La lettre de l’hépato-gastroentérologue - n° 4 - vol. IV - septembre 2001
188
DOSSIER THÉMATIQUE
L’immunosuppression
après transplantation hépatique :
nouveaux médicaments, nouvelles conceptions
!Y. Calmus*
a survie des patients et des greffons après transplan-
tation hépatique (TH) est de 70 à 80 % à 5 ans. Les
progrès considérables effectués depuis une dizaine
d’années sont en grande partie liés à l’amélioration des traite-
ments immunosuppresseurs. Ceux-ci ont néanmoins encore d’im-
portantes limites :
– malgré l’intensité du traitement immunosuppresseur, l’inci-
dence du rejet aigu reste de 30 à 50 % ;
– on est encore loin d’atteindre un état de tolérance spécifique,
comme en témoigne le risque de survenue d’un rejet aigu après
interruption ou simplement réduction, même tardive, de
l’immunosuppression ;
– la prévalence du rejet chronique reste de l’ordre de 5 %, et
explique une partie des pertes tardives du greffon ;
– les immunosuppresseurs actuels comportent des effets secon-
daires réduisant la qualité de vie et la survie à long terme.
L
* Hôpital Cochin, Paris.
POINTS FORTS
" Les progrès considérables effectués depuis une dizaine
d’années en transplantation hépatique sont en grande partie
liés à l’amélioration des traitements immunosuppresseurs.
" Néanmoins, leurs nombreux effets secondaires sont sus-
ceptibles de réduire la qualité de vie et la survie à long terme
des patients.
" Les infections et les cancers sont les deux complications
communes à tous les immunosuppresseurs.
" Les principaux effets secondaires de la ciclosporine A
(Néoral®) et du tacrolimus (Prograf®) sont l’hypertension
artérielle, la néphrotoxicité et la neurotoxicité. Par rapport
à la ciclosporine, le tacrolimus réduit l’incidence des
rejets, et permet le contrôle des rejets chroniques débu-
tants.
" La meilleure spécificité d’action du mycophénolate mofé-
til (Cellcept®), sa toxicité médullaire moindre que celle de
l’azathioprine (Imurel®) et son effet synergique avec celui
des anticalcineurines sont à l’origine de son utilisation en
transplantation hépatique en remplacement de l’azathioprine.
Il permet de réduire, ou d’interrompre, les anticalcineurines
et d’améliorer la fonction rénale.
" La rapamycine, nouvel immunosuppresseur, est un macro-
lide qui permet de réduire l’incidence du rejet aigu ; elle peut
remplacer la ciclosporine en cas d’effets secondaires, et
notamment en présence d’une insuffisance rénale.
" Les nouveaux anticorps monoclonaux anti-CD3 humanisé
(basiliximab, daclizumab, inolimomab) sont beaucoup mieux
tolérés que les sérums antilymphocytaires ou le premier
anticorps monoclonal anti-CD3 (OKT3).
" Le traitement de référence du rejet aigu repose sur la cor-
ticothérapie à fortes doses (Solu-médrol®).
L’absence d’amélioration de la biologie hépatique définit
le rejet corticorésistant. Un traitement par sérum antilym-
phocytaire ou OKT3 doit alors être discuté. Une conversion
au tacrolimus chez les patients antérieurement traités par la
ciclosporine ou une augmentation des doses de tacrolimus
sont également possibles.
" L’association des différents immunosuppresseurs devrait
permettre dans l’avenir de réduire les effets secondaires de
chacun d’entre eux. L’immunosuppression à la carte en fonc-
tion de l’âge et de l’indication de transplantation hépatique
fait également l’objet de nombreuses réflexions.
POINTS FORTS
La lettre de l’hépato-gastroentérologue - n° 4 - vol. IV - septembre 2001 189
DOSSIER THÉMATIQUE
LA PRÉHISTOIRE
Le traitement conventionnel associait presque toujours, jusqu’en
1995, corticoïdes, azathioprine et ciclosporine.
