Ergonomie au Québec Réaménager les unités P our mieux répondre au “virage ambulatoire” du système de santé du Québec, de nombreux hôpitaux construisent ou réaménagent leurs unités d’intervention d’un jour (1). « Dans le cadre de tels projets, l’ergonomie propose des méthodes pour s’assurer d’une meilleure prise en compte du travail lors de la conception des espaces de travail, explique Elise Ledoux, ergonome à l’ASSTSAS. Or, un réaménagement de service n’a de sens que s’il est directement lié à des choix de fonctionnement mûrement réfléchis pour celui-ci. » De nombreux aménagements d’unités et d’établissements ont été réalisés par des ergonomes de cet organisme paritaire, similaire aux services de prévention des risques professionnels des caisses Arrivée des patients Attente ➜ Temps de récupération d’un ergonome, fut créé. Réalisées dans l’unité, les observations de deux journées continues de travail furent complétées par des entretiens semi-dirigés. Des repères d’aménagement devaient être transmis à l’architecte. Ils ont été élaborés lors de séances de conception interactive impliquant l’ensemble du personnel de l’unité, l’ergonome et l’architecte. ➜ Accompagnement vers la salle d’attente ➜ Soins infirmiers postintervention de travail. » Seule l’analyse du travail réel pouvait permettre d’identifier les sources de variabilité et les situations difficiles à gérer. Cette approche ergonomique participative a alors permis de déterminer un projet de fonctionnement de l’unité, puis des spécifications spatiales. Elle a permis enfin d’effectuer une conception interactive des aménagements futurs. ➜ Soins infirmiers préparatoires ➜ Transport vers le lieu d'intervention ➜ Retour vers les unités de soins ➜ Intervention ➜ ➜ L’architecture des services hospitaliers est souvent conçue et réalisée en méconnaissant l’activité de soins que l’on y pratique. Au Québec, les ergonomes de l’ASSTSAS sont parvenus à transformer les recommandations architecturales des hôpitaux. Ils participent à la construction ou au réaménagement de 400 établissements de santé. Le circuit d'un patient dans l'unité de chirurgie d'un jour. Départ d’assurance maladie. Parmi ceuxci, c’est le réaménagement d’une unité d’intervention d’un jour de l’Institut de cardiologie de Montréal qui fut présenté à la 4e Conférence internationale sur la santé au travail des travailleurs de la santé, à Montréal (2). Une méthode participative Un groupe de travail, composé d’une infirmière, d’un préposé, d’un commis, d’un architecte et 6 Prendre en compte le travail réel « Le fonctionnement des unités d’intervention d’un jour se caractérise par les nombreux arrivées et départs des usagers, ainsi que par les déplacements du personnel pour accueillir, orienter et offrir les soins à ces derniers, explique Benoît Béland, de l’Institut de cardiologie de Montréal. Cette particularité est déterminante pour l’aménagement fonctionnel des espaces Observations, constats et analyses « Dans cette unité, 80 % des patients restent moins de 24 heures, précise Elise Ledoux. Les autres y demeurent de 24 à 48 heures. Pour s’occuper d’eux, l’équipe compte huit infirmières et deux préposés. » Dans ce cadre, l’architecture future de l’unité doit tenir compte des besoins comme du “circuit” qu’effectuent les patients dans l’unité, mais aussi du “travail réel” des soignants. « Dans cette unité, la personne à l’accueil déploie une activité de régulation très importante des déplacements des usagers, de leurs accompagnateurs et du personnel infirmier, explique Elise Ledoux. Elle avertit de l’arrivée du client. » Il faut aussi tenir compte du fait que les patients sont transportés par les brancardiers, et ramenés par eux après l’intervention. « Les observations démontrent aussi que les infirmières déploient des stratégies de surveillance des patients au retour du bloc opératoire, poursuit-elle. Or, cette fonction cruciale est facilitée si le matériel dont elles ont besoin est localisé dans les salles d’observation. » Pendant les périodes de récupération des patients, les infirmières réalisent un certain nombre de tâches si la surveillance reste possible. Enfin, le personnel doit