Les anomalies congénitales des coronaires : apport du scanner multidétecteur
(Congenital coronary artery abnormalities: role of multidetector CT)
Salami FA 1,2, Séka AR 2, Touré A3, Ahoury NJ2, Salami A4, Angoran I4,N’Zi KP2, Revel D1.
(Abidjan, Côte d’Ivoire; Lyon, France)
1. Service de Radiologie - Hôpital cardio-vasculaire et Pneumologique Louis Pradel - Lyon ( France)
2. Service de Radiologie - Institut de Cardiologie - Abidjan ( Côte d’Ivoire)
3. Service de Radiologie - CHU de Yopougon - Abidjan ( Côte d’Ivoire)
4. Service de Cardiologie - Institut de Cardiologie - Abidjan ( Côte d’Ivoire)
RESUME :
Nous rapportons trois cas de patients ayant eu une coronarographie suivie d’un scanner multidétecteur des
coronaires suite à des douleurs thoraciques.La coronarographie amontré une anomalie de naissance (deux cas) et
de terminaison des coronaires (un cas) sans en préciser le trajetet les rapports avec les gros vaisseaux médiastinaux.
Le scanner multidétecteur intervient dans cette précision diagnostique notamment dans la visualisation de certains
trajets pathologiques à risque de mort subite. Notre observation plaide pour la complémentarité de la
coronarographie et du scanner multidétecteur dans l’exploration des anomalies congénitales des coronaires. La
coronarographie étant réalisée dans un contexte d’urgence et le scanner dans le cadre d’un bilan plus exhaustif
d’une anomalie suspectée après cathétérisme cardiaque.
Mots clés : Coronaires- Anomalies congénitales- Coronarographie - Scanner multidétecteur
SUMMARY:
We report three cases of patients who underwent coronary angiography followed by coronary artery multidetector
CT (MDCT) after chest pain.Coronaryangiography showed anomaly of the coronary artery origin(two cases) and
an abnormal coronary termination (one case) without specifying the path and relationships
withlargemediastinalvessels.Multidetector CT operates inthisdiagnostic accuracyin particular in the visualizationof
certain pathologicalcourse with riskof sudden death.The 64-slice CT should not be in competition with
conventional angiography but bea diagnostic and complementary therapeutic tool in the management of congenital
anomalies of the coronary arteries.
Keywords : Coronary - Congenital anomalies- Angiography- Multidetector CT.
INTRODUCTION :
Les anomalies congénitales des artères
coronaires représentent une pathologie rare (
0,3% à 2% selon les auteurs)[1]. La
coronarographie demeure l’examen de férence
de part son excellente résolution spatiale et
temporelle. Mais en coronarographie, examen
bidimensionnel, la détermination de la naissance
et surtout du trajet pathologiques des coronaires
est parfois difficile. Certains trajets sont à risque
de mort subite et doivent être absolument
identifiés. Un bilan anatomique exhaustif est
indispensable avant toute prise en charge
(chirurgie, radiologie interventionnelle
percutanéee voire abstention thérapeutique).Il
nous a paru opportun , à partir de trois
observations d’évaluer les performances de la
coronarographie ainsi que l’apport du scanner
multidétecteur dans le bilan des anomalies
congénitales des coronaires en particulier lorsque
la coronarographie est prise à défaut.
OBSERVATIONS CLINIQUES:
Observation 1:
Monsieur K. S, 19 ans,japonais,sans facteur de
risque cardiovasculaire a été évacué à l’pital
FAIT CLINIQUE
J Afr Imag Méd 2014; 6 (3):56-64
Cardio-vasculaire et Pneumologique après avoir
présenté des douleurs thoraciques aigues.L’ECG
n’a pas montré de signe ischémique ni autre
anomalie. Une échocardiographie et une
coronarographie ont mis en évidence une
naissance anormale de la coronaire droite qui a
été explorée au scanner (C-Scanner Philips-
CNEH 0560).L’angioscanner des artères
coronairesa confirmé la naissance anormale de la
coronaire droite de la cuspide antéro-gauche soit
d'un ostium commun avec le tronc commun, soit
du tronc commun juste après son origine (Fig 1a
et b). Le trajet de la coronaire droite était inter-
aortico-pulmonaire avec un trajet initial
intramural suspecté par une compression
extrinsèque aux phases diastolique(40%) et
systolique (75 %) (Fig 1 c). Le diamètre
endoluminal mesuré à la partie inter-aorto-
pulmonaire de la coronaire droite était de 1,8
mm contre 3,8 à 4,1 mm pour le diamètre de
référence situé dans le sillon auriculo-
ventriculaire droit.Le réseau coronarien était
équilibré.
