Dossier : réceptologie Le syndrome de Cushing surrénalien secondaire a des récepteurs hormonaux aberrants I. Bourdeau*, A. Lacroix* ✎ La sécrétion de cortisol est normalement régulée par la corticotropine (ACTH) qui se lie à son récepteur spécifique, ancré dans la membrane des cellules fasciculées et réticulées du cortex surrénalien, et active la cascade de la stéroïdogenèse. ✎ Le syndrome de Cushing est caractérisé par une production endogène supraphysiologique de cortisol. Celle-ci est le plus souvent secondaire à une production excessive d’ACTH provenant d’un adénome hypophysaire corticotrope (maladie de Cushing) ou d’une sécrétion tumorale ectopique. Une hypersécrétion surrénalienne primaire de cortisol provenant de tumeur unilatérale (adénome, carcinome) ou d’hyperplasie bilatérale (dysplasie micronodulaire pigmentaire ou hyperplasie macronodulaire) entraînera par rétroaction négative une suppression de la production hypophysaire d'ACTH. ✎ Plusieurs équipes ont récemment démontré que, dans certains cas de syndrome de Cushing surrénalien primaire (adénomes ou hyperplasie macronodulaire bilatérale), l’expression surrénalienne de récepteurs membranaires ectopiques ou l’activité accrue de récepteurs eutopiques pour des hormones autres que l’ACTH ont pour conséquence une régulation aberrante de la sécrétion de cortisol et autres stéroïdes. ✎ Le premier cas clinique rapporté de régulation aberrante du cortisol a été celui d’un syndrome de Cushing lié à l’alimentation résultant de l’expression surrénalienne ectopique du récepteur du GIP (gastric inhibitory polypeptide). ✎ Les récepteurs surrénaliens aberrants démontrés actifs in vivo, à ce jour, incluent ceux du GIP, vasopressine (V1), bêta-adrénergique, LH/hCG, sérotonine ( 5 - HT 4 ), et angiotensine (AT-1). Des études in vitro ont aussi suggéré que d’autres récepteurs tels que ceux pour l’interleukine-1, la leptine, l’hormone thyréotrope (TSH), etc. pourraient aussi être impliqués. ✎ L’expression simultanée de plus d’un récepteur aberrant a été observée chez certains patients avec hyperplasie macronodulaire bilatérale des surrénales et syndrome de Cushing. ✎ L’expression aberrante de récepteurs hormonaux semble être plus fréquente dans les hyperplasies macronodulaires bilatérales que dans les adénomes ou carcinomes avec syndrome de Cushing. ✎ L’expression aberrante de récepteurs hormonaux peut aussi être retrouvée dans des cas d’hyperplasie macronodulaire bilatérale au stade de sécrétion subclinique de cortisol sans syndrome de Cushing franc. ✎ La pertinence clinique de la recherche de récepteurs surrénaliens aberrants résulte de la possibilité d’utiliser un traitement pharmacologique en évitant une chirurgie. Ainsi, deux patients atteints de syndrome de Cushing secondaire à une hyperplasie surrénalienne macronodulaire bilatérale, l’un avec récepteurs bêtaadrénergiques, et l’autre avec récepteurs LH/hCG et sérotonine, ont été traités avec succès à long terme en inhibant pharmacologiquement le récepteur aberrant. * Service d’endocrinologie et département de médecine, Hôtel-Dieu du centre hospitalier de l’université de Montréal (CHUM). e syndrome de Cushing résulte d’une Lde cortisol sécrétion supraphysiologique chronique qui procède des cellules fasciculées et réticulées du cortex surrénalien. L’hypercorticisme est secondaire, dans 80 à 85 % des cas, à une sécrétion excessive de corticotropine (ACTH), provenant, le plus souvent, d’un adénome corticotrope hypophysaire (maladie de Cushing) ; plus rarement, elle naît de diverses tumeurs extrahypophysaires (sécrétion ectopique d’ACTH), ou très rarement résulte d’une sécrétion de corticolibérine (CRH) par des tumeurs non hypothalamiques (1). Une étiologie surrénalienne primaire est impliquée dans environ 15 à 20 % des syndromes de Cushing endogènes. Le cortisol est sécrété par un adénome ou un carcinome unilatéral ou, plus rarement, par une hyperplasie micronodulaire ou