le secteur privé pour tenir compte des attentes de l’usager. A ce titre, je m'étonne encore que nos interlocuteurs dans les
services communication des collectivités n'aient aucune formation marketing. Historiquement, les personnes dans le
public qui occupent des postes en communication sont majoritairement issues des formations en sciences de
l'information et de la communication. Ces personnes sont très bien formées aux notions d'information, de communication,
aux processus et aux usages de l'information et de la communication, elles sont souvent très créatives, mais elles n'ont
pas de formation en gestion. Elles ne sont pas forcément aptes à établir un plan de communication et à en mesurer ses
effets, comme le monde actuel l'exige. Un chef d'entreprise n'embauchera jamais des personnes sans formation en
gestion pour son service communication/marketing, mais se tournera vers des personnes formées dans des IAE
(Instituts d'administration des entreprises), dans des écoles de commerce, etc. Cette situation n'est pas anodine car il est
parfois difficile de collaborer concrètement avec des collectivités, alors que les besoins semblent importants.
Quels sont les principaux besoins des collectivités auxquels le marketing peut répondre ?
L'un d'entre eux est la prise en compte de la légitimité des collectivités à diffuser tel ou tel message de communication,
de telle ou telle manière. Une plaquette extrêmement travaillée, sur un support de grande qualité très couteux sera très
mal perçue par le public considérant que cet argent aurait du être destiné à d'autres actions. Une association aura tout
intérêt pour garder sa crédibilité et ne pas nuire à son message à utiliser des méthodes « modestes ». Il en est de même
pour la nature du message : un usager accepte qu'une collectivité lui parle du cadre de vie, de sécurité, de
développement durable, etc. Par contre, il est difficilement concevable qu’une collectivité, par exemple une commune,
affiche qu’il vaut mieux vivre chez elle que dans la commune voisine, mêmes s’il existe des éléments concrets de
comparaison.
Cela signifie que le transfert de certaines méthodes très commerciales du marketing du privé au public ou au social n'est
pas du tout évident. Si de nombreux principes restent pertinents, il y a des ajustements à faire.
Comment la montée en puissance du développement durable résonne-t-elle sur les pratiques du marketing ? Le
consommateur/usager parait de plus en plus éclairé sur les biens et services disponibles, comme sur les
pratiques déployées pour le pousser à consommer...
Il y a effectivement une pression de la société pour des pratiques plus responsables. Hier, en gestion, on parlait de
développement durable, aujourd'hui on parle de plus en plus de la responsabilité sociale des entreprises. La RSE
implique des pratiques respectant un certain nombre de normes. Un colloque à Clermont-Ferrand l'année dernière nous
a permis d'explorer ce thème. Il y a schématiquement deux cas de figure : soit vous changez vos pratiques, intégrez le
volet social et sociétal dans votre bilan pour répondre aux obligations légales ou pouvoir prétendre à des appels d'offre
publics exigeant cet engagement, soit vous vous engagez dans une démarche proactive et pouvez acquérir ainsi un
avantage de pionnier, ce qui me parait beaucoup plus intéressant. C'est le cas par exemple de Toyota qui le premier
s'est engagé sur la voie des véhicules hybrides. Aujourd'hui, de nombreux constructeurs automobiles en proposent mais
ils n'ont plus d'avantages concurrentiels à le faire, et c'est encore Toyota qui est présent dans tous les esprits comme un
constructeur soucieux de l'environnement.
Cette déclinaison de la notion de développement durable dans les entreprises est-elle utilisée par le marketing,
pour toucher les consommateurs/usagers ?
Tout d'abord, il faut savoir que cette logique de RSE parait « so frenchy » aux Américains qui ne comprennent pas
pourquoi les entreprises françaises se posent ces questions autour des pratiques socialement responsables. Pour eux,
l'objectif d'une entreprise est de faire du profit, tout au moins de ne pas faire de pertes : elle n'a pas d'autres
responsabilités. Aux Etats-Unis, les hommes, les « charities » ou les fondations s'engagent et développent diverses
actions responsables, mais les entreprises n'ont pas à jouer ce rôle. En France, l'entreprise dépasse la sphère purement
commerciale, on lui prête un rôle social : l'entreprise est considérée comme responsable du bonheur de ses employés,
de la qualité de l'air, de sa consommation d'énergie... L'histoire de Michelin est en cela tout à fait exemplaire : à une
époque, Michelin faisait vivre la ville de Clermont-Ferrand tout entière. C'est Marcel Michelin qui est à l'origine de l'ASM
Clermont Auvergne (ASM signifiant Association Sportive Michelin). Créée en 1912, cette association avait pour but de
distraire et de donner le goût de l'effort aux employés de la Manufacture Michelin.
En France, l'entreprise est considérée comme responsable de tout ce qu'elle fait. Le consommateur et l'usager ont donc
des attentes fortes vis-à-vis des entreprises. Certains veillent à ce que tous leurs choix de consommation soient en
accord avec les principes du développement durable, privilégient telle ou telle entreprise pour leurs pratiques, en
boycottent d'autres, renoncent totalement à certains biens ou services... mais à l'heure actuelle, consommer de cette
manière est un sacerdoce et ces consommateurs sont encore très rares. Cette tendance est néanmoins très étudiée. En
pratique, la majorité des consommateurs et des usagers ne prennent pas en compte les pratiques de l'entreprise, car ils
ne sont pas suffisamment informés pour le faire. Qui en France sait que Body shop a été racheté par l'Oréal?? En
Grande-Bretagne, l'information est davantage connue et des consommatrices ont boycotté les magasins Body shop pour
montrer leur désaccord avec la logique commerciale de l'Oréal. Est-ce que l'Oréal va continuer à tester ses mascaras sur