La kinésithérapie : optimaliser la prescription.
Dialogue entre le kinésithérapeute et le médecin.
Du point de vue respiratoire : la broncho-pneumopathie chronique
obstructive (BPCO), la bronchiolite, la pneumonie, les bronchectasies.
C. Stéphenne, D. Marchandise, Dr G. Maury
La prise en charge du patient présentant une affection respiratoire requiert l’articulation de
différentes disciplines où se croisent les traitements pharmacologiques et non
pharmacologiques, l’éducation du patient aux mesures préventives (posture, exercices
réguliers,…) et au bon usage des traitements instaurés (contrôle des médicaments inhalés).
Les sujets seront abordés successivement en rappelant les techniques couramment utilisées et
le niveau d’évidence scientifique donné dans les lignes de conduite internationales.
La BPCO :
Cette affection respiratoire, qui reprend sous un même terme la bronchite chronique et
l’emphysème est une cause majeure de morbidité et mortalité à travers le monde. Elle sera la
quatrième cause de mortalité au monde en 2020. Sa sévérité est évaluée par les symptômes et
la fonction respiratoire et est divisée en 5 stades sur base du VEMS et du rapport de
Tiffeneau : de 0 à IV 1. L’atteinte respiratoire est la cause d’une limitation des débits
expiratoires non totalement réversible et d’une destruction parenchymateuse responsables de
la toux et de la dyspnée. Cette toux est par définition productive lorsque la composante de
bronchite chronique prédomine. Les répercussions systémiques sont doubles : liées d’une part
au déconditionnement physique engendré par la sédentarité (dyspnée d’effort) et d’autre part à
l’inflammation systémique entraînant une atteinte musculaire squelettique.
Pour le kinésithérapeute, la prise en charge des symptômes respiratoires liés à la BPCO ou à
son exacerbation comprend :
le désencombrement en cas de toux productive,
Dans les pathologies obstructives où il existe une limitation des débits aériens notamment
expiratoires avec tendance à l’hyperinflation, l’application d’une pression positive
expiratoire (PEP) a pour but d’augmenter la clearance du mucus par la prévention du
collapsus des voies aériennes à l’expiration2 (B). Le rôle du kinésithérapeute est essentiel
pour faire éduquer à l’expiration lente et prolongée lèvres pincées ou en soufflant contre
une résistance externe (Barbotteur, Flutter®, Acapella®). Cette technique douce permet
d’éviter le collapsus, d’augmenter la ventilation et facilite le désencombrement en
terminant la séance par une toux aidée3, un drainage des gros troncs bronchiques
(technique de chasse expiratoire)4 et mobilisation des sécrétions bronchiques distales
(technique d’expiration lente et totales à glotte ouverte en décubitus latéral ou ELTGOL,
alterné)5.
le soulagement des muscles respiratoires notamment en cas d’exacerbation mais
nécessitant une prise en charge hospitalière,
1 Global Initiative for Chronic Obstructive Lung Disease (GOLD). Global Strategy for the diagnosis,
management and prevention of chronic obstructive pulmonary disease. www.goldcopd.org. 2005
2 Elkins MR et al. Positive expiratory pressure physiotherapy for airway clearance in people with cystic fibrosis.
Cochrane Database of Syst Rev (database online). Issue 2, 2004.
3 Hasani A et al. Regional lung clearanceduring cough and forced expiration technique (FET) : effects of flow
and viscoelasticity. Throax 1994;49:557-61.
4 SuttonPP et al. Chest Physiotherapy : a review. Eur J Respir Dis 1982; 63: 188-201.
5 Postiaux G. Kinésithérapie de l’encombrement bronchique distal. In : Kinésithérapie respiratoire et auscultation
pulmonaire. Bruxelles : De Boeck Université ; 1990 p. 129-130.