macronodulaire bilatérale (1). Dans le syndrome de Cushing surrénalien, la sécrétion excessive de cortisol entraîne, par rétroaction négative, une suppression de la synthèse de CRH et d’ACTH. La régulation de la sécrétion de cortisol par les tumeurs ou hyperplasies surrénaliennes fut longtemps considérée comme autonome, puisque l’ACTH est complètement supprimée. Des études récentes nous permettent maintenant de mieux comprendre les mécanismes pathophysiologiques qui modulent la production de cortisol et la prolifération cellulaire de ces lésions dans un sous-groupe de patients. Des études in vitro ont démontré que l’adénylcyclase et la stéroïdogenèse pouvaient être stimulées par diverses hormones, autres que la corticotropine, dans des adénomes ou carcinomes surrénaliens (2, 3) ; la notion de récepteur ectopique (aberrant, illicite) fut proposée pour expliquer la stéroïdogenèse en l’absence d’ACTH (2). Des études in vivo plus récentes confirment que la sécrétion de cortisol peut être, chez certains patients atteints d’hyperplasie macronodulaire bilatérale ou d’adénomes unilatéraux, sous le contrôle d’une diversité d’hormones, dont le récepteur membranaire, couplé aux protéines G, est exprimé de façon ectopique et entraîne une stéroïdogenèse excessive (3). 120 Act. Méd. Int. - Métabolismes - Hormones - Nutrition, Volume VI, n° 3, mai-juin 2002 Dossier : réceptologie Syndrome de Cushing secondaire à l’expression aberrante de récepteurs membranaires surrénaliens Les premières descriptions cliniques d’un syndrome de Cushing secondaire à récepteurs surrénaliens aberrants furent celles de la sécrétion de cortisol liée à l’alimentation, où une relation temporelle fut démontrée entre l’ingestion des repas et la sécrétion de cortisol (4-6). La sécrétion de cortisol suivait l’augmentation physiologique du GIP (gastric inhibitory polypeptide ou glucose-dependent insulinotropic peptide) en postprandial, engendrant une cortisolémie basse à jeun (ACTH et GIP bas) et une hypercortisolémie après les repas. Puisque le GIP n’induit pas de sécrétion de cortisol du cortex surrénalien normal, il fut proposé que cela résulte de l’expression surrénalienne ectopique de récepteurs pour le GIP (5, 6). Le syndrome de Cushing GIP-dépendant peut survenir tout autant dans des hyperplasies macronodulaires bilatérales (3, 5-9) que dans des adénomes unilatéraux (3, 4, 7, 10-12). L’expression ectopique du récepteur non muté du GIP a été démontrée par plusieurs équipes dans le tissu surrénalien GIPdépendant (3, 6-13). Lorsque la maladie est diagnostiquée en début d’évolution, la nature intermittente de l’hypercorticisme postprandial n’engendre qu’une suppression incomplète de l’ACTH et la cortisolémie à jeun n’est pas abaissée (14). Récemment, une sécrétion postprandiale d’androgènes surrénaliens et de cortisol a été retrouvée chez une patiente avec hirsutisme, syndrome de Cushing fruste et un adénome surrénalien ; il a été supposé que la cellule initiale dans laquelle le récepteur du GIP est exprimé de façon ectopique est localisée dans la zone réticulée du cortex (zone responsable de la production des androgènes surrénaliens) (15). D’autres récepteurs hormonaux aberrants ont été identifiés dans le syndrome de Cushing surrénalien. Le récepteur V1a de la vasopressine est normalement exprimé dans le cortex surrénalien, mais n’induit qu’une stimulation très faible, non perceptible, des niveaux plasmatiques de cortisol chez l’humain. Il a été démontré que ce récepteur eutopique (normalement présent) peut être surexprimé ou être hyperfonctionnel et engendrer une réponse exagérée en cortisol à la suite de l’administration exogène de vasopressine ou pendant des élévations physiologiques, tel l’orthostatisme, chez environ 25 % des cas de Cushing surrénalien (3, 1618). L’ expression ectopique de récepteurs ß-adrénergiques dans le cortex surrénalien entraîne un syndrome de Cushing, où la sécrétion de cortisol est augmentée