Observation 2:
Monsieur B.P, 50 ans, sans facteur de risque
cardio-vasculaire a présenté des douleurs
thoraciques atypiques. L’ECG était sans
particularité. Une coronarographie réalisée un an
auparavant avait mis en évidence une anomalie
de naissance de la coronaire gauche, de la cusp
de la coronaire droite, sans en préciser le trajet.
L’angioscanner des coronaires a confirmé une
naissance et un trajet anormal de la coronaire
gauche dont le tronc commun est rétro-aortique.
Ce tronccommun donnait les artères intra-
ventriculaires antérieure et circonflexe (Fig 2).
L'artère coronaire droite, dominante après sa
naissance commune avec le tronc commun
gauche, cheminait dans le sillon inter-
ventriculaire droit
.
Observation 3:
Monsieur T.P, 46 ans, tabagique (intoxication
non chiffrée) a présenté une tachyarythmie, une
fibrillation auriculaire et des signes électriques
iscmiques du ventricule droit à l’ECG ayant
nécessité une hospitalisation. Une
échocardiographie et une coronarographie ont
mis en évidence une anomalie de terminaison
coronarienne:une fistule coronaro-camérale.La
coronarographie a montré une coronaire droite
très dystrophique s’abouchant à l’extrémité du
sinus coronaire mais vascularisant le ventricule
droit par quelques petites branches marginales.
L’occlusion très distale de la fistule,
premièrement envisagée, restait techniquement
problématique avec le risque d’occlure des
artères à destinée ventriculaire droite. Ce risque
n’était pas justifié car la fistule n’était pas
significative au plan hémodynamique.
Cependant, la coronarographie ne permettait pas
de préciser les rapports de la coronaire aberrante
avec les gros vaisseaux ainsi que
laparenchymographie à la recherche d’une
ischémie myocardique. Le coroscannera
confirmé une volumineuse coronaire droite
tortueuse se jetant dans le sinus coronaire par
une large ouverture et donnant des branches
fines irriguant le myocarde (Fig.3 a et b). Le
coroscanner a également montré l’absence
d’ischémie myocardique
associée.L’embolisation de la fistule coronaro-
camérale n’a pas éalisée : une intervention
même réussie ne garantissait pas l’absence de
troubles du rythme supra-ventriculaires.
FA Salami et al
J Afr Imag Méd 2014; 6 (3):56-64
Fig 1 (a-e)=Coroscanner injecté : a et b=Naissance anormale de la coronaire droite (RCA) sur une
reconstruction en VRT (volume Rendering Technique) (a) soit d'un ostium commun avec le tronc
commun (LM)soit du tronc commun aps son origine (b).c - e)= Trajet de la coronaire droite inter-aorto-
pulmonaire : « artère tueuse » (flèche) sur une reconstruction sagittale (c) et coronale (d) avec un trajet
initial intramural suspecté par une compression extrinsèque en systole(e).(Ao= Aorte, AP= Artère
pulmonaire)
Fig. 2 a et b=Coroscanner injecté: Naissance et trajet anormaux de la coronaire de la cusp de la coronaire
droite. Le tronc commun est rétro-aortique (flèche) et donne les artères interventriculaire antérieure et
circonflexe. (CD= coronaire droite, TCG= Tronc commun gauche, Cx= circonflexe, IVA=
Artèreinterventriculaire antérieure, Ao= Aorte).
