Réflexions sur la kinésithérapie respiratoire dans les bronchiolites Dr. François Brémont, Pneumologie-Allergologie Hôpital des Enfants CHU Toulouse Si la kinésithérapie respiratoire est largement utilisée et que son efficacité est pleinement reconnue en pratique quotidienne, les preuves scientifiques manquent souvent : D’une part le mode d’action de certaines techniques est parfois mal compris. D’autre part les études sont d’interprétations délicates en raison de l’absence de paramètres univoque d’évaluation, d’une physiopathologie parfois complexe et de la technicité variable des kinésithérapeutes (1). Le champ d’action principal de la kinésithérapie est l’amélioration de la mécanique ventilatoire et le drainage bronchique. Physiopathologie Chez l’enfant et particulièrement le nourrisson l’encombrement et l’obstruction bronchique sont favorisés par l’étroitesse et par la grande compliance des voies aériennes. L’instabilité bronchique peut être majorée par de fortes pressions externes (Figure 1) ou par la diminution du tonus des muscles bronchiques après bronchodilatateur. L’obstruction nasale fréquente augmente les résistances et le travail respiratoire. La prescription d’une kinésithérapie doit tenir compte de l’objectif visé, de l’état du patient, des risques encourus et de l’observance envisageable. Des manœuvres expiratoires forcées peuvent aggraver un reflux gastro-oesophagien ou s’accompagner d’inhalation. Le risque de décompensation respiratoire ou de malaise chez un enfant épuisé ou hypoxique est réel. Le déclenchement d’accès de toux peut être dangereux. Des fractures costales sont possibles. La survenue d’un bronchospasme est possible en cas d’hyperréactivité bronchique. Si la kinésithérapie permet le drainage des voies aériennes proximales, on dispose de peu d’informations sur son action au-delà de la 6eme génération bronchique. Des études déroutantes La kinésithérapie est largement prescrite et est recommandée par la conférence de consensus de l’HAS de septembre 2000, mais les études et méta-analyses concluent à leur inefficacité (2,3). Force est également de constater que la kinésithérapie ne fait pas partie des traitements recommandés en premier dans les consensus étrangers (à la différence des aspirations nasales), qu’il n’existe pas ou peu de kinésithérapeutes en ambulatoire dans de nombreux pays alors que l’épidémiologie des bronchiolites dans ces pays n’est pas franchement différente de celle observée en France. Ce n’est pas pour autant qu’il faut conclure à l’inutilité de la kinésithérapie. Ceci illustre la difficulté d’évaluer une pratique manuelle, avec des techniques et des pratiques variables. Néanmoins il est probable qu’un grand nombre de séances prescrites, qui ne tiennent pas compte de l’état ou de l’évolution du patient, sont inutiles. Il importe donc d’avoir une réflexion pour améliorer nos pratiques. L’étude Bronkinou Dans cette démarche, et dans le cadre d’un financement du ministère de la santé (PHRC) et de l’association des réseaux de bronchiolites (ARB) a été réalisée entre octobre 2004 et janvier 2008 une étude pour évaluer l’efficacité dans 10 services de pédiatrie de la région parisienne, appelée « Bronkinou » (4). Il s’agissait de nourrissons âgés de 15 jours à 24 mois, hospitalisés pour un premier épisode de bronchiolite. Les patients étaient éligibles dans les premières 24h de l’hospitalisation si il présentait à l’admission au moins : un aspect toxique, ou une notion d’accès de cyanose ou d’apnée, ou des prises alimentaires diminuées de plus d’un tiers, ou un rythme respiratoire > à 60/mn , ou une StcO2 < 95%. Les patients nécessitant des soins intensifs ou présentant une maladie chronique sous jacente étaient exclus. Les patients étaient randomisés pour avoir 3 fois par jour pour une durée de 10-15 mn (dans une salle isolée où il n’y avait que le nourrisson et le kinésithérapeute), soit une séance de kinésithérapie classique (n = 