pendant des élévations physiologiques des catécholamines plasmatiques, telles que celles dues au stress, à l’orthostatisme ou à l’hypoglycémie à l’insuline (3, 19). Une patiente avec une hyperplasie macronodulaire surrénalienne bilatérale a présenté une symptomatologie suggestive de syndrome de Cushing transitoire durant ses quatre grossesses, mais l’hypercorticisme clinique et paraclinique n’est devenu permanent qu’une dizaine d’années après le début de sa ménopause (20). La sécrétion de cortisol était stimulée par l’injection de gonadolibérine (GnRH), de gonadotropique chorionique (hCG), d’hormone lutéotrope (LH), mais pas par celle d’hormone folliculostimulante (FSH). L’administration orale de deux agonistes du récepteur 5-HT 4 de la sérotonine, soit le cisapride et le métoclopramide, augmentait également significativement la sécrétion de cortisol chez cette patiente, suggérant la fonction aberrante concomitante de récepteurs LH/hCG et sérotoninergiques de type 5-HT4. L’hypothèse retenue est qu’une augmentation transitoire des niveaux d’hCG pendant les grossesses, et une augmentation permanente de la LH, suivant la ménopause, ont activé la croissance et la stéroïdogenèse du cortex surrénalien entraînant le syndrome de Cushing (3). Un cas récent de syndrome de Cushing comportait une hyperplasie macronodulaire bilatérale, où la sécrétion de cortisol et d’aldostérone était stimulée par l’orthostatisme et semblait médiée par un récepteur AT-1 de l’angiotensine (21). Des études in vitro ont indiqué la stimulation aberrante de sécrétion de cortisol médiée par des récepteurs pour l’interleukine-1 (22) ou la leptine (9). Finalement, la présence concomitante de plusieurs récepteurs hormonaux aberrants a été décrite dans des hyperplasies macronodulaires des surrénales : LH/hCG et sérotonine 5-HT4 (20), vasopressine-V1a et ßadrénergique (23), GIP et leptine (9), vasopressine-V1a et sérotonine 5-HT4 (23), LH/hCG, sérotonine 5-HT4 et vasopressineV1a (23), ainsi que, possiblement, LH/hCG et GIP (24). L’expression d’un ou de plusieurs récepteurs aberrants a aussi été retrouvée dans des cas d’hyperplasie macronodulaire bilatérale identifiés au moment où les patients ne présentaient qu’une sécrétion subclinique de cortisol (cortisolurie dans les limites de la normale, suppression anormale par la dexaméthasone) sans signe ni symptôme de syndrome de Cushing (23). Comment identifier la présence des récepteurs aberrants ? Un protocole d’investigation clinique a été élaboré afin de mettre en évidence la présence de récepteurs membranaires surrénaliens aberrants (25). Il est proposé à tous les patients avec syndrome de Cushing secondaire à un adénome unilatéral ou à une hyperplasie macronodulaire bilatérale. Les stimulations utilisées en dépistage permettent de rechercher la présence de récepteurs aberrants qui ont déjà été décrits dans les études in vitro ou in vivo précédentes (2, 3). La stratégie consiste à procéder à des stimulations physiologiques et pharmacologiques de différents ligands. S’il y a des récepteurs aberrants couplés à la stéroïdogenèse dans le cortex surrénalien, ils seront révélés par la liaison de leurs ligands. Le cortisol plasmatique et autres stéroïdes ou hormones pertinentes sont mesurés aux 30-60 minutes sur une période de 2 à 3 heures (tableau I). 121 Act. Méd. Int. - Métabolismes - Hormones - Nutrition, Volume VI, n° 3, mai-juin 2002 Dossier : réceptologie Tableau I. Protocole de dépistage initial de la présence de récepteurs surrénaliens aberrants. Temps (minutes) -60 Jour 1 Jour 2 Jour 3 -15 0 À jeun couché * Debout* 30 60 90 120 150 180 Debout* Debout* Debout* Debout* Couché* Repas mixte* À jeun couché * GnRH 100 µg i.v.* * * * * À jeun couché * Glucagon 1mg i.v.* * * * * 210 240 270 300 * * * * 330 360 390 420 450 480 ACTH 250 µg i.v.* * * * * Vasopressine 10 UI i.m.* * * * * * TRH 200 µg i.v.