La chimiothérapie préopératoire des cancers bronchiques non à petites cellules (CBNPC)

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La chimiothérapie préopératoire des cancers bronchiques
non à petites cellules (CBNPC)
Preoperative chemotherapy
in resectable non-small-cell lung cancer (NSCLC)
● A. Depierre*, V. Westeel*, P. Jacoulet*
Résumé : Les nombreux essais de phase II réalisés autour de la chimiothérapie préopératoire des cancers bronchiques non à petites
cellules ont permis d’acquérir de nombreuses données. Cette chimiothérapie a une toxicité acceptable lorsqu’elle est réalisée par une
équipe pluridisciplinaire entraînée. Elle est efficace sur la tumeur, avec des taux de réponses tumorales proches de 70 % et des taux
de réponses complètes histologiques voisins de 10 %. Actuellement, on dispose seulement de 3 essais randomisés comparant la chimiothérapie préopératoire et la chirurgie seule. Les deux premiers sont de très petits essais, numériquement parlant. Les trois essais
plaident en faveur de la chimiothérapie, sans pouvoir encore prétendre l’imposer comme un standard thérapeutique. L’efficacité de la
chimiothérapie préopératoire semble s’exercer essentiellement sur les micrométastases, ce qui pourrait expliquer son activité préférentielle dans les stades précoces. Ses avantages sont nombreux par rapport à la chimiothérapie adjuvante ou postopératoire. Elle
permet de connaître rapidement la chimiosensibilité d’une tumeur et de réduire la durée d’administration chez les patients résistants.
L’observance thérapeutique y est meilleure. Ses résultats pourraient modifier les stratégies thérapeutiques comme celle qui consiste
à ne proposer la chirurgie dans les stades IIIA qu’aux patients ayant bénéficié d’une fonte des adénopathies médiastinales sous chimiothérapie initiale, en proposant aux autres une radiothérapie. La chimiothérapie préopératoire permet une augmentation du taux
de résécabilité des tumeurs IIIA, voire, dans certains cas, des tumeurs IIIB. Elle permet, dans certaines circonstances, une économie
de tissu pulmonaire, sans qu’on sache encore si ces deux derniers avantages ont un intérêt pour le patient en termes de survie.
Mots-clés : Chimiothérapie préopératoire - Cancers bronchiques - Cancers bronchiques non à petites cellules.
Summary: Numerous data are available from phase II trials of preoperative chemotherapy for non-small-cell lung cancer. Pre-operative chemotherapy is feasible and its toxicity is acceptable for experienced multidisciplinary teams. It is effective with response
rates around 70% and a complete response in approximately 10% of patients. Only 3 randomized trials comparing preoperative
chemotherapy to surgery alone have been published. The first 2 have included few patients. They all are in favour of preoperative
chemotherapy but insufficient for considering preoperative chemotherapy as standard treatment. Preoperative chemotherapy
seems particularly active against micrometastases, which could explain its preferential effect in early stages. When compared
with postoperative chemotherapy, preoperative chemotherapy has many advantages. Chemosensitivity can be evaluated and therefore chemotherapy duration reduced in chemoresistant tumours. Chemotherapy is more easily accepted before surgery and
treatment compliance is better. Considering that downstaging has been reported as being a favourable prognostic factor, refinements of therapeutic strategies might derive from the preoperative use of chemotherapy with surgery of N2 disease confined
to downstaged tumours. There are 2 more potential advantages whose effect on survival have also to be evaluated: increased
resectability rates in stage IIIa and in some cases of stage IIIb disease, and reduction of the extent of pulmonary resection.
Keywords: Preoperative chemotherapy - Lung cancer - Non-small-cell lung cancer.
a chimiothérapie préopératoire porte en elle beaucoup d’espoirs. Les stratégies combinées ont apporté
les progrès les plus notables des dix dernières années
en matière de prise en charge thérapeutique des CBNPC. Il
faut se rappeler en préambule les résultats à long terme de l’essai
L
* Service de pneumologie, CHU de Besançon.
La Lettre du Pneumologue - Volume VI - no 4 - juillet-août 2003
de Dillman du CALGB. Dans cet essai, l’association chimiothérapie et radiothérapie, dans les cancers localisés mais non
résécables, permettait de doubler la survie à 10 ans des cancers
ainsi traités par rapport à la radiothérapie seule. Même si le
taux de guérisons pouvait apparaître faible aux yeux des impatients, le nombre élevé de cancers bronchiques pris en charge
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chaque année offre quelques milliers de guérisons supplémentaires. Les résultats de cet essai parurent suffisamment importants pour qu’un autre grand groupe coopérateur, le RTOG
(Radiotherapy Oncology Group), le reproduise à l’identique.