1
le réentraînement à l’effort 6 : la réhabilitation respiratoire comprend la seule
kinésithérapie citée dans les recommandations de GOLD avec les bénéfices
suivants (niveau d’évidence):
Amélioration de la capacité à l’exercice (A)
Réduction de l’intensité de la dyspnée (A)
Amélioration de la qualité de vie (A)
Réduction du nombre d’hospitalisation et le nombre de jours passés à l’hôpital (A)
L’entraînement améliore la fonction des membres supérieurs (B)
Ces bénéfices persistent après la fin de l’entraînement (B)
Amélioration de la survie (B)
L’entraînement des muscles respiratoires est bénéfique, spécialement lorsqu’il est
combiné à l’entraînement général (C)
L’intervention psychosociale est utile (C).
La bronchiolite :
La bronchiolite est une infection virale des voies respiratoires inférieures chez le nourrisson
ayant pour caractéristiques un œdème, une inflammation des voies aériennes, une nécrose de
l’épithélium couvrant les petites voies aériennes. Ces anomalies entraînent production de
mucus, bronchospasme, hyperinflation et parfois (rarement) une atélectasie lobaire.
Différentes écoles de kinésithérapie défendent leurs techniques dont certaines sont très
contestées7. Il n’y a pas de bénéfice clinique pour: vibration, percussion, aspiration profonde
larynx ou pharynx « en routine » (B).
Malgré cela et en réaction à l’article paru dans le journal Le Soir au mois de novembre
2006, nous voulons insister sur l’importance et l’utilité d’une kinésithérapie appropriée dans
la bronchiolite aiguë modérée. Il est essentiel que le kinésithérapeute évalue l’état respiratoire
du patient au jour le jour et adapte sa thérapie (en tenant compte des co-morbidités ; par
exemple l’existence d’un reflux gastro-oesophagien).
La prise en charge comprend l’explication de l’utilisation des aérosols et du nettoyage des
voies aériennes supérieures. La perméabilité du nez et son influence sur la résistance au flux
aérien jouent un rôle très important chez un enfant en situation de détresse respiratoire. Chez
le jeune enfant sain, les résistances nasales au passage de l’air participent à plus de la moitié
des résistances totales du système respiratoire. Le protocole de kinésithérapie respiratoire
associant expiration lente prolongée et toux provoquée peut contribuer à l’amélioration
clinique des symptômes de l’obstruction bronchique dans la bronchiolite aiguë modérée du
nourrisson et ne présente pas de risque8.
Les bénéfices recherchés sont : réduire la sensation de dyspnée, la clearance des
sécrétions, la prévention d’atélectasie.
Les inconvénients: le stress de la technique pour le bébé.
La pneumonie
Si l’on s’en tient strictement aux lignes de conduite, la kinésithérapie n’est pas recommandée
dans la prise en charge de la pneumonie. Toutefois, l’existence de co-morbidités, le caractère
productif, la faiblesse musculaire peuvent pousser notre bon sens à prescrire une
kinésithérapie. Voici quelques cas particuliers :
6 Troosters T et al. Short and long-term effects of outpatient pulmonary rehabilitation, a randomised controlled
trial. Am J Med 2000;109:207-12.
7 Subcommitee on diagnosis and management of bronciolitis. Diagnosis and management of bronchiolitis.
Pediatrics 2006;18 (4): 1774-1793.
8 Postiaux G et al. Effets de la kinésithérapie respiratoire associant expiration lente prolongée et toux provoquée
dans la bronchiolite du nourrisson. Kinésither Rev 2006 (55) : 35-41.
2
le patient présentant une affection neuromusculaire évoluée dont l’encombrement
nécessite un drainage distal et une expulsion trachéale. La toux ne peut se faire sans
une bonne capacité inspiratoire, défectueuse chez les patients restrictifs et affaiblis, ce
qui peut être aidé par l’utilisation d’une ventilation non invasive ou d’un appareillage
associant insufflation-exsufflation, dans des structures de soins spécialisés et lorsque
la maladie est très évoluée. Cette technique est toujours associée à une manipulation
externe visant à augmenter le débit expiratoire à la toux.
en post-opératoire ou lorsqu’il existe une douleur à l’inspiration entraînant une
hypoventilation avec risque d’encombrement et d’atélectasie (rôle préventif et curatif).
Le kinésithérapeute favorisera l’inspiration positionnelle lente et prolongée qui
accentue l’ouverture des zones ciblées. Certaines aides inspiratoires telle la
spirométrie incitative accentuent le traitement.
