CAS CLINIQUE
La Lettre du Cardiologue - n° 328 - avril 2000
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OBSERVATION 1
M. BOT. (48 ans) était hospitalisé pour un traumatisme facial
suite à une chute inexpliquée en décembre 1998. Le diagnostic
de maladie de Steinert avait été posé quatre mois auparavant
devant un syndrome musculaire et dystrophique, avec gêne à la
marche d’apparition insidieuse et steppage bilatéral prédominant
à gauche, et avec amyotrophie modérée des loges antéro-externe
et postérieure de jambe gauche et diparésie faciale. Une cataracte
bilatérale avait été opérée en 1991, puis en 1997.
À l’examen clinique, il n’y avait pas de souffle ni de signe d’in-
suffisance cardiaque. L’ECG mettait en évidence des troubles de
conduction à type de bloc de branche gauche complet de haut
degré, ainsi qu’un trouble du rythme supraventriculaire à type
de flutter (figure 1).
La radiographie de thorax montrait une silhouette cardiaque
légèrement augmentée de volume et, à l’échographie cardiaque,
le ventricule gauche apparaissait peu dilaté mais très hypokiné-
tique. Le flutter était réduit par stimulation œsophagienne démas-
quant un
bloc auriculo-ventriculaire du premier degré important
(PR = 0,36 s)
(figure 2).
Un nouvel examen échographique retrouvait une cinétique sep-
tale paradoxale en rapport avec le bloc de branche gauche, la
contractilité des autres segments était peu altérée, avec ITV sous-
aortique à 14 cm. On notait aussi des troubles de la relaxation.
La recherche des potentiels tardifs était positive sur les trois cri-
tères. L’association syncope à l’emporte-pièce d’un trouble du
rythme et de la conduction, d’une altération de la fonction ven-
triculaire gauche et de potentiels tardifs indiquait la pose défini-
tive d’un stimulateur cardiaque double chambre. À la sortie, on
notait une activité sinusale spontanée voisine de 60/mn, suivie
d’un ventriculogramme stimulé. La programmation était sur le
mode DDD, avec fréquence basse à 50/mn, fréquence maximale
à 150/mn, délai AV stimulé à 150 ms et détecté à 120 ms.
Un traitement antiarythmique par Cordarone®était instauré
afin d’éviter les récidives de troubles du rythme supraventricu-
laires et de prévenir une éventuelle hyperexcitabilité ventricu-
laire. Deux mois après la pose du stimulateur, on observait, lors
d’une visite systématique, une rechute du flutter auriculaire 2/1
avec un rythme à 110/mn chez un patient asymptomatique. Une
nouvelle stimulation œsophagienne permettait seulement de
dégrader le flutter en arythmie complète par fibrillation auricu-
laire. Le stimulateur était reprogrammé sur le mode VVI à 70/mn.
Deux mois après, à l’occasion d’une symptomatologie vertigi-
neuse, un enregistrement électrocardiographique s’inscrivait en
rythme sinusal. Le stimulateur était alors reprogrammé en mode
DDIR avec une fréquence basse réglée volontairement à 75/mn
pour prévenir les rechutes de flutter auriculaire (figure 3).
Appareillage dans la maladie de Steinert
T. Moussu, A. Cariou*
*CHIC de Cornouailles, hôpital Laennec, Quimper.
Figure 1. Flutter auriculaire avec un bloc de branche gauche complet
(DCP_1012.JPG + DCP_1013.JPG).
Figure 2. Rythme sinusal avec bloc auriculoventriculaire de premier
degré (DCP_1014.JPG + DCP_1015.JPG).
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CAS CLINIQUE
OBSERVATION 2
En 1967, on dépistait chez Mme DIR., âgée de 31 ans, une mala-
die du sinus, qui évolua ensuite comme une maladie de l’oreillette,
conduisant à un appareillage en 1977 (stimulation ventriculaire
par voie épigastrique initialement).
En 1984, la répétition des accès de tachycardie supraventriculaire
avec des fréquences ventriculaires élevées obligeait à renforcer
le traitement antiarythmique, conduisant à une interruption de la
conduction auriculo-ventriculaire par électrolyse du faisceau de
His en 1984.