Les résultats furent exactement les mêmes sur un plus grand
nombre de patients, de telle sorte que l’association séquentielle
chimiothérapie suivie de radiothérapie devint le standard du
traitement des cancers bronchiques non à petites cellules localisés mais non résécables (en langage TNM, les stades IIIA non
résécables et les stades IIIB). Un essai français renforçait encore
les arguments en faveur de la chimiothérapie comme traitement
d’induction avant la radiothérapie.
L’ÉTAPE INITIALE
DE LA CHIMIOTHÉRAPIE ADJUVANTE
Dans le même temps, les cliniciens cherchaient à améliorer les
taux de guérison des CBNPC opérés. Ils adoptèrent initialement
une stratégie de prudence. La chimiothérapie, lors des premiers
essais, n’avait pas encore fait la preuve de son efficacité sur la
survie des patients atteints d’une tumeur métastasée. Il semblait
raisonnable de commencer par la chirurgie et de n’administrer
le traitement expérimental qu’en dernier. Cette attitude avait
l’inconvénient de donner la chimiothérapie à l’ensemble des
patients sans connaître leur chimiosensibilité.
De très nombreux essais furent menés. La méta-analyse du NonSmall-Cell Lung Cancer Collaborative Group (NSCLCCG)
reprenait, dans un projet très ambitieux, l’ensemble des essais
randomisés comparant une thérapeutique standard et son association à la chimiothérapie. Elle permit de confirmer que l’association séquentielle chimiothérapie-radiothérapie améliore la
survie des patients ainsi traités par rapport à ceux recevant la
radiothérapie seule. Toutefois, elle objectivait que le gain qu’on
pouvait espérer de la chimiothérapie postopératoire ou adjuvante n’excédait pas 5 %, et la puissance statistique de la métaanalyse ne permettait pas de conclure à la signification statistique de ce gain de 5 %.
Néanmoins, des équipes estimèrent les progrès de la chimiothérapie moderne suffisants pour commencer de nouveaux
essais randomisés avec suffisamment de patients pour démontrer la réalité de ce faible gain.
Actuellement, sur les quatre grands essais internationaux entrepris, les résultats de l’essai ALPI et de l’essai IALT ont été
présentés.
L’essai ALPI est un essai ayant inclus un grand nombre de
patients (1 209) et, pourtant, le faible gain obtenu, d’environ
5 %, n’est pas encore statistiquement significatif.
L’essai IALT a été présenté au dernier congrès de l’ASCO
(Le Chevalier, 2003 #1745). Il comprenait un nombre élevé de
patients (1 867). Le gain de survie observé dans le bras de
chimiothérapie adjuvante est conforme aux données antérieures
(gain de 5 % à 5 ans) et la différence est statistiquement significative en raison du grand nombre de patients inclus dans
l’essai.
Cet ensemble amenait naturellement les cliniciens à introduire
la chimiothérapie d’induction chez les patients opérables.
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LES ESSAIS DE PHASE II
Initialement, l’idée dominante fut que ces chimiothérapies
devaient être intensives car elles s’adressaient à des patients
plus jeunes, en bon état général, porteurs de petites tumeurs
encore peu délabrantes, d’autant plus que ces chimiothérapies
devaient être de courte durée avant l’acte chirurgical (2, au
maximum 3 cycles). C’est ainsi que furent privilégiées les trithérapies (MIP : mitomycine, ifosfamide et cisplatine, schéma
que l’on retrouve dans l’essai de Rosell et dans l’essai français
MIP 91, ou le schéma MVP : mitomycine, vinblastine et cisplatine, utilisé par plusieurs groupes américains et canadiens).
Cette idée fut, par la suite, abandonnée en raison de sa trop
grande toxicité et, actuellement, la totalité des essais en cours
utilise des bithérapies, comprenant toujours du cisplatine (ou
un dérivé). En effet, ici comme dans les autres circonstances,
le cisplatine reste incontournable.