Les bronchectasies
La dilatation permanente des bronches avec destruction des composantes élastique et
musculaire des parois, habituellement due à une infection est appelée bronchectasie. Leur
caractéristique est la toux (non) productive. Les bronchectasies sont diagnostiquées chez
approximativement 4 % des patients présentant une toux chronique. Il faut distinguer les
bronchectasies idiopathiques de celles secondaires à une pathologie sous-jacente dont
l’évolution est différente. En cas de sécrétion abondante de mucus et d’incapacité à expectorer
efficacement, une kinésithérapie est préconisée pour améliorer les symptômes (E/C)9. Il faut
noter que l’effet au long cours de la kinésithérapie (sur la qualité de vie et les exacerbations)
est mal documenté, qu’il existe des cas de disparition des bronchectasies diagnostiquées dans
l’enfance après un traitement par kinésithérapie au long cours. Une revue de la littérature
suggère que la kinésithérapie respiratoire augmente le volume d’expectoration sans effet sur
le VEMS et est bénéfique uniquement chez les patients qui produisent plus de 20-30 ml de
mucus par jour10.
La maladie la plus connue est la mucoviscidose où les bronchectasies sont précoces et
diffuses, secondaire à une anomalie génétique altérant la qualité du mucus produit en quantité
accrue entraînant l’impaction de celui-ci dans les voies aériennes proximales.
Les buts des traitements pharmacologique et non pharmacologique sont d’améliorer la
clearance muco-ciliaire, prévenir la dilatation des bronches, prévenir et traiter les infections,
mobiliser les sécrétions. Tout ceci afin de diminuer les symptômes (toux, production
d’expectoration, dyspnée) et de prévenir la progression des lésions des voies aériennes.
L’effet de la kinésithérapie pour améliorer l’efficacité de la toux et la clearance des voies
aériennes a été étudié dans cette population 11:
Toux assistée manuelle (C)
FET (C)
Drainage autogène (C)12
Drainage postural (C) (Postiaux)13
9 Rosen MJ Chronic Cough due to Bronchiectasis. ACCP Evidence-Based Clinical Practice Guidelines. Chest
2006; 129: 122s-131s.
10 Irwin RS et al. Managing cough as a defense mechanism and as a symptom : a consensus panel report of the
American College Chest Physicians. Chest 1998;114:133s-181s.
11 Mc Cool FD et al. Nonpharmacologic Airway clearance Therapie. ACCP Evidence Based Clinical Practice
Guidelines. Chest 2006;129:250s-259s.
12 Chevaillier J. Drainage autogène. Techniques de désencombrement. The Zeeprentorium way DE HAAN
Belgique 2001.
13 Postiaux G Kinésithérapie respiratoire de l’enfant. Les techniques de soins guidées par l’auscultation
pulmonaire. De boeck Université 1998.
3
Conclusion :
A l’heure de la médecine basée sur des évidences, la kinésithérapie respiratoire a parfois des
difficultés à faire reconnaître sa valeur. De nombreux éléments doivent être pris en compte et
s’en tenir aux rigueurs des exigences scientifiques pourrait priver certains patients du bénéfice
potentiel d’un traitement. De plus, il est difficile de faire progresser cette situation où
l’absence de preuve de l’efficacité d’une technique donnée se confronte au fait que cette
même technique est pourtant reconnue comme le protocole standard appliqué : il apparaît dès
lors peu éthique de réaliser une étude randomisée contrôlée.
Le choix du type de kinésithérapie respiratoire est donc personnalisé, propre aux symptômes
du patient qui découlent de sa maladie et nécessite souvent d’être réévalué selon l’évolution
de la pathologie et les bénéfices obtenus, avant d’arriver au terme des séances prises en
charge par la mutuelle.
4
1 / 4 100%
La catégorie de ce document est-elle correcte?
Merci pour votre participation!

Faire une suggestion

Avez-vous trouvé des erreurs dans linterface ou les textes ? Ou savez-vous comment améliorer linterface utilisateur de StudyLib ? Nhésitez pas à envoyer vos suggestions. Cest très important pour nous !