Chapitre III
Construction des ensembles de
nombres N,Zet Q
1 Construction de N
Dans cette section nous allons voir comment on peut ´etablir les propri´et´es essentielles
de N`a partir des axiomes introduits en 1889 par le math´ematicien Italien Giuseppe Peano
(1858-1932).
Axiomes de Peano - Il existe un ensemble N, une application sde Ndans Net un
´el´ement (not´e 0) de Ntels que :
(i) xN,yN, s(x) = s(y) =x=y,
(ii) 06∈ s(N),
(iii) (Axiome d’induction) Soit PN. Si Pv´erifie
½0P
xN, x P=s(x)P
Alors P=N.
D´efinitions - L’image s(x) d’un entier xpar l’application sest appel´ee le successeur de
x, et sest appel´ee l’application successeur.
Le symbole 1 d´esignera le nombre s(0).
Remarques - L’axiome (i) signifie que l’application sest injective et l’axiome (ii) exprime
que 0 n’est le successeur d’aucun entier. Quant `a l’axiome (iii), il traduit le principe de
r´ecurrence.
Un outil essentiel des d´emonstrations qui vont suivre est l’usage de suites d´efinies par
une relation de r´ecurrence. Le th´eor`eme suivant garantit la pertinence de leur d´efinition.
Th´eor`eme 1.1 Soient Eun ensemble non vide, fune application de Edans Eet aE.
Il existe une unique suite u:NEv´erifiant les deux conditions
½u(0) = a
nN, u(s(n)) = f(u(n)) .
47
48 CHAPITRE III. CONSTRUCTION DES ENSEMBLES DE NOMBRES N,ZET Q
Remarque - Pour les besoins des r´edactions de cette section, on utilise ici la notation
u(n) au lieu de unpour le terme de rang nde la suite : il est consid´er´e comme l’image de
l’´el´ement nde Npar l’application u.
Preuve - L’existence de la suite uest admise (la d´emonstration n’est pas tr`es difficile mais
fait appel `a la caract´erisation des applications comme graphes de relations binaires, non
rappel´ee dans ce cours).
On ´etablit donc seulement l’unicit´e. Soient deux suites uet u0satisfaisant
½u(0) = a
nN, u(s(n)) = f(u(n)) et ½u0(0) = a
nN, u0(s(n)) = f(u0(n)) .
Posons P={nN/ u(n) = u0(n)}. Cet ensemble v´erifie PNet 0 P(puisque
u(0) = u0(0) = a).
De plus si nP, on a
u(s(n)) = f(u(n)) = f(u0(n)) = u0(s(n)) ,
de sorte que s(n)P. On peut donc conclure grˆace `a l’axiome (iii) que P=N. Ainsi
pour tout nN,u(n) = u0(n), c’est-`a-dire u=u0.2
1.1 Construction de l’addition
Th´eor`eme 1.2 Il existe une application σ:µN×NN
(k, n)7→ k+n(appel´ee addition)
v´erifiant :
(1) kN,mN,nN,(k+m) + n=k+ (m+n) (l’addition est associative)
(2) kN,nN, k +n=n+k(l’addition est commutative)
(3) kN, k + 0 = 0 + k=k(0 est ´el´ement neutre)
(4) kN, k + 1 = s(k)
Preuve - Pour d´efinir l’application σ, on fixe un entier ket on applique le Th´eor`eme 1.1
avec E=N,f=set a=k.
Il existe donc une unique application sk:NNtelle que
(?)sk(0) = ket (??)nNsk(s(n)) = s(sk(n)) .
Cette construction ´etant valable pour tout kN, on peut poser pour tout (k, n)N×N:
k+n=sk(n).
On d´emontre d’abord la propri´et´e (4) en ´ecrivant pour kentier quelconque,
k+ 1 = sk(1) = sk(s(0)) = s(sk(0)) = s(k).
On d´emontre ensuite la propri´et´e (3).
On a d’une part pour tout kNla relation sk(0) = k, c’est-`a-dire k+ 0 = k.
D’autre part, consid´erons l’ensemble P={nN/ s0(n) = n}. On a 0 Ppuisque
s0(0) = 0. De plus, si nP,nv´erifie la relation s0(n) = n. On en tire grˆace `a (??) :
s0(s(n)) = s(s0(n)) = s(n),
1. CONSTRUCTION DE N49
de sorte que s(n)P. Par application de l’axiome (iii), il vient P=N, c’est-`a-dire
kN,0 + k=k .