De l’ensemble des essais de phase II réalisés, et il y en eut beaucoup, on peut tirer les leçons suivantes :
– la chimiothérapie préopératoire est réalisable avec une morbidité et une mortalité induites acceptables, même si celles-ci
se révéleront, dans les grandes études, plus importantes que prévues. Elles sont essentiellement liées à la suture bronchique et
à sa complication, la fistule associée à un pyothorax. Elles semblent s’observer de manière privilégiée après la chirurgie d’exérèse des tumeurs N2 ;
– la fibrose médiastinale générée par la chimiothérapie se rencontre essentiellement dans les cas d’atteinte médiastinale initiale et cette fibrose est chirurgicalement dissécable, sans difficulté majeure, entre les mains d’un chirurgien entraîné à cette
chirurgie thoracique ;
– le taux de réponses objectives est voisin, dans tous les
essais, de 60 voire 70 %, et le taux de réponses complètes
histologiques avoisine les 10 %. Ces taux sont bien la démonstration que l’efficacité de la chimiothérapie est liée, dans le
cancer du poumon comme ailleurs, au volume tumoral pris
pour cible ;
– l’efficacité sur les adénopathies médiastinales conduisant à
un downstaging (diminution du stade) médiastinal (passage du
stade N2 au stade N0) est un facteur pronostique important.
Ces conclusions sont issues de l’analyse d’une trentaine d’essais
totalisant plus de 1 000 patients.
LES ESSAIS RANDOMISÉS
Les essais comparant une chimiothérapie préopératoire suivie
d’une chirurgie d’exérèse et la seule chirurgie d’exérèse sont
au nombre de trois actuellement : ce sont l’essai de Rosell,
l’essai de Roth et l’essai français MIP 91. Ces trois essais sont
de valeur inégale, les deux premiers comprenant un nombre
faible de patients, ce qui enlève beaucoup de valeur aux résultats observés (60 patients dans chacun de ces essais). Il n’est
peut-être pas utile de détailler ces trois essais, abondamment
présentés dans la littérature. On peut essayer d’en tirer les
conclusions suivantes :
– ils sont tous les trois en faveur de la chimiothérapie préopéLa Lettre du Pneumologue - Volume VI - no 4 - juillet-août 2003
ratoire, les 2 premiers pour les stades IIIa et le dernier surtout
en faveur des stades plus précoces I et II ;
– les courbes de survie, dans les 3 essais, divergent progressivement pour atteindre une différence maximale vers 3 ans, qui
reste stable au-delà ;
– la valeur de cette différence au-delà de 3 ans est pour l’instant
difficile à définir. Dans l’essai le plus pessimiste, l’essai français,
cette différence est voisine de 10 % (tableau I) ;
Tableau I. Différence de survie entre les deux bras de l’essai français
MIP 91 (date de point : septembre 2002).
Survie (ans)
CT + CH* (%) CH** (%)
Différence (%)
p
3,2
0,48
1
76,5
73,3
2
59,2
52,3
6,9
–
3
52,0
41,5
10,5
0,04
4
45,2
36,3
8,9
–
5
41,3
31,6
9,7
0,06
* CT + CH : chimiothérapie préopératoire + chirurgie ; ** CH : chirurgie seule.
– l’efficacité de la chimiothérapie semble s’exercer préférentiellement contre les micrométastases. La probabilité de faire une
métastase est diminuée de manière significative (p = 0,01) alors
que la probabilité de présenter une récidive locale n’est pas modi-
fiée par la chimiothérapie préopératoire (figure 1). Cette absence
de résultat sur la probabilité de récidive locorégionale est en
contradiction avec l’important downstaging médiastinal observé
dans la plupart des études. Cette stérilisation des adénopathies
médiastinales (passage d’un N2 prouvé par médiastinoscopie
avant induction à un N0 histologique lors de l’examen anatomopathologique de la pièce opératoire) est fréquente après chimiothérapie. C’est, dans toutes les analyses, un facteur pronostique
important. Pourtant, la fréquence des rechutes médiastinales ne
semble pas modifiée. Ce résultat avait aussi été retrouvé dans
l’étude de Le Chevalier évaluant la chimiothérapie d’induction
avant radiothérapie. Il faudrait donc admettre que l’étude histologique des ganglions lymphatiques n’est pas suffisante à elle
seule pour prédire la rechute locorégionale. En revanche, elle
semble être un bon marqueur de l’efficacité sur les micrométastases, comme si un ganglion médiastinal n’était ni plus ni moins
qu’une métastase.