Malgré les progrès réalisés en immunosuppression, les corticoïdes
restent très utilisés. Leurs effets immunosuppresseurs comportent
une réduction de production d’interleukine 1, nécessaire à l’in-
duction de la réponse immunitaire, de cytokines à effet pro-inflam-
matoire, comme le TNFα,et de médiateurs de l’inflammation
(radicaux libres oxygénés, eicosanoïdes, etc.). Leurs effets secon-
daires sont nombreux (tableau I). L’importance de ces effets
secondaires, en particulier les troubles métaboliques qui favori-
sent la surmortalité à long terme, pousse actuellement certaines équipes
à interrompre les corticoïdes le plus rapidement possible (1, 2).
L’effet immunosuppresseur de l’azathioprine s’exerce par le
biais d’une inhibition de la prolifération cellulaire, par inhibition
de la synthèse des purines, à la fois par la voie de novo et par la
voie de sauvetage. Il s’agit donc d’un effet non spécifique, agis-
sant à la fois sur les lymphocytes T, les lymphocytes B, mais éga-
lement sur toutes les autres cellules. L’azathioprine était admi-
nistrée pendant les trois premiers mois post-greffe, et la majorité
des équipes l’interrompaient ensuite. La toxicité médullaire de
l’azathioprine (leucopénie, anémie, risque d’aplasie aiguë) est
modérée et habituellement facilement gérable, en dehors de
causes surajoutées (hypersplénisme, utilisation d’autres myélo-
toxiques tels que le ganciclovir ou l’allopurinol). La toxicité hépa-
tique, essentiellement vasculaire (péliose, maladie veino-occlu-
sive, hyperplasie nodulaire régénérative), est probablement faible
aux doses habituellement utilisées après transplantation (1 à 1,5
mg/kg/j). La tératogénicité est faible.
La ciclosporine est la première “anticalcineurine” commerciali-
sée. Elle se fixe à la ciclophiline, une immunophiline intracellu-
laire. Le couple immunophiline-immunosuppresseur inhibe la
calcineurine, phosphatase dont l’un des principaux substrats est
le NF-AT (nuclear factor of activated T cells) qui est capable,
une fois déphosphorylé, d’activer la transcription de gènes codant
pour les cytokines de la réponse immunitaire, en particulier l’in-
terleukine 2. L’absorption intestinale de la forme classique de
ciclosporine (Sandimmun®) nécessite la présence d’acides
biliaires. La biodisponibilité, qui est normalement de l’ordre de
30 %, peut diminuer à 10 % ou moins en cas de drainage biliaire
externe, de retard à la vidange gastrique, de diarrhée, ou de mala-
die intestinale.
La ciclosporine est métabolisée par le foie, et les métabolites éli-
minés par voie biliaire. Ce métabolisme repose sur des systèmes
enzymatiques dépendant du cytochrome P450 3A. La dexamé-
thasone, la rifampicine, la phénytoïne et le phénobarbital indui-
sent ces systèmes et diminuent la ciclosporinémie par augmenta-
tion du métabolisme hépatique ; en revanche, le kétoconazole et
l’érythromycine augmentent la ciclosporinémie en inhibant ce
métabolisme. Les aminosides, l’amphotéricine B, l’acyclovir et le
cotrimoxazole ont des effets toxiques additifs ou synergiques avec
la ciclosporine, sans modifier le métabolisme de cette dernière.
Les méthodes de dosage de la ciclosporine (HPLC,
radio-immunologie, EMIT, polarisation de fluorescence), dosent
essentiellement la ciclosporine elle-même et peu ou pas les méta-
bolites (3, 4). Les données disponibles suggèrent que c’est plus
l’augmentation de l’aire sous courbe que celle de la Cmax qui
compte dans l’efficacité du traitement. Les méthodes actuelles de
dosage ne font appel qu’à l’étude de la concentration dite “rési-
duelle” (obtenue immédiatement avant l’administration suivante
du médicament). La concentration souhaitée est généralement de
l’ordre de 200 à 300 µg/l au cours des premiers mois, puis de
100 à 200 ensuite. Il est difficile en pratique d’utiliser l’aire sous
courbe pour suivre un traitement immunosuppresseur. La mesure
du pic (2 heures après administration, par exemple), permettrait
de mieux apprécier l’exposition au médicament.
LES COMPLICATIONS LIÉES AUX TRAITEMENTS
IMMUNOSUPPRESSEURS
Les traitements immunosuppresseurs sont responsables de très
nombreux effets secondaires. L’expérience acquise avec la tri-
thérapie classique (ciclosporine/azathioprine/corticoïdes) a per-
mis d’en bien connaître les caractéristiques, et de proposer de
nouveaux schémas visant à les réduire.
