Échos des congrès Nouvelles technologies appliquées au diabète : journée thématique de la SFD Paris, 16 décembre 2011 Caroline Sanz* L © XtravaganT a journée thématique de la Société française de diabétologie de 2011 avait pour thème les “Technologies appliquées au diabète”. Les orateurs ont su exposer la place actuelle des nouvelles technologies dans la prise en charge du diabète de type 1 et de type 2, mais aussi les développements futurs que nous pouvons attendre. L’objet de cet article est de rapporter brièvement les communications portant sur le traitement par pompe à insuline, les capteurs de glucose, la télémédecine et le pancréas artificiel. Cette journée a fait l’objet d’un numéro spécial de Diabetes & Metabolism (1). Qu’attendre d’un traitement par pompe à insuline ? (D’après la communication de H. Hanaire, Toulouse.) *Service de diabétologie, nutrition et maladies métaboliques, hôpital Rangueil, CHU de Toulouse. 48 Les pompes à insuline externes ont été utilisées pour la première fois dans les années 1970, avec comme objectif l’obtention d’un équilibre glycémique strict chez les patients diabétiques de type 1. L’avantage de ce traitement était alors l’utilisation d’une insuline rapide, en infusion continue avec une grande flexibilité, permettant des débits de base variables et un ajustement précis de la quantité d’insuline sous forme de bolus au moment des repas. Au cours des dernières années, plusieurs revues de la littérature se sont intéressées à l’effet de cette pompe sur l’HbA1c. Par comparaison avec un traitement multi-injections, l’utilisation d’une pompe à insuline externe permet une réduction moyenne de l’HbA1c de 0,3 à 0,5 %. Cette réduction de l’HbA1c est bien entendu d’autant plus importante que l’équilibre glycémique initial est mauvais. L’autre intérêt de ces pompes réside dans une meilleure stabilité glycémique, avec une réduction de près de 75 % du risque d’hypoglycémie sévère. La plupart des études ont été faites avant l’apparition des analogues de l’insuline (d’action rapide et prolongée). Celles qui les ont utilisés n’ont pas retrouvé de supériorité en termes d’HbA1c du traitement par pompe à insuline externe par rapport au traitement par multi-injections. Cependant, des travaux chez l’enfant sont en faveur d’une supériorité du traitement par pompe, qui reste tout de même meilleur sur le plan de la variabilité glycémique et du risque d’hypoglycémies sévères. Malgré l’avènement des analogues de l’insuline, le traitement par pompe externe reste le traitement le plus flexible et le plus efficace pour les sujets ayant une variabilité des besoins basaux, un phénomène de l’aube ou des hypoglycémies récurrentes. La question se pose maintenant de l’utilisation de la pompe à insuline externe chez les patients diabétiques de type 2. Récemment, plusieurs essais randomisés ont comparé ses bénéfices avec ceux du traitement par multi-injections chez les patients diabétiques de type 2 insulinés. Les résultats sont pour l’instant discordants, leur interprétation demeurant difficile puisque, à l’inclusion, certains sujets n’avaient pas de prise en charge intensifiée du diabète. Il faudra donc attendre les résultats des études en cours s’intéressant à l’impact des 2 traitements. Grâce à des doses d’insuline moindres qu’avec un traitement par multi-injections, un autre bénéfice attendu du traitement par pompe à insuline est une limitation de la prise de poids. Contrairement à ce que l’on pourrait attendre, les études disponibles ne mettent pas en évidence d’effet favorable du traitement par pompe à insuline sur la prise de poids. Celle-ci demeure modérée et associée à l’amélioration de l’HbA1c. Que devons-nous attendre, dans le futur, d’un traitement par pompe à insuline externe ? Des insulines mimant encore plus précisément la sécrétion physiologique postprandiale d’insuline, des pompes associées à des capteurs de glucose ou des pompes prenant en compte le niveau d’activité physique en plus des glucides ingérés sont les outils d’avenir utiles à une prise en charge efficace du diabète. Vers une utilisation optimale des capteurs de glucose (D’après la communication de A. Sola-Gazagnes, Paris.) Le premier capteur de glucose a été approuvé par la Food and Drug Administration en 1999. Ces capteurs Correspondances en Métabolismes Hormones Diabètes et Nutrition - Vol. XVI - n° 