Correspondances en Métabolismes Hormones Diabètes et Nutrition - Vol. XIV - n° 4 - avril 2010
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Cas clinique
Un syndrome tumoral (subocclusion, occlusion, saigne-
ment digestif) peut parfois révéler la maladie intestinale
en l’absence de symptomatologie sécrétoire. Quatre à
10 % des patients avec lésions secondaires hépatiques
présentent un syndrome carcinoïde associant classi-
quement diarrhée, ush, bronchoconstriction et car-
diopathie carcinoïde. La symptomatologie est variable
d’un patient à l’autre, comme au cours du temps. Les
ushs peuvent être spontanés ou provoqués par l’in-
gestion de certaines substances comme pour notre
patient. L’existence d’une diarrhée (motrice et sécré-
toire) chronique peut se compliquer d’un syndrome
de malabsorption (2).
L’évaluation biologique chez ces patients comprend
le dosage de 5HIAA dans les urines de 24 heures, de
chromogranine A plasmatique. Ces deux marqueurs
sont des indicateurs pronostiques et sont également
utiles lors du suivi (2).
Le scanner abdomino-pelvien, l’entéroscanner, la colos-
copie ou l’IRM sont les premiers examens réalisés à la
recherche de la lésion primitive, et pour compléter le
bilan d’extension. Si la tumeur primitive n’est pas mise
en évidence, l’échoendoscopie, la vidéocapsule peu-
vent être utiles pour étudier respectivement la région
duodéno-pancréatique et l’intestin grêle. L’imagerie
fonctionnelle repose sur la scintigraphie des récepteurs
à la somatostatine (Octréoscan
®
), qui est un examen
à la fois spécique des tumeurs endocrines et inté-
ressant pour explorer le corps entier. Les métastases
osseuses peuvent être visualisées sur l’Octréoscan
®
,
ou être recherchées spéciquement par une scintigra-
phie osseuse. L’IRM rachidienne ou le scanner rachidien
précisent mieux le risque fracturaire ou neurologique.
La chirurgie est le traitement de référence des tumeurs
endocrines bien diérenciées et localisées. En pré-
sence de métastases hépatiques, elle reste une option
à discuter : l’exérèse du foyer primitif intestinal peut
éviter une complication occlusive et une chirurgie
de réduction tumorale hépatique peut permettre de
réduire le syndrome fonctionnel. En l’absence d’indi-
cation chirurgicale, des traitements locaux tels que la
chimioembolisation hépatique, l’ablation par radiofré-
quence, la cryothérapie représentent des pistes théra-
peutiques en fonction du nombre et de la distribution
des foyers tumoraux (2). Le bénéce des analogues
de la somatostatine est réél dans le contrôle clinique
du syndrome carcinoïde (ecacité dans 40 à 80 % des
cas, en corrélation avec une baisse de sécrétion des
marqueurs biologiques). Leur action antitumorale n’est
pas armée, néanmoins une stabilisation semble être
obtenue pour 50 % à 60 % des patients présentant des
tumeurs progressives et chez des patients ayant un
faible volume tumoral hépatique (3, 4). Les chimiothé-
rapies systémiques donnent des résultats décevants. La
radiothérapie métabolique par les analogues radiomar-
qués de la somatostatine (177 Lu-Dota-octreotate ou
90-Yttrium-Dota-octreotate) constitue une alternative
thérapeutique intéressante à la fois pour le contrôle
symptomatique et tumoral. Ces traitements dispo-
nibles aux Pays-Bas, en Belgique et en Suisse ne sont
pas encore délivrés en France.
L’évaluation cardiaque des patients porteurs de
tumeurs endocrines fonctionnelles est indispensable
dès le moment où une élévation de 5HIAA urinaire
est mise en évidence. L’examen clinique recherchera
un soue tricuspidien, des signes périphériques d’in-
susance ventriculaire droite. L’électrocardiogramme
est le plus souvent normal. L’échocardiographie est
un temps essentiel, elle évalue la fonction cardiaque
globale, la morphologie et la mobilité des valves. L’IRM
cardiaque permet une étude plus ne de la morpho-
logie cardiaque. En 1993, P.A. Pellikka a évalué la fonc-
tion cardiaque de 74 patients, 56 % étaient porteurs
d’un retentissement cardiaque dont la majorité pré-
sentait un épaississement de la valve tricuspide (plus
ou moins rétractée) responsable d’une insusance
tricuspidienne. L’atteinte de l’endocarde correspond
à des dépôts de tissu breux, localisée préférentiel-
lement au niveau du cœur droit (la sérotonine et les
autres molécules vasoactives sont inactivées lors du
passage pulmonaire). L’atteinte est valvulaire mais
concerne aussi les cordages et les muscles papillaires.
L’épaississement valvulaire tricuspidien ainsi que pulmo-
naire doit être recherché de façon attentive. L’atteinte
valvulaire du cœur gauche est rare (7 % des patients
selon P.A. Pellikka, en raison soit d’un foramen ovale,
soit d’un foyer tumoral pulmonaire). L’atteinte cardiaque
carcinoïde semble bien corrélée à l’exposition à la séro-
tonine. La production de 5HIAA est signicativement
plus importante chez les malades porteurs d’une car-
diopathie carcinoïde. L’atteinte cardiaque est par ailleurs
un facteur indépendant de mauvais pronostic (5-8). Le
taux de survie dépend du stade, de la diérenciation
de la maladie. Il est évalué à 5 ans, à 65 % en l’absence
de métastases, et à 36 % en présence de localisations
secondaires ; il dépend également de l’existence d’une
atteinte cardiaque (taux de survie à 3 ans : 68 % sans
atteinte cardiaque, 31 % avec) [1, 7].
En ce qui concerne la physiopathologie de l’atteinte
cardiaque ischémique, notre patient présente de façon