246), soit uniquement une aspiration nasale (mais restait dans la salle 10-15mm) (n= 250). Les deux groupes ne présentaient pas de différence significative, hormis la fréquence d’une atélectasie radiologique plus élevée dans le groupe aspiration nasale (12,9%) que kinésithérapie (7.6%). L’âge médian était de 2 mois (avec des extrêmes de 1.3 à 4 mois). Un eczéma ou des ATCD d’atopie au premier degré était présent dans 40% des cas. Un VRS était mis en évidence dans environ 75% des cas. Il existait : une StcO2 < 95% dans 44% des cas, la nécessité d’une oxygénothérapie nasale dans 44% des cas, des difficultés alimentaires dans environ 85% des cas, la nécessité d’une nutrition entérale dans 10% des cas. L’efficacité était mesurée comme le temps nécessaire pour obtenir de manière durable (24 heures) un score de lutte inférieur à 2 (score de 0 à 3), un score de sibilances inférieur à 2 (score de 0 à 3), une StcO2 sous air > 94%, une autonomie alimentaire; les patients étant évalués toutes les 8 heures. La médiane de temps nécessaire pour le groupe aspiration nasale était de 2.31 jours (1.97-2.73) et pour le groupe kiné de 2.02 jours (1.96-2.34), sans différence significative. Il n’y avait pas non plus de différence sur la survenue d’une aggravation nécessitant l’admission en soins intensif ou le recours à une aide ventilatoire. Concernant la tolérance, il n’y avait pas de différence concernant la survenue de bradycardie ou de désaturation, en revanche la survenue d’une décompensation transitoire ou de vomissements était plus fréquent dans le groupe kiné que le groupe aspiration nasale. Réflexions L’étude Bronkinou concerne donc de très jeunes nourrissons, hypoxiques et déshydratés dans la majorité des cas. L’expérience montre que ces jeunes enfants âgés 0 à 3 mois hospitalisés, s’améliorent très rapidement avec une bonne hydratation (perfusion ou nutrition entérale) et des aspirations nasales répétées traduisant leur épuisement rapide à se dégager eux mêmes de leur encombrement proximal. Contrairement aux nourrissons plus âgés de 3-6 mois dont l’hospitalisation a été nécessaire non tant en raison de leur décompensation rapide mais en raison de lésions bronchiques plus sévères et qui de fait vont mettre plus de temps pour s’améliorer ; ces patients présentant une distension et une compliance thoracique diminuée. L’analyse post doc de l’étude bronkinou, montre sans que cela soit néanmoins significatif, que les patients hypoxiques, ou surtout avec un eczéma ou des ATCD d’atopie étaient les moins améliorés par la kinésithérapie. On pourrait donc penser que les patients les plus obstructifs répondent moins bien à la kinésithérapie. Ce n’est pas pour autant que l’on doit considérer l’inutilité de la kinésithérapie en ambulatoire. Il faudrait évaluer son efficacité potentielle sur la survenue de difficultés alimentaires et des troubles du sommeil, voir sur la diminution des hospitalisations (5). Il ne faut pas oublier non plus que le kinésithérapeute à également un rôle de surveillance, d’accompagnement et n’est pas un simple exécutant. Globalement et cela semble être du bon sens réservons la kinésithérapie respiratoire aux patient les plus secrétanst et veillons à ce que ces nourrissons garde une hydratation correcte. 1-Bremont F. Kinesithérapie respiratoire in Pneumologie Pédiatrique Médecine Science Flammarion Paris 2009, p452 2 Perrota C et coll Chest physiotherapy for acute bronchiolitis in paediatric patients between 0 and 24 month old. Cochrane Database Syt Rev 2007:24: CD004873 3-Panickar J et coll Chest physiotherapy is not useful in bronchiolitis Emerg Med J 2008;25:595 4-Gadjos V et coll Effectiveness of chest physiotherapy in infants hospitalized with acute bronchiolitis: a multicenter, randomized, controlled trial. PLoS Medecine 2010;Vol 7, issue9, e10000345 5-Bailleux S Place actuelle de la kinésithérapie respiratoire dans la prise en charge des bronchiolites. Arch Ped 2011 ;18 :472