultats publiés en mars dans Nature (2) d’une
analyse de la sensibilité et de la résistance à plus de 130
drogues de lignées cellulaires in vitro. De ces travaux a
émergé la sensibilité inattendue des lignées de tumeurs
d’Ewing porteuses de la translocation t(EWS;Fli1) à l’olaparib (AZD-2281), inhibiteur de PARP, cette sensibilité
venant juste après celle des cellules porteuses de la
translocation t(BCR;ABL) à l’imatinib !
A. Vincent-Salomon
Correspondances en Onco-Théranostic - Vol. I - n° 2 - avril-mai-juin 2012
Références
1. Barretina J, Caponigro G,
Stransky N et al. The Cancer
Cell Line Encyclopedia enables
predictive modelling of anticancer drug sensitivity. Nature
2012;483(7391):603-7.
2. Garnett MJ, Edelman EJ,
Heidorn SJ et al. Systematic
identification of genomic
markers of drug sensitivity in cancer cells. Nature
2012;483(7391):570-5.
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