Hémorragies digestives basses

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 SOMMAIRE Président : A. ALVES (Caen) Modérateur : J.‐L. FAUCHERON (Grenoble) Le point de vue du gastro‐entérologue E. BARTOLI (Amiens) Le point de vue du radiologue V. LE PENNEC (Caen) Le point de vue du chirurgien G. LEBRETON (Caen)
FCC 1 – Prise en charge des hémorragies d’origine colique (diverticulose, rectites, radiques, varices rectales…) LA PLACE DE L’ENDOSCOPIE DEVANT UNE HEMORRAGIE DIGESTIVE BASSE (HDB). Dr Eric Bartoli Service de gastroentérologie CHU d’Amiens. Les HDB sont des hémorragies dont le siège est classiquement situé en aval de l’angle duodéno‐jéjunal [1]. Dans 90% des cas, la cause est colique ou proctologique. La diverticulose colique et les angiodysplasies constituent les principales causes d’HDB. Si l’HDB diverticulaire s’arrête spontanément dans plus de 80% des cas, elle peut être grave dans 10% des cas pouvant engager le pronostic vital. La prise d’AINS est un facteur de risque prouvé dans la survenue d’HDB diverticulaire [2‐6]. Le terrain : âge, comorbidités en conditionne le pronostic. L’interrogatoire est une étape essentielle pour établir un diagnostic lésionnel probabiliste. La prise d’AINS ou d’aspirine sera recherchée systématiquement (diverticulose); les ATCD d’infection VIH (colite à CMV), d’artériopathie, de MICI, de polypectomie récente, de facteurs traumatiques (prise de température rectale, manœuvre d’extraction des selles) et enfin de cirrhose (varice rectale) seront notés. La stratégie initiale consiste à éliminer d’emblée une origine haute du saignement (instabilité hémodynamique, notion de prise d’AINS, syndrome ulcéreux retrouvé à l’interrogatoire), les fistules aorto‐digestives (ATCD de prothèse vasculaire) et les causes proctologiques suspectées par l’interrogatoire la présentation clinique et confirmées par un examen à l’anuscope. En fonction de ces données, l’examen de première intention sera l’endoscopie digestive haute, le scanner avec injection de produit de contraste ou la coloscopie. La prise en charge initiale de ces patients consiste à restaurer une hémodynamique efficace et stable permettant d’envisager la réalisation d’un bilan lésionnel de qualité. Il convient d’apprécier la gravité de l’épisode hémorragique en recherchant les signes de choc, présents en cas de perte de 35% de la masse sanguine [7]. Le caractère actif de l’hémorragie est apprécié par la persistance de l’instabilité hémodynamique ou un rendement transfusionnel défavorable. Une fois les causes hautes ou vasculaires éliminées, la coloscopie est l’examen clé dans la prise en charge de l’épisode hémorragique. Réalisée en urgence dans les 12 à 24 heures suivant l’admission, elle permet d’établir le diagnostic étiologique dans 48 à 90% des cas [8]. L’exploration sera aidée idéalement par une irrigation permanente des segments coliques à l’aide de pompe à lavage. Le délai optimal pour réaliser la coloscopie ainsi que le type de préparation colique restent sujets à controverse. Les recommandations de l’HAS publiées en 2006 vont dans le sens d’une préparation orale par PEG quand l’état du patient le permet [9]. Des signes endoscopiques d’imputabilité colique à l’épisode hémorragique ont été décrits : hémorragie active, caillot adhérent, vaisseau visible, ulcération d’un collet diverticulaire. Les lésions tumorales, inflammatoires ou ischémiques sont parfois identifiées comme la cause du saignement mais n’entrainent en général pas de déglobulisation massive. La présence de sang dans un segment colique n’a que peu de valeur informative sur le FCC 1 – Prise en charge des hémorragies d’origine colique (diverticulose, rectites, radiques, varices rectales…) site lésionnel précis en raison du péristaltisme exacerbé lors des HDB. Selon Foutch [10], les facteurs de risque de récidive hémorragique ou d’évolution défavorable rejoignent ceux décrits pour les lésions ulcérées du tractus digestif haut dans la classification de Forrest : saignement actif, caillot adhérent, vaisseau visible. Le diagnostic étiologique établi, la coloscopie permettra d’effectuer un geste d’hémostase dans près de 70% des cas. Les techniques d’hémostase varient en fonction de la lésion hémorragique. Pour l’HDB diverticulaire, le saignement est habituellement artériel siégeant soit au fond du diverticule, soit au niveau d’une ulcération du collet. Il est souvent difficile de retrouver l’origine précise du saignement et le diagnostic est souvent un diagnostic d’élimination. Si 80% des diverticules siègent au niveau du colon gauche, 50% des diverticules hémorragiques sont localisés au niveau du colon droit [11‐15]. Les techniques thermiques, mono ou bipolaires, la coagulation au plasma d’argon (APC), la sclérose à l’adrénaline diluée ou l’interruption d’un vaisseau visible par clips hémostatiques peuvent être proposées. Il n’existe à l’heure actuelle aucune