Effets secondaires communs à tous les immunosuppresseurs
!Complications infectieuses. Elles sont fréquentes (plus de
50 % des cas) et peuvent survenir à tout moment après la TH.
Les complications bactériennes sont courantes au cours du
premier mois. Les infections virales sont décalées (elles
surviennent après quelques semaines). Les complications
infectieuses sont favorisées par le mauvais état préopératoire
! Atrophie cutanée
! Acné
!Hirsutisme
!Atrophie musculaire
!Ostéoporose
!Osténonécrose aseptique
!Syndrome de Cushing
!Fragilisation capillaire
!Rétention hydrosodée
!HTA
!Hypercholestérolémie,
hyperlipidémie
!Diabète
!Insuffisance surrénalienne
!Cataracte
!Glaucome
!Ulcère gastroduodénal
!Retard de croissance
staturo-pondéral chez
l’enfant
Tableau I. Effets secondaires des corticoïdes.
La lettre de l’hépato-gastroentérologue - n° 4 - vol. IV - septembre 2001
190
DOSSIER THÉMATIQUE
du receveur, et sont responsables, au moins en partie, d’une
proportion importante des décès précoces. Il ne semble pas
exister de différence d’incidence des trois principaux types
d’infection grave (CMV, levures, bactéries) entre ciclosporine
et tacrolimus (5).
!Cancers. La fréquence des cancers de novo est élevée chez les
transplantés, et elle augmente avec le temps (6). Les cancers
observés après transplantation sont des lymphomes (20 %), des
cancers cutanés (50 à 60 % des cas), des sarcomes de Kaposi, des
cancers uro-génitaux (rein, vessie, col utérin, testicule, ovaire),
plus rarement des cancers coliques. Ils surviennent précocement
après TH. Leur incidence semble liée plus au degré d’immuno-
suppression qu’à un médicament précis. Un commentaire parti-
culier doit être fait sur les cancers ORL et aéro-digestifs hauts :
le développement de tels cancers est fréquent chez les patients
transplantés pour une maladie alcoolique du foie.
On considère que le délai minimal à respecter entre le traitement
d’un cancer et une éventuelle transplantation doit être d’au moins
deux ans pour les cancers à haute malignité (mélanomes, cancers
du sein, cancers colo-rectaux en particulier) ; seuls certains can-
cers particuliers n’ont pas besoin de délai d’attente : cancers du
rein asymptomatique, carcinome in situ ou petit cancer unique,
cancer de vessie de faible malignité, cancer baso-cellulaire.
Effets secondaires propres aux anticalcineurines
!Insuffisance rénale (7). Le taux de filtration glomérulaire dimi-
nue au cours des semaines qui suivent la TH, puis atteint un pla-
teau à 36 mois. La toxicité rénale des anticalcineurines en est la
première cause. Les infections, la défaillance multiviscérale peu-
vent également jouer un rôle. Cette néphrotoxicité apparaît sous
deux formes : une forme aiguë, dose-dépendante, et une forme
chronique, caractérisée par une atteinte tubulo-interstitielle et vas-
culaire. La fibrose interstitielle est un marqueur classique de la
néphrotoxicité chronique. L’insuffisance rénale grave s’observe
chez 4 % des patients survivant au-delà d’un an, et une insuffi-
sance rénale terminale dans environ 2 % des cas (8).
!Hypertension artérielle. La fréquence de l’HTA post-greffe
atteint 50 % (9, 10). Les corticoïdes et la ciclosporine semblent
jouer un rôle indépendant. L’HTA est expliquée, au moins en par-
tie, par une augmentation des résistances vasculaires périphé-
riques. Les médicaments antihypertenseurs doivent être choisis
pour réduire la toxicité rénale.
!Les complications neurologiques (11, 12) touchent 30 %, envi-
ron, des patients. Elles surviennent essentiellement au cours du
premier mois, et atteignent essentiellement le système nerveux
central : confusion ou troubles de la conscience (70 %), convul-
sions, et beaucoup plus exceptionnellement, coma, ataxie, myo-
clonies, parésies, troubles cérébelleux, cécité corticale ou
mutisme akinétique. Elles sont généralement régressives, notam-
ment après réduction des doses d’anticalcineurines.