3 - mars 2012 Nouvelles technologies appliquées au diabète : journée thématique de la SFD mesurent le glucose interstitiel et estiment le glucose sanguin grâce à des algorithmes. À raison de 1 toutes les 5 mn, ce sont près de 300 mesures qui sont effectuées chaque jour. Deux types d’outils sont à notre disposition : d’une part, les holters glycémiques, qui correspondent à un enregistrement du profil glycémique sur 3 à 5 jours avec une lecture différée ; d’autre part, les capteurs de glucose, qui donnent des informations en temps réel. Le patient dispose alors d’une estimation de sa glycémie capillaire en continu et d’informations sur son évolution (flèche de tendance). L’enjeu est à présent de savoir à quels patients ces dispositifs seront le plus utiles. Plusieurs essais cliniques randomisés ont étudié l’intérêt des capteurs de glucose pour la prise en charge du diabète de type 1. En moyenne, la baisse d’HbA1C était de 0,6 à 1,1 %. Le bénéfice était d’autant plus important que le sujet portait régulièrement l’outil. Par ailleurs, le patient restait moins longtemps en hypoglycémie lorsqu’il utilisait le capteur. Comme avec les pompes à insuline, plus l’HbA1c était élevée au départ, plus le bénéfice lié à l’utilisation du capteur était important. Le challenge consiste désormais à former de façon optimale les diabétologues et les patients à l’utilisation de ces capteurs. Les échanges entre les orateurs et les participants ont révélé nos difficultés à analyser les 300 mesures quotidiennes apportées par ces dispositifs. Pour analyser les données des capteurs, plusieurs algorithmes de décision ont été proposés, mais il n’y a pas encore de consensus. Il semble tout de même primordial qu’un temps suffisant soit consacré à l’analyse des données. Enfin, le principal frein est le non-remboursement des capteurs de glucose par la Sécurité sociale. Quelle place aura la télémédecine dans notre pratique quotidienne ? (D’après la communication de S. Franc, Corbeil.) Le développement de la télémédecine est porté par les autorités de santé, qui voient dans cet outil un moyen de répondre à la pénurie des médecins et aux déserts médicaux. En diabétologie, la télémédecine permet une plus grande réactivité dans la prise en charge de la maladie, dans l’adaptation des doses d’insuline, et donc une plus grande efficacité dans l’obtention d’un bon équilibre glycémique. Plusieurs études portant sur l’impact de la télémédecine et sur le contrôle glycémique ont été détaillées dans une revue récente (2). Les résultats de l’étude française TéléDiab-1 méritent notre attention. Cette étude a concerné 180 adultes diabétiques de type 1, sous traitement basal-bolus (pompe ou multiinjections), avec un équilibre glycémique médiocre, soit une HbA1c de 9,1 ± 1,1 % à l’inclusion. Les patients étaient randomisés en 3 groupes : un groupe contrôle (groupe 1), un groupe utilisant le système de télémédecine Diabéo avec des consultations face à face classiques (groupe 2), et un groupe utilisant également ce système et bénéficiant de consultations téléphoniques (groupe 3). Par comparaison avec le groupe 1, les patients du groupe 2 ont vu une amélioration de l’HBA1C de 0,7 % à 6 mois, et les résultats étaient encore meilleurs dans le groupe 3, avec une baisse de l’HBA1c encore plus importante : 0,9 %. Le taux d’hypoglycémie n’était pas augmenté. Au total, le temps passé en consultations téléphoniques était similaire au temps passé en consultations face à face dans les 2 groupes. Ce support technologique semble donc utile pour l’adaptation des doses d’insuline et pour un contact facilité avec le médecin diabétologue. Comme pour les capteurs de glucose, il reste à déterminer comment introduire cette nouvelle pratique dans notre quotidien et comment organiser le remboursement d’une telle prise en charge. Les prises en charge classiques de télémédecine chez les patients diabétiques de type 2 avec des consultations téléphoniques fréquentes, réalisées par des infirmières formées, n’ont pas montré d’efficacité notable. Les systèmes utilisant les technologies liées aux smartphones pourraient s’avérer intéressants à l’avenir. Une étude pilote américaine de 3 mois incluant 30 patients a mis en évidence, chez les patients diabétiques de type 2 ayant à l’inclusion une HbA1c de près de 9 %, une baisse d’HbA1c notable, de 2,03 % versus 0,68 % dans