recommandation en faveur de l’une ou l’autre des techniques. Bloomfeld rapporte chez 13 malades un taux de récidive précoce après traitement (électrocoagulation + sclérose adrénalinée) de 38% à 1 mois et une récidive tardive de 23% [16]. Les angiodysplasies coliques sont responsables de 3 à 12% des HDB [17‐18]. Elles siègent plus volontiers dans le colon droit et le caecum. Leur traitement repose à l’heure actuelle sur l’APC qui permet une électrocoagulation monopolaire sans contact avec la muqueuse traitée ce qui limite le risque de perforation. Il est habituel de débuter le traitement par la périphérie de la lésion et de progresser vers son centre. Les lésions de rectite radique tardive surviennent chez environ 20% des malades traités entre 6 et 24 mois après la fin du traitement. Les lésions apparaitraient au‐delà d’une dose seuil de 45 grays. La physiopathologie fait intervenir une artérite oblitérante et la constitution d’une fibrose interstitielle qui induisent des lésions ischémiques chroniques. Ces lésions génèrent une néovascularisation superficielle sous la forme de télangiectasies responsables des saignements. De nombreuses études ont évalué l’efficacité de l’APC dans cette indication [19‐33]. L’efficacité moyenne rapportée est de 80% sur les saignements après 1 à 3 séances en moyenne (extrêmes de 1 à 8). La prévalence des varices ectopiques (VE) au cours de la cirrhose est faible (1 à 3% des cas) ; les VE sont plus fréquentes en cas d’hypertension portale (HTP) extra‐hépatique (20 à 30% des cas). Les VE sont responsables de moins de 5% des hémorragies au cours de l’HTP mais peuvent engager le pronostic vital en raison de l’importance du débit hémorragique et du terrain sous‐jacent. Il n’existe pas de recommandation sur la prévention primaire, notamment par béta‐bloqueurs non cardioselectifs, du risque hémorragique. Le traitement endoscopique des VE notamment rectales est mal codifié et relève de l’expérience des opérateurs. Ce traitement est habituellement un traitement d’attente permettant de contrôler l’hémorragie avant la mise en place d’un shunt porto‐cave (TIPS) ou la réalisation d’une embolisation radiologique du réseau variqueux en cause. L’arsenal thérapeutique endoscopique repose sur : l’encollage par un mélange cyanoacrilate / lipiodol de la varice hémorragique quand celle‐ci est de taille réduite (risque de migration de la colle), sclérothérapie au polidocanol en para variqueux et enfin, ligature élastique qui est le plus souvent utilisée dans l’urgence [34‐35]. FCC 1 – Prise en charge des hémorragies d’origine colique (diverticulose, rectites, radiques, varices rectales…) Conclusions : La prise en charge d’une hémorragie digestive basse colique repose sur un interrogatoire minutieux qui permet dans une grande majorité des cas d’orienter le diagnostic. L’endoscopie colique est l’examen de référence, qui permet, après la mise en œuvre des mesures de réanimation de confirmer la localisation du site hémorragique et d’en faire l’hémostase. L’origine diverticulaire du saignement est souvent retenue en l’absence d’autre lésion à potentiel hémorragique, sans qu’il soit toujours possible d’identifier précisément le site hémorragique. En cas d’hémorragie persistante, il convient alors d’avoir recours aux examens d’imagerie (TDM, artériographie mésentérique) pour localiser le segment digestif à l’origine du saignement et guider au mieux le chirurgien dans son geste de résection. 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Un des critères majeurs d’évaluation de l’importance et du caractère actif ou non de l’hémorragie est le volume de concentrés globulaires transfusés pendant les 24 premières heures pour maintenir un état hémodynamique correct (> 6 culots) [1]. Une HDB aigue doit conduire à une prise en charge multidisciplinaire (endoscopie, imagerie, réanimation, chirurgie) où l’imagerie peut aider rapidement au diagnostic étiologique voire à la prise en charge thérapeutique. En cas de saignement chronique, l’imagerie ne se conçoit qu’après un bilan endoscopique complet. Les étiologies des HDB sont dominées à 95% par des causes recto‐coliques et notamment la diverticulose colique (25%), l’adénocarcinome (20%) et l’angiodysplasie (17%). On trouve ensuite les colites (inflammatoires, infectieuses, ischémiques), les polypes (et les hémorragies post polypectomie). Les causes grêles (vascularite et anomalies vasculaires, néoplasies, diverticules, maladie de Crohn,…) représentent 5% des HDB [2]. En cas d’HDB abondante, une fibroscopie digestive oeso‐gastro‐duodénale doit être réalisée de première intention pour éliminer une cause haute responsable du saignement (10‐15%) ainsi qu’une anuscopie‐