! La toxicité hépatique de la ciclosporine est dose-dépendante ;
elle s’observe presque exclusivement en cas de surdosage, se tra-
duit par une cholestase, et rétrocède après réduction des doses.
!Anomalies du métabolisme du glucide et des lipides
(10, 13, 14). Après TH, 10 à 30 % des patients ont des troubles
de la glycorégulation, dont 50 % sont insulino-dépendants.
La cholestérolémie et la triglycéridémie sont aussi significative-
ment plus élevées après qu’avant la transplantation (environ 20
à 25 % des patients). Ces facteurs, qui favorisent de façon indé-
pendante l’athérogenèse, pourraient entraîner une surmortalité
tardive chez les transplantés. Les troubles de la glycorégulation
sont surtout liés à une résistance tissulaire, expliquée par la per-
sistance de shunts hépatiques et par les corticoïdes. Les traite-
ments immunosuppresseurs, ciclosporine ou tacrolimus, sont
aussi capables d’induire des anomalies de la glycorégulation et
des anomalies lipidiques, indépendamment de l’effet propre des
corticoïdes.
!Complications osseuses (10, 15). L’ostéopénie est une cause
importante de morbidité après TH. Elle touche environ 10 % des
patients et se complique de fractures spontanées. L’ostéopénie
est favorisée par les hépatopathies chroniques, surtout cholesta-
tiques, et la corticothérapie. Après TH, la densité osseuse baisse
de façon significative au cours des 3 premiers mois postopéra-
toires. Après 3 mois, la densité remonte progressivement, retrou-
vant les valeurs préopératoires à 12 mois, reflétant probablement
la réduction du traitement immunosuppresseur et la normalisa-
tion de la fonction hépatique. Le traitement peut comporter des
biphosphonates ou une association de vitamine D3 et de calcium.
!Hypertrophie gingivale, hypertrichose. L’hypertrophie gingi-
vale et l’hypertrichose sont des effets indésirables propres de la
ciclosporine. Elles sont parfois gênantes au point de proposer une
conversion au tacrolimus.
UITILISATION DES ANTICALCINEURINES
ET DES ANTICORPS
La ciclosporine Néoral®
Du fait de l’absorption irrégulière de la forme classique de ciclo-
sporine, une forme micronisée a été commercialisée. Le Néoral®
associe à la ciclosporine un solvant hydrophile, un solvant hydro-
phobe et un surfactant ; il permet d’émulsifier la ciclosporine et
d’augmenter la vitesse et le taux d’absorption digestive. Les
études pharmacocinétiques confirment que la concentration maxi-
male (Cmax) et l’aire sous courbe sont augmentées sous Néoral®
par rapport au Sandimmun®. Les données recueillies en trans-
plantation rénale montrent que l’incidence du rejet est diminuée
sous Néoral®par rapport au Sandimmun®.
La ciclosporine-microémulsion (Néoral®) (16,17) peut être admi-
nistrée d’emblée par voie digestive après TH. La dose initiale
nécessaire est de l’ordre de 10 mg/kg/j pour les patients sans drai-
nage biliaire, et de l’ordre de 15 mg/kg/j pour ceux avec un drain
de Kehr ouvert. La dose nécessaire pour maintenir une ciclospo-
La lettre de l’hépato-gastroentérologue - n° 4 - vol. IV - septembre 2001 191
DOSSIER THÉMATIQUE
rinémie efficace diminue rapidement, pour atteindre 5 mg/kg/j
après une à 3 semaines. La dysfonction du greffon ne modifie pas
les doses requises de Néoral®.
Après TH, l’incidence du rejet (18) ainsi que la gravité histolo-
gique du rejet (19) est moindre sous Néoral®que sous Sandim-
mun®.
Le tacrolimus (Prograf®) (17, 20)
Le tacrolimus possède des propriétés proches de la ciclosporine.
