Le Courrier de la Transplantation - Vol. XI - n° 2 - avril-mai-juin 2011
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Dossier thématique
Tissus composites
Résumé
Summary
»
S’il est commode de porter un regard chirurgical sur
la greffe
de
visage (avec tout ce que ce mot porte en lui) quand, en l’occurrence,
le spectateur est aussi acteur, il est plus difficile d’étendre ce regard
vers
les greffés
du visage.
»
Dans le premier cas, la question se résout en termes de technique
chirurgicale, même si quelques inconnues, voire quelques impasses,
demeurent.
»
Le regard porté sur les greffés, en revanche, devra prendre
conscience que la chirurgie ne vaut que si elle sinscrit dans le cadre
plus général des transplantations, donc quelle a à partager ses
exigences avec les contraintes des traitements adjuvants indispensables
(immunosuppressions). Ce regard doit passer par une évaluation objective
à distance des résultats obtenus. Malgré un registre international, peu
d’équipes concernées ont accepté de se prêter à ce jeu cruel mais
indispensable, où la quatrième dimension, celle du temps, risque de
remettre en cause un enthousiasme premier un peu trop débordant.
Mots-clés : Allogreffe de visage – Chirurgie maxillo-faciale –
Défiguration.
If it is easy to deal about a surgical look on face transplant
(in all acceptations of the word), when the spectator is also
the actor, it is more difficult to extend this look to all face
transplanted patients.
In the first case (surgeon), the question is essentially based
on surgical procedure with still some unknown solutions
and deadlocks too.
The sights on face transplanted people underlined the fact that
this type of surgery could only occurred if it is largely discussed
among the transplant procedures and constraints especially
the immunosuppressive treatment. This look should be precisely
assessed through a long-term analysis of the result. Despite
the international CTA register, only few teams had accepted to
“play” this cruel game but undoubtedly indispensable because
of the importance of the effect of the fourth dimension: the
time which could put in question the early enthusiasm.
Keywords: Face allotransplantation – Maxillofacial surgery
– Disfigurement.
Regard chirurgical sur la greffe de visage
Surgical look on facial graft
B. Devauchelle*, S. Dakpe*, B. Lengele**, S. Testelin*
* Service de chirurgie
maxillo-faciale,
CHU d’Amiens.
** Département d’ana-
tomie et de morphologie
expérimentale, hôpital
Saint-Luc, UCL, Bruxelles.
I
l y a quelque paradoxe à écrire que l’allotransplanta-
tion de tissu composite au niveau de la face, ou greffe
de visage, facilite, sur le plan conceptuel, le travail du
chirurgien reconstructeur : point d’effort d’imagination
à rechercher dans l’économie de la personne – le ter-
ritoire donneur correspondant au mieux à la perte de
substance à reconstruire –, point d’élaboration sophis-
tiquée de lambeaux chimériques à respatialiser, point
de prélamination, point de préfabrication… Simple
échange standard d’une pièce anatomique manquante
prélevée aux exactes dimensions sur un donneur dont
l’amputation sera simplement cachée par un masque
de silicone. L’allotransplantation de tissu composite
au niveau de la face nest guère plus compliquée tech-
niquement que nimporte quel transplant libre micro-
anastomosé, et la forme à reconstruire est la plus parfaite
qui soit. Il lui reste cependant, indépendamment des
vicissitudes des traitements immunosuppresseurs, à
devenir greffe de visage : d’objet de substitution, elle
doit devenir sujet de reconstruction ; de tissu compo-
site, elle doit devenir organe. Il faut, pour reprendre la
métaphore de F. Delaporte, que “la dépouille de l’une
devienne le souple et soyeux vêtement de l’autre (1).
Technique chirurgicale
Conceptuellement donc, la chose est simple : substituer
à une perte de substance faciale étendue l’exacte corres-
pondance tissulaire prélevée sur un donneur en état de
coma dépassé, voire sur un donneur décédé (ce fut le cas
au moins une fois en Chine et une fois en Espagne), dès lors
que le territoire anatomique du transplant permet sa totale
revitalisation par anastomose vasculaire (système carotide
externe et réseau veineux de drainage). À cet impératif
premier, condition sine qua non, on ajoutera le devoir de
restaurer la fonction motrice (suture musculaire et/ou ner-
veuse) et la sensibilité (anastomose fasciculaire). Le reste est
un minutieux travail d’ostéosynthèse et de réparation, plan
par plan, des structures anatomiques. Sens de la spatialisa-
tion et souci de l’esthétique garantissent théoriquement
un bon résultat immédiat. Rien que du chirurgical, donc.