* * Métoclopramide * 10 mg p.o. * * * * * * *Prélèvements sanguins pour cortisolémie, ACTH, autres hormones et signes vitaux. Le test initial est un test de posture qui consiste en un repos de 60 minutes en supination, suivi par une période d’ambulation pendant 2 heures ; cela permet de détecter la présence possible de récepteurs aberrants pour l’angiotensine, la vasopressine ou les catécholamines. Ensuite, le patient ingère un repas mixte de glucides, lipides et protéines pour évaluer une réponse aberrante possible à une des hormones gastro-intestinales. La première journée se termine avec l’administration intraveineuse de 250 µg d’ACTH 1-24 qui constitue un point de référence de la stéroïdogenèse maximale de la masse tumorale surrénalienne. Au cours d’une autre journée, 100 µg de GnRH sont administrés i.v. et évaluent la présence potentielle de récepteurs aberrants pour la FSH, la LH/hCG et la GnRH. Cela est suivi par un bolus i.v. de 200 µg de TRH pour évaluer la présence de récepteurs aberrants pour la TSH, la prolactine ou la TRH. Lors du troisième jour, l’administration séquentielle de glucagon (1mg i.v.), d’argininevasopressine (10 UI i.m.) et de 10 mg de métoclopramide par voie orale permet d’évaluer la fonction aberrante de récepteurs pour le glucagon, la vasopressine (V1, V2 ou V3) ou la sérotonine (5-HT4). Nous avons défini empiriquement qu’un changement de la cortisolémie de moins de 25 % représente une absence de réponse, de 25 à 49 %, une réponse partielle et de plus de 50 %, une réponse significative. Si une réponse partielle ou positive est retrouvée, le test est répété afin de vérifier la reproductibilité de la réponse et pour déterminer si les autres stéroïdes comme l’aldostérone, le DHEAS, la testostérone et l’estradiol sont aussi modifiés ; de plus, les fluctuations des ligands hormonaux potentiellement impliqués sont déterminées (catécholamines, vasopressine, et rénine/angiotensine-II durant la posture). Si la réponse initiale pouvait impliquer plusieurs ligands simultanément, d’autres investigations spécifiques sont effectuées afin d’identifier précisément le ou les ligands impliqués (tableau II). Chez qui doit-on rechercher la présence de récepteurs surrénaliens anormaux ? Des études prospectives systématiques ont démontré que la présence de récepteurs hormonaux aberrants surrénaliens est prévalente chez les patients avec hyperplasie macronodulaire des surrénales (23, 26). Des études furent réalisées chez douze patients atteints d’hyperplasie macronodulaire bilatérale, incluant six patients avec syndrome de Cushing franc et six avec sécrétion subclinique de cortisol ; la présence d’au moins un récepteur aberrant a été démontrée in vivo chez tous les patients dépistés (23, 26). Les six patients présentant un syndrome de Cushing subclinique étaient référés pour incidentalomes surrénaliens bilatéraux. Ils présentaient des cortisoluries normales, une suppression anormale aux tests à la dexaméthasone et des niveaux d’ACTH plasmatique partiellement abaissés. Des treize patients évalués avec syndrome de Cushing secondaire à un adénome surrénalien unila- Tableau II. Stratégie d'investigation complémentaire pour la caractérisation des récepteurs surrénaliens aberrants. Stimulations Physiologiques Pharmacologiques Inhibition / Ligands Récepteurs aberrants absence de réponse repas infusion de GIP somatostatine glucose IV GIP GIP stress hypoglycémie insulinique infusion d’isoprotérénol inhibition par les β-bloqueurs catécholamines β-adrénergiques administration de GnRH, hCG, LH pas de réponse à FSH hCG placentaire orthostation grossesse ménopause inhibition à long terme par des agonistes GnRH LH orthostation vasopressine exogène déshydratation infusion de salin hypertonique vasopressine endogène inconnu cisapride, métoclopramide inhibition par une surcharge en eau pas de réponse à la desmopressine inhibition par des antagonistes V1 de la vasopressine LH/hCG vasopressine vasopressine V1 sérotonine sérotoninergiques de type 4 (5-HT4) 122 Act. Méd. Int. - Métabolismes - Hormones - Nutrition, Volume VI, n° 3, mai-juin 2002 Dossier : réceptologie téral, seulement trois présentaient des réponses partielles aux différentes stimulations (26). Des résultats semblables ont été récemment présentés par une autre équipe qui a démontré la présence de récepteurs aberrants chez cinq patients avec hyperplasie macronodulaire bilatérale et syndrome de Cushing (24). Bien que moins prévalente, la présence de récepteurs aberrants pour la vasopressine, le GIP et la LH a été rapportée dans des cas de syndrome de Cushing avec adénome unilatéral (3, 18). Il est certain que des mécanismes autres que celui des récepteurs hormonaux aberrants sont impliqués dans la pathophysiologie des tumeurs surrénaliennes sécrétant du cortisol, tels que des altérations de la voie de signalisation de l’AMP cyclique (protéines G, PKA, CREB), des oncogènes et des antioncogènes (27-29). Traitement pharmacologique potentiel L’identification de récepteurs surrénaliens aberrants chez des patients avec syndrome de Cushing ACTH-indépendant peut, dans certains cas, permettre l’utilisation d’un traitement pharmacologique en alternative à la chirurgie. Le traitement médical est d’autant plus intéressant lorsque l’atteinte surrénalienne est bilatérale, puisque son efficacité pourrait éviter la surrénalectomie bilatérale et les risques inhérents à une insuffisance surrénalienne définitive. Le traitement a pour objectif soit d’inhiber la production du ligand, soit de bloquer l’activation du récepteur aberrant. Dans les cas de syndrome de Cushing GIP-dépendant, de l’inhibition de la sécrétion de GIP par l’administration chronique d’octréotide, il a résulté une amélioration clinique et biochimique pendant quelques semaines chez certains patients (6, 10) ; cependant, une absence d’efficacité de l’octréotide a nécessité le recours à une surrénalectomie. L’administration de propranolol, un ß-bloquant, a permis de normaliser à long terme la sécrétion de cortisol d’un patient avec hyperplasie macronodulaire des surrénales et syndrome de Cushing secondaire à l’expression de récepteurs β-adrénergiques aberrants (19). L’administration répétée toutes les quatre semaines de la forme dépôt d’acétate de leuprolide a maintenu les niveaux de cortisol urinaire dans les limites de la normale chez la patiente atteinte d’un syndrome de Cushing LH-dépendant (20). Elle a récupéré un axe hypothalamo-hypophyso-surrénalien normal en une période de six mois suivant le début du traitement. Chez les deux patients que nous venons d’évoquer, le syndrome de Cushing clinique a disparu, mais la taille radiologique des surrénales n’a pas régressé deux à quatre ans après l’amorce du traitement. La stabilité de la taille des surrénales peut s’expliquer par le fait que des doses minimales de propranolol étaient requises pour normaliser les cortisoluries, ne bloquant ainsi que partiellement les récepteurs aberrants ; des doses plus élevées ont induit un hypocorticisme. L’acétate de leuprolide a inhibé complètement la production de LH, Tableau III. Traitement pharmacologique potentiel du syndrome de Cushing associé à des récepteurs surrénaliens aberrants. Récepteurs aberrants GIP β-adrénergiques TSH LH/hCG Vasopressine V1 Sérotoninergiques de type 5-HT4 Angiotensine-II Traitement pharmacologique potentiel somatostatine β-bloqueurs L-thyroxine analogue GnRH antagoniste V1-vasopressine antagoniste sérotonine 5-HT4 antagoniste AT-1 mais la présence de récepteurs sérotonine 5HT4 concomitante est possiblement responsable du maintien de l’hyperplasie macronodulaire. Bien que le rôle des récepteurs aberrants sur la stéroïdogenèse anormale soit maintenant bien démontré, son rôle sur la croissance tumorale reste à élucider. Finalement, le développement pharmacologique de nouveaux antagonistes de ligands ou de récepteurs aberrants laisse entrevoir de nouvelles avenues thérapeutiques (tableau