Finalement la propri´et´e (3) est valide : 0 est ´el´ement neutre pour l’addition.
On ´etablit ensuite la propri´et´e (1). Pour cela on pose
P={nN/kN,mN,(k+m) + n=k+ (m+n)}.
L’entier 0 appartient `a P, puisque pour tout kNet tout mN, on a d’apr`es (3)
(k+m) + 0 = k+m=k+ (m+ 0) .
Soit nP. En remarquant que (k+m)+n=k+(m+n) peut s’´ecrire sk+m(n) = sk(m+n),
on peut ´ecrire
(k+m) + s(n) = sk+m(s(n)) (par d´efinition de σ)
=s(sk+m(n)) (d’apr`es (??))
=s(sk(m+n)) (par la remarque ci-dessus)
=sk(s(m+n)) (d’apr`es (??))
=sk(s(sm(n))) (par d´efinition de σ)
=sk(sm(s(n))) (d’apr`es (??))
=k+ (m+s(n)) (par d´efinition de σ).
Cela montre qu’alors s(n)P. L’axiome (iii) permet encore de conclure que P=N,
c’est-`a-dire que (1) est satisfaite : l’addition est associative .
On ne d´etaillera pas la preuve de la propri´et´e (2). Signalons seulement qu’elle r´esulte
aussi de l’axiome (iii). On applique d’abord cet axiome `a
P={nN/mN, s(m+n) = s(m) + n}
pour v´erifier que
mN,nN, s(m+n) = s(m) + n .
Puis on l’applique `a
P0={nN/kN, k +n=n+k}
pour obtenir (2). 2
1.2 Construction de la multiplication
Th´eor`eme 1.3 Il existe une application π:µN×NN
(k, n)7→ k.n (appel´ee multiplica-
tion) v´erifiant :
(1) kN,mN,nN,(k.m).n =k.(m.n) (la multiplication est associative)
(2) kN,nN, k.n =n.k (la multiplication est commutative)
(3) kN, k.1 = 1.k =k(1 est ´el´ement neutre)
(4) kN,mN,nN, k.(m+n) = k.m +k.n (la multiplication est distributive
(m+n).k =m.k +n.k par rapport `a l’addition)
(5) nN, n.0 = 0.n = 0 (0 est ´el´ement absorbant)
50 CHAPITRE III. CONSTRUCTION DES ENSEMBLES DE NOMBRES N,ZET Q
Preuve - La preuve repose sur des arguments analogues `a ceux utilis´es pour d´emontrer le
th´eor`eme 1.2.
Pour d´efinir l’application π, on fixe un entier ket on applique le Th´eor`eme 1.1 avec
E=N,f=sket a= 0.
Il existe donc une unique application pk:NNtelle que
()pk(0) = 0 et (∗∗)nN, pk(s(n)) = pk(n) + k .
Cette construction ´etant valable pour tout kN, on pose ensuite pour tout (k, n)N×N:
k.n =pk(n).
Les propri´et´es (1) `a (5) s’obtiennent ensuite en appliquant l’axiome (iii) `a des ensembles
Pconvenablement choisis. 2
1.3 Construction de la relation d’ordre
Le but est de retrouver la relation d’ordre usuelle sur les entiers naturels (not´ee ),
en la d´efinissant `a partir des notions introduites pr´ec´edemment.
On peut le faire par exemple en disant que pour net pentiers,
np⇒ ∃kN, p =n+k . (1)
On ´etablit ensuite les propri´et´es suivantes, en faisant un large usage de l’axiome d’induc-
tion (iii) (nous ne d´etaillerons pas les preuves ici).
Th´eor`eme 1.4 a) La relation d´efinie par (1) est une relation d’ordre : elle est
r´eflexive : nN, n n,
anti-sym´etrique : nN,pN,(np)(pn) =(n=p),
transitive : nN,pN,qN,(np)(pq) =(nq).
b) C’est une relation d’ordre total :nN,pN,(np)(pn).
c) Elle est compatible avec l’addition et la multiplication :
nN,pN,qNnp=n+qp+q ,
nN,pN,qNnp=n.q p.q .
d) Toute partie non vide de Nadmet un plus petit ´el´ement.