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Regard chirurgical sur la greffe de visage
Difficultés techniques
Les difficultés sont d’un ordre différent.
La perte de substance
Il peut y avoir perte de substance. Soit que, de nature
traumatique, celle-ci s’est rétractée, et la préparation du
site receveur oblige alors le chirurgien à un débridement
soigneux, éliminant les zones cicatricielles et indivi-
dualisant chacune des structures nobles sur laquelle
s’appuiera le transplant (ce fut le cas des 2 premières
transplantations) ; soit que l’exérèse d’une tumeur
bénigne, menée simultanément au prélèvement, ne
puisse être évaluée avec précision avant l’intervention et
oblige à surdimensionner la reconstruction ; soit, enfin,
que l’indication retenue soit celle d’une insuffisance
préalable de résultat (brûlure, traumatisme balistique,
etc.) et que l’évaluation préopératoire de la zone à
reconstruire n’ait pas pu être effectuée au préalable.
C’est ainsi que, par précaution pourrait-on dire, certains
ont été amenés à surdimensionner leur transplant, ce qui
a abouti à un résultat disgracieux dès lors que le patient,
capable de se lever, voyait la partie reconstruite de son
visage devenu piriforme peser de tout son poids du seul
fait de la gravité et de l’absence de sustentation motrice.
Dans ce cas, comme en témoigne la première trans-
plantation américaine, une ou plusieurs nouvelles
interventions à visée cosmétique s’avèrent nécessaires.
Le temps d’ischémie froide
Ce nest pas la moindre des difficultés que d’organiser
simultanément préparation du receveur et prélèvement
du donneur, de manière que le temps d’ischémie froide,
celui pendant lequel le transplant ne sera pas vascularisé
(et ce en dépit de l’usage des liquides de préservation),
soit le plus court possible. En deçà de 6 heures (temps
limite admis pour toute réimplantation tissulaire), on
ne sait que peu sur les effets délétères de l’ischémie
des tissus et sur l’éventuelle destruction irréversible de
structures nobles qu’elle causerait. Lorsque donneur
et receveur sont sur le même site géographique, il est
commode de respecter ce délai (il fut de 2 heures pour
la dixième transplantation faciale à Amiens). Cela est
plus délicat pour un prélèvement situé à plusieurs cen-
taines de kilomètres. Et que dire lorsque le donneur est
décédé (ou que le prélèvement est pratiqué à cœur
arrêté, comme ce fut le cas à Séville, lors de la troisième
transplantation faciale en Espagne) ?
La coordination des équipes est donc un facteur majeur de
la réussite de la transplantation faciale, posant ipso facto la
question de sa faisabilité lorsque les donneurs sont rares
(les délais d’attente sont de plusieurs mois), car justifiant
la priorité donnée à la proximité géographique entre le
lieu de prélèvement et le lieu de réalisation de la greffe.
La restauration d’un organe
Foin des discussions sémantiques (tout organe est tissu
et tout tissu ayant fonction autonome est organe). Le
but d’une allotransplantation faciale est de restaurer
ce qui, par sa perte, a amputé la fonction qui lui était
dévolue. La peau, organe de protection, est douée de
sensibilité, de sensorialité et de réflexes. Le visage est le
lieu privilégié de la reconnaissance, de la communication
entre le dehors et le dedans (oralité) et de l’expressivité
des passions. Devoir est donc imposé au chirurgien de
restaurer anatomiquement la continuité nerveuse et/
ou musculaire. Est-ce toujours possible ? Et dans quelles
conditions s’effectuera la repousse axonale ? Quels effets
pervers aura-t-elle (syncinésie) et quelle efficacité aura
une éventuelle neurotisation des muscles réimplantés ?
Au-delà, quelle réalité clinique recouvre un signal électro-
myographique ? Et quel est le rôle de la rééducation ? De
quelle sensibilité faudra-t-il parler lorsque, technique-
ment, il naura pas été possible de restaurer une continuité
nerveuse et que, en dépit de cela, le patient affirme sentir ?