rectoscopie pour éliminer une cause basse évidente. En cas de négativité, l’angioscanner multidétecteurs avec injection de produit de contraste iodé sera indiqué. En cas de stabilité hémodynamique, une coloscopie complète chez un patient préparé sert à localiser voire traiter la cause du saignement. Les hémorragies occultes à endoscopies haute et basse négatives peuvent être explorées par vidéocapsule du grêle ou entéroscopie qui présentent une meilleure rentabilité que l’entéroscanner dans la détection des angiodysplasies ou des lésions planes. Toutefois l’entéroscanner est préconisé avant la réalisation d’une vidéocapsule afin d’éliminer un syndrome occlusif intermittent ou un facteur de risque de sténose. FCC 1 – Prise en charge des hémorragies d’origine colique (diverticulose, rectites, radiques, varices rectales…) La tomodensitométrie Les nouvelles techniques d’acquisition volumique rapide couplée à l’injection de produit de contraste iodé à haut débit (3‐4 cc/s) ainsi que l’accessibilité importante à cette technique d’imagerie permettent désormais à l’angioscanner de participer rapidement et efficacement à la prise en charge d’une HDB. Très performant (Se 100%, Sp 96%, VPP 95% et VPN 100% [3]), l’angioscanner oriente l’étiologie et peut localiser le saignement digestif s’il est réalisé au cours de l’épisode hémorragique. Le saignement se caractérise par une hyperdensité endoluminale spontanée (caillot frais de densité > 60UH) ou une extravasation endo‐digestive de produit de contraste iodé, visible dès que le débit du saignement dépasse 0.3 ml/mn [4]. La réalisation de l’examen comporte 3 phases d’acquisition : une phase sans injection puis une phase injectée au temps artériel (après détection automatique du bolus iodé) et enfin une phase de rehaussement de la paroi digestive (80‐90’’). Le balisage digestif n’est pas recommandé. La détection de l’extravasation va permettre de préciser le site anatomique de l’hémorragie (afin d’aider l’endoscopiste ou le chirurgien) ou l’artère alimentant ce site (afin d’aider le radiologue interventionnel). L’entéroscanner consiste en une acquisition abdominopelvienne après injection IV de produit de contraste iodé et infusion de 2,5 l d’eau tiède dans l’intestin grêle par l’intermédiaire d’une sonde naso‐jéjunale positionnée dans la première anse jéjunale. L’étude sémiologique comporte la recherche d’un épaississement pariétal digestif > 3mm, d’une masse, d’une sténose, d’une infiltration ou d’adénopathies mésentériques, de métastases [5]. L’artériographie Avec l’avènement de l’angioscanner multidétecteurs, l’artériographie dans l’exploration des hémorragies digestives ne se conçoit que dans un but thérapeutique après échec des manœuvres endoscopiques. En l’absence d’élément d’orientation anatomique donné par l’angioscanner, l’artériographie concernera les troncs coeliaque et mésentériques puis une étude plus sélective de leurs branches de division. Le critère diagnostic principal est l’extravasation de produit de contraste iodé dans la lumière digestive (débit > 0.5 ml/mn). On peut également retrouver un faux anévrisme, une fistule artério‐veineuse, un blush vasculaire tumoral. Comme pour l’angioscanner, l’artériographie présente une grande performance si elle est réalisée en période hémorragique. En cas d’hémorragie intermittente, certains auteurs proposent de sensibiliser l’artériographie en injectant des vasodilatateurs ou des thrombolytiques in situ [6]. L’artériographie permet enfin de proposer une alternative thérapeutique : l’embolisation. Celle‐ci sera super sélective si une branche unique alimente le saignement, ou bien concernera plusieurs branches si d’éventuelles anastomoses permettent une récidive hémorragique. Les progrès en matière de matériels de cathétérisme (miniaturisation) et d’agents embolisant (agents mécaniques tels que le coils, microparticules, gélatine) permettent une embolisation sécurisée très distale. Les microparticules < 300 µm et les embols liquides sont proscrits afin de minimiser le risque d’infarctus tissulaire. Les complications ischémiques du tube digestif existent mais sont minimes et souvent spontanément résolutives [7]. Le taux de succès de l’embolisation artérielle dépasse les 90% [8]. Les hémorragies d’origine veineuse (varices digestives hémorragiques) peuvent FCC 1 – Prise en charge des hémorragies d’origine colique (diverticulose, rectites, radiques, varices rectales…) également bénéficier de la radiologie interventionnelle et notamment du shunt portocave transhépatique (TIPS) associé à une embolisation veineuse sélective [9]. Points à retenir 
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La diverticulose colique est la première cause d’hémorragie digestive basse. Le scanner est un examen de première intention en cas d’échec ou de négativité de l’endoscopie L’angioscanner doit être réalisé idéalement en période hémorragique L’artériographie digestive ne s’envisage que dans un but thérapeutique (embolisation) FCC 1 – Prise en charge des hémorragies d’origine colique (diverticulose, rectites, radiques, varices rectales…) Références 1.