souvent aider les patients à se rhabiller. Choix de fonctionnement Le projet de conception ou de réaménagement architectural d’une unité doit s’appuyer sur des choix de fonctionnement discutés, dont certains peuvent être simulés sur plans ou maquette. Parmi ces choix pour cette unité, citons : • l’emplacement de l’unité par rapport au lieu d’intervention ; • l’emplacement de la clinique de pré-admission ; • l’accompagnement des usagers (souhaite-t-on que les accompagnants entrent dans l’unité ?) ; • les modalités d’accueil des patients et des accompagnants ; • le choix ou non d’un regroupement des civières en une ou plusieurs salles d’observation (3). Choix d’architecture et de matériels Les choix retenus sont : • la décentralisation des postes in- firmiers et des salles d’observation ; • la possibilité pour les accompagnants de suivre les patients, impliquant de concevoir un salon des accompagnants dans l’unité ; • l’attribution, dans la salle d’observation, d’un espace de dégagement suffisant pour manipuler les civières : 1,50 m de part et d’autre, et 1,80 m au bout de la civière ; • l’attribution, à côté des civières, d’un espace de rangements pour la literie comme pour différents soins est prévu ; • l’option de minipostes infirmiers décentralisés, dans lesquels il a été prévu de regrouper tous les matériels nécessaires ; • l’option de chambres à quatre lits pour les courts séjours, localisées en face des salles d’observation, réduisant ainsi la longueur du service, afin de diminuer les temps de déplacement ; • l’utilisation de civières à hauteur variable, pour permettre de passer facilement le patient de la civière au lit, et munies d’une cinquième roue, pour réduire l’effort nécessaire dans les déplacements ; • l’usage de la civière-chaise, plus large que la civière habituelle et transformable, qui peut faciliter le transport. Ces analyses ergonomiques ont permis de dégager de nombreux repères d’aménagement. « Ils ont concerné la localisation des différents locaux dans l’unité et la conception du poste d’accueil, des aires de circulation, des salles d’observation, des réserves et des utilités souillées, souligne Benoît Béland. Avant le réaménagement, les relations médecins-infirmières se faisaient dans la salle d’observation, ajoute Elise Ledoux. Nous avons prévu un local à l’écart. » Il s’agit donc d’une sorte de local pour les discussions entre soignants destiné à faciliter les mises au point sur l’évolution de l’état des patients. « Par ailleurs, si le malade ne sort pas le jour même, dit-elle, nous souhaitions privilégier le fait que l’accompagnant puisse passer une nuit dans l’unité s’il le souhaitait. Nous avons prévu pour cela un lieu aménagé. » Post-évaluation Deux ans après l’ouverture du nouveau service, une évaluation du résultat permet de constater : • un taux de satisfaction élevé des soignants ; • une diminution du nombre et de la durée des déplacements ; • une diminution du temps de recherche des patients ; • une diminution des efforts à fournir lors des transports et transferts de patients. Aucun accident du travail, enfin, n’a été constaté depuis deux ans dans cette nouvelle unité. Ainsi, l’analyse du travail des soignants a permis d’effectuer des choix en matière de fonctionnement et d’aménagement des espaces. En effet, le travail interactif entre l’équipe, l’ergonome et les architectes favorise une meilleure prise en compte des exigences dans les projets d’aménagement des espaces de travail. Marc Blin (1) L’unité devait s’appeler “unité d’intervention d’un jour” ou bien “unité de court séjour”. “Le terme chirurgie d’un jour n’est pas tout à fait exact, puisque plusieurs interventions réalisées sont des interventions diagnostiques et quelquesunes sont thérapeutiques, nous a expliqué Elise Ledoux. De véritables chirurgies cardiaques nécessitent une durée de séjour beaucoup plus longue.” (2) 4e Conférence internationale sur la santé au travail des travailleurs de santé de la CIST, 28 septembre - 1er octobre 1999, Montréal. (3) Il s’agit d’une salle d’observation plutôt que d’une salle de réveil, puisque plusieurs interventions ne nécessitent pas des anesthésies générales. 7