De quelle objectivité doit-on se nourrir ici ? En dépit d’un
registre international d’évaluation et de suivi (2), chacun
des auteurs des 13 allotransplantations faciales officiel-
lement recensées à ce jour accepterait-il de livrer son ou
ses patients à une analyse critique de son travail ?
C’est cette sommation d’interrogations qui, loin d’être
résolue, constitue peut-être la difficulté présente et à
venir de la greffe de visage. Et les débats éthiques ne
seront clos qu’à la mesure des réponses qui pourront
(pourraient) être apportées. Que chacun accepte avec
humilité que l’on demeure là dans le champ de l’expé-
rimentation. Que ceux qui s’y prêtent (chirurgiens ou
patients) sachent que, ce faisant, ils s’exposent à terme à
voir leurs mérites vantés ou à être couverts d’opprobre.
Indications de la transplantation faciale
Au regard des topographies
Il n’y a pas nécessairement de correspondance entre
les pertes de substance composites à reconstruire et
les études anatomiques théoriques qui apprécient la
faisabilité de la transplantation (3). Chaque patient
constitue donc un cas particulier. Il est cependant
possible de définir certains schémas topographiques
préférentiels, soit que l’indication d’une greffe s’impose
davantage, soit que la fréquence et la gravité de leur
atteinte obligent à considérer a priori la greffe comme
une solution élégante à leur reconstruction.
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Dossier thématique
Tissus composites
Tiers médian facial
(triangle nez-lèvres-menton)
C’est sans aucun doute la topographie privilégiée dès
lors qu’aucune technique chirurgicale classique nest à
même de reconstituer la dualité labiale dans son esthé-
tique et dans sa fonction. Inscrire la transplantation
dans une unité esthétique et fonctionnelle, bordée
en dehors par les sillons nasogéniens, débordant en
haut vers la racine du nez et descendant en bas sous
le menton, présente le double avantage d’une bonne
intégration esthétique du transplant et de sa parfaite
indépendance vasculaire. La restauration de la sensibi-
lité y est commode. La réhabilitation motrice par simple
approximation musculaire est assurée, exception faite
des muscles orbiculaires de la lèvre. Lextension latérale
de la perte de substance cutanée ne pose guère de pro-
blème, pas plus que l’intégration des structures osseuses
sous-jacentes (os et cartilage du nez, prémaxillaire,
arc antérieur de la mandibule). Au-delà, c’est-à-dire
plus en profondeur, reste la question de la qualité de
la revascularisation par le réseau maxillaire interne, et
donc la nécessité de repenser l’anastomose vasculaire.
Tiers supérieur de la face
(région orbito-palpébrale et frontale)
Les pertes de substance non reconstructibles par les
procédés plus classiques sont heureusement plus rares.
Les défigurations isolées du tiers supérieur de la face ne
répondent que peu, voire pas, à une indication d’allo-
transplantation, et ce pour diverses raisons :
cette région constitue le point d’aboutissement d’un
réseau vasculaire issu de plusieurs pédicules (frontal
interne, facial et temporal superficiel) ;
la restauration de la fonction palpébrale, élément
princeps, s’avère hypothétique, car complexe sur les
plans anatomique et physiologique ;
les grandes défigurations s’accompagnent, surtout à
ce niveau, d’une cécité, ce qui donne une autre dimen-
sion au débat éthique.
Au demeurant, certaines pertes de substance particu-
lières ou, plus fréquemment, l’intégration de la région
orbito-nasofrontale à une perte de substance plus
étendue pourrait faire repenser la question.
Hémiface
Certains délabrements latéraux faciaux étendus ou cer-
taines tumeurs exceptionnelles pourraient faire l’objet
d’une indication de transplantation. Anatomiquement, la
chose se conçoit aisément. Paradoxalement, les pertes de
substance de cette région laissent a priori peu de séquelles
fonctionnelles. L’audition échappe à la transplantation.
La paralysie faciale peut relever d’autres techniques. La
question se pose davantage en termes de résultat esthé-
tique. Faut-il penser qu’une chirurgie du profil” (suscitant
nécessairement une comparaison avec le côté sain) aurait
un moins bon résultat qu’une chirurgie de la face ?