III). Conclusion Le syndrome de Cushing demeure une maladie rare et complexe autant dans son investigation que ses traitements. Le concept de régulation anormale du cortisol par des récepteurs aberrants dans ses étiologies surrénaliennes primaires (adénome, hyperplasie macronodulaire) n’a été démontré qu’au cours des dix dernières années et est certainement encore sous-diagnostiqué. Nous suggérons que le dépistage systématique, in vivo, de la présence de récepteurs aberrants soit réalisé chez tous les patients avec une hyperplasie macronodulaire bilatérale des surrénales, et soit considéré dans les cas d’adénomes surrénaliens avec syndrome de Cushing. Plusieurs aspects moléculaires et génétiques restent à explorer dans la compréhension de la tumorigenèse des lésions surrénaliennes associées à l’expression aberrante de récepteurs hormonaux (3). Ces progrès, couplés au développement de nouvelles molécules capables d’inhiber de façon sélective les récepteurs hormonaux impliqués, laissent entrevoir des perspectives intéressantes pour le traitement du syndrome de Cushing surrénalien. Références 1. Nieman LK. Cushing’s syndrome. In : De Groot LJ, Jameson JL, Burger HG et al. Endocrinology. Philadephia : W. B. Saunders Co (4e éd.) 2001 : 1691-720. 123 Act. Méd. Int. - Métabolismes - Hormones - Nutrition, Volume VI, n° 3, mai-juin 2002 Dossier : réceptologie by a gastric inhibitory polypeptide-receptor expressive adrenocortical adenoma leading to hirsutism and subclinical Cushing’s syndrome : in vivo and in vitro studies. J Clin Endocrinol Metab 2001 ; 86 : 583-9. 16. Perraudin V, Delarue C, de Keyzer Y et al. Vasopressin-responsive adrenocortical tumor in a mild Cushing’s syndrome : in vivo and in vitro studies. J Clin Endocrinol Metab 1995 ; 80 : 2661-7. 17. Lacroix A, Tremblay J, Touyz RM et al. Abnormal adrenal and vascular responses to vasopressin mediated by a V1-vasopressin receptor in a patient with adrenocorticotropinindependent macronodular adrenal hyperplasia, Cushing’s syndrome, and orthostatic hypotension. J Clin Endocrinol Metab 1997 ; 82 : 2414-22. 18. Arnaldi G, Gasc JM, de Keyzer Y et al. Variable expression of the V1 vasopressin receptor modulates the phenotypic response of steroid-secreting adrenocortical tumors. J Clin Endocrinol Metab 1998 ; 83 : 2029-35. 19. Lacroix A, Tremblay J, Rousseau G et al. Propranolol therapy for ectopic beta-adrenergic receptors in adrenal Cushing’s syndrome. N Engl J Med 1997 ; 337 : 1429-34. 20. Lacroix A, Hamet P, Boutin JM. Leuprolide acetate therapy in luteinizing hormone-dependent Cushing’s syndrome. N Engl J Med 1999 ; 341 : 1577-81. 21. Nakamura Y, Son Y, Kohno Y et al. Case of adrenocorticotropic hormone-independent macronodular adrenal hyperplasia with possible adrenal hypersensitivity to angiotensin II. Endocrine 2001 ; 15 : 57-61. 22. Willenberg HS, Stratakis CA, Marx C et al. Aberrant interleukin-1 receptors in a cortisolsecreting adrenal adenoma causing Cushing’s syndrome. N Engl J Med 1998 ; 339 : 27-31. u t o 2. Vrai ou faux ? Le syndrome de Cushing dépendant de l’alimentation peut entraîner une cortisolémie basse le matin à jeun. 3. Vrai ou faux ? Les récepteurs surrénaliens aberrants sont retrouvés plus fréquemment - t e s t dans les adénomes que dans l’hyperplasie macronodulaire bilatérale des surrénales. 4. Vrai ou faux ? La présence de certains récepteurs surrénaliens aberrants permet parfois de traiter le syndrome de Cushing en inhibant pharmacologiquement le récepteur aberrant de façon transitoire ; cependant, aucun patient n’a pu bénéficier d’un traitement pharmacologique à long terme. 2. Vrai a 1. Vrai ou faux ? Les récepteurs surrénaliens aberrants sont impliqués dans la physiopathologie de la maldie de Cushing. 23. Mircescu H, Jilwan J, N’Diaye N et al. Are ectopic or abnormal membrane hormone receptors frequently present in adrenal Cushing’s syndrome ? J Clin Endocrinol Metab 2000 ; 85 : 3531-6. 