qualité basés sur la parole et applicables au sujet francophone pathologique. Même si les
pathologies visées ne sont pas directement liées au vieillissement, dans les faits, leur
prévalence chez les personnes âgées est nettement supérieure à celle de la population
générale.
L'étude présentée ici investigue les capacités de la population âgée 'tout-venant' à maîtriser
des variantes phonétiques non familières en langue maternelle (ici: une occlusive initiale non
voisée avec un VOT long pour des sujets francophones), afin de fournir la référence nécessaire
à des comparaisons ultérieures avec des sujets pathologiques. Cette étude s'inscrit donc dans
le cadre plus large du débat sur la flexibilité, à l'âge adulte, des mécanismes cognitifs liés à la
production et à la perception de la parole, et sur leur déclin potentiel lors du vieillissement.
En langue maternelle, on s'accorde généralement sur le fait que pour des tâches "simples" (qui
incluent des syllabes, des pseudo-mots ou des mots présentés un à la fois, à une intensité
typique ou supérieure à celle d'une conversation quotidienne), les sujets âgés ne présentent
pas de déficit de compréhension de la parole par rapport à une population plus jeune lorsque
l'on contrôle les capacités auditives périphériques (Gordon-Salant S., 2005; Humes, 2008). Par
contre, dans des conditions d'écoute dégradées (adjonction de bruit, parole accélérée, écoute
dichotique), ou lorsque la tâche est plus complexe (p.ex. identification de mots dans des
phrases), un effet de l'avancement en âge est observé, en interaction ou non avec les capacités
auditives périphériques (Gordon-Salant, 2005; George et al., 2007). L'effet de l'âge est
attribué à une dégradation de mécanismes dit "de haut niveau", liés au système auditif central
et/ou à des fonctions cognitives globales telles que la mémoire de travail et l'attention
sélective (Salthouse, 2010; Humes et al., 2012), p.ex. la capacité à intégrer de l'information
partielle de provenances diverses (Krull et al., 2013). Dans le cas du VOT, Gordon-Salant et
collègues (2008) ont montré que les auditeurs anglophones âgés ont besoin d'un VOT plus
long que leurs homologues jeunes pour identifier comme pie un mot ambigu sur un
continuum buy/pie en contexte de phrase, mais pas en isolation.
En ce qui concerne la production de la parole en langue maternelle, on a constaté de
nombreuses modifications chez les sujets âgés par rapport à la population générale:
altérations de la voix (modifications de la F0, instabilités de la F0 et/ou de l'amplitude
résultant en une augmentation des tremblements, du souffle dans la voix, de l'enrouement)
(Linville, 2001); altérations des formants vocaliques (diminution généralisée liée à des
changements physiologiques structurels, voire centralisation due à une réduction de la
précision articulatoire); altérations prosodiques, notamment un ralentissement général de la
vitesse d'articulation et du débit de parole (Zelnner Keller, 2006); variabilité plus importante
dans la cinématique articulatoire traduisant une altération du contrôle moteur (Kent & Rosen,
2007); erreurs phonologiques (MacKay & James, 2004); etc..
Malgré le nombre considérable d'études rapportant les résultats d'un entraînement phonétique
en perception (voire, plus rarement, en production) de la parole dans le cadre de
l'apprentissage d'une langue seconde, il n'existe à notre connaissance que très peu d'études
investiguant les performances de sujets âgés à de telles tâches (Tajima et al., 2002; Kubo et
al., 2012). Les quelques résultats disponibles suggèrent que des sujets adultes ayant entre 60
et 70 ans sont capables d'apprendre de nouvelles catégories phonétiques, même si leurs
performances sont inférieures à celles d'adultes plus jeunes, peut-être parce qu'ils recourent
davantage aux stratégies efficaces en langue maternelle (Kubo et al., 2012).
Dans l'étude présentée ici, nous utilisons un paradigme adapté de précédents travaux visant
initialement à entraîner de jeunes adultes francophones afin qu'ils acquièrent une nouvelle
variante phonétique, non familière en langue maternelle, à savoir une occlusive initiale non