Le tacrolimus, comme la ciclosporine, se fixe à une immuno
philine intracellulaire, et inhibe la calcineurine. La forme orale
du tacrolimus est associée à l’hydroxy-propylméthylcellulose,
qui favorise l’absorption du médicament, et la rend indépendante
de la bile. La présence d’aliments ralentit cependant l’absorption
du médicament, qui doit donc être pris à jeun ou à distance d’un
repas (au moins 1 h 30). Le dosage du tacrolimus repose sur une
méthode immunoenzymatique, qui dose à la fois le tacrolimus et
ses métabolites. L’élimination du médicament se fait au niveau
du foie par le cytochrome P450 3A, comme la ciclosporine, et les
mêmes interactions sont à prévoir.
Les doses utilisées sont actuellement de l’ordre de 0,05 à
0,1 mg/kg/j, et le tacrolimus d’emblée utilisé par voie orale. Les
effets secondaires du tacrolimus sont proches de ceux de la ciclo-
sporine (néphrotoxicité, HTA, neurotoxicité, risques infectieux
et tumoral), mais sans hirsutisme et hypertrophie gingivale.
Hyperlipidémie et HTA sont plus importantes sous ciclosporine
(21, 22),alors que le diabète et certaines formes de neurotoxicité
sont plus fréquentes sous tacrolimus (40).
Par rapport au Sandimmun®,le Prograf®réduit l’incidence du
rejet aigu, du rejet aigu cortico-résistant ou réfractaire et du rejet
chronique après transplantation hépatique, et augmente la survie
des patients et des greffons à 3 ans (23). Les apports respectifs
du Prograf®et du Néoral®sont actuellement en cours d’évalua-
tion dans plusieurs études contrôlées. Dans l’une d’elles (24),
64 adultes ont été randomisés entre Néoral®10 mg/kg et tacro-
limus 0,10 mg/kg per os. La survie actuarielle des patients et des
greffons était comparable à 1 et 2 ans.
Plusieurs travaux non contrôlés suggèrent que le tacrolimus est
également capable d’améliorer une proportion élevée (de l’ordre
de 75 % des cas) des rejets “réfractaires” et des rejets chroniques
débutants (ductopénie inférieure à 50 %) (25, 26).
Le mycophénolate mofétil (Cellcept®)
Le mycophénolate mofétil (MMF, Cellcept®)n’inhibe que la voie
de novo, active au niveau des lymphocytes, et épargne la voie de
secours qui existe au niveau de la plupart des cellules mais pas
des lymphocytes (27). De ce fait, sa spécificité d’action sur les
lymphocytes est augmentée. Les études disponibles comparant
Cellcept®et Imurel®en transplantation rénale indiquent que le
mycophénolate réduit l’incidence du rejet aigu, et probablement
du rejet chronique (28). De plus, thrombopénie et leucopénie
étaient moins importantes sous MMF (28). Son effet immuno-
suppresseur est synergique avec celui de la ciclosporine ou du
tacrolimus. Les effets secondaires du Cellcept®sont essentielle-
ment la diarrhée, qui est dose-dépendante, les nausées, la leuco-
pénie, qui est rarement prédominante. Le risque infectieux est
semblable à celui de l’Imurel®. Le risque de complication tumo-
rale est encore mal apprécié.
Dans une étude comportant neuf centres européens et américains,
98 transplantés rénaux recevant du MMF et des corticoïdes asso-
ciés au daclizumab en induction (27)ont eu une incidence du rejet
aigu relativement élevée (45 %). L’introduction d’une anticalci-
neurine a été nécessaire chez 40 des 44 patients atteints de rejet.
Après TH, 32 patients insuffisants rénaux ont reçu le daclizumab
en induction (29) ; 7 d’entre eux ont reçu le daclizumab avec
MMF et corticoïdes sans anticalcineurines ; les 25 autres patients
ont reçu une anticalcineurine dès la première semaine. Tous les
patients du premier groupe ont présenté un rejet. Les autres ont
eu un taux modéré de rejets (36 %).
Après TH, le changement de l’azathioprine pour MMF, chez des
sujets antérieurement traités par l’azathioprine, permet d’obtenir
la régréssion du rejet réfractaire (30),au prix de troubles diges-
tifs fréquents. Associé au Néoral®ou au tacrolimus, il permet de
s’affranchir des corticoïdes dans la majorité des cas (22, 31).