24. Bourdeau I, D’Amour P, Hamet P et al. Aberrant membrane hormone receptors in incidentally discovered bilateral macronodular adrenal hyperplasia with subclinical Cushing’s syndrome. J Clin Endocrinol Metab 2001 ; 86 : 5534-40. 25. Bertherat J, Barrande G, Lefebvre H et al. Systematic screening confirms that illicit membrane receptors are frequent and often multiple in bilateral ACTH-independent macronodular adrenal hyperplasia (AIMAH). Program and Abstracts of The Endocrine Society’s 83rd Annual Meeting, Denver, Colorado 2001 ; Abstract P1-397 : 233. 26. Lacroix A, Mircescu H, Hamet P. Clinical Evaluation of the presence of abnormal hormone receptors in adrenal Cushing’s syndrome. The Endocrinologist 1999 ; 9 : 9-15. 27. Weinstein LS, Shenker A, Gejman PV et al. Activating mutations of the stimulatory G protein in the McCune-Albright syndrome. N Engl J Med 1991 ; 325 : 1688-95. 28. Kirschner LS, Carney JA, Pack SD et al. Mutations of the gene encoding the protein kinase A type I-alpha regulatory subunit in patients with the Carney complex. Nat Genet 2000 ; 26 : 89-92. 29. Gicquel C, Bertherat J, Le Bouc Y, Bertagna X. Pathogenesis of adrenocortical incidentalomas and genetic syndromes associated with adrenocortical neoplasms. Endocrinol Metab Clin North Am 2000 ; 29 : 1-13. 1. Faux 3. Faux 4. Faux the neoplastic adrenal cortex. In : McKerns KW. Hormones and Cancer. New York : Academic Press, 1974 : 309-27. 3. Lacroix A, N’Diaye N, Tremblay J, Hamet P. Ectopic and abnormal hormone receptors in adrenal Cushing’s syndrome. Endocr Rev 2001 ; 22 : 75-110. 4. Hamet P, Larochelle P, Franks DJ et al. Cushing syndrome with food-dependent periodic hormonogenesis. Clin Invest Med 1987 ; 10 : 530-3. 5. Lacroix A, Bolte E, Tremblay J et al. Gastric inhibitory polypeptide-dependent cortisol hypersecretion : a new cause of Cushing’s syndrome. N Engl J Med 1992 ; 327 : 974-80. 6. Reznik Y, Allali-Zerah V, Chayvialle JA et al. Food-dependent Cushing’s syndrome mediated by aberrant adrenal sensitivity to gastric inhibitory polypeptide. N Engl J Med 1992 ; 327 : 981-6. 7. Lebrethon MC, Avallet O, Reznik Y et al. Food-dependent Cushing’s syndrome : characterization and functional role of gastric inhibitory polypeptide receptor in the adrenals of three patients. J Clin Endocrinol Metab 1998 ; 83 : 4514-9. 8. N’Diaye N, Hamet P, Tremblay J et al. Asynchronous development of bilateral nodular adrenal hyperplasia in gastric inhibitory polypeptide-dependent Cushing’s syndrome. J Clin Endocrinol Metab 1999 ; 84 : 2616-22. 9. Pralong FP, Gomez F, Guillou L et al. Fooddependent Cushing’s syndrome : possible involvement of leptin in cortisol hypersecretion. J Clin Endocrinol Metab 1999 ; 84 : 3817-22. 10. De Herder WW, Hofland LJ, Usdin TB et al. Food-dependent Cushing’s syndrome resulting from abundant expression of gastric inhibitory polypeptide receptors in adrenal adenoma cells. J Clin Endocrinol Metab 1996 ; 81 : 3168-72. 11. Chabre O, Liakos P, Vivier J et al. Cushing’s syndrome due to a gastric inhibitory polypeptide-dependent adrenal adenoma : insights into hormonal control of adrenocortical tumorigenesis. J Clin Endocrinol Metab 1998 ; 83 : 3134-43. 12. N’Diaye N, Tremblay J, Hamet P et al. Adrenocortical overexpression of gastric inhibitory polypeptide receptor underlies fooddependent Cushing’s syndrome. J Clin Endocrinol Metab 1998 ; 83 : 2781-5. 13. Gerl H, Rohde W, Biering H et al. Nahrungsabhängiges Cushing-Syndrom mit langer Anamnese und moderater Klinik. Deutsch Med Wschr 2000 ; 125 : 1565-8 14. Croughs RJ, Zelissen PM, Van Vroonhoven TJ et al. GIP-dependent adrenal Cushing’s syndrome with incomplete suppression of ACTH. Clin Endocrinol (Oxf) 2000 ; 52 : 235-40. 15. Tsagarakis S, Tsigos C, Vassiliou V et al. Food-dependent androgen and cortisol secretion Résultats : 2. Hingshaw HT, Ney RL. Abnormal control in 124 Act. Méd. Int. - Métabolismes - Hormones - Nutrition, Volume VI, n° 3, mai-juin 2002