Cette question est intéressante. L’idée progresse que le moment
le plus opportun pour faire la médiastinoscopie ne se situerait pas
avant la chimiothérapie d’induction. Il pourrait, en effet, être très
intéressant de la faire à la fin de la chimiothérapie préopératoire,
mais on connaît mal la morbidité de cet acte réalisé après traitement d’induction. L’important serait de savoir si, après induction, le médiastin est nettoyé et ouvre la voie de la chirurgie ou
s’il est encore envahi, facteur de mauvais pronostic, légitimant
alors une radiothérapie. Des auteurs se sont engagés dans cette
voie. Certains ont expérimenté la possibilité de faire deux médias-
Pourcentage de métastases
40
Pourcentage de contrôle local
p = 0,01
100
p = 0,52
90
30
80
20
70
60
10
50
40
0
1
2
3
4
5
années
Chimiothérapie préopératoire
1
2
3
4
5
années
Chirurgie première
Figure 1. Probabilité de rechute (essai préopératoire français).
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tinoscopies en termes de morbidité et de faisabilité. Il ne semble
pas que cela puisse facilement relever de la routine. Il est possible que le PET scan permette de répondre plus facilement à
cette question.
À ce stade, en termes de médecine fondée sur les preuves, il est
évident qu’il est encore trop tôt pour admettre définitivement la
chimiothérapie préopératoire comme un traitement standard
opposable des cancers bronchiques résécables et opérables. Il
semble néanmoins qu’on soit autorisé à la pratiquer, au sein
d’équipes entraînées.
AVANTAGES D’UNE CHIMIOTHÉRAPIE PRÉOPÉRATOIRE
SUR UNE CHIMIOTHÉRAPIE ADJUVANTE
Dans le tableau II, les principaux justificatifs de la chimiothérapie préopératoire ont été résumés. Certains ont déjà
été exposés précédemment, comme l’action sur les micrométastases, l’évaluation et l’intérêt du downstaging. Il est intéressant d’insister sur quatre autres points particuliers : le test
de chimiosensibilité, l’augmentation de la résécabilité, l’économie du tissu pulmonaire et l’évaluation du TNM. Ces quatre
points sont évidemment l’apanage exclusif de la chimiothérapie
préopératoire.
Tableau II. Justifications du meilleur moment pour l’application
d’une chimiothérapie par rapport à la chirurgie.
Position de la chimiothérapie
Pré-
Post-
Juger de l’efficacité (test de chimiosensibilité)
++
–
Observance (tolérance)
++
+
Augmenter la résécabilité
++
–
Destruction des micrométastases
++
++
+ (?)
–
Évaluation du TNM préthérapeutique
–
+
Évaluation du downstaging
++
–
Économie de tissu pulmonaire
Test de chimiosensibilité : son sens est évident, mais son utilité a évolué. Il fut conçu initialement comme une possibilité
de classer la tumeur comme étant chimiosensible ou chimiorésistante. Cette distinction n’est pas très utilisable en pratique.
En revanche, connaître rapidement la sensibilité d’une tumeur
à une chimiothérapie donnée permet de l’arrêter si elle est inefficace. On diminue ainsi la toxicité potentielle chez les nonrépondeurs. La réponse à cette question est le plus souvent obtenue avec seulement deux cycles de chimiothérapie.
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si cette dernière a été rendue possible par la chimiothérapie, ou
d’une radiothérapie si la chirurgie reste impossible ou si la résection a été incomplète. Un essai randomisé américain (Intergroup
0139) ayant pour objectif de répondre à cette question est en
cours. Un essai vient d’être publié sur le meilleur traitement
local après chimiothérapie d’induction (radiothérapie ou chirurgie) dans les stades IIIaN2. Cet essai manque de puissance
statistique en raison du faible nombre de patients inclus
(75 patients). Mais il ne met pas en évidence de différence entre
les deux types de traitements locaux et repose ainsi, de manière
claire, la question du traitement local le plus adapté aux formes
localement avancées.
