66 | La Lettre du Psychiatre • Vol. X - no 2 - mars-avril 2014
ACTUALITÉS
SCIENCES
cognitivo-comportementale sont effi caces dans
le traitement de la dépression, mais l’accès à
ce type de soins est souvent limité. Le journal
en ligne
Plos One
a publié récemment plusieurs
articles décrivant les effets bénéfi ques de théra-
pies de ce type, fondées soit sur l’utilisation
directement par les patients d’un service sur
Internet
(1)
, soit sur l’utilisation d’un livre de
développement personnel
(2)
, qui l’une et l’autre
permettraient d’améliorer l’accès des patients
à ce type de soins. Ces méthodes sont en outre
présentées comme peu onéreuses et n’exposent
pas les patients aux effets indésirables propres
aux antidépresseurs (perte de la libido, consti-
pation, etc.). Dans l’étude portant sur Internet,
un groupe de chercheurs suédois a inclus une
centaine de patients dépressifs : la moitié avait
observé un traitement médicamenteux clas-
sique, l’autre moitié, un traitement individuel
de psychoéducation proposé sur Internet. Le
suivi a duré 10mois. Le traitement psychody-
namique était administré par l’intermédiaire
d’un guide d’autotraitement fourni chaque
semaine. Il comportait 9modules, l’ensemble
totalisant 167pages. Les patients avaient
accès aux modules de manière graduelle, et
pouvaient bénéfi cier en permanence du soutien
en ligne d’un thérapeute, grâce à un système
de messagerie protégé. Les modules étaient
largement inspirés d’un ouvrage de F.Silverberg
(
Make the leap
, “Faites le saut”)
[3]
. Le trai-
tement cherchait principalement à apprendre
au patient à considérer et à briser les schémas
affectifs, cognitifs et comportementaux néga-
tifs. Les résultats de l’étude montrent que
les participants traités sans médicaments via
Internet présentaient une amélioration impor-
tante de leurs symptômes dépressifs, qui était
supérieure à celle obtenue avec un traitement
pharmacologique. L’étude “livre”, quant à elle,
a été menée par des chercheurs de plusieurs
laboratoires écossais. Dans cet essai rando-
misé, une partie des patients utilisaient une
auto assistance constituée par un guide de
thérapie cognitivo comportementale (
Overco-
ming depression
,
“Dépasser la dépression”
[4]
),
et bénéfi ciaient en outre de 3ou4sessions de
soutien en face-à-face avec un psychologue,
cependant que les autres suivaient un traite-
ment classique (médicament+ psychothérapie).
Des 280patients inclus initialement dans cette
étude, seuls 72 % y participaient encore au bout
de 4mois. Àcestade, les personnes qui recou-
raient au livre se sentaient beaucoup moins
déprimées que celles traitées par les méthodes
habituelles, et cette observation restait valable
au bout de 12mois. Se tourner vers la littérature
et Internet pourrait donc aider les patients à
traiter leur dépression ? Des études complé-
mentaires devraient encore être engagées pour
le confi rmer. Les auteurs de la première étude
signalent quelques limitations : les participants à
leur étude provenaient de la population générale
et n’étaient pas suivis en hôpital psychiatrique,
ils étaient d’un niveau d’étude relativement
élevé, et 25 % d’entre eux prenaient des médi-
caments. Selon l’étude “livre”, certains des
patients utilisant l’ouvrage étaient également
sous médication. En outre, le premier auteur de
l’article de
Plos one
était l’auteur de l’ouvrage
Dépasser la dépression
! Ce type d’aide peut
se révéler utile dans certaines circonstances,
mais ne convient probablement pas à tous les
patients souffrant de dépression.
1. Johansson R, Ekbladh S, Hebert A et al. Psychodynamic guided
self-help for adult depression through the internet: a randomised
controlled trial. PLoS One. 2012;7(5):e38021.
2. Williams C, Wilson P, Morrison J et al. Guided self-help cognitive
behavioural therapy for depression in primary care: a randomised
controlled trial. PLoS One 2013; 8, e52735. doi:10.1371/journal.
pone.0052735.
3. Silverberg F. Make the leap: a practical guide to breaking the
patterns that hold you back. New York: Marlowe & Co, 2005.
4. Williams CJ. Overcoming depression: A fi ve areas approach.
London: Hodder Arnold, 2001.
Effi cacité de divers agents
anti-infl ammatoires
pour letraitement
delaschizophrénie :
uneméta-analyse fait le point
Munich, (Allemagne) et Utrecht (Pays-Bas)
Il y a 40ans déjà, E. Torrey et M.Peterson
avaient suspecté que les processus inflam-
matoires pouvaient jouer un rôle clé dans la
pathophysiologie de la schizophrénie. Par la
suite, un certain nombre de travaux ont amené
à proposer la possibilité de l’existence d’un état
pro-infl ammatoire dans le cerveau des patients.
Cette hypothèse infl ammatoire déjà ancienne
connaît depuis peu un regain d’intérêt du fait
de l’accumulation de données impliquant un
rôle du système immunitaire dans la patho-
génie de la schizophrénie. En outre, un certain
nombre de médicaments utilisés en psychia-
trie, comme les antipsychotiques, le lithium,
l’acide valproïque et les inhibiteurs sélectifs de
recapture de la sérotonine possèdent certaines
propriétés anti-infl ammatoires. Si l’augmenta-
tion de l’infl ammation du cerveau contribue
aux symptômes de la schizophrénie, la réduc-
tion de l’état infl ammatoire devrait pouvoir
améliorer le tableau clinique, et récemment,
plusieurs essais destinés à évaluer le potentiel
des agents anti-infl ammatoires sur l’amélio-
ration des symptômes de la schizophrénie ont
été réalisés. Une méta-analyse quantitative fait
le point à cet égard sur l’effi cacité des divers
agents anti-inflammatoires. Les chercheurs
ont effectué une recherche sur plusieurs sites
Internet (
PubMed, Embase, Cochrane Database
of Systematic Reviews
, etc.). Ils n’ont retenu que
les études randomisées effectuées en double
aveugle avec groupe placebo et décrivant des
résultats cliniques. Vingt-six études remplis-
saient tous ces critères d’inclusion, et fournis-
saient des informations concernant l’effi cacité
des composés suivants sur la sévérité des symp-
tômes : l’aspirine, un anti-infl ammatoire non
stéroïdien, le célécoxib, une molécule à action
neuroprotectrice, le davunétide, des acides
gras tels que les acides éicosapentanénoïque
et docosahexaénoïque, des estrogènes, la mino-
cycline (une tétracycline) et la N-acétylcystéine
(NAC). Parmi ces composés, seuls l’aspirine, les
estrogènes et la NAC ont montré des effets
signifi catifs sur les symptômes. Les 2études
utilisant l’aspirine l’ont administrée à des doses
de 1 000mg/j pendant 3 et 4mois. Sept études
se sont intéressées aux estrogènes, utilisés à
des doses allant de 0,05mg/j à 2mg/j. Dans
l’unique étude menée avec la NAC, la molécule
était administrée à la dose de 2g/j pendant
6mois. Seules5 des 26études ont fourni des
données concernant les effets cognitifs poten-
tiels de ces molécules. Parmi elles, seule l’étude
menée avec la minocycline a observé des effets
bénéfi ques. Toutefois, l’intérêt de ces études
est entaché par l’hétérogénéité des tâches
cognitives mises en œuvre, qui ne permet
pas d’aboutir à de véritables conclusions. Les
résultats bénéfi ques sur les symptômes de la
schizophrénie obtenus avec l’aspirine, les estro-
gènes et la NAC semblent prometteurs, mais
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