Face totale
La réflexion de ce début de siècle à propos de la greffe
de visage relevait de l’idée selon laquelle il n’y avait de
transplantation faciale que totale et quelle concernait uni-
quement les patients porteurs de séquelles de brûlures.
Sur les plans anatomique et vasculaire, la levée de la
totalité du revêtement cutanéo-musculaire de la face
est possible, à condition d’utiliser les réseaux carotide
et jugulaire externes chez le donneur, et de préserver
au moins un réseau carotide externe chez le receveur, ce
qui implique une anastomose termino-latérale d’un côté.
Un apport osseux complémentaire est envisageable dès
lors qu’il ne s’agit que des piliers antérieurs du squelette
facial et/ou du corps mandibulaire. En revanche, en
surface, l’extension peut aller jusqu’au pavillon de l’oreille
et peut toucher une partie du cuir chevelu.
Si, donc, chacun est conscient que le SMAS (Superficial
MusculoAponeurotic System) est une partie intégrante du
transplant, les difficultés sont davantage d’ordre fonc-
tionnel. Quel pronostic moteur peut-on attendre de la
simple anastomose du tronc du nerf facial ? Comment
articuler le jeu du releveur de la paupière supérieure et
celui de l’orbiculaire palpébral ? Sur le plan sensitif, aura-t-
on pris soin ou aura-t-on eu la possibilité d’anastomoser
non seulement les différentes branches terminales du
trijumeau, mais également celles, auriculaires, du plexus
cervical ? Les observations cliniques rapportées sont trop
récentes pour que l’on puisse répondre à ces questions.
Hormis les séquelles de brûlures pan-faciales (et les
brûlures exposent à des risques infectieux particuliers),
les indications de transplantation faciale restent rares.
Au regard des pathologies
On distingue 3 grands types de défiguration :
les défigurations d’origine traumatique : dans ce cas,
l’objectif du traitement est d’obtenir une restitution
ad integrum ;
les défigurations d’origine congénitale : pour le sujet
qui en est porteur, il n’y a aucune référence à un visage
passé. Lobjectif est ici celui d’une “normalité, effaçant
toute trace de l’anomalie congénitale sans qu’une
exigence particulière de ressemblance soit imposée ;
les défigurations de nature tumorale : dans ce cas,
la priorité est l’extirpation de la tumeur, puis la restau-
ration de la fonction davantage que celle de la forme,
Le Courrier de la Transplantation - Vol. XI - n° 2 - avril-mai-juin 2011 73
1. Delaporte F. Un visage,
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5. Devauchelle B, Testelin S,
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Dubernard JM. La greffe
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Plast Esthet 2010;55:452-60.
Références
bibliographiques
Regard chirurgical sur la greffe de visage
altérée soit par la tumeur, soit par la chirurgie d’exérèse.
Quelle place peut alors prendre une technique chirur-
gicale, la greffe, qui ne peut qu’approcher une forme
(celle du donneur) et ouvrir au travail de reconstitution
d’une fonction ?
L’allotransplantation de tissu composite au niveau de
la face va aux défigurations traumatiques lorsque, soit
d’emblée, soit au stade des séquelles, l’impasse théra-
peutique est évidente (du fait que l’on se contente
d’exploiter les propres ressources du patient, ou parce
que l’épithèse est inacceptable).
Topographie et profondeur de la perte de substance à
réparer sont, d’un point de vue chirurgical, les motifs
premiers à prendre en compte. Sil s’agit d’un geste
de première intention, l’échec, toujours possible, soit
chirurgical, soit par rejet aigu, nexpose qu’au risque de
retour à l’état initial. En revanche, si le patient a déjà fait
l’objet de divers temps de reconstruction antérieurs,
cet échec remet en cause tout le travail entrepris et
expose à des séquelles encore plus difficiles à réparer.
Amputation par morsure, scalp facial traumatique,
explosion et blast constituent les meilleures indications.