La rapamycine (Sirolimus, Rapamune®)
La rapamycine (sirolimus, Rapamune
®
) est un médicament appar-
tenant à une nouvelle classe d’immunosuppresseurs. Il inhibe la
réponse immunitaire en aval des corticoïdes et des inhibiteurs de
l’IL-2, au niveau de la phase tardive G1 de la cellule, et, de ce
fait, est synergique avec les corticoïdes et la ciclosporine. La cible
intracellulaire de la rapamycine est une kinase du cycle cellulaire
qui joue un rôle dans le passage de la phase G1 à phase S. Le
sirolimus possède également des propriétés anti-prolifératives qui
pourraient lui donner un avantage dans le traitement des patho-
logies néoplasiques. Il est également capable d’inhiber la réponse
lymphocytaire cytotoxique et NK. Il a peu ou pas de néphro-
toxicité (27).
Le sirolimus appartient à la famille des macrolides. Il est méta-
bolisé par le cytochrome P450, a une demi-vie longue, de l’ordre
de 48 heures, permettant une seule prise par jour. Deux formes
galéniques : solution et gélules. Il existe une grande variabilité
interindividuelle de sa biodisponibilité, d’où la nécessité d’un
dosage des taux résiduels, qui sont corrélés à l’efficacité et à la
toxicité : le taux résiduel souhaité en début de greffe est de 20 à
30 ng/ml pendant 6 mois, puis de 15-20 ng/ml. Ses effets secon-
daires sont nombreux : hypertriglycéridémie, hypercholestérolé-
mie, thrombopénie, arthralgies, leucopénie, anémie, pneumopa-
thies interstitielles, céphalées, diarrhées, épistaxis, augmentation
de la fréquence des aphtes. En revanche, il n’y a pas de néphro-
toxicité et pas d’HTA. Cependant, il augmente la néphrotoxicité
de la ciclosporine.
La lettre de l’hépato-gastroentérologue - n° 4 - vol. IV - septembre 2001
192
DOSSIER THÉMATIQUE
Après transplantation rénale, la rapamycine permet la prévention
du rejet aigu en association avec la ciclosporine et les cortico-
stéroïdes ou en association avec le tacrolimus. Elle permet de
réduire les doses de corticoïdes. Elle a montré une efficacité com-
parable à la ciclosporine dans la prévention du rejet aigu lors de
deux études de phase II, en association avec les corticostéroïdes
et avec l’azathioprine ou le mycophénolate mofétil (27). Elle per-
met enfin l’élimination de la ciclosporine après deux à trois mois
de traitement sans augmentation significative de l’incidence des
rejets aigus.
Après TH, la rapamycine permet de réduire l’incidence du rejet
aigu (32) ; associée au Néoral®ou au tacrolimus, elle a induit un
faible taux de rejet (20 %) et les résultats ont été comparables
dans les deux bras à court terme (8). Son association à une anti-
calcineurine peut également permettre de s’affranchir des corti-
coïdes (33),voire d’interrompre secondairement l’anticalcineu-
rine (34). La rapamycine a également été proposée pour remplacer
le Néoral®en cas d’effets secondaires de ce dernier (35).
Un nouveau venant du même groupe, le RAD, a des propriétés
très proches de la rapamycine (36).
Les anticorps
Les sérums antilymphocytaires (SAL) sont des anticorps de lapin
ou de cheval dirigés contre de multiples antigènes présents à la
surface des lymphocytes T. Ils ont un effet principalement lym-
phopéniant, responsable d’une déplétion lymphocytaire profonde
et durable. Ils peuvent être utilisés soit dans le traitement du rejet
aigu, soit dans l’induction de l’immunosuppression au cours des
premiers jours postopératoires.
Ils induisent de nombreux effets secondaires : thrombopénie, leu-
copénie, arthralgie, éruption en début de traitement. Une mala-
die sérique peut apparaître après 7 à 10 jours de traitement. Il
existe un effet de première dose par relargage de cytokines (fièvre,
diarrhée,frissons,myalgies, arthralgies, dyspnée,vomissements,
céphalées). L’immunisation xénotypique apparaît fréquemment,
empêchant les retraitements.