a b c
d e
a
A
o
AP
Ao
A
P
RC
A
A
L
M
IV
A
C
x
TC
G
-
CD
FA Salami et al
J Afr Imag Méd 2014; 6 (3):56-64
Fig. 3 a et b
= Coroscannerinjecté: Volumineuse coronaire droite variqueuse se jetant dans le sinus
coronaire (fistule coronaro-camérale) par une large ouverture (flèche). (Ao= Aorte)
DISCUSSION :
Les anomalies de naissance des artères
coronaires sont des malformations congénitales
rares. Elles sont rencontrées de 0,3 à 1% voire 1
à 2 % de la population générale selon les auteurs
[1,2].Plusieurs classifications de ces anomalies
existent dont celle modifiée de Greenberg[3,4] et
celle d’Angelinila plus récente [5].Les anomalies
congénitales des coronaires concernent leur
naissance, leur trajet et leur
terminaison.Yamanaka[6]a réalisé une étude
comportant 126.595 patients porteurs
d’anomalies congénitales des coronaires et ayant
bénéficié d’unecoronarographie. Il a classé ces
anomalies congénitales en fonction de leur
naissance et de leur trajet. Ces anomalies des
coronaires sont également classées au
planhémodynamique en significatives ou
non[7].Les anomalies significatives au plan
hémodynamiquereprésentent environ 20 à 46%
des anomalies congénitales des coronaires
[8].Elles peuvent être associées à un shunt et être
responsables d’une arythmie maligne, d’une
syncope, dune ischémie myocardique avec
risque de mort subite[7,8]. Il s’agit surtout du
trajet interartériel entre l’aorte et l’artère
pulmonaire qui est responsable de douleurs
thoraciques avec risque de mort subite en
particulier chez le sportif jeune[9-11]. Dans la
série de Eckart [10] comportant 126 cas de mort
subite non traumatique d’adultes jeunes, il y a eu
64 cas (51%) d’anomalies cardiaques dont 61 %
d’anomalies des coronaires (39 des 64
patients).La naissance anormale peut être
aortique ou non [12-16].La naissance anormale
peut être aussi systémiqueetresponsable d’un vol
coronaire ou d’une compétition de flux.Lorsque
la coronaire nait de l’artère pulmonaire, elle est
très grave : sa prévalence est d’environ une
naissance sur 300 000 avec 90% de décès avant
un an en absence de thérapeutique [17,18].
La coronarographie est la technique de référence
dans l’imagerie des coronaires de par sa
résolution spatiale inégalée, sa faible morbidité,
sa moindre irradiation comparativement au
scanner et son analyse hémodynamique.
Cependant, la mise en évidence de l’origine et du
trajet des artères coronaires aberrantes par la
coronarographie invasive est parfois
difficile[12]. Elle est aussi limitée dans l’étude
spatiale du trajet artériel et de ses rapports avec
les gros troncs.
Le scanner multidétecteur synchronisé à l’ECG a
révolutionné le diagnostic de ces anomalies par
son approche non invasive comparativement à la
coronarographie et son coût moins élevé[4]. Il a
montré sa supériorité dans la mise en évidence
des ostia notamment celui du tronc commun
gaucheainsi que des anomalies congénitales des
coronaires, en particulier, la naissance anormale
de la coronaire droite du sinus gauche [12-
16].Shi[19]a montré dans une étude comparative
coronarographie versus scanner
multidétecteurque seules 53 % des anomalies
connitales des coronaires avaient été mises en
évidencepar la coronarographie. La discordance
a b
Ao
FA Salami et al
J Afr Imag Méd 2014; 6 (3):56-64
était due à une difficulté de visualiser le trajet
anormal de la coronaire et parfois même sa
naissance en coronarographie. Dans une étude
comparative similaire réalisée par Datta[20], 17
des 20 patients ayant subi une coronarographie
(n=16) et une échocardiographie (n=1) ont é
adressés pour un coroscanner complémentaire.
La coronarographie avait montla naissance
anormale des coronaires mais ne précisait pas
leur trajet. Dans un cas, la naissance anormale
avait étédiagnostiquée fortuitement au scanner
multidétecteur. Dans un autre cas, la localisation
de la fistule artério-veineuse n’avait pas été
identifiée en coronarographie. Avec le scanner
multidétecteur, la détection des anomalies
occultes ou non hémodynamiquement
significatives a augmenté l’incidence des
anomalies des coronaires: de 0,7% à 18,4%
[21].Selon les recommandations nord-
américaines, malgré l’irradiation et la nécessité
de l’utilisation de produit de contraste iodé, le
scanner est l’un des meilleurs moyens
d’imagerie dans le diagnostic des anomalies
coronaires connues ou suspectées (Classe II,
niveau d’évidence C)[22].