le groupe contrôle. Ce dispositif permettait un meilleur ajustement des traitements antidiabétiques oraux et insuliniques. Dans la même lignée, une nouvelle version de Diabéo a été développée pour les patients diabétiques de type 2. Elle fait actuellement l’objet d’une évaluation dans une étude multicentrique intitulée TéléDiab 2. En route vers le pancréas artificiel (D’après la communication d’E. Renard, Montpellier.) Les progrès réalisés au cours des 30 dernières années sur les performances des pompes à insuline (voie souscutanée et voie intrapéritonéale) et de la mesure continue ambulatoire du glucose, ainsi que la validation des algorithmes de perfusion d’insuline selon la mesure de glucose, ont permis le développement expérimental de systèmes en boucle fermée, pouvant être consi- Correspondances en Métabolismes Hormones Diabètes et Nutrition - Vol. XVI - n° 3 - mars 2012 49 Échos des congrès dérés comme de véritables pancréas artificiels. Ces dispositifs ont été testés principalement en conditions d’hospitalisation. Au cours des 10 dernières années, les technologies et les algorithmes se sont modifiés et améliorés grâce au travail conjoint de médecins, de physiologistes, de spécialistes en modélisation et d’ingénieurs. Ces partenariats ont permis le développement de plusieurs modèles de pancréas artificiels. La première combinaison, testée en 2002, utilisait une pompe implantée avec délivrance péritonéale connectée à un capteur de glycémie intraveineux. Ce pancréas artificiel a été développé par les sociétés MiniMed puis Medtronic. Durant les études cliniques, des valeurs euglycémiques, c’est-à-dire comprises entre 80 et 120 mg/dl, ont été maintenues pendant 22 à 42 % du temps total. Le temps restant se découpait ainsi : 5 à 6 % ont une glycémie inférieure à 80 mg/dl, 50 à 60 % avec une glycémie comprise entre 120 et 240 mg/dl, et 2 à 10 % avec une glycémie supérieure à 2,4 g/dl. La nuit, le contrôle de la glycémie était proche de la normalité. La période la plus difficile à contrôler demeurait la période postprandiale. D’autres systèmes ont été développés, avec l’utilisation de bolus préprandiaux manuels, créant ainsi une boucle semifermée. De manière notable, les excursions hyperglycémiques étaient diminuées, ainsi que les épisodes hypo­glycémiques. Les sujets passaient donc la plupart du temps de l’étude avec des valeurs comprises entre 80 et 240 mg/dl, et un tiers était passé dans la zone optimale de 80 à 120 mg/dl. La difficulté à atteindre un objectif optimal était due au retard dans la mesure de la glycémie par le capteur. Progressivement, d’autres systèmes ont été testés, avec une mesure de la glycémie sous-cutanée par microdialyse et l’utilisation de pompes à insuline externes. L’efficacité de ce système était nette, avec un temps passé dans l’intervalle de 60 à 170 mg/dl compris entre 80 et 87 %. Les repas devaient être toujours signalés au dispositif pour éviter les échappées hyper- ou hypoglycémiques. L’enjeu actuel est l’utilisation du pancréas artificiel à domicile. Plusieurs étapes préalables seront utiles pour développer efficacement une telle technique. Tout d’abord, un système par boucle fermée de délivrance de l’insuline pourra être utilisé à la maison uniquement la nuit, quand il est le plus sûr et le plus efficace. Ensuite, ce système pourra probablement être appliqué pendant la journée avec une boucle semi-fermée, permettant la gestion manuelle des besoins en insuline pour couvrir les repas et gérer les périodes d’exercice physique. Plus tard, des systèmes automatiques de délivrance de l’insuline après annonce des repas seront possibles, avec l’utilisation d’algorithmes plus sophistiqués capables de prendre en charge les variations complexes de la glycémie postprandiale. ■ Références 1. New technologies applied to diabetes. Thematic meeting organized by the French Society for Diabetes Paris, Institut Pasteur, December the 16th, 2011. Diabetes & Metabolism (Elsevier Masson) 2011;37(Suppl.4). 50 2. Franc S, Daoudi A, Mounier S et al. Telemedicine and diabetes: achievements and prospects. Diabetes Metab 2011;37:463-76. 3. Franc S, Daoudi A, Mounier S et al. Telemedicine: what more is needed for its integration in eveyday life? Diabetes Metab 2011;37(Suppl.4):S71-7. Correspondances en Métabolismes Hormones Diabètes et Nutrition - Vol. XVI - n° 3 - mars 2012