Économie de tissu pulmonaire : c’est un sujet passionnant
qui commence à être abordé. Il se pose en ces termes : après
une chimiothérapie d’induction, il arrive que le bilan préopératoire immédiatement avant la chirurgie et les constatations
peropératoires indiquent qu’une lobectomie est possible là où
seule une pneumonectomie était initialement réalisable. On
conçoit tout l’intérêt d’une telle économie d’exérèse. La morbidité et la mortalité d’une pneumonectomie sont beaucoup plus
importantes que celles d’une lobectomie. Les séquelles respiratoires d’une pneumonectomie sont sans commune mesure
avec celles d’une lobectomie, en particulier en matière d’ergonomie du travail. Néanmoins, si quelques chirurgiens ont commencé à travailler sur le sujet, on manque cruellement de données, en particulier sur le taux de récidives locales que pourrait
induire une telle économie. Il serait intéressant que tous les chirurgiens adoptant cette attitude regroupent rapidement leurs
résultats.
●
Évaluation du TNM : c’est la difficulté essentielle posée par
la chimiothérapie préopératoire. Elle prive le clinicien d’un
TNM histologique tel qu’il est évalué par l’acte opératoire.
Néanmoins, dans les cancers bronchiques non résécables ou non
opérables, il a toujours été nécessaire d’évaluer les cancers bronchiques et de les classer selon le code TNM sans disposer d’un
abord chirurgical préalable.
●
●
Augmentation de la résécabilité : il semble acquis que la chimiothérapie préopératoire augmente la résécabilité des tumeurs
de stade IIIA N2. En revanche, rien ne permet actuellement de
savoir si le malade en tire un bénéfice en termes de survie. Dans
cette situation (non-résécabilité initiale), le traitement de référence est une chimiothérapie suivie de radiothérapie. Il faut donc
comparer ce traitement de référence à une stratégie comprenant
une chimiothérapie première suivie d’une exérèse chirurgicale
●
154
PROSPECTIVES
Il y a actuellement quatre grands essais en cours qui testent
directement l’apport de la chimiothérapie préopératoire associée à la chirurgie, comparée à la chirurgie seule. Ces essais
avancent lentement. Il s’agit d’un essai anglais (MRC LU 22),
d’un essai américain (INT S 990), d’un essai italien (CHEST)
et, enfin, d’un essai plus européen, dirigé par Rosell (NATCH).
Ces essais ne sont malheureusement qu’à mi-parcours pour la
plupart et leurs résultats ne seront pas connus avant 3 ans minimum. Seuls leurs résultats définitifs, s’ils plaident eux aussi en
faveur de la chimiothérapie, feront de cette technique de prise
en charge un standard thérapeutique.
De très nombreuses questions restent en suspens actuellement.
Nous en avons abordé quelques-unes : l’augmentation de la
résécabilité, l’économie de tissu pulmonaire. Des points aussi
essentiels que la durée et le schéma idéal de la chimiothérapie
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ne sont pas élucidés. C’est dans ce but que l’Intergroupe francophone de cancérologie thoracique (IFCT) a commencé, en
juillet 2001, l’essai IFCT 0002. Il teste deux schémas de chimiothérapie. Après deux cycles initiaux de chimiothérapie préopératoire, le premier schéma comprend deux autres cycles préopératoires chez les seuls répondeurs. Il est comparé à un
deuxième schéma où, toujours après deux cycles initiaux de
chimiothérapie préopératoire, les deux autres cycles, chez les
répondeurs, sont effectués en postopératoire. Il compare aussi
deux associations en termes de tolérance et de faisabilité : l’association carboplatine-paclitaxel et l’association cisplatinegemcitabine. Actuellement, 200 patients ont été inclus, sur les
522 prévus par le protocole.
CONCLUSION
Au terme de 15 années d’efforts et d’essais nombreux, la chimiothérapie préopératoire acquiert progressivement droit de cité
dans la prise en charge stratégique des cancers bronchiques non
à petites cellules, sans être encore devenue un standard obligatoire. Ses avantages sont nombreux par rapport à la chimiothérapie adjuvante. Elle permet de connaître rapidement la chimiosensibilité de la tumeur et d’en réduire la durée, donc la toxicité,
chez les patients résistants. L’observance thérapeutique en est
meilleure. Elle permet d’évaluer l’efficacité sur les structures
ganglionnaires quand elles sont envahies, ce qui devrait donner
lieu à un affinement des stratégies thérapeutiques. Elle permet
une augmentation du taux de résécabilité des tumeurs IIIA, voire,
dans certains cas, des tumeurs IIIB. Elle permet, dans certaines
circonstances, une économie de tissu pulmonaire, sans qu’on
sache encore si ces deux derniers avantages ont un intérêt pour
le patient en termes de survie. Enfin, son efficacité sur les micrométastases a été amplement démontrée.
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