Il existe quatre types d’anomalies de trajet:
interartériel (Fig 1 c et d), rétro-aortique (Fig. 2 a
etb)ou rétrocardiaque, pré-pulmonaire ou
précardiaque et intraseptal ou sous pulmonaire.
Le trajet inter artériel par passage de la coronaire
entre le tronc de l’artère pulmonaire et l’aorte
ascendante avec compression artérielle entre les
2 gros vaisseaux peut être responsable d’une
mort subite. Ilest dit « tueur » (fig. 1) : il est
responsable à l’effort d’un spasme artériel par
fermeture de l’angle entre le trajet coronaire
etson ostium ou clapet ostial, de troubles du
rythme paroxystiques et de cardiopathie
ischémique chronique[16]. La symptomatologie
est représentée par des précordialgies, une
tachypnée, des troubles du rythme et des
syncopes[1, 9, 11].Cette compression
segmentaire coronarienne en systole peut être
suspectée en coronarographie mais est très bien
mise en évidence au scanner multidétecteur[23].
Selon Eckart [10], 33 % des morts subites non
accidentelle chez l’adulte jeune sont d’origine
cardiaque avec notamment une naissance de la
coronaire du cusp controlatéral avec un trajet
inter artériel entre l’aorte et artère pulmonaire
trajet tueur »). Il est donc impératif de
distinguer ce trajet inter-aorto-pulmonaire avec
risque léthal du trajet intraseptal qui est en
général bénin. La coronarographie ne peut
distinguer précisément le trajet inter-aorto-
pulmonaire du trajet intraseptal [5].Au
cathétérisme cardiaque, le trajet intraseptal est
soupçonné lorsque l’artèrecoronairese dirige vers
le bas en dessous de la cristasupraventricularis
Hammocksign » ou signe de hamac des anglo-
saxons) et est entourée par le myocarde [5,30].
Les facteurs pronostiques des anomalies de
naissance et de trajet des coronaires sont très
bien visualisés au scanner multidétecteur. Il
sagit d’un trajet coronaire proximalintramural
fixant le segment intra-pariétal par rapport aux
autres structures et majorant le phénomène de
clapet ostial à l’effort. La dominance du réseau
coronarien constitue également un facteur
pronostique de ces anomalies congénitales.Une
coronaire tueuse dominante ou unique majore le
retentissement hémodynamique en cas de trajet
inter-artériel. L’angulation du trajet proximal de
la coronaire par rapport à l’aorte représente aussi
un facteur pronostic. En effet, une angulation
excessive du trajet proximal de la coronaire
droite avec l’aorte associée à un trajet haut et
tortueux en chicane(« Shepherd’scrook » avec
« kinking » des anglo-saxons) rend difficile le
cathétérisme de la coronaire avec une prévalence
d’environ 5% [7]. D’autres facteurs pronostiques
sont : l’existence d’une sténose ostiale (fig.1e),
d’un orifice de naissance en forme de fente ou
d’un segment intramural aortique (différent du
pont myocardique) [7, 21].
En effet, en coronarographie, plusieurs méthodes
ont éproposées pour la détermination des
trajets aberrantsdes coronaires [24, 25].
Ishikawa[24], a proposé une méthode basée sur
l’analyse de la courbure initiale de l’artère
coronaire. Avec sa méthode, jusqu’à 50 % des
trajets proximaux n’étaient pas correctement
identifiés.Serota[25] a alors élaboré une méthode
rapide « the dot and eyemethod » (la méthode du
point et de l’œil) pour déterminer le trajet
proximal des coronaires.Serota[25] a rapporté
100 % (n=14) de détermination correcte de trajet
anormal du tronc commun naissant du sinus
coronaire droit.Les éléments angiographiques
selon le type anatomique des anomalies
FA Salami et al
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