Act. Méd. Int. - Métabolismes - Hormones - Nutrition, Volume V, n° 3, mai-juin 2001
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al. ont également montré que deux gènes
homéobox, Oct-2 et TTF-1, pouvaient être
impliqués relativement précocement dans la
cascade des événements qui conduisent au
déclenchement pubertaire (14). Le gène Oct-2
serait un facteur de transcription impliqué
notamment dans l’expression de TGFα. Ces
travaux ouvrent la porte sur la matérialisation
des mécanismes génétiques certainement
impliqués dans les variations de l’âge du
déclenchement pubertaire.
Signaux périphériques
De nombreuses données cliniques et expéri-
mentales établissent un lien entre nutrition,
puberté et reproduction. Dès 1974, Frisch et
al. (17) suggéraient qu’une masse critique doit
être atteinte pour permettre l’apparition des
premières règles. Chez des jeunes femmes
comme chez l’homme, un jeûne est capable
d’induire une inhibition de la sécrétion pulsa-
tile de LH, même à court terme (18). Chez le
rat et le singe, la malnutrition aiguë ou chro-
nique inhibe également la sécrétion gonado-
trope qui est restaurée suite à la reprise de
l’alimentation (19, 20). La leptine identifiée
suite au clonage du gène ob en 1994 (21) est
apparue très rapidement comme un signal
d’information sur le statut énergétique entre la
périphérie et le système nerveux central. Cette
protéine, synthétisée et sécrétée par les cel-
lules adipeuses, exerce principalement ses
effets au niveau hypothalamique en inhibant
les signaux orexigènes, dont le plus puissant
est le neuropeptide Y (NPY) et en stimulant
les signaux anorexigènes, dont le Cocaine-
amphetamine-regulated transcript (CART).
La leptine s’est révélée être également impli-
quée dans la régulation de l’axe hypothalamo-
hypophyso-gonadique. Les souris ob/ob, défi-
cientes en leptine, présentent en plus de leur
obésité un hypogonadisme, lequel est corrigé
par un traitement à la leptine (22). Les rares
observations de déficience en leptine chez
l’homme indiquent un hypogonadisme à l’âge
adulte
(23)
et une puberté avancée dans le cas
d’une jeune patiente traitée avec de la leptine
(24). Nos travaux ont montré que la leptine
accélère la sécrétion pulsatile de GnRH chez
le rat prépubère de 15 jours (25) et que cette
action serait partiellement transmise par le
CART (26). En ce qui concerne le NPY, les
travaux sont plus divergents, suggérant soit
une inhibition, soit une stimulation de la
sécrétion de GnRH. Chez le singe mâle, Plant
et al. (27) considèrent le NPY comme un fac-
teur inhibiteur de la sécrétion pulsatile de
GnRH durant la période prépubertaire. Chez
le singe femelle, Terasawa et al. (28) montrent
cependant une stimulation par le NPY de la
sécrétion de GnRH. Chez le rat, les travaux
d’Aubert et al. (29) plaident plus en faveur
d’un rôle inhibiteur du NPY dans le mécanis-
me de maturation sexuelle alors que nos
propres travaux in vitro montrent une accélé-
ration de la sécrétion pulsatile de GnRH par le
NPY dans l’hypothalamus prépubère et cela
indépendamment des effets de la leptine (25).
Ces résultats a priori divergents peuvent trou-
ver quelques explications dans l’action chro-
nique ou aiguë du NPY et l’environnement en
stéroïdes sexuels présents ou absents (ani-
maux intacts ou gonadectomisés).
Parmi les autres signaux nutritionnels, il est
important de souligner le rôle possible de
l’insuline, du glucose et de l’IGF1 dans ce
processus de maturation sexuelle (30).
Les stéroïdes sexuels ont été parmi les pre-
miers messagers périphériques impliqués
dans le rétrocontrôle inhibiteur de la sécrétion
de GnRH au niveau de ce qui fut baptisé le
“gonadostat” hypothalamique. Une des
facettes possibles de l’effet des stéroïdes
sexuels est le dimorphisme sexuel dans le
déclenchement de la puberté. Un faisceau
d’arguments cliniques indique une prompti-
tude à l’entrée en puberté qui est relativement
plus grande chez la fille et une inertie plus
grande chez le garçon
(tableau I, p. 103)
.
L’étude du dimorphisme sexuel de l’axe
hypothalamo-hypophyso-gonadique au cours
du développement chez le singe donne lieu à
des observations en tout point comparables à
celles obtenues chez l’homme. La gonadecto-
mie néonatale entraîne des concentrations
élevées de FSH (et de LH) qui se réduisent
avec l’âge, mais plus tard et dans une moindre
mesure chez la femelle, et réaugmentent à un
âge plus précoce que chez le mâle. Cette
observation témoigne également de la surve-
nue précoce de ce dimorphisme (31). Chez le
mouton, un dimorphisme sexuel existe égale-
ment, mais il est inverse à celui observé chez
le primate. Le rétrocontrôle gonadique inhibi-
teur se lève à un âge beaucoup plus jeune
chez le mâle que chez la femelle. Chez la
femelle, l’administration prénatale de testo-
stérone entraîne, une “masculinisation” des
délais dans lesquels la puberté se déclenche et
suggère l’importance de la vie intra-utérine à
cet égard (32). Le métabolisme des stéroïdes
sexuels, en particulier l’aromatisation des
androgènes en estrogènes, peut également
jouer un rôle important dans les effets neu-
roendocriniens de ces stéroïdes. Récemment,
nous avons montré une potentialisation par
les estrogènes de la réponse GnRH induite
par le glutamate et cet effet serait de type non
génomique. Cela laisse entrevoir de nouvelles
possibilités dans les mécanismes des effets
des estrogènes sur la sécrétion de GnRH.
Cependant la signification physiologique de
ces observations reste à démontrer.
Signaux environnementaux
L’avancement séculaire de l’âge de la
ménarche s’est manifesté avec l’industrialisa-
tion de l’Europe et l’amélioration des condi-
tions hygiéno-diététiques, entre la moitié du
XIXesiècle et la moitié du XXesiècle. Les
premières règles sont apparues progressive-
ment plus tôt, passant de 17 à 13 ans.
L’influence de la nutrition sur l’axe hypo-
physo-gonadique est évidente, surtout chez la
fille. Ce facteur permet d’expliquer certaines
formes de retard de puberté. De nombreux
polluants environnementaux doués d’activité
estrogénique et/ou anti-androgénique pour-
raient avoir une influence significative sur
l’axe hypothalamo-hypophyso gonadique. En
Belgique, il a été observé qu’un quart des
patients vus pour puberté précoce sont des
fillettes étrangères arrivées en Belgique le
plus souvent dans le cadre d’une adoption ou,
parfois, avec leur famille d’origine (33). Cette
observation singulière a alors posé la question
du rôle éventuel d’une exposition préalable de
Mise au point