Le premier anticorps monoclonal disponible a été l’anticorps anti-
CD3 (OKT3), utilisé dans le traitement du rejet aigu ou en induc-
tion (37). L’OKT3 est un anticorps monoclonal de souris dirigé
contre le complexe CD3 du récepteur T. C’est le premier
anticorps monoclonal utilisé en clinique. Il entraîne la disparition
du récepteur T de la surface des lymphocytes, une discrète lym-
phopénie. Les deux premières injections sont caractérisées par
une sécrétion massive de cytokines pro-inflammatoires, respon-
sable d’un syndrome de première dose. L’immunisation xénogé-
nique le rend inefficace après 2 à 3 semaines, et empêche toute
utilisation ultérieure. L’incidence du rejet aigu est réduite lors-
qu’une induction (pendant les 7 ou 10 premiers jours post-TH)
par l’OKT3 est utilisée. L’administration précoce d’OKT3 après
TH comporte cependant un risque de surcharge pulmonaire et de
syndrome de détresse respiratoire, et, à distance, de syndrome
lymphoprolifératif. Les nouveaux anti-CD3 humanisés sont
mieux tolérés que l’OKT3.
Les anticorps chimériques ou humanisés dirigés contre la chaîne
alpha du récepteur à l’IL-2 (CD25) inhibent spécifiquement les
lymphocytes activés et ont donc une spécificité plus grande que
les SAL ou l’OKT3. Plusieurs anticorps dirigés contre le récep-
teur de l’IL-2 sont disponibles : le basiliximab (Simulect®), le
daclizumab (Zenapax®), l’inolimomab (LeukotacTM). Il s’agit
d’anticorps chimériques où la partie FC est humaine, et la partie
variable provient d’un clone murin. Ce chimérisme permet de
diminuer le risque d’immunisation. Ils n’ont aucun effet secon-
daire, et ne semblent pas exposés au risque de surimmunosup-
pression.
Le basiliximab a été utilisé avec succès
en
transplantation
rénale :
avec deux doses de 20 mg administrées à
J0 et J4, l’inci-
dence du rejet aigu a été diminuée de façon significative dans un
essai multicentrique randomisé contre placebo. Le basiliximab
peut être utilisé après TH comme après transplantation rénale
(38). Il existe cependant des différences significatives. La durée
d’inhibition complète de CD25 est plus courte (23 ± 5 jours ver-
sus 30 à 40 jours après transplantation rénale). Cette couverture
moins longue est probablement expliquée par une déperdition du
médicament par le drainage d’ascite et par les pertes sanguines.
Associé au tacrolimus ou au Néoral®,le daclizumab permet de
réduire l’incidence du rejet aigu (39). Associé au MMF et aux
corticoïdes, il s’avère en revanche impuissant à prévenir le rejet
aigu (29).
Dans une étude non randomisée, portant sur des patients atteints
d’insuffisance rénale, l’administration de daclizumab, associé au
MMF et aux corticoïdes a permis d’introduire secondairement de
petites doses de tacrolimus. La survie a été meilleure que dans
deux groupes historiques de référence, recevant de l’OKT3 ou du
tacrolimus d’emblée (40).
L’anticorps anti-LFA-1 (CD11A, OdulimomabTM) n’a pas mon-
tré d’efficacité versus le SAL.
L’anticorps anti-CD40 ligand est en cours d’évaluation dans des
protocoles d’induction de tolérance (phase I).
LE TRAITEMENT DU REJET
Les bolus de Solu-médrol®i.v. à forte dose (500 mg à 1g) sont
le traitement de référence du rejet aigu pour tous les organes (41).
Après 1,5 à 3 g, la dose de Solu-médrol (ou de prednisolone) est
diminuée progressivement ou remise à la normale. Ce traitement
de référence définit le rejet corticosensible ou corticorésistant.
En cas de rejet corticorésistant, un traitement par anticorps anti-
lymphocytaire ou OKT3 est classiquement indiqué (37).
Une conversion au tacrolimus (chez les patients antérieurement
traités par la ciclosporine) ou une augmentation des doses de
1 / 7 100%
La catégorie de ce document est-elle correcte?
Merci pour votre participation!

Faire une suggestion

Avez-vous trouvé des erreurs dans linterface ou les textes ? Ou savez-vous comment améliorer linterface utilisateur de StudyLib ? Nhésitez pas à envoyer vos suggestions. Cest très important pour nous !