En 1986, alors que les problèmes rythmiques avaient disparu, les
premiers symptômes de décompensation cardiaque se manifes-
taient par une dyspnée d’apparition récente, très invalidante, avec
des accès diurnes et nocturnes, pouvant durer plus d’une heure,
cédant spontanément. Après élimination d’une origine throm-
boembolique, le diagnostic de cardiomyopathie non obstructive
était porté par l’échographie (figure 4).
La dilatation du ventricule gauche avec mauvaise fonction sys-
tolique était déjà connue depuis deux ans. Le traitement clas-
sique de l’insuffisance cardiaque était prescrit (antivitamines
K, diurétiques, inhibiteurs de l’enzyme de conversion). Un sti-
mulateur adaptable à l’effort remplaçait alors son ancien sti-
mulateur. Ce traitement améliorait la symptomatologie fonc-
tionnelle, avec disparition des signes cliniques d’insuffisance
cardiaque.
Ce n’est qu’en 1998 que le diagnostic de maladie musculaire était
évoqué devant une fatigabilité musculaire anormale et un ptosis.
Un électromyogramme révélant des rafales myotoniques condui-
sait au diagnostic de maladie de Steinert. La patiente signalait par
ailleurs des fausses routes, et l’on observait une amyotrophie dis-
tale des mains et des muscles jambiers. Le syndrome dystrophique
comportait aussi une atteinte glandulaire, se manifestant par un
diabète insulino-dépendant et un goitre thyroïdien multinodulaire
(thyroïdectomie totale en 1997).
Au cours de l’année 1997, la patiente était hospitalisée à plusieurs
reprises dans le service de cardiologie pour des poussées d’in-
suffisance cardiaque globale.
COMMENTAIRES
La maladie de Steinert (dystrophie myotonique) est la dystrophie
musculaire la plus fréquente et la plus grave de l’adulte. Cette
affection héréditaire autosomique dominante se traduit par une
atteinte musculaire, associant une myotonie et une atrophie pro-
gressive dans divers territoires musculaires, à laquelle est fré-
quemment associée une atteinte systémique diffuse touchant en
particulier le cœur, l’œil et le système endocrinien. L’atteinte car-
diaque est quasi inévitable, survenant dans 60 à 85 % des cas.
Elle concerne les voies de conduction et le muscle cardiaque lui-
même. La traduction clinique de cette cardiopathie associe des
troubles du rythme, des troubles de la conduction et une insuffi-
sance cardiaque.
Le but de la consultation cardiologique systématique chez les
patients asymptomatiques est donc le dépistage des troubles de la
conduction auriculo-ventriculaire, afin de poser l’indication d’un
pacemaker avant l’apparition de troubles graves. Les anomalies
électrocardiographiques imposent de la prudence dans le traitement
de l’insuffisance cardiaque et des troubles rythmiques de ces
patients, les digitaliques, les antiarythmiques et la cardioversion
pouvant être responsables d’un bloc auriculo-ventriculaire complet.
Ces deux observations montrent l’intérêt d’une surveillance car-
diologique attentive chez les patients atteints de la maladie de
Steinert, même lorsqu’il s’agit de patients jeunes n’ayant pas
encore de signes cliniques d’atteinte cardiaque, un appareillage
précoce pouvant être nécessaire. Elles rappellent également que
l’observation de troubles du rythme ou de conduction, insolites
chez des patients jeunes (âge inférieur à 50 ans), doit faire recher-
cher de principe une dystrophie myotonique dont le diagnostic
peut être autrement très tardif.
RÉFÉRENCES BIBLIOGRAPHIQUES
Liandrat S., Veyrat A., Bellemin J.P. , Boubée M., Convert G. Anomalies car-
diaques dans la maladie de Steinert. Ann Cardiol Angeiol 1990 ; 39 (8) : 471-7.
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de Steinert et troubles de la conduction. À propos d’une étude familiale. Ann
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gène pour le tissu musculaire du cœur. J Genet Hum 1975 ; 23 (1) : 59-64.
Chagnon A., Vidal M.E. Maladie rythmique auriculaire au cours d’une myoto-
nie de Steinert. À propos d’un cas avec enquête familiale. Sem Hop Paris 1983 ;
59 (8) : 556-8.
Figure 3. Stimulation en mode DDIR (DCP_1018.JPG +
DCP_1017.JPG).
Figure 4. Dilatation du ventricule gauche avec mauvaise fonction systo-
lique (DCP_0974.JPG).
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