Il y a lieu de s’interroger chirurgicalement et éthique-
ment sur l’indication de la transplantation faciale chez
les sujets porteurs de brûlures étendues. La seule obser-
vation rapportée à ce jour s’est soldée par le décès du
patient. Substituer un transplant au masque facial figé
par les greffes cutanées préalables oblige à sacrifier
délibérément la peau déjà reconstruite. Le risque infec-
tieux est en outre majoré. Lobservation rapportée par
C. Angrigiani et al. (4), substituant un double lambeau
scapulaire au masque facial greffé d’un brûlé, conforte
l’idée qu’une transplantation ne vaut que si elle res-
titue au moins une certaine dynamique, emportant en
profondeur le SMAS et, partant, les muscles peauciers.
La transplantation faciale se doit donc d’avoir comme
objectif la réhabilitation fonctionnelle autant que la
réhabilitation esthétique : cest ce qui lui donne son
sens et sa raison d’être.
Aujourd’hui, la malformation faciale congénitale fissu-
raire ne peut pas relever de l’allotransplantation, et ce
pour diverses raisons techniques, éthiques, etc. Trop
d’inconnues (croissance et immunosuppression) et trop
d’obstacles matériels (dons d’organes hypothétiques
statistiquement) rendent son indication théorique inap-
propriée. En revanche, la maladie tumorale bénigne
entrant dans le cadre d’une pathologie héréditaire
(neuro fibromatose de von Recklinghausen) ou la mal-
formation vasculaire étendue (malformation artério-
veineuse) engageant le pronostic vital et à expression
retardée constituent davantage des pistes de réflexion.
C’est ainsi qu’en janvier 2007, à Paris, un patient atteint
d’une maladie de von Recklinghausen de type I, inva-
lidante et déformante, a bénéficié, avec un résultat
morphologique prometteur, d’une allotransplantation
concernant plus de la moitié de la partie inférieure de la
face. D’autres cas ont suivi, au sujet desquels, au vu de
l’infiltration habituelle des structures nerveuses de ces
maladies et de l’incongruence des diamètres des nerfs
à réanastomoser, on s’interrogera, plus tard, quant à la
capacité pour le transplant de recouvrer une dynamique.
La problématique qui se pose ici vaut pour partie
également pour les malformations artério-veineuses.
Le risque de réactivation de la tumeur vasculaire par
un geste chirurgical, même étendu, nest pas nul.
Cependant, l’abstention thérapeutique, admise dès
lors que la tumeur est quiescente, repose autant sur
l’inconnue pronostique que sur l’impossibilité à recons-
truire valablement la perte de substance générée par la
chirurgie d’exérèse. Une fois cet obstacle levé grâce à la
transplantation, on sinterroge sur les éventuels effets du
traitement immunosuppresseur sur la maladie. Au-delà
de l’effet anti-VEGF de nouvelles molécules, cette voie,
dans cette indication particulière, mérite d’être vérifiée.
Et qu’en est-il, alors, des tumeurs malignes ? L’allo-
transplantation na pas sa place dans la réparation des
pertes de substance liées à leur exérèse dès lors que
l’on connaît les risques, en rapport avec l’immunosup-
pression, d’apparition de cancers cutanés ou de lym-
phomes. De ce point de vue, la transplantation de scalp
et d’oreilles réalisée en Chine il y a quelques années après
exérèse d’un mélanome malin (le patient est décédé
au bout de 2 mois), tout comme la transplantation de
langue réalisée à Vienne après ablation d’un carcinome
épidermoïde (le patient est décédé 1 an après) doivent
être considérées comme de graves erreurs d’indication.
Conclusion
Il n’y a pas d’indication à la greffe de visage. Il n’y a, au
bout du compte, qu’une magnifique histoire d’individus
à réécrire et à réinventer chaque fois(5). Ainsi un acte
chirurgical nappartient pas à celui qui le réalise, mais
à celui qui le reçoit. La responsabilité de sa réussite
ou de son échec tient cependant à celui qui en a posé
l’indication et l’a effectivement pratiqué. Et l’exploit, si
tant est quil existe (les médias utilisent volontiers ce
mot), ne se mesure pas en étendue de surface ou de
profondeur, mais en temps, celui-là seul qui permet, a
posteriori et a posteriori seulement et en dépit de ce
que, avec le vieillissement, il porte en lui de modification
de notre corps tout entier, d’affirmer quil y a bien eu
greffe de visage.
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