On montre de plus que lorsque np, l’entier kfigurant dans (1) est unique. On
l’appelle la diff´erence de pet net on note k=pn.
1.4 Diff´erentes formulations du principe de r´ecurrence
Soit Hnune propri´et´e d´ependant de l’entier n. On peut lui associer le sous-ensemble
Pde Nd´efini par
P={nN/Hnest vraie }.
L’axiome d’induction (le troisi`eme axiome de Peano) prend alors la forme du th´eor`eme
suivant.
2. RELATIONS D’ ´
EQUIVALENCES 51
Th´eor`eme 1.5 - Principe de r´
ecurrence (faible) - Supposons qu’une propri´et´e Hn
(d´ependant de nN) v´erifie :
(1) - il existe n0Ntel que Hn0est vraie,
(2) - pour tout nNtel que nn0, on a Hn=⇒ Hn+1.
Alors la propri´et´e Hnest vraie pour tout entier naturel nn0.
Preuve - Soit P={kN/Hn0+kest vraie}. On a PNet 0 P(d’apr`es (1)).
Par ailleurs, si kP, l’entier n=n0+kv´erifie nn0et Hnest vraie. Il r´esulte
de (2) que Hn+1 est vraie ´egalement, c’est-`a-dire (puisque (n0+k) + 1 = n0+ (k+ 1)),
k+ 1 P.
Finalement l’axiome d’induction permet d’affirmer que P=N, et donc que Hnest
vraie pour tout nn0(puisque nn0si et seulement si n=n0+kavec kN). 2
Remarques - Dans un raisonnement par r´ecurrence, la propri´et´e Hnest appel´ee l’hypoth`ese
de r´ecurrence, la preuve de (1) est appel´ee l’initialisation du raisonnement et on traduit
la propri´et´e (2) en disant que Hnest h´er´editaire.
On d´eduit de ce th´eor`eme les trois corollaires suivants (d´emontr´es en TD).
Corollaire 1.6 - Principe de r´
ecurrence (forte) - Supposons qu’une propri´et´e Hn
(d´ependant de nN) v´erifie :
(1) - il existe n0Ntel que Hn0est vraie,
(2) - pour tout nNtel que nn0, on a (Hn0∧ ··· ∧ Hn) =⇒ Hn+1.
Alors la propri´et´e Hnest vraie pour tout entier naturel nn0.
Corollaire 1.7 - Principe de r´
ecurrence (`
a deux termes) - Supposons qu’une
propri´et´e Hn(d´ependant de nN) v´erifie :
(1) - il existe n0Ntel que Hn0et Hn0+1 sont vraies,
(2) - pour tout nNtel que nn0+ 1, on a (Hn1∧ Hn) =⇒ Hn+1.
Alors la propri´et´e Hnest vraie pour tout entier naturel nn0.
Corollaire 1.8 - Principe de r´
ecurrence (finie) - Supposons qu’une propri´et´e Hn
(d´ependant de nN) v´erifie :
(1) - il existe n0Ntel que Hn0est vraie,
(2) - il existe un entier N > n0tel que : n∈ {n0, . . . , N 1},Hn=⇒ Hn+1.
Alors la propri´et´e Hnest vraie pour tout entier naturel n∈ {n0, . . . , N}.
2 Relations d’´equivalences
2.1 D´efinition
D´efinitions - a) Un ensemble E´etant donn´e, une relation binaire Rsur E×Eest
appel´ee une relation d’´equivalence si et seulement si elle est
r´eflexive : xE, xRx,
sym´etrique : xE, yE, xRy=yRx,
transitive : xE, yE, zE, (xRy)(yRz) =(xRz).
b) Soient Rune relation d’´equivalence sur un ensemble Eet xE. On appelle classe
d’´equivalence de xsuivant Rl’ensemble CR(x) = {yE / xRy}.
1 / 21 100%
La catégorie de ce document est-elle correcte?
Merci pour votre participation!

Faire une suggestion

Avez-vous trouvé des erreurs dans linterface ou les textes ? Ou savez-vous comment améliorer linterface utilisateur de StudyLib ? Nhésitez pas à envoyer vos suggestions. Cest très important pour nous !