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opératoire : ‐ une localisation certaine de l’origine du saignement en pré‐opératoire. ‐ une localisation peu précise (saignement colique ou grêlique). ‐ absence de localisation. La laparotomie est la règle pour le traitement des hémorragies digestives basses massives nécessitant un traitement chirurgical en urgence. La localisation précise en pré‐opératoire du site de saignement est une situation idéale, mais il s’agit en pratique d’une situation rare. Lorsque la localisation précise d’une lésion saignant de façon active a été obtenue par une artériographie ou une endoscopie sans succès thérapeutique de ces techniques le traitement chirurgical est la résection digestive segmentaire. En l’absence du site de saignement évident retrouvé la colectomie subtotale est recommandée en raison du taux de récidive hémorragique important après les colectomies à l’aveugle et de la morbidité accrue. Dans une série Parkes (6) le taux de récidive hémorragique après colectomie segmentaire dirigée était de 14% (artériographie positive) versus 42% après colectomie segmentaire à l’aveugle (artériographie négative). Les taux de morbidité et de mortalité étaient de 83% et 57% après colectomie segmentaire à l’aveugle. Le taux de récidive hémorragique était de 0% chez les malades ayant eu une colectomie subtotale. Dans certaines situations d’hémorragies digestives dites « d’origine obscure » (c’est à dire avec fibroscopie et coloscopie pré‐opératoire ne retrouvant pas d’argument pour un saignement d’origine digestive supérieure ou colique), l’entéroscopie per‐opératoire trouve sa place et son intérêt. Bien que l’intestin grêle soit rarement à l’origine du saignement dans les HDB : 0,9 à 7% des cas, il est à l’origine du saignement dans 45 à 75% dans la sous population des malades ayant une hémorragie digestive dite obscure ou d’origine inexpliquée. Dans la série de Douard, ayant inclus 25 malades avec une hémorragie digestive d’origine inexpliquée, l’entéroscopie per‐opératoire a permis la localisation du saignement au niveau de l’intestin grêle chez 16 malades sur 20. La sensibilité de l’entéroscopie per‐opératoire était donc de 65%, servant surtout à localiser de façon précise des lésions purement muqueuses non palpables par le chirurgien (7). FCC 1 – Prise en charge des hémorragies d’origine colique (diverticulose, rectites, radiques, varices rectales…) Conclusion Devant une HDB en situation d’urgence, la localisation préopératoire est souhaitable mais non nécessaire. Le recours à la chirurgie en situation aiguë doit être discuté de façon pluridisciplinaire avant que la barrière des 10 culots globulaires transfusés ne soit atteinte. Pour les hémorragies digestives d’origine colique : lorsqu’elles sont localisées en pré‐opératoire une résection limitée est la référence. En l’absence de localisation pré‐
opératoire la colectomie subtotale est une option fiable. L’entéroscopie per‐opératoire peut être utile devant une hémorragie digestive d’origine grêlique. FCC 1 – Prise en charge des hémorragies d’origine colique (diverticulose, rectites, radiques, varices rectales…) Références 1.
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Bour B, Pilette C, Lesgourgues B, Nouel O, Heluwaert F, henrion J, et al. Hémorragies digestives basses aiguës : résultats préliminaires d’une étude de l’ANGH sur plus de 1000 malades. Journées Francophones de Pathologie Digestive, 2008, abstract. 3.
Strate LL et Syngal S. Timing of colonoscopy : impact on length of hospital stay in patients with acute lower intestinal bleeding. Am J Gastroenterol 2003 ; 98 : 317‐22.) 4.
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Farrell JJ, Friedman LS. Review article : the management of lower gastrointestinal bleeding. Aliment Pharmacol Ther 2005 ; 21 : 1281‐98. 6.
Parkes BM, Obeid FN, Sorensen VJ, Horst HM, Fath JJ. The management of massive lower gastrointestinal bleeding. Am Surg 1993 ; 59 : 676‐8. 7.
Douard R, Wind P, Berger A, Maniere T, Landi B, Cellier C, Cugnenc PH. Role of intraoperative enteroscopy in the management of obscure gastointestinal bleeding at the time of video‐capsule endoscopy. Am J Surg. 2009; 198: 6‐11. FCC 1 – Prise en charge des hémorragies d’origine colique (diverticulose, rectites, radiques, varices rectales…) 
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